Dans nos pays où le christianisme est devenu la religion officielle, il suffit de naître dans une famille catholique ou protestante pour être baptisé et porter d’office le nom de chrétien. Aussi, pour beaucoup, ce nom porté par tout le monde a perdu sa réelle signification.
Il n’en était pas ainsi dans les débuts de l’ère chrétienne. Seuls ceux qui s’étaient convertis au Seigneur après avoir entendu et cru l’Évangile, étaient baptisés et introduits dans l’Église (Actes 2.41,47). Le nom de chrétien fut donné pour la première fois à Antioche aux disciples du Christ, (Actes 11.26). Ceux-ci sortis du judaïsme, d’autres, plus tard, ayant rompu avec le paganisme et ses coutumes par une conversion véritable, manifestaient aux yeux du monde un changement total de vie. Le christianisme à son origine, n’était pas une simple étiquette extérieure, l’insigne d’une société particulière, ou seulement l’observance de nouveaux rites, la pratique d’un nouveau culte, mais une vie nouvelle.
Aujourd’hui, par un éloignement progressif de la vérité évangélique, on en est venu à s’attribuer le nom de chrétien sans posséder nécessairement la vie de Dieu qui est dans Son Fils (1 Jean 5.11). Ainsi, l’homme dont la conduite offre parfois un saisissant contraste avec les enseignements de Jésus porte le nom de chrétien comme le fidèle régénéré. Cette funeste inconséquence crée une grande confusion et fausse le principe de la vraie appartenance à l’Église.
Perdant de plus en plus la notion biblique du christianisme, par la force des choses, par tradition, par éducation "on est devenu chrétien" comme les enfants de parents bouddhistes ou musulmans sont bouddhistes ou mahométans. Or si le bouddhisme ou le mahométisme peuvent être un privilège de naissance, il n’en est pas ainsi du christianisme. On ne naît pas chrétien, on le devient par une nouvelle Naissance (Jean 3.3). Quelle que soit la piété du milieu où nous voyons le jour, nous naissons pécheurs dans ce monde. Notre grand privilège sur les païens est que nous avons la possibilité d’entendre l’Évangile dès notre enfance. Cet avantage immense, ne l’oublions pas, augmente aussi terriblement notre responsabilité.
À l’heure actuelle, il est nécessaire que nous comprenions à nouveau le sens profond et le Caractère du christianisme. Ne nous contentons pas de notions vagues, car l’heure est venue de montrer la couleur de notre drapeau. Nous arrivons à des temps de décisions où l’indifférence et la neutralité spirituelles ne pourront plus subsister. L’heure du "pour" et du "contre" va sonner au cadran de l’histoire (Apocalypse 3.16; 22.11).
Jusqu’à présent, dans notre pays, les chrétiens n’ont guère été mis à l’épreuve, mais il n’en sera peut-être pas toujours ainsi. Notre christianisme est-il prêt à subir le feu du creuset?
Tandis qu’une opinion est un sentiment particulier que l’on se forme d’une chose en la considérant par soi-même, une conviction est la certitude que l’on a de la vérité d’un fait, d’un principe. Croyance probable, assertion qui n’est pas sûre, l’opinion a sa place dans les choses sur lesquelles chacun peut penser comme il lui plaît. Par contre dans le domaine religieux, qui est celui de nos relations avec Dieu, des convictions sont nécessaires, car étant des créatures dépendantes, nous ne sommes pas libres de penser en dehors de la Révélation divine.
Beaucoup trop de personnes, croyons-nous, se Sont contentées jusqu'ici de partager les opinions courantes. Les enfants de chrétiens eux-mêmes n’ont pas échappé à ce danger. Ils se sont bornés à partager d’une façon vague et extérieure les convictions de leurs parents. Ils ont été baptisés, ont reçu une éducation religieuse, sont peut-être même devenus membre d’une église ou d’une assemblée. Cependant, il est symptomatique de rencontrer parmi eux un manque de certitude, qui se traduit dans toute leur manière de vivre et d’agir dans ce monde. D’aucuns professent encore des opinions religieuses, mais ne confessent plus leur foi.
La foi de plusieurs est tellement diluée, inconsistante, qu’au moment du danger elle glisse entre leurs mains infidèles. Si des opinions semblent suffire dans la vie en un temps facile, elles provoquent un désastre dans les mauvais jours et les heures de grandes tentations. La vie basée sur des opinions bonnes ou mauvaises est un édifice construit sur le sable. Il tiendra debout un temps, mais, quand viendront l’épreuve, les vents contraires, les torrents des passions, cette maison s’écroulera parce qu’elle n’est pas fondée sur le Roc, Ce Roc est Jésus-Christ, la Parole Vivante, et la Bible, la Parole écrite dont les enseignements demeurent éternellement quand la figure de ce monde passe (1 Corinthiens 7.31).
Mais peut-on être sûr de quelque chose, avoir des convictions à une heure où tout est instable, où tout chancelle, où demain vient donner un démenti aux espérances d’hier et d’aujourd’hui, où beaucoup d’affirmations semblent être contredites par des faits souvent tragiques?
N’est-il pas plus sage de ne pas se prononcer et d’attendre "l’Ordre nouveau" qui va sortir de cette horrible guerre? Ne devons-nous pas rester neutres, ou tout au moins n’est-il pas plus prudent de miser sur deux tableaux? Ne faut-il pas plutôt attendre, afin de ne pas nous compromettre?
Oui, si nous ne possédons comme source de convictions que des idées humaines, hypothétiques et fragmentaires, susceptibles de changement, de variation. Nous serions alors dans le juste en recherchant et en faisant nôtre l’opinion qui paraît actuellement la bonne, tout en nous réservant la possibilité de l’abandonner, si des faits nouveaux viennent l’infirmer et qu’une opinion meilleure nous soit présentée. Et qu’alors périssent les doctrines sectaires, fanatiques, réputées immuables! Soyons souples. Vivons au jour le jour du temps qui passe!
Non! Si nous possédons une Révélation divine, si la source de nos convictions est la Parole de Dieu et le témoignage du Saint-Esprit. Or nous avons une Révélation divine! Jésus a sans cesse rendu témoignage aux Saintes Écritures. Ne disait-Il pas: "Jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, un seul iota ou un seul trait de lettre ne passera point de la loi, que tout ne soit accompli" (Matthieu 5.18).
La question est trop capitale, le sujet trop brûlant, les autorités trop importantes, pour que nous restions indifférents. Nous ne pouvons nier sans examen la Révélation divine. Il faudrait pour cela être insensé ou de mauvaise foi. Si nous doutons, enquerrons-nous, soyons sincères dans la recherche de la vérité, et sans préjugé, assurons-nous si Dieu a parlé ou non, si la Bible est un livre comme tous les autres, ou supérieur aux autres seulement, ou si ce Livre est réellement la Parole inspirée par Dieu. Lisons la Bible, et nous nous rendrons compte si oui ou non c’est "un livre qui renferme l’ensemble de toutes les pensées de Dieu et de toutes Ses voies relativement à l’homme, ainsi que Son propos arrêté à l’égard du Christ et de l’homme en Lui, — un livre qui fait connaître en même temps ce que Dieu est, quelle est la responsabilité de l’homme envers Lui, ce qu’Il a fait pour l’homme, et les nouvelles relations avec Dieu dans lesquelles celui-ci entre par Christ, — un livre qui révèle ce que Dieu est moralement dans Sa nature, et les économies au cours desquelles Il se glorifie devant les cieux et leurs habitants, — un livre qui dévoile les secrets du cœur humain et met à nu son état, et qui, en même temps, place à découvert devant Lui les choses invisibles, — un livre qui commence au point où le passé touche à l’éternité, et qui nous conduit, par le développement et la solution de toutes les questions morales, au but où l’avenir se perd dans l’éternité selon Dieu, — un livre enfin qui sonde les questions morales dans la parfaite lumière de Dieu pleinement révélé, et nous fait connaître les fondements de nouvelles relations avec Lui selon ce qu’Il est en Lui-même et selon ce qu’Il est en amour infini"...? (J.N. Darby, Introduction à la Bible)
Convaincus alors, nous serons appelés à prendre position, car on ne peut rester neutre si Dieu a parlé, si Dieu s’est révélé en Jésus-Christ. Et c’est au Christ que toutes les Écritures rendent témoignage (Jean 5.39).
En vertu de l’autorité de Dieu, des convictions profondes seront alors notre part. Nous ne serons plus ballottés et emportés çà et là par tout vent de doctrine (Eph 4.14). Le temps et les circonstances changeront et nous atteindront aussi (Ec 9.11), mais n’altéreront en rien nos convictions. Nous serons sur le Rocher au sein de la tempête et non plus dans l’esquif jouet des flots, dans la barque qui fait eau des hypothèses et des concepts humains.
Avertis par la Parole de Dieu, nous conserverons notre calme au sein des détresses actuelles. Les événements n’ébranleront plus notre foi, mais au contraire; la confirmeront en rendant témoignage à ce que la Bible nous enseigne sur l’avenir d’un monde qui croit pouvoir vivre sans Dieu, ou tout au moins sans le Sauveur que Dieu lui a donné.
Les atrocités et les souffrances présentes ne seront plus attribuées à Dieu, mais considérées comme les inévitables conséquences de l’attitude de l’homme, qui croit pouvoir régner seul ou se conduire selon ses propres pensées ou encore se sauver par son travail, ses œuvres, ses mérites et sa religion.
Sauvés par grâce, nous vivrons du pardon du Dieu Saint et Juste, annonçant la Parole de vie aux perdus.
La justice de Dieu ne sera plus pour nous une question, ni une énigme, ni un problème, ni un sujet de discussion. Elle sera un fait, le plus profond, le plus intime, le plus sûr de notre vie. La guerre même ne nous fera plus nous poser cette question absurde: "Si Dieu était juste, est-ce qu’Il permettrait tout ce qui est en train de se passer dans le monde?"
Une question absurde? Oui, vraiment absurde si l’on entend ici par Dieu le Dieu vivant. Car jamais le Dieu vivant ne se révèle à notre conscience autrement que comme un Dieu juste. Vraiment absurde, car si nous Le voyons tel qu’Il est, si nous L’entendons nous demander de Le reconnaître et de l’accepter tel qu’Il est, quel sens cela peut-il avoir de lui poser la question: "Es-tu juste"? Mais une question pleine de sens, très juste et très importante si nous la posons à ce dieu pour qui nous avons, dans notre orgueil et notre désespoir, élevé nos tours de Babel, à ce grand arrière-plan, personnel ou impersonnel, mystique, philosophique ou naïf, à ce grand patron protecteur de nos justices humaines, de notre morale, de notre État, de notre culture, de notre religion. Oui, si c’est ce dieu que nous entendons, nous avons tout à fait raison de poser la question: Dieu est-Il juste? Et la réponse est vite trouvée." (Karl Barth Parole de Dieu, parole humaine p.23)
La chrétienté est tombée dans l’idolâtrie. Infidèle, foulant aux pieds le premier commandement du décalogue (De 5.7), elle a sacrifié à des dieux sans nombre (De 32.17). On s’appelle "chrétien", disciple du Christ, et une foule d’idoles règnent sur nos cœurs à la place du Seigneur. Chez les uns, c’est une Idée, une philosophie, l’Art, la Musique, la Beauté, l’Amour; chez les autres, l’Argent, un être, une passion! L’idolâtrie! Voilà bien dans tous les temps la source de toutes les misères des hommes. Au cours des siècles, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Seulement aujourd’hui encore il y a un remède. Les compassions de Dieu ne sont pas épuisées. Son appel retentit encore comme aux jours de Jérémie le prophète! Dieu s’adresse à tous individuellement:
"Reviens, nation rebelle! dit l’Éternel; je ne ferai pas peser sur vous un visage irrité, car je suis bon, dit l’Éternel; je ne garderai pas ma colère à toujours, Seulement reconnais ton iniquité... Si tu reviens,... dit l’Éternel, reviens à moi; et si tu ôtes tes abominations de devant moi, tu ne seras plus errant, et tu jugeras en vérité, en jugement et en justice: L’Éternel est vivant! Et les nations se béniront en Lui, et en Lui elles se glorifieront. — Car ainsi dit l’Éternel aux hommes de Juda et de Jérusalem: Défrichez pour vous un terrain neuf, et ne semez pas au milieu des épines"! (Jer 3.12; 4.1-3).
Comme Israël, pour avoir abandonné l’Objet immuable de la foi, la chrétienté est meurtrie et divisée aujourd’hui. Elle n’a pas su garder le bon dépôt (2 Tim 1.14). Elle s’est laissé distraire par des idéologies étrangères; elle n’a plus confessé hautement la foi et est devenue la proie d’une philosophie sans durée. Par elle, plusieurs ont laissé leur foi se dissoudre dans toutes sortes de doctrines, qu’elles s’appellent rationalisme, libéralisme, modernisme, étatisme. D’autres ont remplacé "la foi opérante par l’amour" par des dogmes et des formes sans vie.
Il est temps que nous retrouvions les caractères de la vraie foi. Pour cela, défrichons pour nous un terrain neuf, et ne semons pas au milieu des épines! Délaissons nos idées, nos idoles; rejetons tout ce qui règne sur nous et revenons à Jésus-Christ, seul Seigneur de nos pensées, de nos cœurs, de nos vies. Débarrassons la foi de tous les vêtements ecclésiastiques, idéologiques et philosophiques dont nous l’avons affublée, et recouvrons la foi pure et simple des évangiles, la foi qui a pour Objet le Dieu de la Bible manifesté en Jésus-Christ. Alors seulement, dans la confession d’une foi vivante et pure, les croyants de l’Église, disséminés dans les églises, connaîtront un renouveau de vie, et reprendront conscience de leur unité merveilleuse qu’ils n’ont pas su garder ni manifester au monde.
"Seigneur, auprès de qui nous en irions nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous croyons et nous savons que Toi, tu es le Saint de Dieu"! (Jean 6.68-69).