Persécution cachée de Licinius, qui assassine les évêques d’Amasée du Pont.
Licinius tomba ainsi dans l’abîme des ennemis de Dieu et ralluma le feu de la persécution, qui était presque éteint, et excita un plus terrible embrasement que jamais. L’appréhension de la puissance de Constantin l’ayant empêché de prendre ouvertement les armes contre les Églises établies dans la portion de son Empire, il cacha comme un serpent le venin de sa haine et, usant de ruses, fit mourir les meilleurs évêques sur de fausses accusations par le ministère des gouverneurs. Le genre de leur mort fut fort nouveau, et il avait été inconnu jusqu’alors. Les cruautés qui furent exercées dans la ville d’Amasée, vont au-delà de l’imagination.
Destructions d’églises et massacre d’évêques.
Quelques églises de cette ville furent rasées et les autres furent fermées par les gouverneurs des provinces, de sorte que personne ne pouvait plus y entrer, ni y faire les exercices ordinaires de notre religion. La connaissance que celui qui donnait cet ordre injuste avait de ses propres crimes lui persuadait que l’on ne priait pas Dieu pour lui dans ces saints lieux, mais seulement pour Constantin. Les gouverneurs de province, qui ne songeaient qu’à aider l’injustice et la cruauté de leur maître, firent exécuter à mort les évêques les plus célèbres par la pureté de leurs mœurs et par l’éminence de leur sainteté. Ces hommes qui n’avaient jamais fait de mal étaient traités comme des homicides. Quelques-uns furent hachés en pièces et jetés dans la mer pour servir de pâture aux poissons. La violence de la persécution obligea les serviteurs de Dieu à se retirer dans les solitudes les plus affreuses. Le tyran avait dessein de leur déclarer à tous la guerre, et rien ne l’en aurait empêché, si Dieu n’avait pris la protection des siens et n’avait fait appel à Constantin, pour dissiper, comme une éclatante lumière, l’obscurité qui menaçait l’Église d’un terrible orage.
Comment Constantin se mit en mouvement pour les chrétiens menacés.
Le grand prince n’eut pas sitôt reçu la nouvelle des rigoureux traitements que Licinius faisait aux fidèles que, mêlant en quelque sorte la force de son courage à la douceur de son naturel, il se résolut de les venger. Il jugea qu’il y aurait de la piété à assurer le repos des peuples par la mort d’un seul homme, qui, étant indigne de compassion, abuserait de sa clémence et se porterait à de plus horribles excès que jamais, sans que les innocents, qu’il oppresserait, y pussent trouver aucun remède. Dès qu’il eut pris cette résolution, il leva des troupes et amassa des armes. Lorsque l’infanterie et la cavalerie furent assemblées, on vit paraître devant elles l’étendard que j’ai décrit dans le livre précédent, et qui était la marque de la confiance qu’elles avaient en Dieu.
Constantin se prépare à la guerre en faisant des prières, et Licinius en consultant les devins.
Constantin, jugeant qu’il avait plus grand besoin que jamais du secours des saints prêtres, les retint auprès de lui, comme les gardes les plus sûrs et les plus fidèles. Quand le tyran sut que Constantin n’attendait la victoire que du Ciel, qu’il était environné d’une troupe de ministres de l’Église et que l’on portait devant son armée le signe de notre rédemption, il s’en moqua comme d’une faiblesse d’esprit et en fit des railleries également insolentes et impies. Pour lui, il eut recours aux devins d’Égypte, aux imposteurs, aux empoisonneurs, aux prêtres et aux prophètes de ses idoles. Il offrit des sacrifices aux dieux qu’il adorait et les consulta sur l’événement de la guerre. Les réponses des oracles furent toutes conformes. Elles furent toutes conçues en des vers fort élégants et promirent toutes la victoire au tyran. Les interprètes des songes, les aruspices, qui examinent les entrailles des victimes, lui confirmèrent la même promesse et le remplirent d’espérance. Il se mit dans cette disposition d’esprit, à la tête de ses troupes, et se prépara au combat.
Ce qu’a dit Licinius sur les idoles et le Christ, en sacrifiant dans un bois.
Avant de donner la bataille, il assembla les principaux officiers de son armée dans un bois sombre, arrosé de belles eaux et rempli des statues de ceux qu’il prenait pour des dieux. On dit qu’après avoir allumé des cierges, et avoir offert des sacrifices, il y fit ce discours. « Mes amis, et mes compagnons, nous adorons, les dieux que nos ancêtres ont adorés de tout temps. Celui qui commande l’armée ennemie a renoncé aux coutumes de nos pères, pour suivre l’opinion athée de ceux qui ne reconnaissent pas les dieux et pour introduire un certain Dieu étranger, dans lequel il met sa confiance, non tant contre nous, que contre nos dieux, et par l’étendard duquel il déshonore ses troupes. Cette journée décidera de la religion des deux partis et de la vérité des dieux. Si nous remportons la victoire, il sera clair que ceux que nous adorons auront eu le pouvoir de nous protéger et de nous défendre. Si ce Dieu, dont on ne sait pas l’origine et qu’il semble que nous méprisons avec raison, est plus puissant que tous les nôtres, il faudra les abandonner et ne reconnaître que Lui. Mais, si nous demeurons victorieux, comme je me le promets, il faudra tourner nos armes contre ceux qui les méprisent. » Voilà le discours de Licinius, tel que je l’ai appris par le rapport de quelques personnes qui l’avaient entendu de sa bouche. Il commanda tout de suite après aux soldats de se tenir prêts pour donner bataille.
Dans les cités de Licinius, des ombres qui ressemblent aux armées de Constantin.
On dit que l’on remarqua en ce temps-là un étrange prodige dans les villes qui relevaient de l’obéissance de Licinius. On y vit en plein midi des troupes de Constantin, qui passaient avec toutes les marques de joie que l’on a accoutumé de donner quand on a remporté la victoire. Cependant il n’y avait pas de troupes dans ces villes. Mais Dieu, par un effet merveilleux de Sa toute-puissance, représentait ce qui devait arriver. Lorsque les deux armées furent en présence, celui qui avait rompu la paix et les traités commença le combat. Mais Constantin ayant imploré le secours de Dieu et montré à ses soldats l’étendard de la croix, il les repoussa. Il en vint une seconde fois aux mains avec ses ennemis et eut un avantage encore plus notable qu’à la première.
Que dans les batailles, là où se trouvait le signe en forme de croix, il y avait la victoire.
En tous les endroits où l’étendard de la croix paraissait, les ennemis prenaient la fuite. Constantin s’en étant aperçu, il le fit porter à la tête des troupes qui commençaient à plier et à lâcher le pied et, à l’heure même, elles reprirent courage et se sentirent animées d’une ardeur toute divine.
Que cinquante hommes furent choisis pour porter la croix.
Constantin ayant choisi parmi ses gardes environ cinquante de ceux qui surpassaient les autres en force de corps, en grandeur de courage et en piété, il les chargea de garder continuellement l’étendard et de le porter tour à tour. Il m’a raconté lui-même ce fait important, longtemps depuis, aux heures de son loisir et m’en a remarqué une circonstance qui mérite d’être consacrée à la postérité.
Que parmi les porte-croix, celui qui s’est enfuit fut tué, alors que celui qui est resté fidèle a été sauvé.
Le désordre s’étant mis dans l’armée, au milieu de la chaleur du combat, celui qui portait l’étendard eut peur et le donna à un autre pour éviter le péril. Mais il n’en fut pas sitôt déchargé qu’il reçut un trait dans le ventre, dont il tomba mort sur le champ en punition de sa lâcheté et de son infidélité. Celui qui s’était chargé de l’étendard en sa place en fut protégé. Quelque quantité de traits que jetèrent les ennemis, aucun ne tomba sur lui. C’était une chose merveilleuse à voir que tous les traits des ennemis demeuraient dans le bois de la Croix, quoiqu’il fût fort étroit, et qu’aucun ne toucha jamais ceux qui portèrent ce signe de notre rédemption. Cette circonstance-là n’est pas de moi : elle est de l’empereur, de la bouche duquel je l’ai apprise. Après que par un effet visible de la puissance divine, il eut gagné les deux batailles, dont je viens de parler, il rangea son armée en bon ordre, et la mena plus avant.
Divers affrontements et victoires de Constantin.
Les chefs de l’armée ennemie n’ayant pu soutenir le premier choc des troupes victorieuses, ils mirent bas les armes et se jetèrent aux pieds de Constantin. Il fut ravi de joie d’avoir cette occasion d’user de clémence et de leur sauver la vie. Il exhorta les autres à suivre l’exemple de leurs compagnons. Mais quand il vit qu’ils demeuraient sous les armes et qu’ils étaient résolus de se défendre, il commanda de les charger. Ils prirent à l’heure même la fuite. Les uns, ayant été poursuivis, furent taillés en pièces ; les autres périrent par les armes de leurs compagnons dans le désordre de leur retraite.
Fuite Licinius ; ses actes de magie.
Le chef de leur parti prit honteusement la fuite, quand il se vit abandonné de ses soldats et de ses alliés et frustré de l’espérance qu’il avait mise dans le secours de ses dieux. L’empereur ne voulut pas qu’on le poursuivît, parce qu’il espérait que le mauvais succès de ses entreprises le rendrait plus sage et plus modéré.
Il aimait mieux lui donner la vie, bien qu’il en fût très indigne, et souffrir les injures qu’il avait reçues de lui que de s’en venger. Mais Licinius, bien loin de se corriger eut recours aux secrets abominables de la magie et s’enfla d’un orgueil plus insupportable que jamais. On pouvait dire de lui, ce que l’on avait dit auparavant de Pharaon, que Dieu lui avait endurci le cœur.
Que Constantin vainquit alors qu’il priait dans la tente.
Licinius s’étant lié des liens de ses crimes, il se précipita dans l’abîme d’une perte irréparable. Constantin au contraire jugeant qu’il ne pouvait terminer la guerre, sans donner encore une bataille, il s’adonna avec plus d’ardeur et de zèle que jamais au service de son Sauveur. Il fit dresser hors du camp un tabernacle pour placer la croix, et il s’y retirait souvent pour y faire de dévotes oraisons, à l’imitation du prophète, qui selon le témoignage de l’Écriture, mit le tabernacle hors du camp des Israélites. Il était accompagné dans ces pieux exercices d’un petit nombre de personnes d’une fidélité reconnue et d’une vertu éprouvée. Il n’y manquait jamais quand il était sur le pas de donner bataille. Car outre qu’il agissait toujours avec une maturité pleine de sagesse, il consultait Dieu dans toutes ses entreprises. Dieu ne dédaignait pas aussi de lui répondre très sensiblement et de lui prescrire ce qu’il devait faire. Alors il sortait du tabernacle tout rempli de l’esprit divin, commandait de sonner de la trompette et de marcher contre l’ennemi. Ses soldats fondaient à l’heure même, faisaient main-basse et remportaient la victoire.
Douceur de Constantin envers les soldats capturés.
Voilà de quelle manière l’empereur Constantin avait accoutumé depuis longtemps de se préparer au combat et d’y animer son armée. Il voulait dépendre si absolument de la volonté de Dieu qu’en toutes occasions il la préférait à sa propre vie. Il faisait conscience de répandre beaucoup de sang et épargnait celui de ses ennemis, aussi bien que celui de ses soldats. Il exhortait les vainqueurs à pardonner aux vaincus. S’il reconnaissait que les gens de guerre n’étaient plus maîtres de leur courage, il tâchait de les modérer en leur donnant une certaine somme d’argent pour chaque homme, auquel ils auraient sauvé la vie. Sa libéralité conserva ainsi un grand nombre de Romains et d’étrangers.
Encore au sujet de ses prières dans la tente.
L’empereur pratiquait ordinairement ces exercices de piété et d’autres semblables. Mais au temps dont je parle et avant d’engager le combat, il s’enferma dans le tabernacle et y fit d’humbles prières à Dieu, se priva cependant de toutes sortes de divertissements, se mortifia par des jeûnes et par d’autres austérités, et enfin demanda à Dieu la grâce d’accomplir les desseins qu’il lui avait inspirés. Il pourvoyait incessamment aux besoins de son État et ne songeait pas moins à conserver les ennemis que ses propres soldats.
Licinius feint l’amitié et adore les idoles.
Licinius ayant demandé la paix depuis la fuite honteuse, dont nous avons parlé, Constantin qui la tenait utile à l’Empire consentit de la lui accorder à certaines conditions. Licinius feignit de les accepter de bonne foi et s’obligea avec serment à y satisfaire. Mais il ne laissa pas de faire secrètement des levées et de se préparer à reprendre les armes. Il se fortifiait chaque jour par de nouvelles alliances et recherchait d’autres dieux que ceux qui l’avaient trompé, sans se souvenir de ce qu’il avait dit, peu auparavant, que si le Dieu de Constantin remportait la victoire, il faudrait renoncer aux autres pour l’adorer.
Comment Licinius défend à ses armées d’attaquer la croix.
Licinius ayant reconnu par une expérience funeste la puissance invincible du signe salutaire de la rédemption humaine, il défendit à ses soldats de s’approcher et même de jeter les yeux du côté où il serait et se résolut d’attaquer Constantin, qui avait la bonté de différer de combattre, de peur de perdre son ennemi. L’armée de Licinius mettait sa confiance dans son nombre et dans celui de ses dieux et portait en forme d’étendard certaines statues, desquelles elle attendait quelque sorte de secours. Constantin se couvrit de la cuirasse de la foi et fit porter devant lui l’étendard de la croix, qui donnait de la terreur à ses ennemis et de l’assurance à ses soldats. Il fit difficulté de commencer le combat, pour ne pas rompre le traité qu’il avait signé.
Victoire de Constantin.
Mais quand il vit que les ennemis étaient résolus à combattre et qu’ils préparaient leurs armes pour cet effet, il conçut de l’indignation, fondit sur eux avec un grand cri et, sans avoir tiré presque aucun trait, le mit en déroute et leurs troupes et celles des démons qui les soutenaient.
Mort de Licinius et triomphe sur lui.
Il condamna selon la rigueur de la guerre cet ennemi de Dieu et ceux qui l’entouraient ; et surtout ceux qui lui avaient conseillé d’attaquer la piété, furent exécutés avec lui en subissant la peine qu’il fallait. D’autres qui avaient mis un peu auparavant leur espérance en de faux dieux confessèrent qu’il n’y avait que celui de Constantin qui fut véritable.
Joie et fêtes publiques.
Les impies ayant été de la sorte enlevés du monde et les nuages de la tyrannie dissipés, on vit luire les rayons d’une légitime domination et d’une honnête liberté. Les parties de l’Empire qui avaient été autrefois séparées se rejoignirent, et les provinces d’Orient et d’Occident se réunirent sous un même prince, comme les membres du même corps sous le même chef. Ceux qui étaient autrefois « assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort » regardèrent le jour avec joie, oublièrent leurs maux, publièrent les victoires de Constantin et reconnurent la puissance du Sauveur qui les lui avait accordées. Ce prince victorieux rentra en possession de l’Orient et remit l’Empire entier sous sa puissance. Il jouit seul de la monarchie romaine, comme il avait publié, seul entre tous les empereurs, celle que Dieu possède dans tout l’univers et dans tous les siècles. La tristesse et la crainte furent bannies par la joie et par l’assurance. Les peuples témoignèrent leur satisfaction par les actions de grâces qu’ils rendirent à Dieu, par les acclamations qu’ils firent en l’honneur du vainqueur et par les louanges qu’ils donnèrent aux princes ses enfants. La jouissance des biens présents et l’espérance des biens à venir effacèrent le souvenir des maux passés.
Comment Constantin légiféra en faveur des confesseurs.
On publia alors dans la partie de l’Empire où nous habitons des lois fort douces et fort favorables, comme on en avait publié dès auparavant dans l’autre partie. Ces lois ne respiraient que la piété, le repos des peuples et l’honneur de l’Église. Elles rappelèrent ceux qui avaient été bannis par les gouverneurs de province pour n’avoir pas voulu sacrifier aux idoles. Elles rétablirent en possession de leurs biens ceux qui en avaient été privés. Elles licencièrent ceux qui pour le même sujet avaient été condamnés à rendre quelque service à la cour. Elles remirent en liberté ceux qui avaient été relégués dans des îles et ceux qui avaient été envoyés aux métaux, ou employés à d’autres ouvrages publics. Elles laissèrent au choix de ceux qui, en haine de la fermeté avec laquelle ils avaient fait profession de la religion chrétienne, avaient été interdits de leurs charges, ou d’en faire les fonctions comme auparavant, ou de vivre en repos. Enfin elles délivrèrent les hommes qui avaient été condamnés à cette peine honteuse de travailler aux ouvrages des femmes.
Comment il légiféra en faveur des martyrs et des biens de l’Église.
Après que l’empereur eut pourvu de cette sorte au rétablissement des confesseurs et des martyrs, il prit le soin de la conservation de leurs biens. Il ordonna que les proches de ceux qui avaient souffert la mort pour la défense de la foi, jouiraient de leur succession et que, s’ils n’avaient pas d’héritiers, l’Église leur succèderait. Les héritages, qui avaient été confisqués, seraient rendus aux anciens propriétaires, soit qu’ils fussent encore en nature, ou qu’ils eussent été aliénés.
Comment il rétablit aussi les gens du peuple.
N’étant pas content de faire sentir aux fidèles les effets de sa bonté, il étendit sa libéralité jusque sur les peuples à l’extérieur de notre foi et dans les autres provinces. Les peuples de nos régions, qui avaient autrefois souhaité avec une ardeur incroyable, de jouir de la même prospérité, dont ils avaient ouï dire que jouissaient les peuples de l’Occident, ne pouvaient se lasser de se dire heureux, et de louer la générosité de l’empereur, auquel ils en étaient redevables.
Qu’il déclara que Dieu était la cause de ces biens, et les lois qu’il écrivit.
Constantin, bien loin de s’attribuer la gloire de ses victoires, la rendit à Dieu et protesta publiquement qu’il tenait de Sa bonté la souveraine puissance. Quiconque lira les lettres qu’il fit expédier en grec et en latin sur ce sujet et qu’il envoya dans les provinces y verra de certaines marques de son humble reconnaissance. Il y en avait une adressée aux chrétiens et l’autre aux peuples qui ne faisaient pas profession de notre religion. Je crois devoir insérer ici la copie de cette dernière, et pour en conserver la mémoire, et pour confirmer la vérité de ce que j’ai dit de la piété de Constantin. Elle a été faite sur l’exemplaire qui est entre mes mains et qui est signé de celle de l’empereur.
Loi de Constantin touchant la piété envers Dieu et le christianisme, où on trouve ceci.
« Constantin, Vainqueur, très grand Auguste, aux peuples de Palestine. Il y a longtemps que ceux qui sont dans la créance où il faut être touchant la divinité ont reconnu clairement la différence qu’il y a entre ceux qui combattent la religion chrétienne et ceux qui la défendent. On voit maintenant avec une plus grande évidence que jamais l’extravagance des doutes que l’on a faits sur ce sujet, et la puissance divine se manifeste par des témoignages incontestables. Ceux qui observent cette sainte loi jouissent de toute sorte de biens et viennent heureusement à bout de leurs entreprises, au lieu que ceux qui demeurent dans l’impiété, ne trouvent que ce qu’ils méritent. Quel bien pourraient-ils avoir dans le temps s’ils refusent de reconnaître l’unique Auteur de tous les biens ? Les choses semblent parler d’elles-mêmes.
Exemples tirés de l’antiquité.
« Quiconque rappellera dans son esprit le temps passé trouvera que ceux qui ont pris la justice et la probité pour règle de leur conduite, ont réussi en tout ce qu’ils ont entrepris, au lieu que ceux qui ont commis des crimes, qui ont été insolents au point de s’élever contre Dieu et si cruels que de n’avoir aucune compassion des misères de leurs frères, qui ont enlevé leur bien, noirci leur réputation par de fausses accusations et leur ont fait souffrir le bannissement et la mort, et qui n’ont jamais conçu un sincère repentir de ces désordres, ont été traités comme ils méritaient. Ce n’est pas sans raison que deux conduites différentes ont des succès qui le sont aussi.
Au sujet des persécutés et des persécuteurs.
« Ceux qui ont la crainte de Dieu devant les yeux et qui n’agissent que par de bonnes intentions, qui méprisent les menaces des hommes et les périls de la vie présente par l’espérance des biens à venir souffrent avec une patience inébranlable des traitements qui, quoique fâcheux, ne sauraient être de longue durée. Plus les travaux qu’ils ont supportés ont été pénibles ; plus la gloire qui les a suivis a été éclatante. Ceux au contraire qui ont foulé aux pieds la justice, qui ont maltraité les serviteurs de Dieu, qui n’ont pas cru être malheureux, ni coupables, quand ils les ont condamnés à mort, pour une si bonne cause, et qui n’ont pas jugé que ceux qu’ils condamnaient de la sorte fussent heureux, bien qu’ils conservent à Dieu la fidélité qu’ils lui avaient promise ; ceux-là, dis-je, ont eu le déplaisir de voir leurs armées en déroute, et taillées en pièces. Ils n’ont pas donné de batailles, qu’ils n’aient perdues.
Maux dont la persécution fut la cause pour ceux qui commencèrent la guerre.
« C’est de ces crimes que sont venues les guerres les plus cruelles et les désolations les plus déplorables. C’est de là qu’a procédé la disette des biens les plus nécessaires et l’inondation des maux les plus terribles. Les auteurs de l’impiété ont eu une fin tragique, ou ont mené une vie infâme et plus triste, par leur propre aveu, que n’aurait été la mort. Leur misère a été en quelque sorte égale à leur injustice. Plus l’insolence avec laquelle chacun d’eux s’est opposé à la loi de Dieu a été extrême, plus le châtiment qu’il a subi a été rigoureux. Ils n’ont pas été seulement punis par les peines de cette vie. Ils ont été tourmentés par l’appréhension des supplices qui sont préparés dans l’autre.
Que Dieu choisit Constantin pour établir le bien.
« Une impiété aussi étrange et aussi horrible que celle-là s’étant emparée de l’esprit et du cœur d’un nombre si prodigieux de personnes, et tout l’État en étant infecté comme d’une maladie contagieuse, qui le réduisit à un extrême danger et qui avait besoin d’un remède fort puissant et fort efficace, duquel Dieu a-t-il eu agréable de se servir ? Quand je parle de Dieu, j’entends celui qui l’est véritablement, et qui a une puissance éternelle. On peut, sans blesser la modestie, publier les bienfaits que l’on a reçus de lui. Il a eu la bonté de se servir de moi pour l’exécution de ses desseins. Il m’a tiré par un effet de sa sagesse et de sa puissance infinie des bords de l’océan britannique et de l’extrémité des pays où le Soleil se couche et m’a donné la force de dissiper comme un déluge de maux qui avaient couvert la face de la terre, pour attirer les hommes à l’observation de sa loi et pour accroître la foi et la religion.
Paroles pieuses de Constantin et éloge des confesseurs.
« Je ne manquerai jamais de reconnaissance pour un bienfait si signalé. Regardant comme une faveur singulière la bonté que Dieu a eue de me choisir, pour me faire le ministre et l’exécuteur de ses ordres, je me rendis en Orient, que je trouvai comme accablé de maux, dont l’extrémité et le danger avaient besoin des derniers remèdes. Je reconnais que je tiens de Dieu l’âme, la vie, la respiration et le sentiment. Je sais très certainement que ceux qui ont mis en lui leur espérance n’ont pas besoin ni de l’estime, ni de l’affection des hommes, et qu’ils possèdent des honneurs d’autant plus solides qu’ils mènent une vie plus exempte de défauts et de péchés. Je n’en suis pas moins obligé de les délivrer de l’oppression qu’ils ont soufferte en certains temps et des vexations que l’on ne doit jamais faire à des personnes innocentes et que l’on ne saurait accuser du moindre crime. Ce serait une chose étrange qu’ils aient fait paraître leur fermeté et leur constance, sous le règne des empereurs, qui ne les ont persécutés qu’en haine de leur piété et du culte qu’ils rendaient à Dieu, sans que leur réputation et leur gloire ne reçoivent un nouvel éclat sous le règne d’un empereur qui sert le même Dieu.
Loi sur les bannissement, les bouleutes et les confiscations.
« Que ceux qui ont été exilés par la sentence injuste d’un juge cruel, pour avoir refusé généreusement, de renoncer à la foi et au culte d’un Dieu, auquel ils s’étaient consacrés de tout leur cœur, et que ceux qui ont été mis nombre des bouleutes, bien qu’ils n’en fussent pas auparavant, aient la liberté de retourner en leurs maisons et d’y demeurer en repos. Que ceux qui ont été dépouillés de leurs biens et réduits à une extrême misère soient rétablis en leur premier état et jouissent avec joie et d’humbles actions de grâces des effets de la bonté de Dieu.
De même pour ceux qui furent envoyés dans les îles.
« J’ordonne que ceux qui sont retenus contre leur volonté dans les prisons jouissent de l’effet de la même grâce. Qu’ils sortent de ces tristes et affreuses solitudes, où ils ne voient que des montagnes incultes et une mer orageuse, et qu’ils aillent goûter les plaisirs innocents que leur fournira la compagnie de leurs proches. Que ceux qui ont souffert la disette et les incommodités qui l’accompagnent soient comblés de biens et délivrés de crainte. Faisant gloire comme je fais d’être serviteur de Dieu, je serais très fâché que l’on pût dire, ou que l’on pût croire, qu’aucune personne vécût en crainte sous mon règne. Je tâche, autant que je puis, de réformer les abus qui se sont glissés sous les règnes précédents.
Pour ceux qui avaient été condamnés à travailler aux métaux ou aux autres ouvrages publiques.
« Que ceux qui ont été condamnés à travailler aux métaux, ou aux autres ouvrages publics, changent cette pénible occupation et ce laborieux exercice avec un honnête loisir et un agréable repos. Si quelques-uns d’entre eux ont été privés de la liberté et notés d’infamie, qu’ils soient rétablis en possession des honneurs et des droits qui leur appartenaient auparavant.
Au sujet des confesseurs qui avaient servi dans les armées.
« Que ceux qui, ayant autrefois possédé des charges dans les armées, en ont été privés sous ce cruel prétexte qu’ils en estimaient moins l’exercice que celui de leur religion, aient la liberté ou d’y rentrer et d’en faire les fonctions, ou de vivre en repos. Il est bien juste qu’après avoir signalé leur courage au milieu des plus terribles tourments, il ne dépende que de leur choix ou de jouir des donneurs de leurs charges, ou de goûter la douceur du loisir.
Libération des citoyens libres condamnés à travailler dans les gynécées ou à la servitude.
« Que ceux qui ont été dégradés de noblesse et condamnés injustement à travailler aux manufactures de toiles et à d’autres ouvrages semblables, ou qui, nonobstant l’avantage de leur naissance, ont été jugés esclaves du fisc, rentrent en possession de leur liberté et passent agréablement le reste de leur vie. Que ceux qui, étant d’une condition libre, ont été vendus par la plus violente et la plus inhumaine de toutes les usurpations et ont souvent gémi, lorsqu’ils étaient contraints de rendre des services, auxquels ils n’étaient pas accoutumés, se réjouissent de se voir rétablis en un moment dans les droits de leur naissance, de retourner entre les bras de leurs parents, d’être exempts des services, qui sont au-dessus d’eux, et qu’ils perdent le souvenir de leur misère.
De l’héritage des biens des martyrs, des confesseurs, des déportés et des proscrits.
« Je ne puis dissimuler l’injustice qui a été soufferte par ceux qui, sous divers prétextes, ont été dépouillés de leurs biens. Si quelques-uns par haine de ce qu’ils avaient généreusement soutenu de rudes combats pour la défense de leur sol ont été dépouillés de leurs biens, ou si d’autres pour avoir confessé qu’ils étaient chrétiens ont été contraints d’abandonner leur pays, ou enfin si d’autres ont été privés de ce qu’ils possédaient sans avoir été condamnés à mort, leur succession doit être recueillie par leurs proches. Les lois ayant adjugé les successions aux plus proches parents, ils seront aisés à reconnaître ; et d’ailleurs il n’y a rien de si juste que de rendre ces biens-là aux héritiers, auxquels ils auraient appartenu, si les martyrs et les confesseurs étaient morts d’une mort naturelle.
Que l’héritage de ceux qui n’ont pas de parents passe à l’Église et que les cadeaux qu’ils ont fait demeurent valides.
« S’il ne se trouve un parent qui puisse recueillir la succession des martyrs, des confesseurs, ou de ceux qui, pour conserver leur foi, ont quitté leur pays, elle appartiendra à l’Église. Les morts ne seront pas fâchés d’avoir pour héritière celle pour laquelle ils se sont exposés à toute sorte de dangers. Je crois ne devoir pas omettre que si quelques-uns de ceux, dont je viens de parler, ont trouvé à propos de faire donation de leur bien, mon intention est qu’elle soit exécutée.
Que ceux qui possèdent de semblables terres, jardins et maisons les retournent, moins ce qu’ils en ont tiré.
« Comme je souhaite que cette loi-ci soit si claire qu’il n’y ait personne qui n’en entende la disposition, que ceux qui sont détenteurs ou d’une maison ou d’une terre, ou d’un autre héritage qui ait autrefois appartenu à ceux dont j’ai parlé, sachent qu’ils doivent le déclarer eux-mêmes et en faire incessamment la restitution. Bien qu’ils aient reçu de grands revenus sans titre légitime, je ne crois pas que l’équité permette que l’on les oblige de les rendre.
De quelle manière il faut faire des demande là-dessus.
« J’entends néanmoins qu’ils déclarent par un acte exprès la quantité des revenus qu’ils ont touchés et qu’ils me demandent les lettres de grâce nécessaires en ce cas. Ce sera comme une satisfaction publique qu’ils feront de leur avarice. Ils diront peut-être pour leur excuse qu’au temps où l’on ne voyait que de tristes images des plus horribles cruautés, au temps où on arrachait les maîtres de leurs maisons et on les massacrait sans pitié, où on bannissait les innocents et auquel les héritages demeuraient comme abandonnés et exposés en proie, ils n’ont pu se dispenser de s’en emparer. Que ceux qui prétendent couvrir leur cupidité de ce prétexte, sachent qu’ils ne le pourront faire impunément, et que le soin que je prendrai de m’y opposer fait une partie du culte que je dois à Dieu. Il leur serait maintenant périlleux de retenir ce qu’il leur a été autrefois nécessaire d’accepter. D’ailleurs, il faut arrêter autant que l’on peut, soit par la raison ou par l’exemple, le cours de la cupidité.
Que le fisc restitue aux églises les terrains, les jardins, les maisons et tout le reste.
« Si le fisc se trouve en possession des biens, dont je parle, il ne pourra les conserver. Il restituera aux églises ce qu’il leur aura usurpé, soit maisons, terres, jardins, ou autres héritages avec toutes les dépendances.
Que les marturia et les cimetières soient rendus aux églises.
« Qui pourrait douter si les lieux qui ont été consacrés par les reliques des martyrs et qui conservent la mémoire précieuse de leur mort appartiennent à l’Église ? Qui ferait difficulté d’ordonner qu’ils lui soient restitués ? On ne saurait rien faire de si agréable à Dieu, ni de si utile à soi-même, que de prendre soin que les biens qui ont été enlevés aux églises par des scélérats sous de très injustes prétextes leur soient rendus sans aucun retardement.
Que ceux qui ont acheté ou reçu en cadeaux les biens de l’Église les rendent.
« Pour n’oublier aucun cas, auquel il ne soit pourvu, que ceux qui ont acquis du fisc des biens appartenant aux Églises ou qui en ont obtenu le don sachent que c’est en vain qu’ils ont prétendu les posséder et, bien qu’en les achetant, ils aient mérité d’encourir ma disgrâce, je ne laisserai pas de leur faire sentir autant qu’il me sera possible les effets de mon affection.
Invitations à adorer Dieu avec sérieux.
« Comme il paraît avec toute sorte de certitude et d’évidence que la misère et la tristesse qui avaient couvert la face de la terre sont dissipées par la puissance infinie de Dieu et par ses soins qu’il a eu agréable que j’aie pris pour ce sujet, je ne doute pas que chacun ne reconnaisse la grandeur de la grâce qu’il nous a faite, quand il a exterminé les méchants, qu’il a rendu la paix et la joie aux gens de bien, et qu’il leur a permis de s’acquitter en sûreté des devoirs de la piété, et de rendre aux personnes consacrées à son service, les honneurs qui leur sont dus. Ces personnes pieuses et saintes sortiront comme de l’obscurité de la nuit, pour jouir de la lumière du jour et observeront la présente loi avec une parfaite fidélité et une entière soumission. Qu’elle soit publiée dans les provinces d’Orient. »
Comment la législation de Constantin était appliquée.
Voilà ce que contenait la première lettre qui nous fut envoyée de la part de l’empereur. Elle fut à l’heure même observée très activement, et on vit sous son règne tout le contraire de ce que l’on avait vu sous la domination du tyran. Ceux en faveur desquels l’édit avait été fait jouirent de l’effet de la libéralité de l’empereur.
Qu’il fit la promotion des gouverneurs chrétiens, et s’ils étaient des Grecs, leur interdisaient les sacrifices [païens].
L’empereur garda tout de suite après une conduite toute conforme à la loi qu’il venait de faire à l’avantage de la religion. Il donna la plus grande partie des gouvernements à des chrétiens et défendit aux gouverneurs qui étaient encore attachés aux superstitions du paganisme d’offrir des sacrifices aux idoles. Il fit la même défense aux préfets du prétoire qui précédaient les gouverneurs et possédaient les premières dignités. Il voulait que s’ils faisaient profession de la piété chrétienne, ils en suivent les règles ; et s’ils n’étaient pas chrétiens, il ne pouvait souffrir qu’ils adorent les idoles.
Au sujet des lois qui interdisaient les sacrifices [païens] et encourageant la construction d’églises.
On publia deux autres lois en même temps. La première tendait à abolir le culte des idoles qui avait été en usage dans les villes et à la campagne et défendait généralement d’ériger des statues en l’honneur des dieux, de prédire l’avenir et d’égorger des victimes. La seconde loi ordonnait que l’on bâtirait des églises plus spacieuses et plus vastes qu’auparavant, comme si l’on eut été assuré que tous les peuples renonceraient aux erreurs et à la folie du polythéisme, pour se soumettre humblement au service de leur Créateur. La piété inspirait cette pensée à l’empereur et le portait à donner ces ordres-là aux gouverneurs des provinces. Il était ordonné par la même loi que l’on tirerait du trésor royal, tout ce qui serait nécessaire pour l’accomplissement d’un si louable dessein et que l’on n’éviterait aucune dépense. L’empereur écrivit pour ce sujet à tous les évêques et me fit l’honneur de m’écrire en ces termes, avant d’avoir écrit à aucun autre.
Lettre de Constantin à Eusèbe, et aux autres évêques pour la construction d’églises, leur restauration et leur agrandissement au moyen des gouverneurs.
« Constantin, Vainqueur, très grand Auguste, à Eusèbe. Les fidèles serviteurs de Dieu Sauveur ayant été persécutés jusqu’ici par la volonté impie du tyran, je suis très persuadé, mon très cher frère, que les édifices des églises sont en très mauvais état par le peu de soin que l’on a eu de les entretenir et que l’on n’a pu même les parer avec la bienséance convenable, à cause de la crainte de la persécution. Mais maintenant que la liberté est rétablie, et que le dragon a été privé de l’autorité absolue, par un ordre de la Providence, et par un effet de mes soins, je ne doute pas que tout le monde ne reconnaisse la grandeur et la majesté de Dieu et que ceux qui ont commis des fautes, par erreur, ou par faiblesse, ne tâchent de s’en corriger. Avertissez les évêques, les prêtres et les diacres de votre connaissance qu’ils pourvoient avec une application particulière aux bâtiments des églises, aux réparations de celles qui tombent en ruine, à l’augmentation de celles qui sont trop petites et à la construction entière de celles qui seront jugées nécessaires. Demandez au gouverneur de la province, et au préfet du prétoire, ce qui sera nécessaire pour cet effet et que les autres le demandent de la même sorte. Ils ont ordre de satisfaire exactement à tout ce que votre sainteté désirera de leur part. Que Dieu vous protège, mon cher frère. » On envoya à chaque évêque une copie de cette lettre. Chaque gouverneur de province reçut un ordre conforme et la volonté de l’empereur fut exécutée avec une merveilleuse promptitude dans l’étendue de tous les pays de son obéissance.
Qu’il écrivit au sujet du culte des idoles.
Constantin faisant de jour en jour de nouveaux progrès dans la piété, il écrivit une lettre aux habitants des provinces, touchant l’aveuglement, avec lequel ses prédécesseurs avaient adoré les idoles. Il exhorta ses sujets par la même lettre à reconnaître Dieu l’unique Souverain de l’Univers et à mettre l’espérance de leur salut dans la médiation de Christ Sauveur. Je l’ai traduite de Latin en Grec sur l’original écrit de sa propre main, et je l’insèrerai ici pour faire entendre à toute la postérité la voix éclatante avec laquelle il a publié ce qui suit.
Lettre de Constantin pour les provinces au sujet de l’erreur polythéiste, dont la préface porte sur le vice et la vertu.
« Constantin, Vainqueur, très grand Auguste, aux habitants des provinces d’Orient. Ta lumière que la nature a répandue dans l’esprit de tous les hommes suffit pour leur faire découvrir les soins que la Providence prend du gouvernement de l’univers. Ceux qui s’avancent par l’étude vers la vérité ne doutent pas que quiconque fait une sérieuse réflexion sur la diversité des objets qui sont exposés à ses yeux n’arrive enfin à la connaissance de leur principe. C’est pourquoi une personne sage ne s’étonnera jamais de la multitude, ni de la variété des opinions, qui partagent les hommes touchant le choix qu’ils doivent faire d’un genre de vie. Rien ne relève si fort la beauté de la vertu que la laideur du vice qui lui est contraire. L’une a des récompenses certaines, et l’autre ne peut attendre qu’un rigoureux châtiment, qui sera prononcé par un Juge également souverain et équitable. Je vous proposerai ici le plus clairement qu’il me sera possible l’espérance sainte que j’ai des biens à venir.
Du père de Constantin, ami de Dieu et de Dioclétien et Maximien, les persécuteurs.
« J’ai toujours eu un grand éloignement des empereurs précédents, par haine de la dureté de leur naturel. Il n’y a eu que Constance mon père qui a eu de la douceur pour ses sujets, comme il a eu de la piété envers Dieu. Les autres ont été des esprits mal faits qui se portaient bien moins à la clémence qu’à la cruauté durant tout le cours de leur règne. Ils ont usé de rigueur et combattu la vraie raison. Leur fureur est montée jusqu’à cet excès que d’exciter une guerre civile au milieu d’une profonde paix.
Que l’oracle d’Apollon, qui ne pouvait plus faire de prédiction à cause des justes, a déclenché la persécution.
« On disait qu’Apollon déclara en ce temps-là du fond d’une caverne obscure, et non du ciel, que les justes de la terre l’empêchaient de dire la vérité et qu’ils étaient cause des faux oracles du trépied. Sa prêtresse laissa croître ses cheveux, pour témoigner sa douleur et déplorer le mal parmi les êtres humains. Mais voyons où cela a mené.
Que Constantin, encore jeune, entendit lui-même Dioclétien dire qu’il avait déclaré la persécution parce qu’il avait entendu que les justes étaient les chrétiens.
« Je vous prends maintenant à témoin, Seigneur, qui êtes dans le ciel. Vous savez qu’étant encore fort jeune, j’entendis que le misérable empereur, qui tenait alors le premier rang, demanda à un de ses gardes, qui étaient ces gens de bien, dont on faisait tant de bruit, et qu’un prêtre païen qui était présent lui répondit que c’étaient les chrétiens. Ayant écouté cette réponse avec beaucoup de joie, il tira contre l’innocence l’épée qui ne doit être employée que contre le crime. Il écrivit avec cette épée, s’il est permis de parler ainsi, des édits sanglants et commanda aux juges de se servir de toute l’adresse de leur esprit pour inventer de nouveaux supplices.
Quelles punitions et insultes il infligea aux chrétiens.
« La piété fut alors persécutée avec une licence effrénée et accablée de toute sorte d’outrages. La modestie qui attire le respect des plus barbares fut exposée aux railleries sanglantes et aux plus rigoureux traitements que les Romains pussent inventer. Y a-t-il des supplices, des naufrages ou des incendies dont quelque âge ou quelque condition aient été exempts. La terre a pleuré, le ciel a gémi et le Soleil a été obscurci de l’horreur de ces misères.
Que les barbares ont reçu les chrétiens.
« Les étrangers se vantent aujourd’hui de la civilité, avec laquelle ils ont reçu les chrétiens, qui étaient chassés de leur pays, et de la bonté qu’ils ont eue non seulement de leur sauver la vie, mais de leur permettre l’exercice de leur religion. C’est une tache honteuse, dont le nom Romain a été flétri en ce siècle.
Quelles justes punitions ceux qui ont persécuté à cause de l’oracle.
« Qu’est-il besoin de rafraîchir la mémoire de cette affliction générale et de ce deuil commun de l’univers ? Les auteurs de ces maux ont péri misérablement et ont été précipités au fond de l’enfer. Ils ont pris les armes les uns contre les autres, se sont détruits par leur propres forces et n’ont laissé ni postérité, ni mémoire de leur nom. Un malheur aussi extrême et aussi déplorable que celui-là ne leur serait sans doute jamais arrivé, s’ils n’avaient été trompés par les impostures des oracles de la Pythie.
Action de grâce de Constantin, et sa reconnaissance du signe de la croix, et sa prière pour les églises et leurs fidèles.
« Je vous supplie maintenant, ô Dieu, dont la grandeur est infinie, de regarder d’un œil favorable les peuples d’Orient, qui ont gémi si longtemps dans l’oppression, et de permettre qu’ils reçoivent du soulagement par mon ministère. Ce n’est pas sans raison, Seigneur, que je vous fais cette humble prière, puisque je n’ai rien entrepris que par votre ordre. Votre étendard a toujours précédé mon armée et l’a rendue victorieuse, et toutes les fois que la nécessité publique m’engage à prendre les armes, je le suis comme un signe de l’espérance que j’ai en votre bonté. C’est pour cela que je vous offre sans cesse un cœur rempli de votre amour et de votre crainte. J’ai un amour sincère pour votre nom et une crainte salutaire de la puissance, dont vous m’avez donné tant de marques et par laquelle vous avez affermi ma foi. C’est pourquoi je me présente avec joie, pour soutenir votre sainte maison que les impies ont tâché d’abattre.
Qu’il souhaite que tous soient chrétiens, mais qu’il ne l’oblige pas.
« Je souhaite de tout mon cœur, pour le bien commun de toute la terre, que votre peuple jouisse d’une paix profonde et qui ne soit troublée par aucun tumulte ; je consens que ceux qui sont encore engagés dans les erreurs du paganisme jouissent du même repos que les fidèles. L’équité que l’on gardera envers eux et l’égalité du traitement que l’on fera tant à eux qu’aux autres contribueront notablement à les mettre dans le bon chemin. Qu’aucun n’en inquiète un autre. Que chacun choisisse ce qu’il jugera le plus à propos. Néanmoins, ceux qui jugeront sainement assureront hardiment qu’il n’y a que ceux qui gardent vos commandements qui mènent une vie innocente et sainte. Que ceux qui se soustraient de votre obéissance aient des temples consacrés au mensonge, puisqu’ils en veulent avoir. Pour nous, nous demeurerons dans la maison de votre vérité, où vous nous avez reçus dès le commencement. Nous souhaitons qu’ils y entrent aussi bien que nous et qu’ils jouissent de l’avantage de notre société.
Action de grâces à Dieu qui, par son Fils, a illuminé ceux qui erraient.
« Notre religion n’est pas nouvelle. Nous tenons pour certain que vous l’avez instituée avec le culte qui vous est dû, dès que vous avez créé l’univers. Les hommes s’en sont éloignés depuis et sont tombés en diverses erreurs. Mais pour les en retirer, vous avez envoyé votre Fils qui leur a présenté une lumière très éclatante.
Actions de grâces à Dieu pour avoir produit l’harmonie de l’Univers.
« Vos ouvrages sont des preuves manifestes de ce que je dis. Vous nous avez rendus innocents et fidèles par votre puissance. Le cours du Soleil et de la Lune est réglé, et il y a une merveilleuse justesse dans le mouvement des astres. Les saisons ont une révolution égale et perpétuelle. La masse de la terre est appuyée sur votre parole, comme sur un fondement inébranlable. Les vents se promènent dans l’air. Les eaux coulent incessamment sur la terre. La mer demeure renfermée dans l’étendue des bornes que vous lui avez posées. Il n’y a rien dans l’un ni dans l’autre de ces éléments qui ne soit d’un admirable usage. Si l’univers n’avait été disposé de la sorte par l’ordre de votre Providence, il y a longtemps que les qualités contraires et le combat réciproque des parties qui le composent en auraient causé la ruine. Les esprits qui font la guerre la feraient aux hommes avec beaucoup plus de cruauté, bien qu’ils la fit déjà d’une manière invisible.
Actions de grâces rendues à Dieu pour avoir toujours enseigné ce qui est admirable.
« Je vous rends de très humbles actions de grâces, mon Dieu et mon Seigneur. Plus on remarque de différence dans les inclinations et dans les sentiments des hommes, plus ceux qui ont découvert la vérité se sentent affermis dans la religion. S’il y a quelqu’un qui ne veuille pas être guéri, qu’il n’en rejette la faute sur aucun autre. On offre le remède et la guérison à tout le monde. Chacun doit seulement prendre garde de ne pas offenser une religion dont l’innocence et la sainteté sont manifestes. Jouissons tous en commun de la douceur de la paix qui nous est accordée, et préservons notre conscience de tout ce qui la pourrait souiller.
Exhortation finale : que personne ne moleste qui que ce soit.
« Que personne n’inquiète ceux qui ne sont pas de son sentiment. Si quelqu’un a quelque lumière, qu’il s’en serve, autant qu’il lui sera possible, pour éclairer les autres, sinon qu’ils les laissent en repos. Autre chose est de donner des combats, pour acquérir la couronne de l’immortalité, et autre chose d’user de violence pour contraindre à embrasser une religion. Le désir que j’ai eu de ne rien dissimuler de la vérité, m’a obligé à m’étendre sur ce sujet un peu plus que ma douceur ordinaire ne semblait le permettre, vu principalement que les coutumes des temps et la puissance des ténèbres, sont entièrement abolies, comme quelques-uns l’assurent. C’est ce que j’aurais tâché de persuader à tout le monde, si la préoccupation de quelques-uns ne leur était un obstacle invincible. »
Comment à Alexandrie se suscitèrent des contestations au sujet d’Arius.
L’empereur publia ces vérités à tous les habitants des provinces par la lettre qu’il leur écrivit et tâcha de les détourner de l’idolâtrie et de les porter au culte du vrai Dieu. Au milieu de la joie qu’il tirait de l’heureux succès d’une si louable entreprise, il reçut nouvelle d’un tumulte qui avait notablement troublé la paix de l’Église. Il en fut très sensiblement touché et songea à l’heure même aux moyens d’y apporter du remède. Voici quel était le sujet du tumulte. L’état de l’Église était florissant, et les fidèles s’adonnaient avec joie à toute sorte de saints exercices. Leur repos était si bien affermi qu’il ne pouvait être ébranlé par aucun ennemi étranger. Mais l’Envie leur dressa un piège. Elle se glissa parmi eux et, tout de suite après, entra impudemment dans les assemblées des saints évêques ; elle les commit les uns contre les autres et leur suscita des différends et des querelles sous prétexte de doctrine. Cette petite étincelle excita un grand embrasement, qui commença dans Alexandrie, s’étendit sur l’Égypte, sur la Libye, sur la haute Thébaïde, et désola tellement un grand nombre d’autres provinces que non seulement les prêtres entrèrent en des contestations pleines d’aigreur, mais que, les peuples prenant aussi parti dans les mêmes différends, ils firent une division et un schisme très funeste. Le scandale en fut si horrible que la doctrine sainte de notre religion devint le sujet des railleries impies et des bouffonneries sacrilèges que les païens faisaient sur leurs théâtres.
D’Arius, et des partisans de Mélèce.
Les uns disputaient dans Alexandrie avec une opiniâtreté invincible sur les plus sublimes mystères. D’autres contestaient dans l’Égypte et dans la haute Thébaïde sur une question qui avait été proposée dès auparavant, de sorte qu’il n’y avait aucune église qui ne fût divisée. La Libye entière, et les autres provinces sentirent des atteintes du même mal. Les ecclésiastiques d’Alexandrie ayant écrit aux évêques touchant leur différend, il n’y en eut aucun qui ne se déclarât pour l’un des deux partis.
Comment Constantin, tout en envoyant quelqu’un, écrivit au sujet de la paix.
L’empereur étant sensiblement touché de la division de l’Église et n’en ayant pas un moindre déplaisir qu’il aurait eu d’une disgrâce qui serait arrivée à sa famille, il envoya à Alexandrie un homme célèbre par la solidité de sa foi et par la générosité de la profession qu’il en avait faite en présence des persécuteurs durant les plus mauvais temps, et lui donna une lettre pour les auteurs du différend. Je crois qu’il sera très à propos de l’insérer en cet endroit, comme une preuve authentique du soin que ce prince prenait des affaires de l’Église.
Lettre de Constantin à Alexandre, évêque, et à Arius, prêtre.
« Constantin, Vainqueur, très grand Auguste, à Alexandre, évêque, et à Arius, prêtre. Dieu, qui a la bonté de seconder tous mes desseins et de conserver tous les hommes, m’est témoin que j’ai été porté par deux motifs à entreprendre ce que j’ai heureusement exécuté.
Qu’il avait l’habitude de s’occuper de la paix.
« Je me suis d’abord proposé de réunir les esprits de tous les peuples dans une même créance au sujet de la divinité, et ensuite j’ai souhaité de délivrer l’univers du joug de la servitude sous laquelle il gémissait. J’ai cherché dans mon esprit des moyens aisés pour venir à bout du premier dessein, sans faire beaucoup d’éclat, et je me suis résolu de prendre les armes pour exécuter le second. Je me persuadais que si j’étais assez heureux, pour porter les hommes à adorer tous le même Dieu, ce changement de religion en produirait un autre dans le gouvernement de l’Empire.
Qu’il régla les contestations en Afrique.
« L’indiscrétion et la témérité que quelques-uns avaient eue de diviser les peuples d’Afrique en plusieurs opinions touchant les matières de la religion et en plusieurs sectes, ayant passé jusqu’à un excès de folie et d’extravagance tout à fait insupportable, je n’ai pas trouvé d’autre moyen d’en arrêter le cours que d’enlever du monde l’ennemi commun du genre humain, qui s’opposait aux décrets de vos saintes assemblées et que d’envoyer quelques-uns de mes officiers pour mettre d’accord ceux qui formaient et entretenaient les disputes et les querelles.
Que la piété [chrétienne] est née en Orient.
« La lumière de la véritable religion étant sortie par une faveur particulière de Dieu de l’Orient pour se répandre sur le reste de la Terre, j’ai jeté d’abord les yeux de mon esprit sur vous, comme sur des pasteurs qui sont obligés de veiller au salut de tous les peuples. Dès que j’eus remporté la victoire et triomphé des vaincus, la première affaire à laquelle je m’appliquai, fut celle dont je parle.
Qu’attristé par la querelle, il propose des conseils au sujet de la paix.
« Que les desseins de la Providence sont merveilleux, et que ses secrets sont impénétrables ! Quelle nouvelle frappa mes oreilles, ou plutôt quelle douleur perça mon cœur, lorsque j’appris que vous aviez excité entre vous des contestations beaucoup plus fâcheuses que celles qui duraient encore en Afrique ? Je reconnus que votre pays, d’où j’espérais que verdirait la guérison des autres avait lui-même besoin de remède. Quand j’ai considéré l’origine et le sujet de votre différend, il m’a semblé fort léger et fort peu digne d’être agité avec tant de chaleur. Étant obligé de vous écrire pour vous exhorter à la paix, j’ai imploré le secours de Dieu et me suis résolu de m’interposer pour vous mettre d’accord. Quand vos contestations seraient plus importantes, et plus engagées qu’elles ne le sont, je ne laisserais pas d’espérer rétablir parmi vous une parfaite intelligence. Il n’y a donc plus d’apparence de me promettre de vous réunir, puisque vous n’avez aucune raison de vous diviser.
D’où est née la contestation entre Alexandre et Arius, et qu’il ne fallait pas discuter de ces choses.
« J’apprends que vos disputes sont nées de ce que vous, Alexandre, avez demandé aux autres de votre église ce qu’ils tenaient touchant un endroit de la loi, ou plutôt touchant une question fort inutile, et que vous, Arius, avez indiscrètement, fait une réponse qui ne devait jamais entrer dans votre esprit, et qui, si elle y était entrée, ne devait jamais sortir de votre bouche. C’est de là que sont venus vos différends, et vos disputes, le refus de la communion, le schisme, qui sont la correspondance mutuelle des fidèles et qui les sépare du corps de l’Église. Demandez-vous pardon les uns aux autres, et accordez-vous aux conditions raisonnables que votre conserviteur vous propose. Il ne fallait ni faire les questions que vous avez faites, ni y répondre. Car bien que ces questions-là, qui ne sont pas nécessaires et qui ne sont agitées pour l’ordinaire que par des personnes qui ont trop de loisirs, servent à exercer l’esprit, il est plus à propos de les tenir secrètes que de les publier légèrement devant le peuple. Combien y a-t-il peu de personnes qui soient capables de pénétrer une matière si relevée et de l’expliquer avec des paroles qui répondent à sa dignité ? Quand il y aurait des personnes capables de l’expliquer de la sorte, à combien de personnes du peuple la pourraient-ils faire entendre ? Les plus habiles peuvent-ils entrer dans l’examen de ces questions, sans se mettre en danger de faire de grandes fautes ? Il n’en faut parler qu’avec beaucoup de retenue, de peur que si ceux qui en voudraient parler ne les expliquaient qu’imparfaitement, ou si ceux qui les écoutaient les comprenaient trop grossièrement, le peuple ne tombât ou dans le blasphème ou dans le schisme.
Exhortation à la concorde à la paix.
« Que ceux qui ont interrogé les autres indiscrètement et que ceux qui leur ont répondu mal à propos se pardonnent réciproquement. Il ne s’agit entre vous d’aucun commandement de notre loi, ni d’aucun dogme qui regarde le culte qui est dû à Dieu. Vous êtes tous dans le même raisonnement, et il est aisé que vous vous réunissez dans le signe de la même communion.
Qu’il ne faut pas se quereller pour des détails au sujet de ce qui est en commun.
« La bienséance ni la raison même ne permettent que vous gouverniez le peuple de Dieu, pendant que vous contestez ensemble avec aigreur pour un sujet très léger. Je me servirai d’un petit exemple, pour avertir des personnes aussi éclairées que vous de leur devoir. Vous savez que bien que les philosophes de la même secte conviennent dans les mêmes principes, ils ne s’accordent pas toujours dans les suites et les dépendances de leur doctrine. Ils ne laissent pas pour cela d’être en bonne intelligence. N’est-il pas plus juste que vous qui avez l’honneur d’être les ministres de Dieu, vous vous accordiez ensemble touchant les points de notre religion ? Faites, je vous prie, une réflexion sérieuse sur ce que je vous ai déjà dit et considérez s’il est raisonnable que, pour un vain combat de paroles, les frères s’arment contre les frères et divisent l’assemblée sainte des fidèles. C’est une basse conduite, qui convient à des personnes ignorantes comme est le peuple, ou faibles comme sont les enfants, mais qui ne convient nullement à des hommes éclairés et sages comme doivent être les prêtres. Éloignons-nous des pièges que le démon nous dresse. Notre Dieu et notre Sauveur nous présente à tous la même lumière. Je vous prie de me permettre, à moi, dis-je, qui fais gloire de Le servir et de L’honorer, d’achever avec Son assistance l’ouvrage que j’ai commencée et d’exciter Son peuple par la force de mes raisons à se réunir dans une même communion. Puisque vous faites tous profession de la même foi, comme je ne l’ai déjà que trop répété, que vous êtes d’accord touchant les points de la religion et que vous observez les mêmes commandements, le sujet sur lequel vous vous disputez ne concernant aucun article capital de la piété, il n’aurait pas dû causer de schisme. Je ne dis pas ceci pour vous obliger à être tous de même sentiment touchant l’opinion impertinente, ou enfin touchant l’opinion quelle qu’elle soit qui vous divise. Vous pouvez conserver la communion et la paix, bien que vous ne soyez pas d’accord touchant quelques points de peu d’importance. N’ayez tous que la même pensée et la même foi touchant l’unité de Dieu et l’étendue de la Providence. Si en disputant avec peut-être trop de subtilité sur ces questions vaines et inutiles, vous ne vous accordez pas les uns avec les autres, que chacun retienne son sentiment dans le secret de son cœur. Mais conservez inviolablement le lieu de la charité, le dépôt de la foi et les préceptes de la loi. Retournez au sein les uns des autres et embrassez-vous étroitement. Chassez de votre cœur toute sorte de haine et reconnaissez-vous pour frères. L’amitié est quelquefois plus tendre et plus sincère après la réconciliation qu’elle n’avait été avant la rupture.
Qu’à cause de sa trop grand piété, il est obligé de pleurer et qu’à cause de cela, il n’ira pas en Orient comme il se préparait à le faire.
« Délivrez-moi de mes soins et de mes inquiétudes ; rendez-moi la beauté du jour et le repos de la nuit. Sans cela je ne pourrai m’empêcher de fondre en larmes et de passer le reste de ma vie dans la douleur. Comment pourrais-je être dans la joie, pendant que le peuple de Dieu et que mes chers conserviteurs sont séparés les uns des autres par une pernicieuse querelle ? Pour vous faire comprendre la grandeur de mon déplaisir, je vous dirai qu’étant arrivé depuis peu de temps à Nicomédie, j’avais résolu de partir tout de suite après, pour aller en Orient. Comme j’étais sur mon départ, cette nouvelle me l’a fait différer, de peur que je ne voie de mes propres yeux ce que j’ai peine à entendre raconter. Ouvrez-moi donc par votre réconciliation le chemin que vous m’avez fermé par vos querelles. Faites en sorte que je vous puisse voir, vous et les autres peuples ravis de joie, et rendre à Dieu des actions de grâces pour votre bonne intelligence. »
Même après cette lettre, le trouble causé par les contestations continue.
Voilà la lettre que l’ami de Dieu écrivit pour tâcher de rétablir la paix dans l’Église. Comme celui, qui avait été chargé de la porter était un évêque d’une rare piété, il n’omit rien de ce qui pouvait contribuer à l’accomplissement des volontés de l’écrivain. Mais l’affaire était trop importante pour être terminée par une lettre. L’aigreur des contestations s’augmenta et se répandit par tout l’Orient par un effet de l’envie et de la malignité du démon, qui ne pouvait souffrir la prospérité de l’Église.