L’histoire ne peut tracer de saint Clément qu’une maigre notice à l’aide de rares témoignages et qu’un portrait un peu pâle en demandant à l’épître aux Corinthiens quelques traits de sa physionomie morale.
Saint Clément fut l’un des premiers évêques de Rome après saint Pierre, tous les anciens catalogues en font foi ; mais on sait qu’il règne un peu d’incertitude sur le rang qu’il convient d’assigner aux premiers successeurs de l’apôtre.
La tradition qui mérite le plus de confiance pour l’ancienneté et la valeur de ses témoins, fournit l’ordre suivant de succession épiscopale : Pierre, Lin, Anaclet et Clément. Elle se fonde sur un récit très précis de saint Irénée qui avait séjourné à Rome du temps du pape Éleuthère et qui s’était enquis de la succession dont il tire argument dans sa réfutation des hérésies : « Ayant donc fondé et édifié l’Église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l’épiscopat. C’est ce Lin que Paul rappelle dans ses lettres à Timothée. Il eut Anaclet pour successeur. Après Anaclet, le troisième après les apôtres, Clément obtient l’épiscopat… » (Adversus hæreses, III, 3, 3).
Hégésippe qui avait également visité les églises principales avec la préoccupation d’en relever les successions épiscopales s’exprime ainsi. « A Rome où je fus, j’ai établi une succession jusqu’à Anicet dont Éleuthère était diacre. » (Eus. H. E. IV, 22, 3) Or ce sont les récits d’Hégésippe aussi bien que ceux d’Irénée, qu’Eusèbe a sous les yeux quand à plusieurs reprises il affirme comme une chose non douteuse que « Clément fut le troisième évêque des Romains » (H. E. III. 4, 9, et que même il essaye de fixer la chronologie, en accordant douze ans à l’épiscopat de Lin (de 68 ou 69 à 80 ou 81, H. E. III, 13) et douze ans à celui d’Anaclet (de 80 ou 81 à 92 ou 93, H. E. III, 15), ce qui placerait l’épiscopat de Clément entre les années 92 ou 93 et 101 (H. E. III, 34). Ces chiffres sont très acceptables sans avoir rien de contraignant. Des critiques comme Harnack les contestent. Mais la réalité de l’épiscopat de Clément est hors de doute. Quant à l’ordre de succession, qui met Clément en troisième lieu après Lin et Anaclet, il offre les meilleures garanties historiques.
Saint Épiphane (Hæres. XXVII, 6) nomme le deuxième évêque de Rome Clet au lieu d’Anaclet ; mais il se range comme saint Jérôme (De viris illust., 15) avec Eusèbe dans la ligne de tradition certifiée par Hégésippe et saint Irénée. Seulement saint Jérôme sait qu’une tradition différente a cours parmi les latins qui ferait de Clément le deuxième successeur de Pierre et il semble parfois s’y rallier (Adv. Jov. I, 12 : Comm. in Is. ad 52, 13). De fait Tertullien dit en propres termes : « L’Église de Rome montre que Clément a été ordonné par Pierre. » (De præscriptione, XXII, 2 ; traduction de Labriolle, p. 69). De là vient sans doute que plusieurs pères latins ont donné saint Clément pour successeur immédiat à saint Pierre ; saint Épiphane se peut concilier à la rigueur avec cette tradition, car il suppose que par amour de la paix Clément céda son rang à Lin pour ne le reprendre qu après la mort de Clet (Anaclet) successeur de Lin. On lit dans l’épître aux Corinthiens (54.2) le conseil de quitter la place plutôt que de devenir dans une église une cause de discorde et de schisme. On est tenté de voir là une trace et comme un souvenir de l’abnégation dont saint Clément aurait personnellement fait preuve. Ce n’est qu’une conjecture, mais elle est ingénieuse.
Cette circonstance expliquerait aisément les modes différents de la tradition en ce qui concerne l’ordre de succession des premiers évêques de Rome. Une tradition du iiie siècle intervertissant Clet avec Clément fournit la succession : Pierre, Lin, Clément, Clet. Elle se trouve dans un document rédigé en 234, d’où elle a passé dans le catalogue libérien de 354, et s’est fait accepter par saint Augustin (Epist. LIII, ad Generos, n. 2), par Optat de Milève (De schismate Donat., II, 3).
Enfin le dédoublement du deuxième évêque de Rome en Clet et Anaclet a prêté à des dispositions variées : Pierre, Lin, Clément, Clet, Anaclet, — ou bien : Pierre, Lin, Clet, Clément, Anaclet ; — ou bien : Pierre avec Lin et Anaclet simultanément puis Clément (Rufin) ; mais toutes ces dispositions ne représentent que des essais tardifs pour concilier des données historiques avec les données légendaires de la littérature pseudo-Clémentine. Elles ne doivent pas prévaloir contre la tradition des plus anciens témoignages relatés plus haut.
Irénée rapporte que Clément avait vu les bienheureux apôtres et avait conversé avec eux ; il avait encore dans l’oreille la prédication des apôtres et leur tradition devant les yeux ; il n’était pas le seul, car beaucoup vivaient encore de son temps qui avaient été instruits par les apôtres ». (Adv. Hæreses, III, 3, 3 ; texte grec, dans Eusèbe, H. E. V, 6). Clément tenait encore de fraîche date, νεωστί comme le remarque saint Irénée, « la tradition des apôtres » qu’il annonçait aux Corinthiens. La donnée est tout à fait en accord avec la tranquille assurance de Clément, tranchant la querelle de l’église de Corinthe au nom de l’institution apostolique des presbytres et de leur succession.
Le fait qu’il ne se donne pas personnellement pour un « disciple des apôtres » n’a rien de surprenant dans une lettre où ce sont les Romains qui parlent d’une manière collective.
Il n’est pas nécessaire que saint Clément ait vécu plus de soixante ans pour qu’il ait pu connaître très bien les apôtres Pierre et Paul entre sa vingtième et sa trentième année, et mériter la qualification que lui donne Origène de disciple des apôtres, » Apostolorum discipulus ». (De principiis, 2.3, 6).
Faut-il aller plus loin et penser que le pape Clément n’est autre que le compagnon de saint Paul, mentionné avec éloge Philippiens 4.3 ? L’apôtre y exhorte un « fidèle compagnon. », l’un des membres influents sans doute de l’Église de Philippes, et lui recommande nominativement Evodie et Syntiche, afin qu’il leur vienne en aide, « elles qui ont combattu, dit-il, pour l’évangile avec moi, avec Clément et nos autres collaborateurs dont les noms sont dans le livre de vie. » L’identification a été risquée pour la première fois par Origène (In Joannem, VI, 36), puis reprise par Eusèbe (H. E. III, 15) ; elle fut acceptée de l’antiquité chrétienne. Elle n’est pas en soi impossible. Il faudrait admettre que le collaborateur de Paul était alors un peu jeune et qu’il vint à Rome, sans doute avec l’apôtre ou peu de temps après lui. Mais d’une simple similitude de nom, il est impossible de conclure à l’identité des personnes.
D’après le ton de la lettre et de la recommandation, il semble que Clément, le collaborateur de Paul, était un habitant de Philippes qui avait travaillé avec l’apôtre dans sa ville natale. Rien ne donne lieu de croire qu’il ait émigré ensuite en Italie.
Clément de Rome était-il d’origine juive ou païenne ? La question serait toute résolue en faveur de la gentilité de Clément, s’il fallait avec certains critiques confondre en un même personnage l’évêque de Rome et le consul Flavius Clemens. Ce dernier était cousin de Domitien ; il fut décapité en 95 ou 96, quelques mois avant la mort de cet empereur, Les historiens favorables à cette identification ont été impressionnés par le parallélisme des situations : deux Clément, vivant à Rome, du temps de Domitien, et occupant dans l’Église romaine et dans l’État de hautes charges et une grande influence ; cela leur a semblé quelque peu artificiel. La conjecture risquée par Lipsius a aussitôt été reprise par Volkmar comme une certitude. Le dédoublement de Clément, en un consul et en un membre influent de la communauté romaine, fut présenté comme l’œuvre d’une tradition devenue impuissante avec le temps à se figurer un évêque marié. A cette opinion admise par Hilgenfeld, et même pendant quelque temps par M. Harnack, on a cherché quelque appui dans la littérature de l’antiquité. L’on a trouvé que les Homélies et les Récognitions Clémentines vers la fin du iie siècle, attribuent à leur héros, le futur évêque de Rome, une parenté avec la maison impériale des Césars, et que le Liber Pontificalis favorise au moins les récits pseudo-clémentins en accueillant quelques-uns de leurs traits dans la légende de saint Clément.
Cependant il n’est guère douteux que le presbytre romain ne doive être tenu pour différent du consul. La source de cette identification est des plus suspectes ou plutôt sans valeur historique dans la question qui nous occupe. Les Homélies et les Récognitions Clémentines renferment une pure fiction dont les éléments sont traités avec la fantaisie convenable au roman. Autant l’auteur connaît bien l’Orient ou se déroulent les scènes de son invention, autant il est étranger à Rome et à l’histoire romaine : s’il donne le nom de Clément à son héros, c’est sans aucun doute parce que le presbytre Clément avait laissé un grand renom et que son épître aux Corinthiens notamment l’avait rendu célèbre en Orient où le roman fut composé ; mais l’auteur ne s’inquiète ni des invraisemblances ni des anachronismes ; pour les besoins de sa fable, il fait de Clément un contemporain et un parent non de Domitien, mais de Tibère ; il improvise un certain Faustus père de son héros alors que le père du consul Clément, Titus Flavius Sabinus, était bien connu à Rome. Enfin s’il a besoin de noms pour d’autres personnages, une Mattidia par exemple, il les emprunte à la famille impériale des Antonins, selon son droit souverain de romancier. Même si l’on peut retrouver des similitudes entre l’histoire du consul Clément et les destinées romanesques du héros clémentin, il n’en résulte en aucune façon que le personnage du roman doive se confondre avec le consul dont l’histoire a été mise à contribution. Aussi bien le roman clémentin n’a eu qu’une influence assez tardive. Quelques traits en ont pénétré dans le Liber Pontificalis ; lui aussi, appelle Faustinus le père de Clément ; par là il dénonce que sa source n’est point une tradition romaine, mais la composition pseudo-clémentine. La vraie tradition de Rome, exprimée par Hégésippe, par Irénée, pour ne citer que les écrivains qui ont eu l’occasion de s’exprimer sur le compte de Clément, ne sait rien d’un évènement aussi extraordinaire : un consul, un cousin de l’empereur qui serait en même temps le chef de la communauté chrétienne à Rome. La raison tirée du silence des auteurs doit assurément être maniée avec réserve ; il est cependant des cas, comme celui-ci, où elle possède une grande force démonstrative. Plus tard, ni Origène, ni Eusèbe, ni Jérôme, ni Rufin ne savent rien de cette identité de personnages qui contredit la chronologie dressée par Eusèbe, de la succession épiscopale à Rome. Celle-ci fait mourir l’évêque de Rome vers l’an 100 ou 101, tandis que Flavius Clemens fut exécuté vers l’an 95.
Si l’on examine enfin la seule œuvre bien authentique de Clément de Rome, on est saisi des invraisemblances qu’offre l’identité supposée du presbytre romain avec le consul Flavius Clemens. Dans cette hypothèse il faudrait admettre que l’auteur de l’épître aux Corinthiens avait été non seulement élevé à Rome, mais à la manière romaine, qu’il avait fréquenté dans sa jeunesse les écoles des rhéteurs, plus tard la société où se rencontraient les lettrés de la seconde moitié du ier siècle, Juvénal et Martial, Tacite et Pline le Jeune ; que sa maison avait pour hôte Quintilien, faisant l’éducation de ses deux fils, héritiers désignés de l’empire. Quiconque a lu l’épître de Clément peut difficilement se persuader qu’elle provienne d’un élève des écoles romaines, ayant vécu au moins jusqu’à l’âge mûr de la vie des païens de grande famille. Lightfoot, qui a solidement fait valoir ces considérations, dit : « L’épître n’en serait peut-être pas moins chrétienne ; elle serait certainement plus classique, tout à la fois plus romaine et plus grecque, et moins juive qu’elle n’est. »
La plupart des critiques favorables à l’identification de l’évêque de Rome et du consul Clemens ont brouillé à plaisir deux choses fort distinctes qui sont à examiner séparément et d’après les témoignages qui leur sont propres : le fait d’un consul Clemens qui serait devenu chrétien et martyr, et l’existence à la même époque d’un presbytre romain du même nom, ayant une part principale dans la conduite de l’Église romaine. Or la tradition concernant le presbytre est des plus certaines et n’a véritablement point d’attache avec les données concernant le consul du même nom. Le parallélisme des situations qui a si fort impressionné les critiques est un hasard comme il s’en est présenté beaucoup d’autres : le pape Pie (le seul évêque de ce nom à Rome dans les quatorze premiers siècles) a vécu en même temps que l’empereur Pius Antoninus ; le pape Léon Ier fut contemporain de l’empereur romain Léon Ier. La rencontre qui nous occupe est d’autant moins remarquable que le nom de Clemens était très répandu, et ne se trouve pas moins de cinquante fois dans le tome V du Corpus des inscriptions latines et plus de quarante fois dans le tome deuxième.
En soi, il n’est pas impossible que l’auteur de l’épître aux Corinthiens doive être cherché parmi les païens convertis de bonne heure au christianisme et familiarisés ensuite avec la sainte Écriture. Un détail serait même de nature à en suggérer l’hypothèse ; c’est la grande estime de l’auteur pour la « chose » romaine, l’admiration qu’il professe pour la discipline militaire (ch. 37), l’accent avec lequel il prie pour les princes et les généraux de Rome : « nos princes » (60.4), « les soldats soumis à nos chefs » (ch. 37).
Cependant l’accent patriotique dans quelques morceaux de l’épître aux Corinthiens n’implique pas absolument que l’auteur soit Romain de race. Les Juifs étaient très capables, à l’occasion, de le produire. Nul plus que saint Paul n’a eu l’orgueil du « citoyen romain ». A la suite de la révolte de 66 à 70, les Juifs qui avaient montré de la fidélité politique à l’égard de Rome, furent protégés par les empereurs de la dynastie flavienne. La faveur dont jouissaient les Juifs à Rome et la confusion sous une même dénomination de tous ceux qui vivaient more judaïco protégeaient tous les chrétiens. On sait que les chrétiens judaïsants de Palestine n’avaient pas pris part à la révolte. A plus forte raison les Juifs vivant de longue date à Rome et surtout les chrétiens d’origine juive pouvaient-ils sentir très sincèrement vibrer en eux la fibre romaine.
Hilgenfeld a pris texte de la formule ἡμέρας τε καὶ νυκτός (2.4 ; cf. 20.2 ; 24.3), pour conclure que Clément n’était pas d’origine juive, les Juifs faisant précéder le jour par la nuit (1 Thessaloniciens 2.9 ; 3.10 ; 2 Thessaloniciens 3.8), mais Clément vivant à Rome devait, même s’il était Juif, se conformer à l’usage romain. L’auteur de l’Apocalypse fait de même (Apocalypse 4.8 ; 7.15 ; 13.10 ; 14.11 ; 20.10).
Le caractère général de la lettre aux Corinthiens donne l’impression que l’auteur avait reçu une éducation juive. Il connaît admirablement tout l’Ancien Testament : la Loi, les Prophètes, les Psaumes, le livre de la Sagesse ; sa pensée se moule naturellement sur les formes religieuses de l’Ancien Testament auquel il emprunte continuellement des exemples, des citations, des moyens de développement. Il emploie les apocryphes juifs, l’Assomption de Moïse, un apocryphe d’Ezéchiel. Il serait oiseux d’insister sur les expressions particulières : « notre père Jacob » (4.8) ou « notre père Abraham » (31.2) qui étaient de style et généralement employées par tous les chrétiens ; mais les hébraïsmes qui se rencontrent (12.5 : γινώσκουσα ; 21.9 ; 61.3), et une tendance très marquée à remplacer le nom de Dieu par un pronom, l’emploi aisé du parallélisme de la poésie hébraïque, dénotent une première éducation reçue dans les milieux juifs.
Sans être affirmée par Origène, l’origine juive de Clément de Rome semble implicitement admise par lui, car il rapporte le sentiment de ceux qui attribuent à Clément de Rome la paternité de l’épître aux Hébreux sans préjudice de l’origine paulinienne des doctrines qu’elle contient. D’autres, remarque-t-il, pensent que l’auteur serait Luc (dans Eusèbe H, E. 6.25, 14. Pareillement Eusèbe fait remarquer les analogies que présente l’épître de Clément aux Corinthiens avec celle de Paul aux Hébreux. « L’auteur, dit-il, y fait beaucoup d’emprunts à l’épître aux Hébreux, soit pour les pensées, soit même pour certaines expressions qu’il rapporte textuellement… Paul, dit-on, s’était adressé aux Hébreux dans leur langue maternelle. Sa lettre fut traduite par l’évangéliste Luc selon les uns, et, selon les autres par Clément. Des deux hypothèses, celle-ci semblerait plutôt la vraie. D’une part, l’épître de Clément et l’épître aux Hébreux conservent la même allure de style et, d’autre part les pensées dans les deux écrits ont une parenté qui n’est pas éloignée. » (H. E. III, 28.1-3). Eusèbe ne pense pas à affirmer ou à nier l’origine juive de Clément de Rome son observation n’en a que plus de prix relativement à la similitude et aux rapprochements de fond et de forme entre les deux épîtres. Luc ne lui semble pas assez hébraïsant pour avoir mis en un pareil grec l’épître aux Hébreux ; mais Clément l’est superlativement.
Comme l’on peut s’y attendre, si le rédacteur de l’épître est un Juif, c’est un Juif helléniste qui lit la sainte Écriture dans la version des Septante, et dont la culture littéraire et philosophique est particulièrement sensible dans certains morceaux de l’épître.
Au cours de ses conjectures sur l’origine probable de Clément Romain, le Dr Lightfoot émet l’hypothèse qu’il serait un affranchi ou un fils d’affranchi de la famille Flavia. Les esclaves juifs étaient nombreux à Rome et parmi les affranchis des familles patriciennes. Le nom même de Clément se rencontre dans nombre d’inscriptions et notamment dans l’inscription du Corpus des inscriptions latines t. VI, n° 8494, où une mère, juive, à en juger par le nom de Sabathis, dédie un monument à son fils « esclave de nos Césars » : D. M. Clemeti. Cæsarum. N. Servo. Castellario. Aquæ. Claudiæ ; Fecit. Claudia. Sabbathis. Et. Sibi. Et. Suis. D’autres inscriptions (C. I. L. t. VI, nos 1962, 9049, 9079, 940, 4145), montrent que le nom de Clément est fréquemment associé, à divers titres, au souvenir des Césars du temps des Flaviens. La supposition que Clément de Rome serait un affranchi ou un fils d’affranchi de la gens Favia est ingénieuse.
Nous n’avons aucun renseignement tout à fait sûr à l’égard de la mort que souffrit saint Clément. Irénée énumérant et caractérisant les premiers évêques de Rome dit que Télesphore mourut martyr (ὃς ἐνδόξως ἐμαρτύρησεν, Adv. Hær. III, 3, 3) d’une manière qui semble impliquer qu’il fut le premier pape à souffrir le martyre. Cependant Rufin donne le titre de martyr à saint Clément. Des Actes grecs, de caractère très légendaire par les traits miraculeux dont ils abondent, racontent l’exil de Clément au-delà du Pont-Euxin dans la Chersonèse Taurique et son martyre par immersion dans la mer. Les indices favorables au récit des Actes sont quelque peu négatifs ; ils viennent surtout de l’absence d’un tombeau de saint Clément à Rome, et du silence des topographes du viie siècle si fertiles en indications sur les corps saints qui reposaient dans l’intérieur de Rome.
A Rome il existait à la fin du ive siècle une tradition du martyre de saint Clément attestée par Rufin, le pape Zosime (Jaffé, Regesta, n° 329), le canon vie du Concile de Vaison en 442, enfin par l’inscription qui servait suivant toute probabilité de dédicace à la basilique de saint Clément. Dans l’état présent des textes et des connaissances archéologiques, il est impossible de dire quel fonds de vérité il y a dans la tradition romaine du martyre.
La nature morale de saint Clément ressortira dans une certaine mesure de ce que nous dirons plus loin du style et du caractère de son épître.