Le feu du réveil

I. LES REVEILS SUPERFICIELS

Depuis au moins dix ans, j’ai observé que les réveils sont progressivement devenus de plus en plus superficiels. Une multitude d’autres observateurs sont parvenus à la même conclusion. Tous les phénomènes qui accompagnent les réveils actuels en témoignent comme d’un fait général. Il y a beaucoup moins de conviction profonde de péché et de brisement profond du coeur, beaucoup moins d’humilité véritable, et beaucoup moins de puissance dans toutes les grâces manifestées dans la vie de ceux qui se sont convertis au cours des derniers réveils. Ce n’était pas le cas de ceux qui se sont convertis lors des réveils survenus en 1830, 1831, et un certain temps auparavant. J’ai observé, comme d’autres l’ont fait, que les réveils avaient une durée beaucoup plus courte, et qu’ils provoquaient une réaction beaucoup plus soudaine et désastreuse qu’auparavant. J’ai noté également qu’un nombre plus faible de convertis devenaient des chrétiens stables et efficaces. Quant à ceux qui persévèrent, ils semblent être moins remplis de l’Esprit de Christ que lors des réveils précédents. Ils n’ont pas autant l’esprit de prière, ils ne sont pas aussi modestes ni aussi humbles. Bref, si j’en juge par ma propre expérience et les observations d’autres témoins, tous les phénomènes accompagnant les réveils les plus récents ont revêtu un caractère bien moins souhaitable qu’auparavant. Je considère ce propos comme modéré.

Au cours des réveils actuels, les chrétiens sont bien moins spirituels, moins persévérants dans la prière, moins profondément humiliés et vivifiés, et moins puissamment baptisés dans le Saint- Esprit qu’auparavant. Je suppose que ces observations ne doivent pas être appliquées à l’ensemble des réveils, mais je crois qu’on peut les appliquer à la grande majorité d’entre eux. Je crois que les serviteurs de Dieu ne sont pas aussi désireux qu’auparavant de voir des réveils se produire dans leurs Eglises, et qu’ils n’ont pas d’aussi bonnes raisons de l’être. Quant aux serviteurs de Dieu qui n’ont connu que les réveils récents, ils en sont presque venus à craindre les réveils. Ils ont tellement vu les effets désastreux des réveils modernes qu’ils se demandent honnêtement s’il est finalement désirable d’avoir un réveil. Ceux qui ont assisté aux réveils d’il y a dix ou vingt ans préfèrent nettement les réveils de ce type. Ils sont affligés du caractère superficiel de beaucoup de réveils récents. Je fais là une remarque générale et non universelle, et n’exprime que mon opinion personnelle. J’ai souvent entendu des serviteurs de Dieu et des chrétiens dire: ‘Nous languissons de voir revenir le jour où nous verrons des réveils comme ceux que nous avons eus il y a des années!’ J’ai très attentivement observé l’évolution des choses. J’ai recherché avec le maximum de soin et de prière quelles étaient les causes de ce déclin. Si mes informations sont bonnes, et si j’ai bien compris la situation, j’énoncerai déjà les causes suivantes:

1. On sonde aujourd’hui beaucoup moins profondément le coeur humain. On n’expose pas de manière complète la dépravation de la nature humaine. On constate généralement que les pécheurs impénitents n’ont manifesté ces dernières années qu’une opposition très faible aux réveils. Ceci m’a été confirmé par un frère qui a exercé longtemps le ministère d’évangéliste. Je ne crois pas que les pensées charnelles des hommes ne soient plus en conflit avec Dieu. Mais je crains que l’on n’ait pas complètement mis en lumière dans les coeurs les raisons profondes de ce conflit. Je crains que l’on ne mette pas entièrement à nu l’indescriptible dépravation du coeur humain, comme on le faisait auparavant. On prêche bien quelques sermons dans chaque réveil sur le thème de la dépravation morale. Mais je crains que cela ne soit aucunement le grand thème de la prédication. Cela devrait l’être, si l’on veut profondément labourer la jachère du coeur du pécheur comme de celui du chrétien. D’après ma propre expérience et mes observations, comme d’après la Parole de Dieu, je suis pleinement convaincu que la nature des réveils dépend beaucoup de l’accent placé sur la dépravation du coeur humain. Son orgueil, son inimitié contre Dieu, son caractère tortueux, et tout ce que Dieu trouve haïssable, doivent être exposés à la lumière de Sa loi parfaite.

2. Je crains que l’accent ne soit pas assez placé sur l’horrible culpabilité entraînée par cette dépravation. On ne fait pas assez d’efforts, par des messages clairs et tranchants, pour montrer au pécheur que son coeur est irrémédiablement corrompu et coupable, et qu’il est inexcusable. Aucun réveil ne sera véritablement profond tant que les pécheurs et les chrétiens rétrogrades n’auront pas été sondés et mortifiés à un point tel qu’ils seront incapables de garder la tête haute. Tant que des pécheurs et des chrétiens rétrogrades pourront assister à des réunions de réveil en gardant la tête haute et en vous regardant en face sans être rouges de confusion, je suis absolument convaincu que l’on aura la preuve qu’une inspection minutieuse des coeurs n’a nullement été faite. Ceux-ci ne sont nullement prêts à être entièrement brisés devant Dieu et à se convertir. Je souhaite tout particulièrement attirer l’attention de mes frères sur ce fait. Quand des pécheurs et des chrétiens rétrogrades sont réellement convaincus de péché par le Saint-Esprit, ils ont profondément honte d’eux mêmes. Tant qu’ils ne manifestent pas une profonde honte, on doit savoir que leurs coeurs n’ont pas été suffisamment sondés, et qu’ils ne se voient pas eux-mêmes comme ils devraient se voir. Quand je me rends à une réunion où les coeurs doivent être sondés, et que je parcours du regard la foule, si je vois les assistants ayant la tête haute, me regardant et se regardant les uns les autres, je comprends tout de suite ce qui me reste à faire. Au lieu de les presser immédiatement à venir à Christ, je dois m’efforcer de les convaincre de péché. En général, il suffit à un serviteur de Dieu de regarder la foule pour savoir qui est convaincu de péché et qui ne l’est pas, et qui est assez profondément convaincu de péché pour être prêt à recevoir Christ.

Certains parcourent la salle du regard, et ne manifestent aucune honte. D’autres ne peuvent pas vous regarder en face, mais peuvent encore garder la tête haute. D’autres encore ne peuvent plus garder la tête haute, mais restent silencieux. D’autres enfin, par leurs sanglots, leurs profonds soupirs, et l’agonie qu’ils traversent, révèlent immédiatement que l’épée de l’Esprit les a touchés au plus profond de leur coeur. J’ai appris qu’un réveil ne prend jamais une direction désirable et convenable, tant que la prédication et les moyens utilisés ne tendent pas tous à produire cette véritable et profonde conviction de péché. C’est cette conviction qui brise complètement le pécheur et le chrétien rétrograde, et qui produit en eux une honte et une confusion indescriptibles devant le Seigneur. Ils sont alors totalement dépouillés de toute excuse, et acceptent entièrement de se condamner eux-mêmes en donnant raison à Dieu.

3. Je pense que l’on ne souligne pas assez en général l’action nécessaire de Dieu dans le coeur des chrétiens et des pécheurs. Je sais que je me suis moi-même quelquefois trompé à ce sujet. Dans le désir de déloger les pécheurs et les rétrogrades des refuges où ils pouvaient continuer à se justifier, j’ai moi-même, comme d’autres l’ont fait, trop insisté sur les efforts personnels que devaient accomplir les pécheurs. J’aurais plutôt dû leur montrer à quel point ils dépendaient de la grâce de Dieu et de l’influence de Son Esprit. Ceci a attristé l’Esprit du Seigneur. Il S’est donc abstenu d’agir, parce que Son oeuvre n’a pas été honorée ni suffisamment mise en avant. Il n’a donc pas pu être glorifié pour Son action. Dans le même temps, des multitudes ont été surexcitées par l’emploi de toutes sortes de moyens destinés à provoquer une excitation. Elles ont conçu des espérances, mais sans jamais connaître la nécessité de la présence et de l’action puissante du Saint-Esprit. Inutile de dire que de telles espérances sont plus faciles à rejeter qu’à conserver! Il serait étonnant, en réalité, que l’on puisse mener une vie chrétienne en se fondant sur une expérience avec laquelle le Saint-Esprit n’aurait manifestement rien à voir.

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