La Résurrection de Jésus-Christ

I
Prédictions du Seigneur concernant sa résurrection

… Souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé lorsqu’il était en Galilée.

Luc 24.6

Ce titre désigne le sujet principal, mais non exclusif de cette section. En effet, nous nous y occuperons aussi et de plusieurs des prédictions du Seigneur concernant ses souffrances et sa mort, prédictions presque toujours liées à celle de sa résurrection, et du fait de sa transfiguration, cette prophétie en action de la gloire que le Seigneur devait recouvrer en s’élevant au ciel. Nous devrons encore constater l’impression que produisaient sur les apôtres les prédictions de Jésus concernant ses souffrances et sa résurrection, pour nous préparer à comprendre la conduite des disciples pendant la crise si décisive qui s’ouvrit avec l’arrestation du divin Maître et se termina par son ascension.

1 — Le sanctuaire détruit et relevé.

Les Juifs lui répondirent donc en disant : Quel signe nous montres-tu pour agir de la sorte ? Jésus leur répliqua et leur dit : Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai (ἐγερῶ). Les Juifs lui dirent donc : Il a fallu quarante-six ans pour que ce sanctuaire fût construit, et toi, tu le relèveras en trois jours ! Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Lors donc qu’il fut ressuscité des morts (ἠγέρϑη), ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. (Jean 2.18-22)

[Pour le texte du Nouveau Testament, nous nous servirons de la grande édition critique publiée par Tischendorf en 1859 (editio septima), et pour la traduction nous profiterons largement de celle qu’a publiée en 1858 M. Rilliet. Toutes les fois que nous nous écarterons sensiblement du texte de Tischendorf ou du sens de la traduction de M. Rilliet, nous en avertirons le lecteur. Quant à l’Ancien Testament, nous citerons en général la traduction de Perret-Gentil.]

Cette première prédiction de Jésus concernant sa résurrection se place quelque temps après son baptême, dans la première période de son ministère. Jésus était monté à Jérusalem pour y célébrer la Pâque. Il avait accompli dans les portiques du temple un acte d’une haute portée et d’une grande énergie, acte qu’il devait renouveler plus tard peu de jours avant sa mort (Matthieu 21.12-17 ; Marc 11.15-18 ; Luc 19.45-48).

[Comme les trois premiers Évangiles ne relatent qu’un séjour de Jésus à Jérusalem, celui où il fut mis à mort, on comprend comment on a pu identifier et la scène rapportée Jean 2.18-22, et celle décrite par les trois premiers Évangiles aux endroits que nous avons indiqués. Telle est l’opinion d’Ewald, Geschichte des Volks Israël, et de Pressensé, Jésus-Christ. — Nous préférons cependant admettre avec Tischendorf et Godet, qu’il y eut là deux actes analogues de la vie du Sauveur, l’un au commencement, l’autre vers la fin de son ministère — Il serait surprenant en effet que les deux premiers Évangiles n’eussent pas rattaché à leur récit de la purification du temple les paroles de Jésus qui, selon eux, furent tournées contre lui en accusation devant le Sanhédrin, (Matthieu 26.60-61 ; Marc 14.57-58) et en ironique outrage lors de la crucifixion (Matthieu 27.39-40 ; Marc 15.29-30), si ces paroles avaient été réellement prononcées lors de la purification du temple, qu’ils racontent. — Ici, comme souvent ailleurs, l’Évangile selon St. Jean complète admirablement les trois autres.]

Trouvant dans ces portiques des marchands de bœufs, de brebis et de colombes, ainsi que des changeurs, il avait fait un petit fouet avec des cordes, il avait expulsé tous les marchands de brebis et de bœufs, dispersé la monnaie des changeurs, renversé leurs tables et dit à ceux qui vendaient les colombes : Emportez cela d’ici et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ! — C’est alors que quelques Juifs et probablement parmi eux des hommes chargés officiellement du soin du temple et, par conséquent, coupables au premier chef des profanations qu’ils toléraient, s’étaient approchés de Jésus et lui avaient dit : Quel signe nous montres-tu pour agir de la sorte, pour nous prouver que tu as le droit d’agir ainsi ? — Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai, répondit Jésus — Les Juifs lui répliquèrent : Il a fallu quarante-six ans pour que ce sanctuaire fût construit et toi, tu le relèveras en trois jours !Mais Lui, remarque l’Évangéliste, parlait du sanctuaire de son corps, et il ajoute : Lors donc qu’il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela et ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Détruisez ce sanctuaire et je le relèverai dans trois jours, dit le Seigneur. Cette réponse paraît d’abord étrange. Les disciples ne la comprennent que longtemps après, postérieurement à la résurrection de leur Maître, et quant aux Juifs, pour le moment elle leur fait hausser les épaules, comme une véritable folie. Il en est de cette parole comme de beaucoup d’autres que renferment nos Évangiles, par exemple Jean 3.3 ; 6.51, 54, 55. Au premier aspect elles paraissent singulières, elles paraissent même à quelques-uns absurdes ou dures, ridicules ou repoussantes ; mais plus on y réfléchit avec un cœur bien disposé, mieux on les comprend, plus on découvre sous leur forme étrange destinée à piquer la curiosité, à frapper l’imagination, un sens spirituel aussi bienfaisant pour l’âme que lumineux pour l’intelligence, des vérités profondes, inépuisables, infiniment précieuses, exprimées pour tous les siècles de la manière la plus saisissante.

Détruisez ce sanctuaire, et je le relèverai dans trois jours. En prononçant cette parole, Jésus ne parlait pas seulement du temple de Jérusalem, centre de tout culte, de tout sacrifice, sanctuaire du Dieu vivant, pour un temps déterminé et pour le seul peuple de l’ancienne Alliance. Comme l’Évangéliste le déclare, Jésus parlait encore d’un sanctuaire tout autrement digne de la divinité, tout autrement durable et parfait. Ce sanctuaire, c’était son propre corps, à lui, l’homme saint et juste, réalisant complètement la sublime image du Créateur, — à lui, le Rédempteur, qui venait apporter à la terre la bonne nouvelle du pardon, du salut et de la vie éternelle, et sans lequel nul ne saurait venir au Père, — à lui, le Fils de Dieu, qui seul pouvait dire : Je suis en mon Père et mon Père est en moi ; les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même, mais le Père qui demeure en moi est Celui qui fait les œuvres que je fais. Celui qui m’a vu a vu mon Père. Mon Père et moi nous sommes un (Jean 14.9-11 ; 10.30).

Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. Dans cette parole prophétique au plus haut degré, Jésus annonçait sans doute la ruine du temple de Jérusalem et de l’ancienne Alliance symbolisée par ce temple, ruine que devait accomplir le peuple juif lui-même en mettant le comble à ses iniquités par le supplice de Golgotha ; mais il annonçait encore sa propre mort, sa mort sanglante, ordonnée par les chefs de ce peuple, — sa mort expiatoire dont le sang devait sceller la nouvelle Alliance de grâce conclue pour tous les peuples, — sa mort pour nos péchés, qui devait être suivie de la plus glorieuse des résurrections, gage éclatant de l’acceptation de son sacrifice, légitime récompense du plus sublime des dévouements. Cette résurrection, Jésus l’annonçait déjà et il annonçait en même temps les bienheureuses conséquences qu’elle devait entraîner, — en première ligne l’envoi du Saint-Esprit par lequel il devait fonder au milieu de l’humanité déchue l’Église chrétienne, la Jérusalem spirituelle, constituant au milieu de l’humanité le vrai tabernacle de la nouvelle Alliance (Apocalypse 21.2-3) et dont chaque membre devait être lui-même un temple de l’Éternel (1 Corinthiens 3.16), un temple du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6.19 ; comp. Apocalypse 21.22 ; 1 Corinthiens 15.28).

Détruisez ce sanctuaire et en trois jours, je le relèverai. Quand les Juifs demandaient ainsi au Seigneur un signe auquel on pût reconnaître son autorité, cette demande faisait déjà connaître les mauvaises dispositions de leurs cœurs, car il n’était pas besoin d’un signe miraculeux pour légitimer un acte qui devait se légitimer de lui-même pour tout pieux Israélite. Jésus leur refuse donc un signe immédiat, mais en leur annonçant sa résurrection, il leur annonce un signe à venir, conditionné, il est vrai, par l’excès de leur iniquité, et n’en devant pas moins manifester avec éclat le divin caractère du Fils de l’homme — Et s’il leur annonce ainsi sa résurrection, il le fait en précisant déjà l’intervalle pendant lequel il devait rester dans le tombeau : et en trois jours, je le relèverai, dit-il.

[L’explication qui vient d’être donnée de ce difficile et important passage est aussi celle que de Pressensé indique en peu de mots (Jésus-Christ, p. 402) et que développe remarquablement Godet (Comm. sur St. Jean).]

On peut s’étonner sans doute de ce que le Seigneur a commencé par annoncer sa résurrection à ses ennemis et non à ses disciples. Toutefois cet étonnement disparaît quand on réfléchit que les disciples n’étaient point encore en état de recevoir de pareilles communications à eux spécialement adressées, et que le Seigneur, voulant dès le début de son ministère annoncer sa résurrection, était dirigé par la plus profonde connaissance du cœur humain quand il comptait plus sur la malveillance et l’aveuglement de ses ennemis que sur l’intelligence et le dévouement de ses disciples, tels qu’ils étaient alors. En fait, dans le jour à la fois si terrible et si béni où Jésus fut condamné par le Sanhédrin et crucifié sur le Calvaire, ses disciples semblaient avoir complètement oublié tout ce qu’il leur avait annoncé sur ses souffrances, sa mort et sa résurrection, bien qu’il leur en eût parlé à plusieurs reprises et en toute clarté. — Mais, devant le Sanhédrin, ne se présenta-t-il pas des faux témoins pour accuser le Seigneur d’avoir dit : Je détruirai ce sanctuaire fait de main d’homme et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera point fait de main d’homme (Marc 14.57-58 ; Matthieu 26.60-61), allusion évidente à la parole que Jésus avait prononcée dans les portiques du temple, mais où cette parole était gravement altérée, puisque Jésus avait dit, non pas : Je détruirai, mais : Détruisez vous-mêmes. — Devant la croix n’y eut-il pas des passants qui hochèrent la tête en disant : Toi qui détruis le temple et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même (Matthieu 27.39-40 ; Marc 15.29-30) ? — Et le lendemain de la crucifixion, tandis que le corps inanimé de Jésus reposait encore dans le sépulcre et que les disciples étaient dans le deuil et les larmes (Marc 16.10), les principaux sacrificateurs et les pharisiens n’allèrent-ils pas ensemble vers Pilate pour lui dire : Nous nous souvenons que quand ce séducteur vivait, il disait : Je ressusciterai dans trois jours, commande donc que le sépulcre soit gardé sûrement jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent de nuit et n’enlèvent son corps et qu’ils ne disent au peuple : Il est ressuscité des morts (Matthieu 27.62-64) ?

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