Analyse du parler en langues

Chapitre 1

L’analyse du renouveau charismatique

Le Renouveau Charismatique au sein de l’Église Catholique, était sous la plume de D. Cormier, le titre d’une plaquette éditée au Canada vers la fin des années 70. Elle recouvrait la position du pentecôtisme classique de l’époque. Nous allons la résumer ici sans trahir ni tronquer la pensée de l’auteur en la rapportant.

Si, par endroit, le langage paraît excessif à certains, ce n’est pas le nôtre ; rien n’est de nous, sauf les liaisons entre les paragraphes. Ce livre décrit le désarroi des catholiques sincères devant la sécheresse de leur Église, leur soif d’une authentique vie spirituelle et leur recherche sincère de la vie de l’Esprit, à partir de contacts avec divers pasteurs pentecôtistes, de la lecture du livre « La Croix et le Poignard » de David Wilkerson, et d’un autre livre pentecôtiste « Ils parlent en d’autres langues » de J.L. Sherrill.

Ils persévérèrent pendant plus d’un an, priant chaque jour en disant : Viens Saint-Esprit… Cela se passait à l’université Duquesne en Pennsylvanie. A South Pend en Indiana la même recherche, la même attente se faisait avec des professeurs de théologie du collège Sainte-Marie. Là, ils firent appel au frère Ray Bullard, diacre d’une Église pentecôtiste voisine et président local du groupe des Hommes d’Affaires du Plein Évangile. Cet homme était estimé pour sa grande expérience des dons spirituels, et était décrit comme un homme humble qui ne cherchait qu’à être utilisé par le Seigneur. Il devint en quelque sorte le parrain spirituel de la communauté charismatique qui se formait à Notre-Dame. Pendant plusieurs mois ils se réunirent chez Ray Bullard, où se tenaient déjà des réunions pentecôtistes et où plusieurs pasteurs pentecôtistes furent invités régulièrement pour donner des exposés et répondre aux questions des nouveaux venus.

Puis ce fut l’explosion ; un week-end, de nombreux étudiants catholiques furent baptisés dans le Saint-Esprit. Cela se répandit comme une traînée de poudre. Lors d’une de ces rencontres chez Ray Bullard, un ancien missionnaire pentecôtiste posa la question : Maintenant que vous avez reçu le Saint-Esprit, quand comptez-vous quitter l’Église catholique ? Etonnés, ils répondirent : Mais nous n’avons nullement l’intention de quitter l’Église ! Le sentiment unanime des pentecôtistes classiques de l’époque, était que l’Esprit-Saint allait tôt ou tard ouvrir les yeux des catholiques. Mais à mesure que le temps passait, il devenait évident qu’ils étaient bien décidés à rester catholiques et que la hiérarchie récupérait le mouvement au profit de l’Église romaine. Cinq hypothèses furent alors émises pour expliquer l’attitude de ces catholiques qui continuaient à suivre les enseignements et les pratiques de leur Église tout en affirmant avoir reçu le Saint-Esprit :

  1. Ce mouvement n’est encore qu’à ses débuts ; les catholiques qui en font partie changeront plus tard.
  2. Ce mouvement vient de l’Esprit, mais la hiérarchie catholique a su le canaliser à son profit.
  3. Ce mouvement est l’accomplissement de la prophétie : “Je répandrai mon Esprit sur toute chair”, et démontre que l’Esprit Saint est au-dessus de nos préjugés religieux et peut sauver quiconque indépendamment de sa doctrine.
  4. Ce mouvement n’est qu’une mise en scène pour attirer les protestants dans le piège de l’œcuménisme.
  5. Ce mouvement est une contrefaçon du diable et prépare la venue de l’antéchrist.

L’auteur développe la position qu’adopte encore, en Europe en tout cas, une parte du pentecôtisme historique et qui est résumée par ces cinq hypothèses :

1. Ce mouvement n’est encore qu’à ses débuts ; les catholiques qui en font partie changeront plus tard. Il constate que, contrairement à l’attente générale, la caractéristique principale du mouvement charismatique ramenait au catholicisme ceux qui s’en étaient éloignés et ranimait leurs dévotions idolâtres.

Les professions de foi charismatiques s’exprimaient ainsi :

Citant alors le Père O’Connor, il nous livre une profession de foi charismatique à faire frémir n’importe quel pentecôtiste, évangélique ou réformé :

Les premiers effets furent une plus grande dévotion envers l’eucharistie. L’effet le plus frappant, pour un bénédictin, après son baptême dans l’Esprit, a été de chanter la messe. Le culte à Marie a été renforcé par le mouvement pentecôtiste dans tout le pays. En résumé, l’effet du mouvement pentecôtiste a été de sauver des personnes pour l’Église, pour la prêtrise et pour la vie religieuse”.

Le changement attendu n’ayant pas eu lieu, cette première hypothèse ne pouvait pas être retenue.

2. Ce mouvement vient de l’Esprit, mais la hiérarchie catholique à su le canaliser à son profit.

L’explication sur ce point est moins précise. Sont cités les noms des Pères Regimbald, O’Connor et du cardinal Suenens qui introduisirent le mouvement charismatique auprès des laïcs. Le retour aux dévotions traditionnelles n’est pas le résultat de pressions de la part de la hiérarchie, mais l’effet même de l’expérience charismatique. Le Père Mc Donnel est cité en ces mots : “Les pentecôtistes catholiques sont portés à reprendre et à cultiver des formes de contact avec Dieu qu’ils avaient abandonnées. Cela ne tient pas à une théologie conservatrice mais plutôt à l’effet transformant de leur expérience”.

Si la hiérarchie romaine est bien pour quelque chose dans un retour à ce paganisme à verni chrétien, la cause déterminante (nous ne faisons que citer) c’est “l’expérience pentecôtiste”.

Cette deuxième hypothèse n’est pas retenue.

3. Ce mouvement est l’accomplissement de la prophétie : “Je répandrai mon Esprit sur toute chair” et démontre que l’Esprit Saint est au-dessus de nos préjugés religieux et peut sauver quiconque indépendamment de sa doctrine.

La question qui est ensuite posée est très lourde de conséquence : “l’esprit qui agit dans l’Église romaine est-il le Saint-Esprit ? En parlant de l’Esprit Saint, Jésus a dit : “Il vous conduira dans toute la vérité”. C’est le propre du Saint-Esprit. Le propre de l’esprit mauvais est de conduire dans une partie seulement de la vérité. Or, un des effets Les plus frappants du charismatisme, c’est de conduire ses adeptes dans une partie de la vérité et une partie d’erreur comme par exemple : la prière spontanée ET le chapelet ; l’adoration du Christ ET du saint-sacrement ; la lecture de la Bible ET le culte de Marie”.

Suivent quelques témoignages de gens qui ont été baptisés du Saint-Esprit, “l’un en finissant de réciter son chapelet, l’autre pendant qu’il chantait une hymne à la messe, une autre encore pendant qu’elle était agenouillée et priait la sainte Vierge. Ces témoignages suffisent nettement à démontrer que l’esprit qui baptise ces gens est en contradiction avec les Écritures et ne peut aucunement être le Saint-Esprit. Ce n’est pas mettre en doute l’œuvre du Saint-Esprit mais bien lui attribuer une telle horreur et une telle idolâtrie qui constitue un blasphème contre sa divine personne”.

S’accordant au pentecôtisme biblique de l’époque, l’auteur tire une conclusion très réfléchie dont nous nous servirons plus loin : “Nous vivons dans un monde marqué par le relativisme… où l’on ne croit plus en une vérité absolue mais en des vérités relatives subordonnées à l’expérience humaine. L’accent est ainsi davantage mis sur l’expérience que sur la doctrine. Le fait de parler en langues ou de ressentir une certaine paix intérieure… l’amour pour Dieu, Marie et les saints est plus important que de connaître la saine doctrine. Citant Charles Foster il dit : Quand l’expérience de l’Esprit passe avant la doctrine et le salut, la séduction est certaine…

La troisième hypothèse ne pouvait être retenue.

4. Ce mouvement n’est qu’une mise en scène pour attirer les protestants dans le piège de l’œcuménisme.

Tout en reconnaissant que sans la contribution pentecôtiste le mouvement charismatique n’aurait jamais pu se développer au sein de l’Église catholique, il admet le danger et ajoute : “Il est malheureux de constater que quelques chrétiens évangéliques ainsi que de nombreux protestants n’ont pas reconnu ce piège. Des preuves abondantes démontrent que le charismatisme sert les intérêts de Rome et de l’œcuménisme, mais nous devons rejeter l’hypothèse que ce ne serait qu’une mise en scène pour attirer les protestants dans le piège de la débauche œcuménique. Les guérisons, prophéties, miracles opérés dans le mouvement charismatique nous interdisent de n’y voir qu’une mise en scène humaine. Si le Saint-Esprit ne peut être derrière ce mouvement c’est bel et bien un esprit réel et agissant… ce sont des événements surnaturels qui ont amené ce mouvement à se développer avec tant de rapidité et de vigueur.

N’étant donc pas le résultat direct d’un calcul humain, mais l’émanation d’un esprit étranger, cette quatrième hypothèse ne pouvait pas être retenue. Restait la cinquième.

5. “Ce mouvement est une contrefaçon du diable et prépare la venue de l’antéchrist.

On ne peut reproduire le texte in extenso mais ce raccourci en donnera les idées principales.

À l’université Duquesne, après le baptême du Saint-Esprit d’une trentaine d’étudiants, plusieurs guérisons publiques et surnaturelles suivirent bientôt. Parmi celles qui impressionnèrent le plus les observateurs, ce furent les manifestations prophétiques en langues et leur interprétation. K. et D. Ranafhan racontent dans leur livre “Le retour de l’Esprit” : Lors d’une réunion de prière à South Bend, un prêtre qui y assistait pour la première fois, demanda à l’homme qui se trouvait près de lui, où il avait appris le grec. — Quel grec ? Le prêtre dit alors au groupe qu’il avait distinctement entendu son voisin répéter les premières phrases du “Je vous salue Marie” en grec. Le Père O’Connor ajoute dans son livre : Avant cette rencontre, il n’y avait que très peu de trace de dévotion mariale dans le groupe… à partir de là il y eut un élan de piété mariale. Pour eux, les divers miracles et manifestations mariales sont les preuves infaillibles de la présence de Dieu dans leur Église.

D. Cormier rétorque que “la Bible nous met cependant en garde contre des signes miraculeux et mensongers” (2 Thessaloniciens 2.9-12).

L’analyse ne pouvait dès lors aller que dans le sens de la dernière hypothèse. La condamnation du réveil dit charismatique est nette et sans appel. “C’est, dit-il, le croisement du pentecôtisme protestant et de l’idolâtrie catholique.” Rappelons que rien n’est de nous dans cette analyse. C’est pourquoi nous avons pris soin de mettre le texte original en italique.

Cette analyse et ces conclusions sont-elles les nôtres ? Permettez-nous, en un premier temps, de réserver notre réponse, car aussi abrupte qu’elle paraisse, cette conclusion est encore celle d’une partie du pentecôtisme conservateur européen. Souvenons-nous que c’est du don du parler en langues et du signe dont il est porteur que nous devons débattre. Si nous avons condensé cet article percutant sur les charismatiques, c’est parce qu’on trouve chez eux comme chez les pentecôtistes, la triple notion des langues, du signe et du baptême du Saint-Esprit. Toutefois, comme le fait clairement ressortir cette analyse, les pentecôtistes (encore) classiques, nient qu’elle ait la même origine. S’ils en sont si sûrs, pourquoi s’affligent-ils d’être les initiateurs de cette erreur qu’ils qualifient de diabolique ?

Nous citons à nouveau : “Ray Bullard, diacre d’une Église pentecôtiste, possédant une grande expérience des dons spirituels… et plusieurs pasteurs pentecôtistes…”. Ce sont eux qui ont enseigné, prié et imposé les mains pour que ces catholiques reçoivent le Saint-Esprit. Et ce serait des mains des pentecôtistes à la saine doctrine qu’ils auraient reçu un esprit malsain ?! Il y a là de quoi être bouleversé surtout quand ils sont obligés d’avouer : “Si ce n’eut été de Ray Bullard, le diacre pentecôtiste… Jamais ce mouvement n’aurait vu le jour”.

Or, derrière les anciens qui ont imposé les mains à Timothée, il n’y avait rien d’autre que ce que ce jeune serviteur a reçu : le don de Dieu (2 Timothée 1.6). Et derrière les mains d’Ananias qui les a imposées à Saul de Tarse, il n’y avait rien d’autre que le Saint-Esprit. Et quand ce même Saul de Tarse, devenu l’apôtre Paul, a imposé les mains aux disciples de Jean à Éphèse, ils n’ont reçu d’autre Esprit que le vrai. Si donc c’est un esprit diabolique qu’ont reçu ces catholiques sincères, des mains de ces spécialistes chevronnés que sont Ray Bullard et les pasteurs pentecôtistes qui lui sont associés, c’est que derrière leurs mains et leurs prières, il y avait ce qu’ils ont déploré par la suite, c’est-à-dire tout autre chose que le Saint-Esprit. Jésus l’a dit d’une façon telle qu’il est impossible de s’y méprendre : “Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre de bons fruits” (Matthien 7.18). Si le fruit est par eux-mêmes déclaré mauvais, c’est que leur arbre était de la même nature.

C’est ce qui semble échapper à nos amis pentecôtistes. Quand on leur fait remarquer les bizarreries dont leurs milieux sont affligés ; que c’est tout autre chose que le Saint-Esprit qui produit des dérapages verbaux incontrôlables et des excentricités de comportement, leur invariable réponse est la parole de Jésus : “Quel est le Père parmi vous qui donnera une pierre à son fils s’il lui demande du pain ? Ou s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d’un poisson ? Ou s’il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent ?” (Luc 11.11-13).

Mais n’est-ce pas là un argument-boomerang ? Car en s’adressant à Ray Bullard et aux pasteurs pentecôtistes, ces catholiques n’ont demandé ni une pierre, ni un serpent, ni un scorpion ; c’est pourtant ce qu’ils ont reçu. Maintenant ces amis se mordent les doigts d’avoir prié et imposé les mains à des catholiques qui ont dès lors reçu un mauvais esprit, selon ce qu’ils en témoignent. Ce qui devrait par-dessus tout les inquiéter, ce n’est pas tellement ce que ces catholiques ont reçu mais bien plutôt ce qu’ils leur ont transmis. Ne serait-ce pas le comble de l’aberration d’entendre un mari se plaindre ou s’indigner d’un sida que sa femme aurait eu de lui. Son analyse de la maladie de son épouse serait peut-être juste, mais l’accuser d’avoir contracté un mauvais sida, tout en soutenant que le sien est bon, c’est une affaire sérieuse qui exige que l’on s’y attarde. J’abonde entièrement dans le sens des amis pentecôtistes quand ils disent que le virus attrapé par les charismatiques est mauvais parce qu’il est anti-biblique, mais quand on sait, d’après leur propre aveu, où ils l’ont attrapé et de qui ils le tiennent, ils devraient être les premiers à se poser ces questions : Et si c’était le même “baptême de l’Esprit” ? Et si c’était le même “parler en langues” ?!

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