Fondé sur le Roc

Chapitre 1

Trois souvenirs

Quand Dieu, dans Son amour, me révéla Son Fils et me conduisit à L’accepter comme Sauveur personnel, je n’avais que dix-sept ans.

Les années ont passé, mais la précision et la simplicité de l’expérience de cette nuit-là demeurent en ma mémoire dans toute leur fraîcheur. Au cours de la soirée, étant en prière dans ma chambre, je pus prendre au mot les paroles du Seigneur dans l’Evangile selon Jean, chapitre 6, verset 37 : « Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à Moi. » A ce moment précis, j’acceptai Jésus-Christ comme mon Sauveur. Selon les termes d’Ephésiens 1.13, après avoir entendu la Parole de la vérité, l’évangile de mon salut, ayant cru en Christ, j’ai été scellé du Saint-Esprit qui avait été promis.

Rien n’a pu effacer ce souvenir, rien n’a pu affaiblir ce fait précis de ma conversion à Dieu. C’est Lui-même qui est intervenu, c’est Sa Parole qui est désormais devenue le fondement, la source de ma vie ; pas mes sentiments, pas mes efforts, pas même mes résolutions, mais l’œuvre de Christ et la Parole qui demeure éternellement — ces deux fondements objectifs de la foi, qui sont les mêmes pour tous et que Dieu destine à tous ceux qui veulent croire en Christ pour avoir la paix avec Lui.

Les années peuvent passer, nous pouvons faillir, mais ce rocher demeure inébranlable, ce Sauveur ne change jamais. Il est le même hier, aujourd’hui, éternellement (Hébreux 1.13 ; 13.8). En ce monde où tout change, le seul moyen de salut demeurera toujours la foi fondée sur Christ et sur Sa Parole.

Cependant, quelque temps après cette expérience, je fus troublé par le sentiment que je n’éprouvais pas la joie et les sensations que j’avais pensé devoir suivre ma conversion. J’en fus affecté au point qu’une certaine obscurité m’entoura jusqu’au jour où, avec la même clarté et la même simplicité que lors de ma conversion, une autre parole du Seigneur m’’arrêta et me délivra aussitôt de mes doutes : « J’ai prié pour toi, que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » (Luc 22.32). J’ai immédiatement compris que la foi est le lien qui nous unit à Dieu, et non pas nos sentiments. « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend de la Parole de Dieu » (Romains 10.17). Le sang de Jésus-Christ est le remède divin pour le péché ; la Parole écrite est le remède divin pour le doute.

Dès lors, par la bonté de Dieu et grâce à cette leçon bien apprise, je n’ai jamais eu de doute quant à mon salut et à ma relation avec Dieu. D’autres sortes de doutes, d’autres tentations sont survenues, mais jamais le doute sur l’œuvre de Christ ou sur la Parole de Dieu. « Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même : celui qui ne croit pas Dieu Le fait menteur, puisqu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à Son Fils » (1 Jean 5.10). Les grands faits du salut font appel à la simplicité de notre foi. Ils sont immuables ; et les années qui s’écoulent, au lieu de les user, les affermissent et les rendent plus lumineux encore.


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Un deuxième souvenir, dont la clarté ne fait qu’augmenter, est le précieux héritage de l’éducation d’un père et d’une mère qui ont prié sans relâche pour leurs enfants. Ceux-ci ont reçu une empreinte indélébile due à l’exemple de leurs parents, à leur foi toute pénétrée de la crainte de Dieu et du respect de Sa Parole.

Mon père, homme droit, à la foi rigide, a communiqué à ses enfants, par ses instructions et ses ordres, ce respect qu’ils doivent avoir pour leurs parents et pour les choses saintes. Il a tracé devant nous des lignes pour la vie en nous donnant des conseils dont le temps a révélé toute la valeur : la loyauté et la fidélité dans les relations avec les hommes, en commençant par la famille et les amis ; la droiture dans les affaires ; le soin d’éviter ce qui est petit et mesquin ; une conception juste et noble de la vie.

Ma chère mère exigeait de ses fils qu’ils apprissent chaque dimanche matin une portion de l’Ecriture sainte. J’étais le plus réfractaire à cet exercice. Mon esprit était ailleurs ; parfois je méritais la verge qu’aujourd’hui je ne regrette nullement. Femme de prière, ma mère ne cessait de lutter pour moi et elle n’abandonnait pas la partie, malgré ma turbulence et mes étourderies. A un moment où, sous l’influence de mauvais camarades, je m’égarais dans le monde et le péché, descendant la pente volontairement et avec rapidité, en rentrant à la maison, je rencontrais toujours son regard attristé. Elle venait de prier que le bon Berger ne me lâche pas, et son regard me transperçait comme une flèche. L’impression que j’en éprouvais ne s’est jamais effacée. En effet, s’il est dit du bon Berger qu’Il cherche la brebis jusqu’à ce qu’Il la trouve, il en est de même des prières présentées au Trône de la grâce : elles ne lâchent pas ceux qui en sont l’objet. Parents chrétiens, ne vous relâchez pas !

C’est ma mère qui m’a communiqué mon premier amour pour la Bible. Sa vigilance, sa douceur maternelle complétaient la foi rigide de mon père dans les veines duquel coulait le sang des Covenantaires.

Peu de temps après ma conversion, des controverses et des luttes théologiques remuèrent sérieusement le pays de John Knox. Malgré ma jeunesse, je n’hésitai pas à prendre position pour la vérité. Et c’est par la bonté de Dieu et grâce à cet héritage spirituel de mes parents — héritage auquel s’ajoutèrent d’autres exemples et privilèges — que je n’ai jamais posé l’épée ni cessé le combat, ce combat qui doit se poursuivre jusqu’aux portes du ciel.

Pendant les trois années qui suivirent, que de fois, le dimanche, au lieu de se rendre à l’Eglise, ma mère consacra sa soirée à lire la Parole avec moi ! C’est alors que je lus plusieurs fois de suite les Actes des Apôtres. Cette lecture me fit une profonde impression.

Plus tard, lorsque mon temps fut entièrement absorbé par le service de Dieu, je compris tout ce que je devais au dévouement de ma mère, à ces soirées de lecture de la Bible, et aussi quel était l’enrichissement spirituel que j’en avais reçu. Je retrouve cette influence dans toute ma jeunesse.

Quand ma famille quitta Londres pour s’établir à Edimbourg, où mes frères devaient faire leurs études à la Faculté de théologie, mes parents, ne sachant que faire de moi, comme ils le disaient, m’envoyèrent en séjour auprès de ma tante, à Genève.

Bien qu’élevé dans une atmosphère religieuse presbytérienne saine et fidèle, j’avais déjà trop goûté aux plaisirs du monde, spécialement au théâtre et à la musique mondaine, pour être heureux dans ce que nous offrait notre vie à Edimbourg. Mes désirs me portaient franchement vers le monde, et je n’avais pas le moyen de les réaliser. Je n’étais donc pas heueux à mon arrivée en Suisse. La beauté du pays, l’amour des montagnes me procurèrent les seules satisfactions que j’y trouvai. C’est ainsi que mon état spirituel m’avait préparé pour le jour et l’heure où ma tante me lut le passage biblique que j’ai cité plus haut et par lequel Dieu m’arrêta.

Après de nombreuses années d’expérience à Son service, je ne connais aucune valeur humaine, aucun privilège terrestre qui puisse être comparé au précieux héritage spirituel que nous laissent un père et une mère qui ont prié, persévéré et obéi à Dieu pour les enfants qu’Il leur a confiés. Qu’aucun père, qu’aucune mère ne désespèrent, qu’aucun ne doute, qu’aucun ne cède le terrain. « Vos enfants sont saints, parce que vous êtes saints », dit St-Paul. « La promesse est pour vous et pour vos enfants », dit St-Pierre. Vos devoirs envers eux sont vos premiers devoirs. Hélas ! que d’enfants de parents chrétiens ont quitté le chemin étroit parce que leurs parents les ont laissés à eux-mêmes pour s’occuper de futilités ou … de leurs « devoirs religieux ».


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Un troisième souvenir, une expérience qui n’a fait que se préciser au cours des années, est la conviction que Dieu connaît la fin depuis le commencement. « Ses œuvres Lui sont connues de toute éternité » (Actes 15.18). « Il appelle les choses qui ne sont pas comme si elles étaient » (Romains 4.17). « Suivez-Moi », disait-Il à ces pêcheurs illettrés et incapables, « et Je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Marc 1.17).

Je le répète, les années n’ont fait que préciser cette assurance. Quand Dieu m’a pris à Lui par grâce, Il savait ce qu’Il allait faire pour moi et par moi. Il connaissait le service qui allait s’ouvrir au fur et à mesure, de sorte que j’ai toujours su quel était le secret des bénédictions et des grâces abondantes qu’Il Lui a plu de m’accorder : « Ce n’est pas vous qui M’avez choisi ; mais Moi, Je vous ai choisis, et Je vous ai établis, afin que vous alliez et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que tout ce que vous demanderez à Mon Père en Mon Nom, Il vous le donne » (Jean 15.16). « Non pas à nous, Seigneur, mais à Ton seul Nom, donne gloire » (Psaume 115.1).

J’ai toujours enseigné ce dont j’ai été dès le début si profondément convaincu : le chemin est étroit, mais droit. S’il paraît momentanément effacé, ou s’il est aussi sombre qu’un tunnel, si les perplexités et les difficultés semblent dire que « notre voie est cachée à l’Eternel », il est bon de nous souvenir que cela peut être permis pour exercer notre foi, pour nous apprendre à ne pas compter sur le bras de la chair ou sur nos propres capacités.

Je me souviens qu’en rentrant de Suisse pour commencer mon travail de banque en Ecosse, pour plaire à mon père, je m’arrêtai une nuit à Londres. J’étais seul dans cette grande ville, seul, le soir, dans ma chambre. Ma tante m’avait conseillé de lire Esaïe 42.16, et j’en fis la lecture au moment où j’appréhendais un avenir inconnu. « Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu’ils ne connaissaient pas, Je les conduirai par des sentiers qu’ils ignorent ; Je changerai devant eux les ténèbres en lumière, et les endroits tortueux en plaine. Voilà ce que Je ferai, et Je ne les abandonnerai point. » Si souvent depuis, ce passage m’a été l’aide nécessaire en temps de perplexité ; et à combien d’autres ne l’ai-je pas donné comme secours immédiat !

Combien il est utile de comprendre que quand un jeune homme, une jeune fille se convertit à Dieu en se détournant des idoles pour servir le Dieu vivant et véritable (1 Thessaloniciens 1.9, 10), c’est pour s’engager sur le chemin étroit et droit. Le Seigneur en connaît d’avance chaque étape. Avec notre main dans la Sienne, avec une obéissance filiale et une foi inébranlable, nous pouvons nous assurer en Celui qui conduit en avant, qui n’abandonne jamais Son enfant, en ce Dieu de toute patience et de toute fidélité.

Je puis rendre ce témoignage à la gloire de Dieu que toutes choses concourent ensemble au bien de ceux qui L’aiment, de ceux qu’Il a appelés selon Son dessein (Romains 8.28). Que le jeune chrétien le sache, et que le plus âgé, peut-être dans la difficulté, s’en souvienne ! Comme le dit Job, il y a un chemin que l’œil du vautour n’a point aperçu. L’ennemi voudrait nous faire dévier, nous retenir en arrière, mais aussi longtemps que nous restons sur ce chemin, nous sommes à l’abri sous les ailes protectrices de Jéhovah. Une grande reconnaissance monte de mon cœur à Dieu en constatant comment Il m’a conduit dans les œuvres préparées d’avance pour moi, afin que j’y marche (Ephésiens 2.10).

Réfléchissons à ce que représente la puissante volonté de l’ennemi des âmes, à toutes les possibilités d’infidélité, d’égarements, d’écarts qui existent pour le chrétien, s’il se prive du secours de Dieu et demeure livré à lui-même. Combien merveilleuse apparaît la fidélité du Père céleste qui garde Ses enfants et ne cesse de les instruire ! « Si nous sommes infidèles, Il demeure fidèle, Il ne peut Se renier Lui-même. » Et comme nous exhorte St-Paul : « Nous vous prions de vous souvenir de ces choses » (2 Timothée 2.13, 14).

Je le répète, Dieu a un plan pour chaque vie, un dessein précis, création de Son ambition, un plan dont notre incrédulité et notre désobéissance limitent les possibilités. Quel sujet d’humiliation que cette pensée ! Jésus-Christ l’a dit : « Je suis la lumière du monde. Celui qui Me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jean 8.12).

En un mot, nous avons été sauvés pour servir, nous sommes régénérés par le Saint-Esprit pour porter l’image de Son Fils, et Il nous a confié Sa Parole comme épée pour livrer le bon combat de la foi. Tout cela a pour fondement la grâce souveraine du Seigneur Jésus, l’amour de notre Père céleste et la puissance du Saint-Esprit.

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