L’apologétique, telle que nous l’avons définie dans notre précédent volume, est la vérification devant les facultés naturelles de l’homme du fait chrétien considéré dans ses éléments nécessaires au salut de l’humanité et de l’individu.
Le mot apologétique, dont l’origine, assez récente, remonte à Planck (1794)d, s’est opposé tout d’abord au mot apologie, comme la désignation de la théorie à l’exécution. L’apologétique, rigoureusement parlant, serait définie : la science de la vérification du christianisme, tandis que l’apologie serait cette vérification elle-même. L’usage courant a réuni ces deux acceptions sous le terme commun d’apologétique, qui a pris à peu près complètement dans le langage scientifique la place de son aîné, et s’il reste une différence d’emploi entre l’un et l’autre, elle consiste en ce que le mot apologie s’entendra d’une manière générale de la défense de tel ou tel point particulier de la vérité chrétienne, tandis que l’on désignera plutôt par apologétique la démonstration complète et scientifique du christianismee.
d – Voir Herzog’s Encylopadie, 2te Aufl., tome I, page 538.
e – C’est à peu près l’opinion de M. Viguié exprimée en tête de son Histoire de l’apologétique dans l’Eglise réformée française, « En donnant à ma pensée toute sa rigueur, je dirai que l’apologétique est à l’apologie comme le scientifique est au populaire ou l’universel au fragmentaire ; » page 20.
Le mot apologie, apologétique, vient du grec ἀπολογία qui se rencontre sept fois dans le N. T., tantôt dans le sens d’une défense personnelle, soit juridique (Actes 22.1 ; 25.16 ; 2 Timothée 4.16), soit officieuse (1 Corinthiens 9.3 ; 2 Corinthiens 7.14) ; tantôt dans l’acception que ce mot reçoit ici d’apologie de l’évangile lui-même (Philippiens 1.7.17 ; 1 Pierre 3.15).
Mais s’il est vrai que toute défense suppose l’attaque, l’apologétique suppose l’hostilité dans le milieu où le fait chrétien se manifeste ; la présence ou du moins la possibilité du doute chez ceux-là même qui l’ont accepté dans leur cœur ; et nous avons le droit de dire dès lors que la nécessité de l’apologie du christianisme est née avec le christianisme lui-même, et résultait des conditions dans lesquelles il a voulu se présenter au monde. Dès sa première apparition l’esprit prophétique a reconnu dans la personne de Jésus-Christ un sujet futur et prochain de contestation ; un signe auquel on contredirait (Luc 2.34-35) ; et tel fut l’effet de sa personne, tel fut aussi, et dès le principe, celui de sa cause. Et comme l’hostilité n’a point désarmé, que le doute à l’égard des affirmations capitales du christianisme est toujours prêt à renaître des arguments même qui y avaient été victorieusement, semblait-il, opposés, l’apologétique accuse sa nécessité aujourd’hui autant que jamais.
Toutefois cette nécessité même cessera un jour avec le péril. Le moment viendra où tous étant convaincus et vaincus, sinon convertis, par l’évidence de la vérité, la défense du christianisme n’aura plus sa raison d’être ; c’est l’événement prédit par l’apôtre Paul, Philippiens 2.10-11.
Nous disons que l’apologétique est nécessaire durant toute l’économie actuelle, du moment de l’apparition de Christ sur la terre, en faiblesse et en opprobre, jusqu’à celui de son retour en puissance et en gloire ; et c’est dans toute cette période que se vérifie le mot de Pascal : « Il y a assez de clarté pour éclairer les élus (disons seulement les cœurs droits), et assez d’obscurité pour les humilier. Il y a assez d’obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusablesf. »
f – Pensées de Pascal.
Ce caractère de la vérité religieuse et morale qui tour à tour et même tout à la fois se révèle et se cache, s’affirme dans tous les ordres de la création.
Dans la nature tout d’abord, l’immutabilité apparente des cours, les enchaînements de causes et d’effets autant que la contrariété ou l’inutilité de certains effets, la présence et le jeu, régulier ou non, de forces qui paraissent inhérentes à la matière, offusquent l’intelligence prévenue du naturaliste positiviste, et l’induisent, avec quelque apparence de raison, si d’ailleurs le penchant de son cœur l’y porte, à confondre la cause première avec les causes secondes, seules offertes à ses perceptions ; à identifier l’intelligence suprême et libre avec les lois qu’il croit avoir formulées. Et quand la révélation naturelle serait aussi logiquement évidente qu’elle l’est peu, le naturaliste dont je parle, plus éclairé peut-être, n’en serait que plus coupable dans son opposition à la vérité.
« Ainsi vivent les hommes, a écrit Fénelon. Tout leur présente Dieu, et ils ne le voient nulle part. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui et cependant le monde ne l’a point connu. Ils passent leur vie sans avoir aperçu cette représentation si sensible de la Divinité, tant la fascination du monde obscurcit leurs yeux. Souvent même ils ne veulent pas les ouvrir, et ils affectent de les tenir fermés. Enfin ce qui devrait le plus servir à leur ouvrir les yeux ne sert qu’à les leur fermer davantage, je veux dire la constance et la régularité des mouvements que la suprême sagesse a mis dans l’univers.
Saint Augustin dit que ces merveilles se sont avilies par leur répétition annuelle. Cicéron parle précisément de même. A force de voir tous les jours les mêmes choses, l’esprit s’y accoutume aussi bien que les yeux. Il n’admire ni n’ose se mettre en aucune manière en peine de chercher la cause des effets qu’il voit toujours arriver de la même sorte, comme si c’était la nouveauté et non pas la grandeur de la chose même qui dût nous porter à faire cette rechercheg. »
g – Traité de l’existence et des attributs de Dieu, chap. I.
Il y aura donc, dans la nature, suffisamment de clarté pour m’y faire reconnaître, si j’en suis digne, les choses invisibles, la puissance éternelle et la divinité (Romains 1.20) ; et suffisamment d’obscurité, d’incohérences et de contrariétés pour fournir un prétexte de négation ou de doute aux cœurs athées ou indifférents.
Les révélations historiques ont présenté, disons-nous, le même caractère. Celui qui fut la Parole de Dieu faite chair n’a pas été reconnu de la plupart de ses contemporains, témoins de ses œuvres et auditeurs de ses paroles. Si Jésus-Christ eût cédé à la tentation du diable qui l’invitait à revêtir une forme divine adéquate à son essence, ou s’il eut accédé à la demande qui lui fut faite plusieurs fois de faire des miracles dans le ciel, qu’il fût descendu du haut des créneaux du temple, ou qu’à l’invitation de ses bourreaux il fût descendu de la croix, ou enfin qu’il fût ressuscité en plein jour, en plein Jérusalem, pour apparaître en plein Sanhédrin, sans doute qu’il eût été acclamé comme le Fils de Dieu et le Messie par tout le monde. Il a suivi la marche contraire à celle qui paraissait si raisonnable et si simple à ses adversaires, et qui nous eût paru à nous-mêmes si efficace pour les confondre. Il s’en est expliqué plusieurs fois, et en particulier, lorsqu’il disait des Juifs : Ils ne se convertiraient pas davantage, quand un des morts ressusciterait (Luc 16.31) ; c’est-à-dire que réduits au silence par une apparition aussi éclatante, ils n’en seraient pas devenus meilleurs, plus pieux, plus fidèles, plus obéissants à la parole de Dieu. A ceux qui lui demandaient des signes dans le ciel, il répond avec une sainte ironie en leur en offrant deux : l’un dans le sein de la mer, l’autre dans le sein de la terre (Matthieu 12.39 ; Luc 11.29). Et non seulement Jésus a dédaigné les moyens de défense qui eussent paru les plus convaincants à tout le monde, mais il n’a pas craint de provoquer le doute chez ses partisans eux-mêmes par des façons d’agir que lui-même a reconnues de nature à scandaliser les meilleurs (Luc 7.23).
Si tel a été le caractère des révélations divines, et le mode selon lequel elles se sont fait valoir dans le monde, nous ne nous étonnerons point qu’elles aient rencontré des sceptiques et aient suscité des adversaires. Cet effet était dès longtemps prédit : « Eternel, qui a cru à notre prédication ? » Il y aura des raisons de ne pas croire : « Il est monté comme un rejeton devant lui…, il n’y a en lui ni forme ni apparence…, il est le méprisé et le dernier des hommes » (Ésaïe 53.2-3) ; et il y aura aussi des raisons de croire : « On avait ordonné son sépulcre avec les méchants, mais il a été avec le juste en sa mort » (v. 9).
Et comme si ce n’était pas assez que la vérité se révèle au petit nombre seulement, il a été prédit qu’elle se refuserait à la multitude (Ésaïe 6.9-10), et l’événement n’a que trop vérifié cette sentence prophétique. A l’époque même où il importait le plus que la révélation rencontrât libre carrière, il s’est trouvé que l’incrédulité qu’elle a suscitée chez plusieurs, indignes d’ailleurs d’avance de la reconnaître et de la recevoir, n’était pas permise seulement, mais voulue de Dieu et fatale (Luc 8.10 ; 10.21).
On peut se demander la raison d’un procédé aussi contraire à toutes les analogies humaines, et propre à faire suspecter, en même temps que la sagesse de Dieu, sa miséricorde elle-même.
Nous répondons qu’il y allait ici à la fois de la dignité de la vérité et de celle de la nature humaine.
Il y allait de la dignité de la vérité à ne pas s’exposer à être traitée par ses adversaires comme une formule algébrique issue d’une équation, ou à être livrée comme un prodige vulgaire aux appétits grossiers des indifférents.
Il y allait de ma propre dignité, ai-je dit en second lieu, à ce que ma liberté morale, ma liberté de choix ne fût pas confisquée par une surprise des sens, ni par l’évidence d’un syllogisme. Car alors deux cas eussent pu se présenter : ou bien, renonçant à maintenir mon opposition à la vérité en face d’un désaveu éclatant donné à ma volonté par mon intelligence, j’eusse adhéré à la vérité, oui, mais dans le silence, par peur ou par impuissance ; j’eusse été convaincu sans être persuadé ; vaincu et convaincu sans être converti ; je n’eusse accepté la vérité, pour ainsi dire, que sous la catégorie du vrai et non sous celle du bien ; c’est-à-dire que je n’eusse reçu de la vérité que l’attribut et non pas l’essence. La vérité s’imposant à moi et faisant taire toutes mes objections et tous mes doutes, me rendait son esclave et non pas son enfant. Or l’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ; la soumission de l’esclave est toujours hypocrite, parce que contrainte ; seule l’obéissance filiale a une valeur morale, parce que seule elle est pénétrée d’amour et de respect.
Ou bien, et c’est ici la seconde alternative que nous avons indiquée : la vérité soudain révélée et reconnue dans sa plénitude et son entière évidence, eût été repoussée en une fois, comme telle et tout entière ; en s’imposant violemment et subitement à la volonté humaine, elle eût produit de sa part aussi une réaction subite et irrévocable ; elle eût fait de l’homme convaincu tout à coup, mais révolté, un démon et un damné. Eclairé de tous les rayons à la fois, et ayant à choisir entre une soumission hypocrite dans le silence de la peur et l’opposition ouverte, l’homme eût pu se jeter subitement dans l’endurcissement, dans l’impénitence finale.
Dans un cas comme dans l’autre, soit que l’homme se fût soumis, ou qu’il se fût insurgé, en se redressant contre le bien et la vérité de toute la hauteur de sa qualité d’être libre, les phases intermédiaires du développement moral, dans lesquelles se débattent les raisons pour et contre et se balancent les chances favorables ou défavorables, auraient été supprimées, et la partie engagée en une fois eût été perdue en un seul acte ou gagnée par la violence.
Il résulte de ce qui précède que les conditions de la défense du christianisme, ou, dirions-nous, les moyens apologétiques devaient varier dans le cours des âges avec les formes de l’attaque elle-même.
Aux raisons de ne pas croire que les adversaires pouvaient alléguer du temps de Jésus-Christ, en ont succédé d’autres se présentant sous des espèces variées, mais se rattachant au fond à ces deux types principaux : l’Evangile scandale et l’Evangile folie ; c’est-à-dire contrariant tour à tour la conscience faussée et la raison égarée de l’homme. Le judaïsme a fait ses objections ; la philosophie païenne a fait les siennes ; le matérialisme et l’ultra-spiritualisme ont fait les leurs à leur tour. Au déisme a succédé le panthéisme ; à l’intellectualisme, le légalisme et le moralisme dans la grande lice des adversaires. Ceux-ci tantôt déclarent la guerre ouverte au christianisme comme tel, et s’écrient : Ecrasons l’infâme ! tantôt ornent la victime pour la faire périr sous les fleurs. C’est ainsi que le voltairianisme, aujourd’hui vieilli, s’est vu remplacer par le panthéisme qui noie toutes les oppositions et tous les contrastes dans un syncrétisme sentimental, et a remplacé l’accusation, percée à jour, de fraude consciente et volontaire par l’hypothèse beaucoup plus redoutable des mythes et des hallucinations. Et l’ancien panthéisme à son tour, spinosiste ou hégélien, pesant, dogmatique et autoritaire, est en train de céder la place au renanisme, qui est fait de « dédain transcendant » à l’égard de tous les ismes, c’est-à-dire de tout énoncé d’une affirmation ou d’une négation, et finit par mettre en doute son doute même.
Mais à ces formes diverses de l’offensive, ont répondu des formes diverses aussi et, osons-nous dire, perfectionnées de la défense. Celle-ci a plus d’une fois déjà renouvelé ses armes, à telles enseignes que plusieurs de celles qui avaient paru victorieuses jadis et l’avaient été peut-être, sont décidément tombées hors de service aujourd’hui. Tel le lutteur qui, le regard sans cesse fixé sur les mouvements prévus ou imprévus de l’adversaire, concentre tous ses efforts sur le point précis à protéger, et règle d’après les péripéties d’instant en instant changeantes de l’attaque, son attitude et ses mouvements. On peut dire que ce sont les efforts de l’incrédulité qui ont de tout temps excité l’Eglise à s’approprier d’une manière toujours plus complète le contenu du christianisme primitif, dont aucune des générations subséquentes n’avait pu embrasser simultanément et retenir harmoniquement toutes les parties. L’incrédulité d’une part, les sectes ou les hérésies de l’autre, ont rendu à la science chrétienne l’immense service de la maintenir constamment en haleine, en la rendant toujours plus attentive aux défauts de sa cuirasse, aux lacunes ou aux exagérations qui lui avaient été jusqu’alors pardonnées. Disons que par son avènement, chaque adversaire, incrédule, hérétique ou sectaire, a servi à rendre hommage à la partie de la vérité momentanément négligée ou méconnue par l’Eglise, et par sa chute, à toutes les autres. C’est ordinairement de réactions en réactions que se poursuit, dans cette économie où règne le péché, le progrès du royaume de Dieu sur la terre ; c’est à travers les luttes et les défaites partielles que l’Eglise et la science chrétienne sont incessamment ramenées dans cette voie moyenne entre les extrêmes, qui n’est d’ailleurs qu’un chemin de retour aux origines.
Il y a donc une histoire de l’apologie de la foi chrétienne comme il y a une histoire de l’incrédulité, et l’une comme l’autre renferme un élément permanent, universel et invariable : l’opposition foncière du cœur naturel de l’homme à la vérité, d’un côté ; les droits imprescriptibles de la vérité, de l’autre. Mais toute apologétique apparaissant dans un lieu et à un moment déterminés participera inévitablement du caractère particulier et temporaire des objections qui l’ont provoquée, et soit par la forme soit par le fond, sera en partie un écrit de circonstance.
Tel ne paraît pas être l’avis de M. Viguié, qui écarte cette notion défectueuse, selon lui, de l’apologétique, « qui fait de cette science essentiellement une défense contre des ennemis déterminés ou un antidote contre une certaine incrédulité, et qui lui confère ainsi un caractère temporaire et fragmentaire. L’apologétique naîtrait alors du dehors, des circonstances et de l’état des esprits, au lieu de procéder du dedans, des profondeurs de la conscience, et d’être vraiment universelle. Nous ne nierons pas le bien qu’ont pu produire ces défenses partielles de la vérité, mais « on peut concevoir un autre genre d’apologie. Celle-ci n’attendrait pas la provocation, elle provoquerait ; elle n’aurait pas égard au besoin d’un siècle, mais au besoin de tous les temps ; elle n’attaquerait pas une espèce d’incrédulité, mais ayant exhumé du fond de l’âme humaine le principe de toutes les incrédulités, elle les envelopperait toutes, elle devancerait celles qui sont à naître, elle préparerait une réponse à des objections qui n’ont pas encore été prononcées ; pour cela on la verrait peut-être pénétrer plus avant dans le doute que les plus hardis douteurs, creuser sous l’abîme qu’ils ont creusé, se faire incrédule à son tour, d’une incrédulité plus déterminée et plus profonde, en un mot, ouvrir, élargir la plaie, dans l’espérance d’atteindre le germe du mal et de l’extirper. Ce genre d’apologie est tellement à part qu’elle demande un autre nom : la religion ne se présente pas en avocat, mais en juge ; la robe de deuil du suppliant fait place à la toge du préteur ; l’apologie n’est plus justification seulement, mais éloge, hommage, adoration, et le monument qu’elle élève n’est pas une citadelle, mais un temple. » Cette page, une des plus belles de Vinet sur Pascal, exprime éloquemment le but de l’apologétique moderneh. »
h – Histoire de l’apologétique, pages 13 et 14.
Il ne fait certes pas bon paraître en désaccord avec Pascal et Vinet. Nous n’en persistons pas moins à croire que l’on ne fait pas, que l’on n’a jamais fait d’apologétique pour en faire ; que toute apologie du christianisme, vraie, vivante et sérieuse, est issue d’une provocation, et a porté dès lors inévitablement l’empreinte du moment et des circonstances ; qu’il ne serait pas même désirable qu’il en fût autrement ; que tous les vrais chefs-d’œuvre, dans tous les genres de littérature, ont été en partie des écrits de circonstance, appelés et vivifiés par les besoins du moment ; que c’est ce contact avec l’actualité qui les a rendus immortels, et que les Pensées de Pascal n’ont point échappé à cette condition d’existence et de succès.
Mais quelle que soit la valeur intrinsèque des arguments auxquels l’apologétique a eu recours dans les siècles passés pour établir scientifiquement l’objet de la foi chrétienne, et tout en admettant qu’elle a plus d’une fois et trop souvent surfait ses forces et méconnu ses limites, nous pouvons sans témérité affirmer que sur le tout elle ne s’est pas montrée trop inférieure à sa tâche, puisque la foi chrétienne demeure aujourd’hui aussi active, aussi vivace, aussi entreprenante que jamais, et non moins consciente de ses avantages et des bases sur lesquelles elle repose. Et si l’on nous disait que cet effet est dû moins à l’activité scientifique qu’à l’activité pratique de l’Eglise, moins aux arguments articulés qu’à l’expansion de sa vie, nous répondrions que les époques les plus vivantes ont aussi été celles qui ont le plus pensé, et que les luttes engagées par l’Eglise avec les puissances du inonde se sont poursuivies à la fois par la parole et par la plume. C’est que si la foi ne se prouve pas plus que tout autre fait, pas plus que le mouvement, pas plus que la vie, l’incrédulité qui nie le fait, le mouvement et la vie, qui conteste la réalité du christianisme au nom de la raison, qui prétend que le christianisme n’est pas parce qu’il ne saurait être, a pu être, sur ce terrain du moins, toujours de nouveau réfutée.
Pour nous rendre compte de la forme que doit revêtir l’apologie du christianisme dans le temps actuel et nous amener vers les raisons les plus propres à le faire prévaloir sur les raisons qui lui sont opposées, il convient de donner un aperçu de l’histoire de cette science dès les temps primitifs jusqu’à aujourd’hui.