Dans les quelques récits et les quelques réflexions que contient ce volume, je me place surtout au point de vue de la psychologie.
Le point de vue du psychologue est distinct — théoriquement au moins — du point de vue du croyant. Car il convient de distinguer entre les faits et les interprétations morales et métaphysiques des faits. En ce qui concerne les interprétations, chrétiens et non-chrétiens ne pourront que différer sans doute ; mais pourquoi ne tomberaient-ils pas d’accord sur les faits, sur la matière même de l’étude proprement psychologique ?
Le point de vue du psychologue est distinct — théoriquement au moins — du point de vue du croyant. Mais il ne lui est pas nécessairement hostile. Bien loin de gêner ou de troubler la foi, j’estime, en me fondant sur ma propre expérience, que la psychologie aide et fortifie la foi ; car en conduisant le psychologue à étudier les faits religieux comme des faits, à les traiter comme des données authentiques, elle le conduit par là-même à toucher et palper leur intensité, leur réalité, leur sérieux. Et pour mon compte je me demande si j’aurais eu cette année la pensée d’aller au Pays de Galles, n’était que depuis quelque temps déjà je poursuis des études psychologiques qui m’ont fait prendre un intérêt de plus en plus intense à toutes les manifestations individuelles ou collectives de la vie religieuse, aux conversions, aux Réveils.
Le point de vue du psychologue est distinct — théoriquement au moins — du point de vue du croyant. Mais la distinction entre faits et interprétations des faits est plus simple en théorie qu’en pratique, et il faut convenir qu’il est parfois difficile à un psychologue de ne pas mêler du tout sa morale et sa métaphysique personnelles, sa foi et sa vie, à sa psychologie. Si c’est un danger ou un inconvénient, j’ai bien conscience de n’y avoir pas échappé. Je me suis placé surtout au point de vue de la psychologie, mais je n’ai pas réussi à ne me point placer du tout au point de vue de la foi religieuse… Aussi bien, je ne l’ai pas cherché. Quand on s’occupe de psychologie par fonction et par goût, comment s’abstenir d’étudier en psychologue un ensemble de phénomènes aussi intéressant, aussi curieux, aussi suggestif que le Réveil Gallois ? Mais lorsqu’on est personnellement chrétien, comment s’abstenir de parler en chrétien ému et touché des grandes choses que la grâce de Dieu a opérées et opère par le Réveil au Pays de Galles ?
Décembre 1905