De l’aveu de tous ceux qui ont autorité pour en parler — pasteurs, prêtres, médecins, sociologues, juristes, — jamais la crise du mariage, de la famille, donc de l’amour, n’a été plus grave. Il faudrait citer des statistiques, transcrire tel rapport, faire état de telle déclaration de spécialistes, souligner chiffres et constatations. Tout cela serait fort intéressant ; mais en serions-nous plus avancés ?
Nous le savons bien, le verbe aimer n’a jamais été plus mal conjugué qu’aujourd’hui, et il n’est pas de mode, ni de temps, ni de personne où cette conjugaison ne connaisse des échecs nombreux, discrets ou retentissants. C’est à ce point que parler de crise de l’amour, c’est énoncer un lieu commun. Tel librettiste l’a dit, avec une amère ironie : « Plaisir d’amour ne dure qu’un instant, chagrin d’amour dure toute la vie. »
Mais l’homme ne s’en est pas tenu à ces seules constatations. Dans ce domaine comme dans d’autres, il a cherché des remèdes. Il a lutté avec toute sa sagesse et son ingéniosité. Il a voulu faire front.
A voir les résultats, nous pourrions épiloguer longtemps sur l’efficacité des remèdes proposés ! Mais là n’est pas notre intention.
Passant en revue les remèdes qu’une habile publicité met sans cesse sous nos yeux, disons simplement :
Si la crème de beauté peut contribuer au maintien de la santé de notre peau, vous auriez tort de n’en pas faire usage.
Si un aspirateur ou une machine à laver peuvent seconder heureusement le travail de votre épouse, elle vous saura gré d’avoir utilisé vos économies à tel achat.
Si une brochure aux nombreuses illustrations vous renseigne de manière détaillée sur la manière de fonder un foyer sans faire des dettes, vous feriez peut-être bien de la lire.
A supposer que vos moyens vous le permettent, vous aurez tout avantage à choisir un appartement qui réponde aux besoins de votre famille et à vos goûts personnels.
Quand l’école inscrit à ses programmes des cours de coupe, de cuisine, d’économie domestique, elle travaille utilement à la fondation de foyers heureux.
Quand le jeune homme ou la jeune fille, conseillés par leurs parents ou tel éducateur, se laissent enseigner par tout ce que la science a mis à leur portée en d’innombrables brochures de psychologie du couple, d’éducation, voire de technique sexuelle, ils se préparent intelligemment à leur futur rôle d’époux et de parents. Cette précieuse documentation leur permettra souvent d’éviter de nombreux écueils.
Enfin, quand on recommande aux fiancés de passer une visite prénuptiale, on ne désire une fois de plus que faciliter leur union et mettre dans leur corbeille de noce le maximum de garanties et de sécurité.
Seulement, force nous est de reconnaître que la multiplicité des remèdes proposés, en dépit de leur valeur réelle et pleinement recommandable, n’a souvent rien empêché. Elle a ci ou là contenu, amenuisé, retardé les effets du mal qu’elle prétendait combattre ; c’était parfois pour le laisser d’autant plus violemment s’affirmer ensuite. Et le nombre toujours grandissant de foyers aboutissant à un échec en est l’éloquente démonstration.
Les remèdes proposés seraient-ils inefficaces parce qu’ils ne touchent jamais qu’aux raisons extérieures, secondaires, de la crise constatée ?
Il serait facile de le prétendre, mais l’on pourrait nous demander aussitôt d’apporter les preuves de ces allégations ! Aussi bien convient-il de donner ici la parole aux trop nombreux témoins et victimes de cet amour tant prôné et si misérablement illustré.
La démonstration de faits que forme l’ensemble de ces témoignages écrits à l’heure du désarroi et de la souffrance sera certainement plus éloquente, plus convaincante, que la plus parfaite des démonstrations théoriques. En effet, à eux seuls, ces nombreux témoignages, si divers dans leurs circonstances et dans leur origine, si poignants aussi dans leur accent de sincérité, doivent non seulement émouvoir, mais encore susciter de salutaires réflexions. Peut-être aussi donneront-ils à beaucoup de ceux qui en prendront connaissance, volonté d’en finir une fois pour toutes avec ce jeu de souffrances, de larmes, de torture, de mort, qu’est devenu dans les mains de l’homme l’incomparable don de l’amour. Peut-être enfin les presseront-ils de goûter à toute la joie, toute la force vive, toute l’infinie richesse qu’apporte l’amour quand il est enraciné en Celui qui nous le révèle et nous le rend dans son intégrité.
Mais pour l’instant, avec sympathie, sans nous dérober devant le fardeau que cela pourrait devenir à nos propres épaules, sans fermer l’oreille s’il arrivait qu’une des paroles lues rejoigne nos circonstances et souligne vertement notre responsabilité, écoutons la déposition de ceux qui sont à la fois victimes, témoins et accusés. L’ordre dans lequel ils vont défiler et se faire entendre n’est là que pour faciliter ensuite notre commune réflexion.
Tous les témoignages qu’on va lire sont extraits d’un courrier qui, semaine après semaine, depuis quatre ans, m’est adressé personnellement en vue de l’émission « Courrier du cœur », inscrite au programme d’hiver de Radio Lausanne. Ils sont rigoureusement authentiques. J’en ai fait disparaître tous les détails qui auraient pu trahir l’identité de leurs auteurs.
En m’écrivant, ils n’avaient pas prévu que leur lettre trouverait place dans un livre. Je ne le prévoyais pas non plus. Pour autant, je ne pense pas avoir trahi la confiance de mes correspondants. Ils savaient, en m’écrivant, que leur lettre pouvait être lue publiquement par le truchement du micro. Ils savaient aussi que je ne donnerais aucun détail qui révèle leur identité.
Dans le contexte des pages qui suivent, leurs lettres contribueront largement à ouvrir les yeux et les oreilles de tous ceux qui ne veulent pas voir ni entendre. Elles contribueront aussi à faire découvrir aux autres ce bonheur qu’eux-mêmes cherchaient. J’ose alors penser que mes correspondants, loin de m’en vouloir, se réjouiront de la liberté que j’ai prise d’user ainsi de leurs témoignages sans avoir demandé leur consentement.
Depuis dix ans que nous sommes mariés, je me suis chaque matin levée pour mon mari, même quand il prenait le train de 5 h. 30 (maintenant c’est 6 h. 15 chaque jour). J’avoue que je « rouspète » souvent car avec quatre gosses j’ai à faire, et le soir je ne suis jamais au lit avant 23 h. 30 ; il m’arrive de faire des journées de 18 ou 22 heures, sans avoir le temps de bavarder, je vous l’assure. Il suffit d’un rien et tout mon horaire est par terre. Or, à 12 h. 10 exactement le dîner doit être sur la table, l’appartement « au poil », la mère pomponnée et souriante, sinon j’entends le fatal : « Alors quoi, tu es dans les choux ce matin ? Je parie que tu t’es recouchée » Quand le père prononce cette phrase, j’ai chaque fois envie de pleurer ou de me fâcher.
Après le dîner je lis mon journal ; cela a le don de l’irriter. Pourquoi ne pas faire la vaisselle immédiatement ? Il ne peut comprendre que j’en ai plein les jambes et que je suis contente de m’asseoir un moment. Quand il part, je bavarde encore avec mes aînés, ou je joue, ou j’explique quelque chose, ensuite je vérifie qu’ils soient propres pour repartir en classe. Et me voilà en face de ma vaisselle, Et c’est le petit qui me harcèle : « C’est bientôt fini, mami ? » Je me dépêche ; un brin de toilette, il est 15 h., et nous voilà partis jusqu’au retour des grands. Goûter : 16 h. 30 ; 17 h. : les devoirs ; « mami, aide-moi, mami, explique le problème ». Mami doit être partout et surveiller le dernier. Quand tout est prêt à 18 h., c’est miracle. Et il faut encore entre temps faire le souper, car papa arrive à 18 h. 20 et meurt de faim.
19 h. Mami traîne un peu avec son calé. Bébé est couché ; on envoie les grands se déshabiller. Chahut. Cris. Papa s’énerve : « Ne reste donc pas plantée sur ta chaise, va les mettre au lit ». Et maman y va, fait plier soigneusement les vêtements, surveille la toilette du soir. Enfin le N° 3 est au lit. 19 h. 30, le N° 2 suit de près, et 20 h. le grand est enfin couché ; bonne nuit, ouf !
Il faut encore faire la vaisselle du soir, puis se mettre au travail : raccommodages, repassage ou tricot. A 22 h. 30 le père rouspète : « Viendras-tu au lit ? » Mais quand l’ouvrage presse, il faut bien le terminer ; et que dire du vendredi, jour de lessive ? Et chaque jour il faut faire un petit coin à fond. C’est bien joli sur le papier un horaire, mais je vous le dis, il suffit d’une paille pour mettre tout par terre. Et ce qui m’agace le plus, c’est d’entendre mon mari dire partout : « Ma femme est un oiseau de nuit, elle ne veut jamais aller se coucher le soir ! »
Toute jeune j’ai pris l’habitude du travail, mais les distractions y étaient aussi. Par contre, mon mari ne peut souffrir que je sorte : il me cherche noise chaque fois. Il m’a interdit le sport dès le début de notre mariage ; et les amies, car elles font perdre du temps. Maintenant, ça va un peu mieux ; il tolère une ou deux relations, mais pas trop souvent ; et surtout je ne dois pas rester les mains croisées, c’est inadmissible. Je prends évidemment sur mon sommeil pour lire un peu en cachette, car il a horreur de me voir perdre mon temps à la lecture. Et comme je ne travaille plus depuis la naissance du dernier — avant je bricolais à la maison — il voudrait maintenant que je me remette au travail pour aider un peu. Je le veux bien, ce serait pour moi l’occasion de sortir de mon univers un peu trop borné. Mais, me direz-vous : c’est un drôle d’égoïste ! Non, il travaille beaucoup, de tout son cœur, pour l’amélioration de notre standard de vie…
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Je suis mariée depuis une dizaine d’années. Nous avons un enfant qui est une grande joie pour moi.
Je travaille dans le commerce de mon mari ; la besogne ne manque pas ; j’y passe tout mon temps sauf deux après-midi par semaine que je consacre à mon enfant.
Alors, penserez-vous, de quoi vous plaignez-vous ? Eh bien ! m’y voilà. Cher Monsieur, j’ai un mari « célibataire » ! Je m’explique ! Un homme qui, malgré ses responsabilités commerciales et de famille, organise sa vie comme s’il était seul. Les sociétés, les comités, les amis, etc. ont de loin la première place avant tout. Je passe presque toutes mes soirées seule et quand, par hasard, il est à la maison, « Monsieur » est fatigué et se couche très tôt. Je me distrais très bien seule, la musique est pour moi un grand plaisir ainsi que tous les travaux d’aiguilles, mais à la longue cela est monotone et il me semble que le mal empire. J’ai essayé d’oublier ses aventures galantes (qu’il n’a pas eu la pudeur de me cacher), mais maintenant il devient impossible à vivre, il rentre quelquefois bien près de l’ivresse. Je suis de nature prompte et je n’ai pas toujours accepté sans rien dire et mes nerfs en ont pris un « bon coup ». Je prends quelques pastilles abrutissantes, mais si elles ont le pouvoir de faire dormir, elles n’arrangent cependant pas les choses.
J’ai essayé de raisonner mon mari, en lui parlant gentiment. Hélas ! il se moque de moi, me dit que je suis trop exigeante, que j’ai mauvais caractère et qu’il est libre de vivre comme il l’entend. J’ai demandé conseil à un avocat, mais ces gens-là parlent tout de suite de divorce, de tribunal, de jugement et de cela il n’en est pas question. Je n’entends pas traîner mes affaires devant des gens qui s’en moquent. J’ai toujours sauvé les apparences en me taisant, même devant ma famille. Je passe pour être une femme choyée et heureuse.
Je dois cependant le reconnaître, mon mari est un grand travailleur, il administre à la perfection ses affaires commerciales et j’ai pour lui une grande admiration. Nous nous sommes mariés jeunes et je pensais qu’avec les années cela changerait. Hélas ! cela n’en prend pas le chemin et je suis là, seule à chercher une issue. Certes, une femme de mon âge peut chercher des consolations masculines, et celles-là ne manquent pas ; et quelquefois je me laisse aller à penser à ces choses et à cette double vie. Je ne suis pas meilleure qu’une autre et j’aurais du plaisir à entendre quelqu’un me parler gentiment, mais à ce petit jeu-là, qu’est-ce qu’il y a à gagner ? des larmes, probablement.
Heureusement j’ai mon enfant ; mais les années passeront vite et il cherchera aussi ailleurs des distractions ce qui sera parfaitement normal et je serai plus seule que jamais.
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Vous n’êtes, heureusement pour vous, pas une femme. Vous ne pouvez pas savoir à quel point nous sommes sensibles, vulnérables et combien un homme peut nous détruire, physiquement et moralement, s’il le désire. Vous ignorez ce que la vie peut être désespérante, pour la femme qui a son travail chez elle et à laquelle chaque objet qu’elle touche rappelle son terrible souci. L’homme bafoué s’évade dans son travail, dans des assemblées politiques. La femme est trop fidèle de nature, trop aimante pour s’en distraire une seconde.
Vous ne savez pas non plus ce que c’est que vivre avec un homme égoïste et sans cœur, et cela pendant des années. Des années qu’il emploie à vous écraser, à vous humilier, à vous tendre tous les pièges pour essayer de se débarrasser de vous. Vous ne pouvez savoir dans quel état de déchéance un tel homme peut vous mettre. Un dernier point. Vous parlez souvent de pardonner, Si ce n’était que ça ! Mais nous sommes toujours prêtes à pardonner, à repartir à zéro, à oublier le passé. Seulement voilà, ce n’est pas ce qu’on nous demande, au contraire. Un mari qui en aime une autre se moque des sentiments de sa femme, et tous ses actes ne tendent qu’à un but : s’en débarrasser.
Que c’est triste, tout ça, et combien les hommes sont cruels et ingrats !
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Mon mari est un homme honnête, travailleur, sérieux, mais je pourrais dire que son travail et sa Tribune suffisent à son bonheur ; très connu de par son métier, très estimé par ceux avec lesquels il travaille, très aimable aussi, mais à la maison pour tout et pour rien, pour une petite maladresse ou un oubli, alors ce sont des cris et des énervements et des « j’en ai assez », etc., etc. Avec cela, ni émotif, ni sentimental, pas d’amis, n’aimant pas aller en visite ou recevoir.
Depuis plusieurs mois, je pense à cette situation et me sens horriblement seule. Je suis trop seule, cela devient pour moi une obsession. Et puis, il me semble que l’amour que j’avais pour mon époux n’a pas résisté à tant d’emportement et de cris. Tant de fois je me suis dit : allons, sois caressante, embrasse-le, etc., et j’essayais de remonter la pente, puis quand avec peine j’en atteignais le quart, crac, nouveau reproche et j’en étais au point de départ. Maintenant, voilà le point où je ne m’en sors plus, je n’essaie plus de remonter ; je ne m’accroche plus, je suis devenue totalement indifférente.
Et voilà où j’en suis arrivée, et je me sens horriblement seule, j’ai un tel besoin de tendresse, d’affection, que cela devient une véritable souffrance. Je ne peux même plus entendre prononcer le mot « amis » sans recevoir un coup intérieur, Si, prenant mon courage, je m’approchais de mon mari, il penserait à l’acte d’amour, mais jamais ne comprendrait ce besoin de tendresse, d’affection réciproque que je trouvais dans mes filles quand elles étaient petites ; car pas plus à présent qu’au début de notre mariage, il n’a discerné ce bonheur d’une petite caresse ; ce besoin qui est en moi si fort, que parfois, il me semble que je vais éclater dans ma solitude…
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Je suis femme, moi aussi, mariée et, selon toute apparence, je suis à envier, ayant un très bon mari, etc. Mais si vous saviez ce qui se cache derrière ces apparences…
Les hommes croient avoir tous les droits sur leurs femmes. Ils pensent qu’elle est là pour les satisfaire, mais dans cette recherche même, ils ne pensent pas plus à leurs femmes qu’ils pensent à leurs mouchoirs, C’est à leur seule jouissance qu’ils pensent. La femme, elle, doit supporter et se taire. Et les hommes croient alors aimer leurs femmes.
Une femme ne se refusera jamais à son époux si elle se sent respectée jusque dans les rapports conjugaux, si elle n’est pas avilie par ceux-ci. Serait-ce que l’union de l’homme et de la femme ne connaisse qu’un moyen d’expression : la satisfaction sexuelle ? Et notre âme, et notre esprit, quel intérêt y portent-ils ?
Ah ! les hommes sont vite là à se plaindre — ils sont toujours dans leur droit, pas vrai ? — mais se demandent-ils une fois si la vraie cause ne serait pas à chercher en eux-mêmes ?
Ne croyez pas que je déteste les hommes, mais je vous dis tout ceci parce que déjà enfant, dans ma famille, j’ai eu la douloureuse révélation de ces choses, et maintenant que je suis mariée, eh bien, je ne vois rien d’autre, C’est triste, mais c’est ainsi.
Souvent, j’entends dire : une fois mariée, tout est permis, Même mon mari croit à ce slogan. Vraiment Dieu, en instituant le mariage comme chose sainte, sacrée, puisque œuvre de coopération avec le Créateur, a-t-Il donné la permission de tout faire ce que l’on veut, comme on l’entend, pourvu qu’on y trouve satisfaction ? Si je suis dans l’erreur, dites-le moi.
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Je m’aperçois tous les jours un peu plus qu’il est très difficile d’être chrétien et marié et je comprends un peu tard la valeur de la phrase de la Bible qui dit : « Celui qui ne se marie pas fait mieux. » Je ne suis mariée que depuis cinq ans, j’ai pourtant un mari exemplaire, et je ne l’ai jamais vu ivre, il ne sort que très rarement seul, il aime beaucoup ses enfants. Seulement comme tout bon paysan, car bien que nous n’ayons pas de domaine, nous avons tous deux été paysans avant d’être mariés, il apprécie surtout chez une femme la somme de travail qu’elle est capable de fournir. De plus il a un goût presque exagéré pour l’ordre et l’exactitude. Lorsque tout est normal, il est facile de beaucoup travailler.
Au début tout a très bien été. Ensuite, les enfants sont venus, et malgré les docteurs que j’ai consultés, chaque grossesse représentait pour moi neuf mois de maladie ; sans être obligée de garder le lit, je ne pouvais cependant rien faire de bon. Et vous voyez les résultats qu’on peut avoir dans ces conditions. Surtout qu’il m’est encore resté une maladie de cœur, sans gravité je veux bien, mais assez pénible à cause des fréquentes crises qu’elle occasionne. Aussi, maintenant, il ne se passe plus de jour chez nous sans que mon mari ne me fasse une scène à cause de ma paresse et de mon désordre. Et je vous assure que pourtant je n’y mets pas de mauvaise volonté. Mais peut-être comprendrez-vous qu’avec plusieurs petits enfants, il soit assez difficile d’arriver à tout faire. Et même quand je crois y être arrivée, il y a toujours un détail oublié pour motiver des reproches. Je sais bien que je dois pardonner et patienter. Je sais tout ce que j’ai à faire. Mais voilà, je vois aussi à ma grande honte que je n’ai plus la force de le faire. Il m’arrive d’être méchante avec mes enfants tant je suis énervée et fatiguée ; d’en vouloir à mon mari pour son manque de compréhension ; et même d’inventer des mensonges pour éviter un peu de reproches, Je n’ose pas penser aux années qu’il me reste peut-être encore à vivre de cette façon ; et surtout comment élever normalement des enfants dans ces conditions ? Je sais, pour en avoir fait l’expérience à la maison, comme il est pénible pour des enfants d’avoir des parents qui ne s’accordent pas…
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… J’ai eu beaucoup de patience et l’ai soigné de mon mieux, mais maintenant je perds courage.
Il n’a jamais une gentille parole ni une caresse. Il y a des hommes qui se plaignent que leurs femmes sont froides ; quant à moi, je suis très affectueuse et je souffre de ce manque d’affection ; il n’y a pas que l’acte qui compte, nous sommes des humains.
Je ne puis admettre que l’on puisse dire bonjour à sa chienne, lui faire des caresses le matin et ne rien dire à sa femme. Lorsque je lui en fais la remarque, il me répond que je suis jalouse de la chienne.
J’aimerais que vous disiez cela ; je suis sûre que cela rendrait service à d’autres femmes comme moi qui souffrent de ce manque d’attentions.
Un mari qui a un peu d’éducation pourrait dire le matin en se levant : Bonjour, et le soir en se couchant : Bonsoir. Je l’ai dit souvent moi la première, mais il ne me répond pas ; aussi je ne dis plus rien, mais j’en souffre chaque jour.
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Chaque mois une chicane se produit, soi-disant que je dépense trop ; que faire, je dépense le minimum pour mon ménage. Mais tandis qu’il me reproche, même ce minimum, lui a la liberté de s’acheter chaque mois pour quatre-vingts francs de cigarettes. Avec ça, il à la passion des cartes. Il ne rentre souvent pas avant onze heures du soir et alors je dois encore restreindre mon budget, c’est ignoble. Je dois tout de même manger, vivre. Pourquoi les cigarettes, les cartes, notre voiture ? En une année, ça mange des sommes fantastiques.
Il n’a pas de caractère. Il veut faire au petit monsieur bien, mais personne ne se doute de la vie que j’ai à supporter. J’ai horreur du divorce, mais par moment, je voudrais tant retrouver la vie de famille que j’avais chez mes parents, un vrai foyer…
D’être aussi intéressé à l’argent, cela me tue. Noël approche. Que vais-je entendre encore ! Je lui ai déjà dit de faire les achats, les comptes, mais il ne veut pas en entendre parler. Rien ne manque chez moi, je veille à mes paroles, tout est accueillant, propre, quoi faire ? qu’y faire ? Comment parvenir à lui faire comprendre ? A chaque repas il y a de la viande sur la table.
Je sais que tout ne va pas bien rond dans la vie par moment. Mais je me suis mariée pour avoir un foyer heureux, chérir tous ceux qui m’entourent, et je vois que tout cela m’échappe…
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… J’aimerais pourtant plaider la cause de certains hommes déçus et qui envisagent une évasion qui n’est jamais possible honnêtement. Je suis une femme de paysan et je suis très surprise lorsque je vais en ville de voir tant de femmes d’ouvriers si élégantes, si bien coiffées. Elles sont gracieuses, gaies, un brin aguichantes dehors ! Je vois aussi tant d’hommes aux allures un peu « chien battu » et il semble que le mal est là ; que souvent lorsque le mari rentre fatigué il ne trouve plus la compagne qu’il avait choisie, cette petite épouse des débuts, tendre et passionnée.
N’est pas jusque dans l’acte conjugal que l’homme est si souvent désespérément seul ? Madame est soumise, mais absente. Ou bien il y a ces horribles bigoudis et la crème de beauté qu’elle n’osait pas mettre au début.
Il lui reste quoi à cet homme ? L’impression qu’il a été volé ! Il faudrait, dites-vous, une conversation entre époux. Mais comment pourrait-elle aboutir sans comédie alors que l’entente jusque dans l’acte de l’amour a cessé d’être. C’est un problème tellement complexe dans cette vie faite de bluff, de m’as-tu-vu, d’artifices où même le Bon Dieu ne trouve plus guère à se faufiler.…
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Il y a un principe ancré dans l’esprit de ma femme : « L’homme se marie pour rester auprès de sa femme. » Rien de plus juste, mais rien aussi de plus incomplet. D’abord, il y a des professions qui éloignent les hommes de leurs épouses.
J’ai le privilège d’avoir un travail qui me laisse certaine liberté et il n’est pas de jour où je ne vienne à l’appartement donner un baiser à mon épouse et parler avec elle. J’ai dès le début du mariage, pris l’habitude d’embrasser ma femme, même si je ne m’absente que pour quelques minutes.
Il arrive que, soi-disant pour me punir si je ne suis pas rentré à l’heure voulue, elle me refuse son amour, elle refuse et dédaigne mes caresses et mes baisers. Cela me fait mal. Je ne dis pas que je sois un pauvre malheureux, mais il y a des choses qui pourraient beaucoup mieux aller si mon épouse avait plus de compréhension. Je crois qu’à la base de certaines attitudes de mon épouse, il y a un certain égoïsme et du matérialisme.
Pour lutter contre cet égoïsme, j’essaie de lui prouver ma « charité » en l’aidant dans son travail (vaisselle, nettoyages, jardin, fleurs), je m’intéresse à tout ce qu’elle fait, je lui lis quelques pages qui lui font plaisir, En retour, je crois être en droit d’obtenir quelques instants pour causer et surtout pour être dans l’intimité. Si je vais près d’elle pour l’embrasser, pour rien elle ne lâcherait son tricot ou le journal pour accorder une attention à ma caresse ou à mon baiser. Elle n’a pas l’habitude de rendre.
Quant au matérialisme, voici : si j’ai dépensé des sous pour commissions de ménage ou pour partager un verre avec un ami, elle compte presque chaque fois le portemonnaie qui est commun. Très souvent, elle trouve que j’ai trop dépensé et qu’il manque des sous. Je lui fais un compte oralement, mais que de fois c’est : « Tu es un menteur, je ne te crois pas. Tu ne fais que dépenser. » Alors je fais calmement un décompte écrit que je lui présente gentiment. Ou bien elle l’accepte sans un mot, ou bien elle le refuse. Une seule fois elle m’a demandé pardon.
Pour autant, je ne me considère pas comme un homme bien malheureux et un mari par trop à plaindre et je garde pour ma chère épouse des sentiments d’amour profond et une fidélité constante.
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Mon mari est foncièrement honnête, consciencieux.
De goûts simples, d’un commun accord nous avons économisé pour aider à nos enfants. Les deux aînés ont passé, je crois, ces années difficiles de luttes avec soi-même et n’ont d’ailleurs jamais ressenti d’une façon si vive que le cadet ce besoin d’indépendance qu’on sent en soi vers quinze ans. Il est en pleine bagarre ; il a beaucoup grandi, est plein de vie, a passablement de leçons. Il voudrait « épater » chacun. D’un caractère très viril, il aurait voulu forcer l’admiration, ou simplement l’estime de son papa. Je l’ai senti bien des fois. Il aurait voulu pouvoir parler à son père. C’est un joyeux compagnon, un peu bruyant, mais bon, sans détour et toujours prêt à rendre service. Par cela même très différent de son père qui n’aime guère se dépenser pour les autres.
En voilà assez, je suis sûre pour que vous aperceviez une fissure ! Et avec les années, elle grandit. Les caractères s’affirment, la distance aussi.
Il supporte très mal son père et n’est pas toujours poli avec. Mon mari, pourtant patient, bien des fois ne voit là que méchanceté et dévergondage et quand il réalise que cela ne va pas, il crie et dit des choses déplacées. Il n’a jamais eu de tentations, jamais souhaité autre chose que ce qu’il a, jamais fait de sentiment. S’il a aimé ses enfants, il ne cherche pas ce que peut penser un grand fils, à part que ça coûte beaucoup !
Et moi, direz-vous ? Oh ! ne me jugez pas trop sévèrement ! Les aimant tous, j’essaie d’aider, de comprendre, d’encourager, de redresser, de prier pour eux. En plus, j’ai l’impression de faire office de « pare-chocs ». Mais je ne peux le faire que si chacun marche droit. Or, notre fils se met à désobéir aux ordres de son père. Et j’ai peur ! Mon mari ne s’inquiète pas de ce qui se passe après l’une de ses gronderies, mais n’accepte pas non plus que j’essaie de comprendre avec lui les causes d’un juron à son adresse ou un coup de tête. On pourrait penser qu’il se croit irréprochable et n’admet en aucun cas qu’il puisse avoir tort vis-à-vis d’un enfant. Les aînés ont compris assez tôt qu’il valait mieux laisser passer, sortir, plutôt que d’entretenir une discussion dite pour leur bien et faite de belles phrases ou de sentences.
Le cadet n’arrive pas à se plier. Il cache sa sensibilité sous des dehors frondeurs. A la maison, il faut souvent bien peu de chose pour que ces deux caractères s’affrontent. Après avoir tant envié et admiré son papa, il le juge. Et quand j’interviens, il me dit : « Il ne fait pas ce qu’il voudrait qu’on fasse ! S’il veut commander, qu’il montre l’exemple ! » C’est là alors que je me sens gravement en faute. C’est que, ayant énormément souffert de cela avec mon mari, qui trop souvent nous rabaisse au point de nous laisser désemparé et doutant de nous-mêmes, je ne sais pas le relever aux yeux de ses enfants, ou je le fais mal, ce qui m’a valu de l’un d’eux : « Tu sais bien que ce n’est pas vrai ! »
Que faire ? J’aurais tellement besoin moi-même d’encouragements. Je suis parfois si lasse, si peu sûre de ma façon d’agir ! Il me semble qu’il suffirait de peu de chose pour que tout aille mieux, mais je ne peux pas prendre parti de mon mari ; les enfants n’auraient plus confiance en moi ! Et pourtant, puisque nous les avons mis au monde, n’en sommes-nous pas responsables ? Ils ont tellement de tentations à subir, tellement de plus que nous, ne devons-nous pas tout faire pour rester en contact avec eux ? Etre là aux moments difficiles ? Je ne connais rien de plus tragique que de lutter seule moralement ! Et voilà que trop souvent, il me semble que Dieu doit être lassé de mes faiblesses, et je ne sais plus prier…
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Salutaire prise de contact avec la réalité. Ces lettres nous laissent devant un premier étonnement.
A une exception près, ce ne sont que des témoignages de femmes. Pourquoi ? Oh ! ce n’est pas que j’aie volontairement négligé ceux de ces messieurs. Mais le fait est là : les hommes ne prennent que très rarement la plume pour conter leurs souffrances. Serait-ce qu’ils y soient moins sensibles ? Qu’ils n’en éprouvent pas ? Ou serait-ce qu’ils ont la pudeur de les garder pour eux ?
Qu’importe ! En effet, que soit vraie l’une ou l’autre de ces explications, ou qu’elles le soient toutes les trois, un fait est certain : c’est que dans la vie conjugale, nombreux sont ceux qui souffrent. Les femmes plus que les hommes. Et il est bon qu’elles le disent.
Ces quelques témoignages ne soulignent-ils pas éloquemment les aspects précis de cette souffrance et n’en font-ils pas connaître les causes premières ?
Retenons-les pour mémoire.
L’homme met beaucoup de sérieux dans l’accomplissement de son propre travail. Il demande qu’on en reconnaisse la valeur, et s’irriterait de voir mettre en doute l’effort renouvelé, la peine quotidienne que comporte son labeur.
Mais chose curieuse, la valeur du travail de sa femme, la dépense d’énergie que représente la tenue d’un ménage, la peine que coûtent grossesse, enfantement, soins et éducation des enfants, tout cela lui paraît occupations indignes du nom de travail, quand il ne le qualifie pas de loisirs auxquels le retour et la présence du mari fatigué viendrait opportunément mettre fin !
Est-ce ignorance ou égoïste aveuglement ?
Dans son contact journalier avec le prochain, rien ne peine, rien ne blesse davantage l’homme que le mépris dans lequel ses camarades, plus encore ses supérieurs le tiendraient. Autant il s’aigrit du ton irrespectueux et de l’attitude hautaine de ses semblables, autant il est sensible à la confiance qu’on lui fait, aux compliments qu’on lui adresse, aux égards qu’on lui porte. C’est pour lui un encouragement, déjà presque une récompense à sa peine. Il y trouve confirmation de sa dignité d’homme. C’est un des aspects de cette liberté personnelle dont il ne saurait se passer.
Comment se fait-il qu’un même homme puisse prendre alors plaisir à humilier sa femme, puisse accepter de lui parler sans égard, sans respect, comme si elle était l’être le plus misérable qu’il ait rencontré sur son chemin ? (Notons qu’on en pourrait dire autant de certaines femmes à l’égard de leur mari.) Comment peut-il la rabaïsser jusqu’à faire d’elle non plus une personne, mais sa chose, cette chose qu’il exploite à son profit, dont il tire le maximum, objet servant à la satisfaction de ses caprices, de ses goûts, de ses besoins, on ose même écrire : de ses assouvissements ? La question revient sur nos lèvres : Est-ce ignorance ou égoïste aveuglement ?
Le fait est là, souligné par les témoignages lus plus haut : Il y a chez les époux — chez l’homme plus particulièrement — ignorance de la personnalité de son conjoint, ignorance de ses aspirations les plus simples et les plus profondes.
Il y a mésentente réelle entre l’homme et la femme, et cette fissure que l’amour — sentiments ou actes — devrait semble-t-il combler, il ne fait souvent que la souligner, l’agrandir jusqu’à la transformer en dégoût, et souvent aussi en haine.
Surtout si l’alcoolisme du chef de famille vient aggraver la mésentente manifeste ou latente qui guette ces foyers.
Il vaut la peine de lui consacrer quelques pages. Car il a encore bonne réputation chez nous. En tout cas, on ne lui prête que rarement mauvais visage. Sauf s’il s’agit de nécessité professionnelle, de compétition sportive ou de conduite d’un véhicule à moteur. Là, on lui reconnaît son caractère nocif, voire meurtrier.
Mais en dehors de ces exigences du métier, du sport et de la circulation, l’alcoolisme et ses conséquences n’est nullement pris au sérieux et entrevu comme un des saboteurs de l’amour et du foyer où il s’infiltre. Ceux qui osent s’y attaquer passent très vite pour des béjaunes dépourvus de papilles, de mômiers dégustateurs de thé, ou encore des croix-bleusards enragés. Si bien que l’alcoolisme continue à se bien porter et à trouver place dans les foyers de toute classe. Il fait rarement peur aux parents. Si une jeune fille constate que son amoureux, à ses heures, sait boire un coup, elle n’en a nulle crainte. Elle se dirait plutôt qu’en cela, il prouve bien qu’il est un homme !
Ah oui ! on va le voir, en effet. Car il faut prendre le temps d’écouter. Le témoignage des enfants ou des épouses d’alcooliques pourrait alors dégriser ceux qui pensent encore qu’on peut fonder un foyer solide avec un conjoint esclave de cette passion-là.
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Je suis déçue, je ne vois plus aucune solution, je ne sais plus que faire pour ramener mon mari à de meilleures intentions. Fille de parents riches, je me suis mariée à Henri, il y a peu d’années. C’était un jeune homme pauvre, mais tendre, timide, doux ; c’était un fiancé plein de promesses. Mes parents ont été très bons avec nous. Ils nous ont fait une fête grandiose à l’occasion de notre mariage, ils nous ont payé tout ce qui était nécessaire à l’installation. Ils nous ont même aidé à acheter une maison. Je crois qu’on pourrait aller loin pour trouver des parents si bons.
Tout ça était beau et bon, mais voilà, mon mari boit, et ça devient un enfer. Il porte mauvais vin, il tape, il crie, il hurle, il casse. Non seulement il n’a jamais dit un petit merci à mes parents, mais il les diffame, il dit qu’il ne leur a jamais rien demandé, que les riches sont de sales gens. Si vous pouviez comprendre ce que c’est dur et décevant pour une femme d’avoir toujours à lutter, à cacher ce qu’est sa vie. Il ne fait jamais un compte ; jamais il ne me demanderait si j’arrive à payer, et bien sûr je me débrouille seule, mais il persiste à dire que je suis la plus heureuse femme sur terre, parce que je ne dois pas aller travailler au dehors.
Vous me demanderez avec quel argent il boit. Eh ! bien voilà, il est caissier d’une société et c’est là qu’il puise. En huit mois, j’ai dû y mettre trois cent vingt-huit francs de l’argent du ménage. Si je cache la clé, il va à crédit au café et quand il arrive saoul, il me bat et casse les meubles parce que j’ai caché la clé. Il me dit : « Ce sont mes comptes à moi, tu n’as pas le droit d’y toucher. » Mais moi, il me faut ajouter cet argent, comment croyez-vous que je puisse arriver avec une telle vie ? Et encore il est jaloux. Dans une salle de danse, si je suis assise tranquille, il va au bar boire et se saouler. Si je danse, il devient fou furieux, et nous devons quitter la salle. En arrivant à la maison, il me fait une scène pire que si j’étais une fille. Comment puis-je encore aimer un tel homme qui déçoit d’une pareille façon ? Je crois qu’il m’a mariée pour l’argent, maïs moi je veux divorcer, car il n’y a aucun remède à l’alcool. Alors pourquoi se faire encore des illusions ? Je ne veux à aucun prix qu’un enfant vive dans une telle atmosphère et qu’il devienne le même, non, je préférerais me tuer.
Excusez-moi ces paroles, mais je n’y tiens plus…
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Je suis arrivée dans ce petit domaine pour vivre avec mes beaux-parents. Nous avons un appartement pour nous. J’ai bien vu tout de suite que c’était un tout autre genre de vie que celle que j’avais connue chez mes parents.
Père et fils ne s’aiment pas. J’essaie de comprendre le pourquoi. Pas de vie de famille, pas un mot sur ce qui se passe à la ferme, pas une attention, Le vrai fond de l’affaire : père et fils boivent souvent un peu trop, surtout le père. Je l’entends sortir de la cave avant déjeuner, et quitter le travail pour aller au café, mais mon mari ne fait pas mieux. S’il a une occasion, il s’attarde facilement. Si je lui fais un reproche, réponse : « Je travaille assez, je peux bien me payer un verre. » Et avec ça, incompréhension entre eux, jamais un mot gentil, disputes, etc.
Je me suis dépensée tant que je pouvais pour arranger les choses, mais sans aucun résultat : Cette vie me glace le cœur. Que faut-il faire ? Je ne sais comment le prendre. C’est-à-dire que je ne le comprends pas. Il est bien gentil, bon papa, mais si faible de caractère. Il me trouve trop exigeante, mais moi j’aimerais être fière de mon foyer. Pourquoi, chaque fois qu’il sort, dois-je attendre son retour avec angoisse des heures interminables à me dire : quand rentrera-t-il, et dans quel état ? Que lui manque-t-il pour oublier ainsi sa responsabilité au foyer ? C’est là que je ne trouve pas de réponse. Je suis prête à faire n’importe quoi pour « rassolider » ce foyer ébranlé et surtout avant que les petits comprennent.
Il n’est pas venu à l’église depuis Noël. Il dit que c’est bon pour ceux qui en ont besoin. Eh ! bien moi, j’en ai de plus en plus besoin pour me réchauffer le cœur. J’ai des parents, mais je n’ose avouer ma déception…
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Déjà l’année passée, j’ai voulu vous écrire, mais mon mari, pensant que j’écrivais pour demander la séparation, m’a battue et a pris ma lettre.
Mon mari est un homme travailleur, mais impossible et méchant ; une grande partie de son salaire est dépensé en boisson et fumée. C’est presque chaque soir qu’il nous fait des scènes épouvantables ; surtout il s’acharne sur notre fils. Nous n’avons rien qui puisse provoquer sa mauvaise humeur, c’est l’alcool qui le rend ainsi méchant.
Avec les enfants, nous nous tenons bien ensemble et quand il nous bat, nous lui rendons ses coups pour nous défendre, mais c’est horrible, et après nous en sommes malades ! Que faut-il faire ?
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J’ai eu une enfance assez étriquée entre un père buveur, cynique et boudeur, et une douce maman qui n’avait qu’un désir : garder sa fille toute sa vie pour elle. J’assistai à toutes sortes de scènes sans retenue qui amenèrent mes parents au divorce. Afin de sortir de cette atmosphère empoisonnée, j’acceptai la cour assidue que me fit un jeune homme et finis par l’épouser. Ce fut de l’extérieur une union parfaite. Cependant, il y avait chez mon mari une grande faiblesse de caractère. Il n’était pas très honnête, tolérait mensonges et petites combines. J’en souffrais. Je pensais qu’avec la venue des enfants son sens des responsabilités s’éveillerait : il n’en fut rien. Comme nous n’avons pas le moyen de sortir, mon mari sort seul parfois et rentre ivre. Il veut alors me mettre à la porte, car je le lui reproche. J’ai tant souffert de l’ivrognerie (et de ses suites) de mon père, que je ne veux pas que mes enfants voient cela.
Un jour, mon mari perdit sa place. Il avait bu pendant les heures de travail. Heureusement que je n’avais jamais lâché mon activité : cela nous permit de surmonter la crise. Il retrouva du travail, signa la tempérance, ne tint pas longtemps, rebut, resigna et rebut et envoya tout promener. Je n’en pouvais plus. Mon mari, toujours gentil, mais sans volonté, me laissait tout le souci. Il n’était même pas capable de rentrer à l’heure pour faire réciter les leçons, se laissant entraîner par les copains. De temps en temps, il ramenait une bonne « cuite » pendant laquelle il faisait une grosse bêtise. Ou bien mon mari arrivait tout souriant à 19 h. 30, 20 h., quand ce n’était pas à 4 h. du matin, ne comprenant vraiment pas pourquoi je m’énervais et je n’étais pas contente.
On me dit qu’il ne me faut pas « visser » mon mari, moi je ne sais plus que penser…
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Pendant quatre ans, notre ménage allait bien. Ce fut une connaissance, marraine d’un des enfants, qui dérouta mon mari. Il se mit à mentir, puis s’adonna à la boisson par le fait que cette tierce personne payait et offrait beaucoup.
Et les choses en sont là : la paie, il ne veut pas la donner, ou bien il la donne quatre jours après avec 90 francs en moins. Ce mois-ci, comme il ne me donnait rien, je lui ai pris 135 francs de force. Tout le reste, il le garde pour boire et fumer. Je n’en peux plus, j’ai les nerfs malades, je me mets à crier et jusqu’à le giffler. C’est terrible comme je deviens avec lui. Il fait des dettes, il a emprunté sur les polices d’assurance aux enfants, prélevé de l’argent sur leur carnet sans rien dire, toujours pour boire. J’avais pardonné, mais maintenant je ne peux plus, car chaque fois qu’il a la paie et de l’argent en poche, toujours il va boire et rentre saoul.
J’ai toujours peur qu’il se fasse vider de la place. Vendredi dernier, il n’est pas allé travailler l’après-midi ; quand il est rentré pour diner, il était pris de boisson. Pendant l’après-midi, il est encore allé chercher un litre à l’épicerie. Moi-même, vis-à-vis de lui, quand il a bu, je deviens méchante, nerveuse et des fois, si je ne me retenais pas, (j’ai eu pris un couteau en main), j’ai peur que je ne puisse plus me maîtriser et qu’il n’arrive un drame…
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Je suis mariée depuis dix ans, et l’avenir me fait peur. Mon mari a toujours été faible de caractère. Quand il sort, il ne peut pas se rentrer. Au début de la seconde année, alors qu’il y avait fête au village, ayant bu plus que de coutume, il s’est mis à dire des choses affreuses de moi et sans que l’on ait eu un mot. J’étais à ses côtés, au milieu de tout le monde. Ma déception a été telle que je me suis mise à décliner. Je n’avais plus de force et surtout plus de goût à la vie. Au moment où j’étais de plus en plus bas, j’attendis un enfant. La grossesse a été terrible. Cet enfant est né avec une déficience qu’on pourra corriger à la longue.
Je pense que vous comprenez combien de fois j’ai pleuré sur ce petit lit.
Puis nous avons déménagé ; j’avais repris beaucoup de courage. Je me disais : heureusement, il quittera ses copains et tout rentrera dans l’ordre. J’espérais que nous aurions une autre vie, mais voilà que mon mari continue, si ce n’est encore plus. Je suis dépitée. Sa famille est très dure. Comme je n’avais pas un sou, je n’avais que le droit de me taire. Je n’ai surtout pas marié un homme riche, je ne comprends pas pourquoi, chaque fois qu’il rentre, il me reproche cela. Quand je me suis mariée, j’avais un beau trousseau, il ne me manquait rien et j’ai payé la moitié des meubles. Mais à part cela, je n’ai pas eu d’héritage de la maison. Nous n’étions pas riches, mais nous avons toujours été honnêtes et avons eu une vie de famille heureuse et tranquille, C’est ce qui me manque maintenant. Je donnerais beaucoup pour retrouver ces temps-là…
Il s’est mis à aller chez des voisins et c’est ce qui m’épouvante. J’ai peur de la suite. Nous n’avons jamais eu d’histoires de femmes, mais maintenant c’est le commencement. Je n’aurais jamais voulu assister à ce que j’ai vu. Maintenant que je les éloigne, ils sortent les trois sans moi.
Quand il est de sang froid, c’est le meilleur homme du monde. Mais quand il rentre le soir et que j’ai déjà trait les douze vaches, il n’est pas encore content, Je me suis mise à traire pour ne pas avoir besoin de domestique en pensant qu’il resterait à la maison. Maintenant qu’il va tous les jours chez ces voisins, je ne puis plus rien faire pour qu’il soit content. J’en suis devenue toute malade. Je suis en traitement pour l’estomac, le foie, le cœur, mais la paix serait le meilleur remède.
Lorsque nous avons une explication avec mon mari, il me promet tout ce que je lui demande, mais il n’a jamais tenu parole…
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Mariée à un pauvre ouvrier, j’ai été heureuse, sachant me contenter de peu. Mon mari n’avait appris aucun métier, mais il savait mettre la main à toutes sortes d’ouvrages et avait de nombreuses cordes à son arc. En tout cas, de quoi largement nous tirer d’affaire. Mais voilà où ça s’est gâté : il n’a pas de caractère, se laisse aller à boire dans ses moments de loisirs. Cela me peine beaucoup de voir tous ses talents se désagréger par l’effet de l’alcool. L’énergie s’en va ; sans être méchant, il me faisait souffrir.
Il a eu une drôle d’enfance. Un père buveur, grossier, brutal. Une mère malheureuse et sans beaucoup d’énergie, terrorisée par son mari. Mais le pire, c’est qu’entraîné sous l’effet de l’alcool, il a eu une histoire de mœurs. Vous décrire cette chose est impossible. J’avais tant confiance en mon mari, Quelle souffrance pour moi et pour mes enfants. Nous avons bien pleuré ensemble. Quel dégoût pour reprendre la vie en commun ! Je ferai tout ce que je peux pour soutenir mon mari, afin que mes enfants retrouvent cette atmosphère familiale si chère. Il y a des moments où je sombre dans le désespoir. Il me semble que tout est fini. Ma santé s’en ressent ; je ne dors que quelques heures, j’ai des vertiges et des migraines. Si je n’avais mes enfants, je me laisserais glisser.
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Je suis née dans une famille de six enfants. J’étais la quatrième. J’avais un bon papa, travailleur, Malheureusement, ma maman aimait la boisson et comme c’est à la maman qu’on tient à se confier quand on est jeune, on ne pouvait rien lui dire. Mon père était très fatigué et n’avait pas toujours la tête à nous entendre. Mais je ne peux rien lui reprocher, il a fait ce qu’il a pu pour nous six, et a beaucoup souffert. Quand je suis partie de la maison, j’ai connu un jeune homme de vingt-trois ans, à qui j’ai voué toute l’affection et l’amour que je n’avais pas pu recevoir auprès de mes parents.
Après une année de fréquentation, il m’a trompée en me laissant un enfant.
Après ces épreuves, j’ai dû rentrer en sana. J’étais bien malade des poumons…
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Mes enfants sont « hors de la coquille », comme on dit. Non sans peine bien sûr, car depuis dix ans, je n’ai cessé de travailler pour aider à leur donner un métier.
Malgré notre situation financière précaire, tout irait pour le mieux sans l’alcoolisme invétéré de mon mari. Ce dernier a toujours bu depuis tout jeune et les premières années de mon mariage, il me battait, J’avais demandé le divorce. A la dernière séance, qui allait me libérer à mon avantage, je suis revenue en arrière par pitié. Mon mari me suppliait en promettant de se corriger. Effectivement, pendant quelques mois, cela a été mieux, puis tout a recommencé de plus belle. Nous avons reçu le congé de notre appartement.
A nouveau, l’année dernière, la propriétaire, qui était très âgée, ne pouvant supporter ces scandales, nous a envoyé le congé. J’ai retrouvé un nouvel appartement grâce à mon employeur. Malheureusement, c’est encore pire qu’avant Mon mari rentre chaque soir éméché et m’insulte grossièrement. J’entends les pires injures et ce que je redoute par-dessus tout, c’est que des plaintes parviennent à la gérance. Il a pris plusieurs engagements d’abstinence. Il ne les tient pas, bien qu’il ait été menacé d’internement. Il fait des dettes un peu partout. Au début je les payais, mais maintenant je ne le fais plus. Chaque matin, il renouvelle sa promesse de rentrer de sang-froid le soir, mais il n’en est rien.
Je souffre moralement et mon état de santé s’en ressent. Je ne peux plus travailler, que l’après-midi seulement. Mes nerfs sont à bout. Je ne sais plus que faire. En aucun cas je ne puis continuer à vivre dans ces conditions.
Les encouragements, la douceur, rien n’y fait, et notre situation deviendrait tragique si nous recevions encore une fois le congé de l’appartement, Car maintenant toutes les gérances et propriétaires prennent des renseignements. Nous ne saurions où aller…
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Il est bon de suspendre un instant l’audience ! Le malaise ressenti devant ces situations si douloureuses, la déception partagée avec ceux ou celles qui se trouvent comme enchaînés à de telles misères, le dégoût éprouvé devant tel aspect du mal, tout cela nous amène à désirer un instant de relâche.
Nous convenons qu’il est désirable ! A condition que nous ne nous hâtions pas d’oublier ! C’est si facilement en effet que s’efface une salutaire impression !
On lit beaucoup de choses sur l’alcoolisme. On sait — statistiques en mains — qu’il est pourvoyeur d’un important cortège de misères. On cite des chiffres, on calcule combien de millions sont bus annuellement. On dit quel effarant pourcentage de maladies sont dues à ses effets. On souligne qu’un très grand nombre d’asiles et de sanatoriums pourraient être fermés si l’on pouvait détourner l’homme de cet esclavage. On établit des rapports précis montrant tout ce qu’on pourrait faire avec les sommes épargnées, si l’homme consentait à ne plus donner dans ce piège.
Mais précisément, ce sont des chiffres, des pour-cent, et, tout impressionnants qu’ils soient, ils nous laissent finalement dans une certaine indifférence.
Et puis, l’alcoolisme, c’est quelque chose de tellement impersonnel. Alors, au moment des fréquentations, et dans le projet de mariage, on n’y pense plus ! On pense à beaucoup de choses, mais surtout pas à ça ! On pense à beaucoup de difficultés possibles, mais pas à celle-là.
Jusqu’au jour où cette misère se trouve installée au foyer, d’autant plus solidement qu’on n’avait jamais pensé à elle, ni pris garde à sa présence toujours plus envahissante…
Gardons à la mémoire que l’alcoolisme est un des pires ennemis de l’amour. Surtout à l’heure où il a encore bonne façon, est vêtu de jovialité et laisse croire « qu’une fois n’est pas coutume ». Il faut préférer mille fois les dures nécessités du célibat (avec tous ses avantages !) à une vie conjugale pleine de promesses, mais qui laisserait entrevoir la présence au foyer de ce troisième larron. C’est toujours lui qui finalement demandera à être le premier servi et fera la loi à la maison. Et c’est une loi d’enfer !
Mais trêve de réflexions ! le défilé des témoins n’est pas terminé. Loin de là. Et la déposition de ceux qui vont se faire entendre forme un dossier encore plus volumineux que celui de l’alcoolisme. Chaque journée le voit grossir encore. Aussi est-il temps de reprendre place et de nous mettre à l’écoute. Ces témoignages, comme les précédents, viendront parfaire notre information. Celle-ci ouvre un chapitre bien trop commun.
Une parole du livre des Proverbes dit : « Qui commet l’adultère est dépourvu de sens. » Autrement dit, l’adultère est une extravagance comparable à de la folie. Celui qui en est atteint a perdu la raison. On a beaucoup de respect et de sympathie, on a même des égards envers un être malade de l’esprit. Si l’on prête attention à ses pensées, à ses sentiments, à ses faits et gestes, ce n’est point par pure curiosité ou par quelque intérêt documentaire. Nous laissons cela aux indiscrets ou aux amateurs. Notre intérêt à nous a un tout autre but : discerner ce qui a provoqué la maladie, et chercher le remède, sa meilleure application, celle qui empêchera la rechute ou la contagion.
Alors, ouvrons les yeux, les oreilles, mais aussi le cœur et l’esprit à cette atroce réalité que crée le prétendu « droit à l’amour ».
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J’avais lié connaissance avec un monsieur et rapidement, nous avons éprouvé l’un pour l’autre un profond sentiment, qui ne nous a pourtant pas poussé à commettre adultère ! Je trouvais chez lui la douceur que mon mari méconnaît, il était devenu une sorte de compensation, de refuge à mes désagréments conjugaux. Nous avons rompu…
Cependant pour moi, cette rencontre fut un grand mal, car je ne puis me détacher et je me rends compte quelle place ce monsieur avait prise dans mon cœur !
Je m’aperçois qu’il ne me reste pas grand-chose pour mon mari, qui est froid, dur, cassant, toujours absent, tempérament à l’opposé du mien ! Il ne veut pas, malgré mes fréquentes demandes, être affectueux, Ainsi, il y a un mur épais entre nous, et je ne sais comment ranimer une flamme qui, de part et d’autre, est à peu près éteinte. Ma santé s’est beaucoup ressentie des tourments de ces derniers mois. Je sais qu’aucun remède ne pourrait guérir cet état d’esprit malsain.
Encore un mot : avant de connaître ce monsieur, la situation n’était guère plus brillante ; j’avais de l’affection à donner que mon mari méprisait et je soupirais aussi d’en recevoir. Il n’y avait et n’y a aucun lien entre nous ; nos caractères se choquent sans cesse. Mon mari est établi à son compte ; il court de droite et de gauche, le soir de même. Le travail, pour lui, est tout, et la vie de famille ne compte guère ! J’aurais justement besoin d’un mari qui vive avec moi et que je pourrais entourer. Je me sens dans une effroyable solitude morale.
Après la naissance de notre cinquième enfant, j’étais très fatiguée, alors mon mari a eu la gentillesse de m’offrir une semaine de vacances.
Profitant de mon absence, il a filé le parfait amour avec la bonne. Après mon retour, pendant une semaine, je ne me suis aucunement méfiée de ce qui se passait sous notre toit. Après la découverte de la réalité, j’ai eu une explication avec mon mari qui m’a traitée de « complètement piquée », voyant des choses qui n’existaient pas…
Et pourtant, ces choses existaient. J’ai demandé à mon mari, je l’ai supplié de renvoyer cette fille, lui faisant comprendre que l’inconduite ne mène jamais à rien de bon. Toutes mes supplications ont été vaines, mon mari me menaçant de se suicider si je faisais quoi que ce soit. Je lui demandais alors de me laisser partir, et j’ai menacé d’écrire au père de cette fille, je lui ai proposé le divorce, toutes ces choses sont restées vaines, mon mari me menaçant constamment de se suicider. Alors encore pendant quinze jours, j’ai dû regarder mon mari flirter avec la bonne, chuchotant dans les coins, s’embrassant et se disant des mots d’amour, trouvant toutes sortes de prétextes pour courir aux rendez-vous, pendant que moi je pleurais.
C’était sans importance pour lui, il aimait la bonne et la bonne l’aimait depuis si longtemps, paraît-il ! Cette fille me narguait, se moquait carrément de moi ; n’était-elle pas sûre de l’amour de mon mari ? Non seulement celle volait mon mari sous mes yeux, mais elle me méprisait, lui rapportant mes faits et gestes, à sa manière. Ne fallait-il pas m’abaisser pour avoir la première place dans le cœur de mon mari et dans la maison ? Toutes ces choses me font si mal, car nous faisions un beau ménage, mon mari et moi, entouré de nos enfants. Tout est brisé maintenant chez nous, il n’y a plus de joie, plus de chants.
Après le départ de la donzelle, mon mari a pleuré et y pense toujours. Je pensais quand même que les choses en resteraient là, mais il a continué à lui téléphoner alors qu’il m’avait fait le serment de n’en rien faire. Après des scènes violentes, où des noms d’oiseaux étaient échangés ainsi que des coups, j’en viens à me demander si le divorce ne s’impose pas. Quand je parle de divorce, mon mari continue à me faire chanter par son suicide. N’ai-je pas le droit de divorcer ? Je sais que la vie ne sera pas facile pour moi et les enfants, maïs d’autres ont passé par là avant moi.
Il me dit : pense aux enfants.
Lui, a-t-il pensé aux enfants ? Ne les voyait-il pas ses enfants pendant son idylle amoureuse avec la bonne ? Ne savait-il pas que ses enfants comptaient sur lui ? Et elle ? Que pensez-vous d’elle ? Ne savait-elle pas que son galant était marié et père de famille ?…
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J’ai trouvé une photo de jeune fille dans une poche ; j’ai discuté franchement avec mon mari qui m’a assuré qu’il n’y avait rien de grave, que tout serait fini. Je l’ai cru et lui ai fait confiance entièrement, en faisant un gros effort pour ne pas montrer ma déception et mon chagrin…
L’attitude de mon mari me paraissait souvent douteuse, j’ai discuté fréquemment avec lui, sans chicane : toujours il avait une explication plausible à tout. Il prétendait avoir une déficience physique, je l’ai fait soigner.
J’ai cru tout ce qu’il me racontait jusqu’au jour où, cet été, tout a craqué. Il à été renvoyé du jour au lendemain de sa place pour abus de confiance, Il a fallu trouver plusieurs milliers de francs pour éviter l’arrestation. En plus, sa liaison ne pouvait plus être cachée. Mon mari était effondré : il a promis à nouveau à sa maman, à ma famille, à ses amis, de repartir à zéro, de filer droit et de reprendre une vie de famille et de confiance, Il paraissait si sincère que personne n’a douté un instant de ses promesses, chacun a voulu l’aider à recommencer, moi la première.
Et maintenant, je viens de découvrir qu’il n’a promis que pour avoir l’argent et qu’il n’a en réalité jamais quitté cette jeune fille. Je suis allée la trouver, j’ai parlé longuement avec elle : elle dit qu’elle l’aime, qu’il lui a promis depuis toujours le mariage. J’ai essayé de la raisonner en parlant de mon foyer qu’elle détruisait. Je lui ai dit que je n’accepterais ni séparation ni divorce. Je lui ai fait envoyer le prêtre. J’ai aussi écrit à ses parents. Mais elle ne tient pas à le quitter. Depuis ma venue, comme sa logeuse ne tolère plus ce manège, elle va prendre un appartement et mon mari va paraît-il quitter sous peu le domicile conjugal pour la rejoindre. Depuis ma découverte, mon mari ne m’adresse plus la parole et n’a même plus le courage de discuter une seule fois avec moi. Il n’a, paraît-il, rien à me reprocher, mais il aime mieux l’autre.
Jusqu’à maintenant, je n’ai pas bougé, en m’efforçant de rester calme et gentille et de rester la gardienne de mon foyer. Mais c’est dur. Je dois lutter chaque jour contre des sentiments de révolte, d’amertume et d’injustice. Pourtant, mes enfants auraient tant besoin d’une maman qui soit en paix intérieurement. Il me semble toujours qu’avec un divorce, ce serait fermer résolument toutes les portes à un éventuel retour, même très lointain…
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Alors que j’étais à la montagne avec mes deux enfants, mon mari prenait pension dans un petit restaurant. Malheureusement il a fait là la connaissance d’une femme qui a si bien su le prendre dans ses filets que depuis ce jour, il déserte de plus en plus la maison et la famille. Au premier moment j’en ai fait une maladie, car mon mari était à mes yeux l’homme le plus parfait qu’il existait, et tout s’écroulait devant cette découverte.
Après une lutte acharnée avec moi-même, soutenue et aidée par mon médecin et ma belle-mère, j’ai retrouvé mon équilibre et j’ai accepté la situation, voyant mon mari malgré tout gentil avec moi. Je pensais qu’il y a certainement des cas pires que celui-là. Je crois même que mon mari, à ce moment-là en lutte avec sa conscience, était plus malheureux que moi. Un beau jour, il est arrivé avec des fleurs, me demandant pardon, disant qu’il s’était libéré, et me priant de partir avec lui pour quelques jours. Nous avons fait un magnifique voyage d’amour, c’était un vrai renouveau.
Hélas ! dans son antre, cette femme n’attendait que l’occasion de revoir sa victime. Elle le savait faible et celle a gagné par la ruse d’abord, puis par la force satanique qui est en elle. Elle lui a tiré tout ce qui restait de bon en lui. Ils passent leurs vacances ensemble et lui n’ouvre plus la bouche à la maison que pour gronder les enfants. Cette femme est quatre ans plus âgée que lui et a une fillette illégitime. Il est reçu dans sa famille comme s’ils étaient mariés.
J’ai renoncé à toute discussion, car ses arguments deviennent de plus en plus cruels à mon égard, et cela me fait mal inutilement. Pourtant, par moment, j’ai presque l’impression d’être lâche vis-à-vis de moi-même en me laissant faire ainsi…
Elle veut absolument gagner et déclare qu’elle fera tout pour me faire perdre patience. Lui ayant promis de l’épouser, il me dit qu’une seule solution est possible : la séparation. Mais moi, je pense avant tout à mes enfants. Ils ont besoin de leur papa autant que de leur maman et ils souffrent du vent froid qui souffle sur leur foyer. L’union de leurs parents serait nécessaire à la formation de leur caractère. Ce foyer, je veux le sauver à tout prix. J’ai déjà fait beaucoup de sacrifices. Je suis prête à en faire encore si c’est nécessaire, mais étant donné que je me heurte à une volonté contraire, je ne sais plus que faire…
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A vingt-cinq ans, j’ai connu celle qui devait devenir ma femme. Après une année de fréquentation, nous nous sommes fiancés. Or, pendant cette première période, ma fiancée m’a trompé. C’est un de mes amis qui, quelque temps après, me jeta cet affront à la figure.
Le coup était dur. Ma fiancée m’avoua tout et je décidai de rompre. De dépit à ce moment, et par besoin de vengeance, je me suis amusé aussi. Le destin cependant a voulu que nous reprenions nos relations, car malgré tout, nous nous aimions sincèrement. Ma fiancée me promit d’être fidèle et nous nous sommes mariés. De suite, nous avons eu les enfants.
Personnellement, je dois dire que les soucis, le travail, m’ont certainement marqué avant le temps. Aussi, ma femme, qui est plus jeune, aime-t-elle encore à s’amuser. De pleine confiance, je l’ai plusieurs fois laissée aller seule. Je l’ai fait jusqu’au jour où remarquant dans son attitude quelques mensonges, je décidais de faire cesser ces sorties. Hélas ! c’était trop tard. Ma femme me trompait avec un de mes propres collaborateurs. Pensez-vous que l’on puisse craindre un patron de qui l’on possède la femme ? Dès lors, les affaires ont si mal marché que l’année dernière j’ai presque fait faillite et risquais voir mon travail de nombreuses années s’écrouler comme un château de cartes.
C’est dernièrement que ma femme s’est décidée à tout m’avouer. Le coup pour moi a été terrible. Cette révélation, ou du moins la certitude que l’acte avait été consommé, me fit l’effet d’un coup de poignard. Cela me fait horriblement mal parce que j’ai beaucoup aimé ma femme ; pour mes enfants aussi !
Cette révélation m’enlève toute confiance pour l’avenir. Que faire maintenant ? J’ai besoin de tout mon courage pour travailler, je dois redresser une situation compromise par cette liaison. Le courage me manque maintenant. Je suis très fier. L’idée de l’homme bafoué, trompé, me révolte. Je dois me faire violence pour rester correct vis-à-vis de ma femme.
Plusieurs solutions s’offrent à moi. Divorcer, je ne le veux pas. J’aime mes enfants, et pour rien au monde je ne veux qu’ils sachent ou qu’ils aient à souffrir de cette chose. Essayer d’oublier, je ne crois pas pouvoir y arriver, la blessure est trop profonde, Me venger en recherchant des aventures, cela ne me ferait pas oublier ce qui m’est arrivé, et ne pourrait que me faire mépriser davantage les femmes légères.
Pour moi, il me semble que la vie s’est arrêtée. Je ne vois point d’issue et j’ai horriblement mal…
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Il y a plusieurs années que mon mari est parti me laissant seule avec deux petits enfants. Je souffre toujours beaucoup et j’ai tant de peine à voir la souffrance de mes petits. Si souvent ils sont meurtris par des questions qu’on leur pose. Je ne peux leur éviter ces souffrances, et cela me fait si mal.
Plusieurs fois déjà, mon mari a voulu demander le divorce. Je m’y suis opposée, car je désire toujours laisser la porte ouverte. J’ai pris l’engagement devant Dieu : « Jusqu’à ce que la mort vous sépare ». J’avais averti la femme qui a brisé ma vie, au moment où le drame a éclaté, que je ne divorcerais pas. J’espérais tant que mon mari reviendrait bientôt. J’espère encore, si Dieu le veut. Mais mon mari vit avec elle, et il a d’elle un ou deux enfants. Dieu peut toucher son cœur. Il est tout puissant et de cette situation inextricable, Lui seul peut trouver une issue, n’est-ce pas ?
Pensez-vous que je devrais agir autrement et accorder le divorce ? Je ne peux pas m’y résoudre : mes enfants ont aussi droit à leur père et ils l’aimaient. La femme qui a détruit notre foyer savait qu’elle prenait un papa à deux petits enfants, mais les siens aussi sont de pauvres petits, bien qu’ils aient leur papa près d’eux…
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Je suis mariée depuis 14 ans. Nous avons deux enfants. Depuis le jour où il a connu cette femme, il m’a fait souffrir terriblement. Pour se débarrasser de nous, il a trouvé des arguments odieux. J’ai dû m’absenter deux mois avec nos enfants pour un changement d’air. Pendant cette absence, cette femme est venue vivre chez moi, avec mon mari, fouillant dans mes armoires, déplaçant les meubles, répondant au téléphone qu’elle était la femme de ménage ! Moi qui n’en ai jamais eu. Disant qu’elle n’était pas Madame X, mais qu’elle le serait. Elle a même poussé l’audace jusqu’à rendre visite à un des enfants en clinique. Soit-disant qu’elle désirait le connaître. Elle achète tous les sous-vêtements de mon mari, chemises, jusqu’à sa brosse à dents. Vous imaginez ma situation ! Mon mari m’a traitée de tous les noms vulgaires qui existent sur cette terre ; il m’a dit de f… le camp, que je le dégoûtais, qu’il ne pourrait plus jamais me toucher, que je devrais me trouver un amant, que je suis bête, qu’il y a déjà longtemps qu’il aurait dû m’étrangler, que je n’ai jamais rien fait pour lui, que je ne l’ai jamais compris, qu’il en a assez de travailler pour nous, qu’il veut vivre sa vie, qu’il désire la paix !
Je suis allée demander mon divorce, maïs voilà depuis qu’il sait qu’il doit m’entretenir jusqu’à la mort, il a changé d’avis, me disant d’arrêter la procédure, que j’aurais dû avoir plus de patience. Ce qu’il aimerait, c’est rester avec nous maintenant, mais toujours avoir cette femme.
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A 18 ans, je me suis très fortement attachée au premier jeune homme que j’ai rencontré. J’avais eu le très grand malheur de perdre ma chère maman. Mon père, égoïste, comme la plupart des hommes, n’a pensé qu’à son propre chagrin et moi, complètement désemparée, je me suis réfugiée dans les bras de mon ami. Quelques mois plus tard, nous avons scellé notre amour en nous fiançant ; je me donnai à lui et fus enceinte au premier contact. Lorsqu’après trois mois de lutte je fis une fausse couche et ne pus cacher la chose à mon père, il me chassa de la maison. Dès lors, mon fiancé représentait tout mon univers. Avec mon petit salaire et la paie de mon fiancé, soutien de famille, nous mîmes près de trois ans à réunir la somme nécessaire à nous marier et nous installer modestement. Nous fîmes un mariage d’amour et fûmes très heureux pendant cinq ans.
Peu après la naissance de notre enfant, je devais m’apercevoir que mon mari se liait d’amitié avec une collègue de bureau, qui devint sa maîtresse. Je souffris horriblement, à en perdre la raison, et pendant de longues années je luttai désespérément pour tâcher de reconquérir mon mari, mais en vain. Cette liaison dure toujours à l’heure actuelle. C’est vous dire que notre enfant n’a certes pas grandi dans la joie et la gaité. Afin de sauvegarder le foyer, je n’ai jamais envisagé le divorce, estimant qu’un enfant doit grandir entre son père et sa mère. Sans y parvenir toujours, je me suis constamment efforcée de cacher ma misère aux yeux de ma fille. Jusqu’à ce jour je l’ai élevée dans le respect et l’admiration même de son père. J’ai souhaité mourir avant d’arriver à ce carrefour, C’eût été tellement plus simple. Mais mes convictions religieuses ne m’ont pas permis d’attenter à mes jours. Sans en connaître le motif, notre fille s’est aperçue depuis longtemps du profond dissentiment qui désunit ses parents. J’avoue que certains jours, je suis horriblement lasse et n’ai plus la force de faire la grimace pour cacher ma peine, maïs elle est sans indulgence et trouve que je « pousse une sale tête ». Elle me pose des questions embarrassantes sur les trop fréquentes absences de son père.
Quant à mon mari, de nature extrêmement fière, il impose sa personnalité à tout le monde et n’a jamais admis une réflexion sur sa conduite…
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… A les entendre, il semble qu’il n’y a que des hommes qui trompent et abandonnent leurs femmes. Pour moi, c’est une femme que je n’ai sans doute pas su aimer et qui m’a trompé bien des fois. Elle m’a donné deux charmants enfants, maïs sa conduite est devenue telle, sa méchanceté et son effronterie à mon égard si évidentes qu’il ne m’était plus possible de la tolérer chez moi, et puis les enfants souffraient de nos fréquentes disputes. Me voici seul depuis un an. J’ai passé la quarantaine et ne veux haïr personne, même pas l’amant qui, en détruisant mon foyer, me prit ma femme et mes enfants.
Il en est qui oublieraient. Il y a tant de femmes qui ne demanderaient qu’à se marier; mais bien qu’ayant rencontré quelque amitié, je ne puis me résoudre à refaire ma vie et j’oscille entre le fol espoir que son amant l’abandonne et qu’elle me revienne, et le désespoir le plus noir. Qu’en est-il de notre justice qui m’oblige à verser la pension de mes petits à l’amant de ma femme tandis que moi je suis réduit à vivre seul, sans avoir fauté, privé de l’affection de mes petits et n’ayant plus ni les moyens, ni la santé pour me refaire un foyer ?
Si, matériellement, la vie d’une femme seule est difficile, que pensez-vous de l’homme déraciné de son foyer, qui, à l’usine n’a pas la vie rose ? Comment échapper à ce découragement ?…
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Quatorze ans de mariage pendant lesquels j’avais le droit de dire que nous étions un ménage heureux, après les difficultés matérielles surmontées grâce à un travail de tous les instants et de tous les deux. Mariés très jeunes par obligations puisque quatre mois après naissait notre aînée. Sans travail suivi à ce moment-là, ceci n’a fait que nous unir et fait ressortir les qualités matérielles de ma femme. Les raisons du choix de ma femme pour en faire mon épouse : attirance physique.
Après cette période de quatorze ans de vie heureuse, où mon amour ne fit qu’augmenter, ma femme, elle aussi, donnait l’apparence d’être heureuse. Seul un désir d’indépendance lui faisait désirer de sortir d’abord quelquefois seule, puis plus régulièrement, une fois par semaine dans un dancing quelconque. Pendant de nombreuses années, tout s’est passé normalement. En plus de ces sorties, nous sortions également ensemble régulièrement une ou deux fois par semaine, ceci pour vous dire que notre ménage ne s’était pas encroûté et que le délassement était tout de mème une chose à laquelle nous attachions de l’importance. Ceci bien entendu depuis que les aînés sont en âge de rester seuls et depuis que notre situation financière s’est améliorée.
A la suite d’un travail acharné de la part de tous deux, une certaine aisance régnait et il avait été envisagé de partir en voyage pendant mes vacances pour la première fois de notre vie. Hélas ! tout a craqué et j’ai vu tout ce qui avait été fait ensemble par terre au moment où elle m’a avoué, ne pouvant plus le cacher, qu’un autre homme avait pris ma place et qu’elle me trompait depuis deux mois.
Elle m’avoua également que ce n’était pas seulement une attirance physique, mais également un sentiment profond et que rien ne pourrait la séparer de cet homme. La preuve m’en a été donnée par la suite, je vous l’assure, Rien ne l’a empêchée de rejoindre son ami, ni la maladie assez grave que j’ai faite, ni la crainte de la perte de ma situation actuelle, enviable pour beaucoup, et acquise par la tranquillité que ma femme me donnait dans mon ménage… ni même les enfants, Je me trouve dans la situation suivante : pour conserver une mère à mes enfants, mes rancœurs doivent être tues et je dois en somme me montrer non seulement un mari prévenant, mais même porter l’amour que j’ai à une femme qui me trompe ouvertement. A certains instants, ce n’est pas drôle et c’est une déception malgré tout. Ma peine paraît, surtout que je me rends très bien compte des sentiments toujours plus forts que ma femme porte à son ami. Matériellement, rien n’a changé dans mon ménage, son activité est toujours la même et sa gentillesse à mon égard est encore plus grande qu’avant. Maïs, moralement, je ne puis accepter l’aide qu’elle me propose, car je ne puis plus la séparer de l’image de son ami, homme marié également et père de famille.
Il me faut en somme, après quatorze ans de vie unie, faite de travail et plaisir communs, apprendre à vivre seul. Les enfants jusqu’à présent m’ont donné le courage de vivre…
Une démarche auprès de son ami qui, quand il s’est rendu compte de ce qu’était notre ménage, voulait tenter l’expérience de rompre est absolument inutile, ma femme m’ayant nettement dit que si son ami la laissait, elle partait de la maison.
Aussi, voilà, pour que mes enfants ne souffrent pas d’une séparation, je dois me montrer aussi amoureux de ma femme qu’auparavant et supporter qu’elle entretienne des relations suivies avec un ami. Je ne connaissais pas cet homme auparavant, mais les renseignements que j’ai obtenus de droite et de gauche, me le font connaître sous un jour favorable pour lui.
Inutile de vous dire que rien de cet homme ne pénètre chez nous, cela étant une chose que je ne pourrais supporter…
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Mon mari est un homme charmant, gai, plein de vie et d’entrain. Il aime ses enfants au point de trop les gâter. Depuis notre mariage, j’ai souvent senti que mon mari tombait facilement amoureux d’autres femmes avec qui il travaillait. Surtout celles qui savaient jouer sur la pitié ou celles qui savaient se faire valoir et briller d’un éclat peut-être superficiel. La première découverte dans ce genre m’a été très pénible, car j’admirais tant mon mari que je ne le croyais pas capable de faiblesse. Les autres fois, j’ai été très blessée dans mon amour et aussi dans mon orgueil ; mais les aventures étant vite terminées, après explications, repentir et pardon, la vie continuait.
Seulement cette fois-ci, ce n’est pas tout à fait la même chose. Au bureau où il travaille, il y a une secrétaire, excellente professionnellement, mais d’un genre connu, intrigante, subtile, comédienne ; elle est maîtresse dans l’art de « flirter » et ce qui devait arriver… mon mari est amoureux ! Depuis quelques mois, je le sens changer dans son comportement vis-à-vis de moi et des enfants. Des opinions qu’il avait toujours soutenues sont renversées. Jamais il ne s’est occupé de musique, il veut maintenant courir les concerts ; il devient superstitieux. Jusqu’à présent il était attiré surtout par la culture allemande ; il ne parle que d’apprendre, de connaître l’Italie et ses premiers essais linguistiques de cette langue me font mal à entendre.
Maintenant je veux vous dire aussi quelques mots de la vie privée de cette secrétaire.
Elle a convaincu mon mari qu’elle était une victime, qu’elle avait toujours résisté aux propositions qu’on lui faisait. Elle oublie seulement de dire que chaque fois qu’elle peut aller se frotter contre les hommes fréquentant le bureau pour lire une circulaire ou pour une autre raison, elle le fait et que, quand elle leur parle, elle les regarde avec des yeux de chatte qui donnent toutes les permissions et tous les espoirs (ceci, je l’ai observé moi-même).
Moi, dès le premier jour, instinctivement, je n’ai pas eu de sympathie. La façon obséquieuse avec laquelle elle accourt pour venir me saluer, me déplaît. Le rire forcé, nerveux, presque hystérique qu’elle arbore, me fait peur. Je me demande toujours si c’est pour être très aimable ou cacher une envie de mordre…
Dans ces conditions, je suis tombée malade. Je n’étais pas décidée à partir, sentant mon mari si peu lui-même. Le médecin a insisté et je suis partie. Sitôt rentrée, j’ai été prévenue qu’il était sorti très souvent avec elle, dès le premier soir de mon départ.
J’ai eu une explication avec mon mari. Il m’a assurée que la famille était toute sa vie, que moi et les enfants nous étions le centre de son cercle de pensées, qu’il reconnaissait s’être mal conduit vis-à-vis de moi, mais qu’il était attiré par elle qui était si intelligente, si capable. Il se repentait, me demandait de retrouver ma confiance et mon équilibre, qu’il essayerait de ne plus se laisser aller et voudrait que je la reçoive, que j’essaie d’être son amie et de la comprendre, elle était si seule dans la vie ! ! !
A quel âge un homme devient-il donc un homme ? Prennent-ils un jour conscience des responsabilités qu’ils ont vis-à-vis des enfants qu’ils mettent au monde ? Comment peuvent-ils avec tant de légèreté, rejeter à certains moments ce qu’ils disent être à d’autres moments le trésor de leur vie ?…
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… J’avais gardé mon travail pour permettre à mon mari d’avancer. Nous n’avions rien, ni l’un, ni l’autre matériellement, si ce ne sont quelques petites économies de mon côté. Nous sommes partis main dans la main pour tâcher d’arriver à un résultat…
Nous avons acheté ce qui nous manquait, mon mari a voulu une voiture ; petit à petit il a amorti nos dettes d’installation, puis celles de la maison ; j’ai mis toute ma paie dans le ménage et je me suis habillée. J’ai fait mes lessives seule, le soir, pour éviter des dépenses ; je n’ai pas pris de femme de ménage. Evidemment, je me suis bien fatiguée à la tâche. Chaque fois que je demandais à mon mari si je pouvais arrêter de travailler, il évitait la question et ne répondait pas.
J’ai supporté ses rentrées tardives, le linge maculé de rouge à lèvres, l’indifférence qui commençait à se manifester. J’ai su qu’il avait une maîtresse. J’ai pardonné, mais hélas, repris sans doute sexuellement il a recommencé avec cette femme et cette semaine, il m’a simplement dit qu’il voulait divorcer parce qu’il ne pouvait plus me sentir.
Nous n’avons pas d’enfants. Les dégâts se limitent à mon immense souffrance devant ces ruines.
Hier, mon mari a enlevé son alliance et m’a torturée par des mots tels que : « Oui, j’ai une maîtresse, oui quand je serai libre, je l’épouserai. J’ai eu un tort, c’est de t’épouser, j’ai été lâche car il y a déjà longtemps que j’aurais dû te signifier ton congé ! » Et voilà, il m’a laissé travailler sans relâche pendant que lui sortait et s’amusait gaiement avec une autre femme.
Ma faiblesse est l’amour que je portais et que je porte encore à mon mari. Je l’avais placé très haut, je voulais être fière de lui. Que je vous avoue encore que son idée de divorce est arrivée à la suite d’un incident, en ce sens qu’il a appris que sa maîtresse n’avait pas que lui ! De là à en conclure que s’il était libre, cette femme lui serait certainement fidèle ! Comme les enfants gâtés dont il fait partie, il veut le jouet qui lui échappe. Il ne songe pas un instant aux ruines qu’il accumule. Je suis l’obstacle À son bonheur, et il part.
Je ne veux pas vous faire croire que je suis sans défauts… loin de là. J’ai mon caractère, je suis très certainement égoïste, j’ai peut-être été maladroite, mais de là à ruiner un foyer comme le fait mon mari, il y a un monde !…
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J’ai vingt-six ans, je suis mariée depuis quatre ans et j’ai une ravissante petite fille de trois ans. Lorsque je me suis mariée avec un jeune homme du même âge que moi, toute ma famille et la sienne se sont opposées, mais malgré cela nous nous sommes quand même mariés. Mon mari avait une bonne situation lors de notre mariage ; il était très gentil, j’avais confiance en lui, mais hélas, je fus trompée. Lorsque notre petite avait cinq mois, la police vint chercher mon mari, car il avait mis une jeune fille de seize ans enceinte.
Lorsque la chose fut là, mon mari me dit qu’elle n’était pas à lui : il a fallu procès, avocat, et cela nous a coûté très cher et avec cela il a quand même tout perdu.
Après avoir bien réfléchi, j’ai demandé à mon mari s’il voulait marier la femme en question. Il m’a répondu que non, que moi j’étais sa femme.
Ceci dit, je lui ai tout pardonné car vraiment j’aime mon mari et il m’a promis de ne plus recommencer.
Après cela, il s’est arrangé avec son père pour acheter une auto, ce qui fut son malheur.
Six mois plus tard, j’apprenais qu’une autre jeune fille était enceinte de mon mari. Ayant prévenu celui-ci, elle ne le revit plus jamais ; alors elle fit je ne sais quoi et dut aller à l’hôpital d’urgence. Elle envoya ensuite la facture de l’hôpital à mon mari.
Aujourd’hui il travaille sans fixe, seulement à la provision. Il rentre tous les soirs tard, ne s’en fait pas du tout, ne téléphone pas. Je reçois un peu d’argent pour le ménage, mais bien souvent je dois me contenter de pommes de terre à l’eau, de café et de pain. Il n’est pas là le samedi soir, et le dimanche il fait des courses avec des copains jusqu’au lundi soir et dit qu’il n’a pas besoin de travailler à ce moment-là. Mais si un soir je lui demande de ne pas venir trop tard, ou un samedi, il me répond qu’il doit travailler quand il peut. Lorsqu’il ne rentre pas et qu’il ne téléphone pas, je suis toute la nuit en l’air ; je me demande ce qu’il fait. Aujourd’hui, j’ai ma santé qui décline…
Il ne paie pas ses affaires. Il fait plus de frais que de recettes, mais lorsqu’on lui ouvre les yeux, il n’y a rien à faire, il veut sa liberté.
Je suis toujours seule à la maison, n’ai pas d’amies, pas beaucoup d’argent ; je gagne quelque argent à côté, mais je dois tout mettre dans le ménage, Je n’achète jamais un habit ou une paire de souliers, ni pour moi, ni pour la gosse.
S’il voulait reprendre la vie normale, c’est-à-dire ne plus avoir d’auto qui coûte cher et travailler sérieusement, je serais d’accord d’aller travailler et lui aider. Mais comment dois-je m’y prendre ? J’ai essayé tous les moyens, sans résultat. Sauriez-vous peut-être lequel ? Si oui, je me recommande, car comme cela, ça ne peut plus durer…
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J’avais vingt-et-un ans. Il s’était plaint à moi de ce que sa femme fût nerveuse, violente, méchante. J’étais une jeune fille bien naïve encore, gagnant honnêtement ma vie en maison bourgeoise.
J’ai beaucoup lutté et souffert. J’ai voulu rompre cette liaison en rentrant chez mes parents. Sa femme, après avoir fait scandale, est venue se plaindre dans ma famille. Alors mon père, à son tour, fit preuve de violence sur moi, ce qui me fit quitter la maison. Je pris du travail à l’étranger. J’étais complètement désemparée avec une petite santé. Quand il vint me rejoindre, je n’eus plus la force de lutter.
Lui et sa femme furent séparés par jugement sans qu’il y eut divorce effectivement prononcé. Les années ont passé. Il est devenu morne, parlant peu. Nous vivons un peu comme frère et sœur, sans beaucoup de contact ni d’intimité.
Maintenant, je lui reproche son manque d’affection et je pleure souvent sur ma vie gâchée… J’ai eu pitié de cet homme parce qu’il souffrait. Il est devenu tellement sombre Je vous assure que c’est lui qui a tout fait pour me persuader. J’aurais tant voulu me marier et avoir un vrai foyer, des enfants. Cette fausse situation m’est devenue un véritable cauchemar. et cependant, il me supplie de ne pas le laisser. Je vous assure, je ne suis pas une vilaine femme. Je ne vois pas d’issue. Je souffre jour après jour. C’est lui seul qui est responsable parce que j’étais trop jeune et sans aucune expérience de la vie à ce moment-là…
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J’appartiens à la multitude de ces hommes qui ont trompé leur épouse. On se laisse aller, on cède une première fois, inconsciemment peut-être, puis une seconde. On se révolte, et ce qui n’est qu’une monstruosité devient par la suite un acte léger, absolument inconscient, facile à supporter parce qu’irréfléchi, même recherché.
Parfois des résolutions sont prises, mais la chair est faible et le démon bien fort…
Certes, je suis sans excuse. Ma compagne n’a jamais cessé de faire preuve d’un dévouement et d’une fidélité exemplaires. Rien ne m’a manqué, si ce n’est peut-être un peu plus de sentiment. Mais ceci n’est pas raison et ne justifie rien. On ne change pas sa nature. Je pourrais tout au plus lui rappeler sa faiblesse pour ne pas avoir affirmé plus ouvertement sa foi et d’avoir trop souvent cédé devant l’indifférence ou l’incrédulité de sa parenté. Mais voilà, on exige la perfection des autres alors que soi-même on demeure trop souvent incapable du plus petit effort. Exemple déplorable, aussi bien pour nous que pour nos enfants.
Mais me direz-vous, et vous, qu’avez-vous fait ? Moi aussi, j’ai cédé, j’ai pratiqué cette indifférence, alors que j’aurais eu moi-même tant besoin d’être soutenu. Sans s’en apercevoir, on en arrive à cette religion hypocrite qui, certes, n’est pas dépourvue de principes, mais dont la foi vivante est trop souvent reléguée après les affaires.
Et maintenant, j’ai plus de soixante ans, l’âge qui fait réfléchir et revoir la route parcourue, Force m’est de considérer que, mis à part les avantages de mon existence, les seules auréoles de ma vie sont une santé plus que chancelante et des cheveux gris ! Triste bilan !
Je comprends mieux, je réalise l’horreur de mes fautes et j’en suis bouleversé.
C’est le drame de ma vie que je supporte seul, car je ne veux pas que celle à qui je dois tout, souffre de connaître mes fautes. Je connais assez ma femme pour comprendre qu’un aveu laisserait une ombre par trop douloureuse sur un ménage très heureux, actuellement, dans une union parfaite, sans fausse situation.
Drame intime, drame affreux qui m’a conduit à vous en faire l’aveu et à vous demander d’agir auprès des jeunes pendant qu’il est encore temps.
Il faut ouvrir les yeux de la jeunesse, leur dire ma détresse afin qu’un jour ils ne connaissent pas, comme moi, ce cri de la conscience, cette vie de remords qui m’accable…
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Chacune de ces lettres nous fait connaître l’un ou l’autre des aspects de la souffrance qu’apporte avec lui l’adultère.
La succession de ces témoignages, l’indicible misère qu’ils dévoilent, suscitent très naturellement en nous un désir raisonnable : nous détourner au plus vite et attacher notre pensée et nos sentiments à des choses plus réjouissantes.
Réaction bien compréhensible, mais peut-être prématurée ! A vouloir passer outre, à mettre trop de hâte à fuir cette réalité hideuse, nous perdrions de vue le véritable intérêt de cette enquête. Quand une certaine presse étale, souligne le « scandaleux » à grand renfort de titres ou d’images, elle le fait à des fins qui n’ont souvent qu’un très lointain rapport avec l’objective information. Et l’écho rencontré chez les lecteurs ne se situe pas nécessairement sur un plan très élevé. Il nous importe de ne pas tomber dans ce travers. Car c’est à de tout autres fins qu’ont été ici transcrits ces témoignages. Elles ont déjà été clairement exprimées : aller à la racine de tant de maux, afin de mieux discerner le remède apte à nous en guérir.
Il vaut donc la peine de s’arrêter là, d’interroger encore ceux qui viennent de parler. La multiplicité des témoignages entendus laisse paraître certaines caractéristiques constantes qu’il faut maintenant souligner.
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L’adultère est d’abord le fruit d’une déception. Le conjoint s’était fait une certaine image de l’amour. La réalité l’a laissé désillusionné. En changeant de partenaire, il a la pensée de trouver enfin ce qu’il cherche. Il arrivera qu’il croie l’avoir découvert. Il goûtera sans doute à certaines satisfactions, mais qui se trouveront empoisonnées par la trahison qui en est le prix. Et il ne pourra empêcher sa conscience d’en être marquée, parfois même obsédéc. À moins que, déçu à nouveau, il reprenne sa place au foyer, mais sans cesse tenté d’essayer une nouvelle expérience.
Ou bien l’adultère est le fruit d’une lassitude. Très rapidement, ou peu à peu, la découverte charnelle s’est épuisée. La vie à deux, le dialogue plaisant et heureux a fait place insensiblement à la plus grave des solitudes, celle où l’on demeure désespérément seul, alors qu’en fait on passe pour être ensemble. On veut alors échapper à cet isolement. On croit qu’on trouvera « ailleurs » le renouvellement de l’amour, sans discerner qu’on lui donne ainsi à tout jamais un caractère éphémère, Tout passe, tout lasse, tout casse, dit la sagesse païenne. C’est le cruel aveu d’un humiliant échec.
Mais il est juste de remarquer que l’adultère ne tient pas toujours à des causes aussi simples, imputables à une certaine ignorance chez ceux qui répondent à son attrait trompeur. L’adultère — masculin surtout — est fort souvent le fait de caractères faibles, relâchés, souffrant de complexes d’infériorité. Ils veulent alors, consciemment ou non, se prouver à eux-mêmes sinon aux autres, qu’ils sont capables de s’imposer, de réussir. L’homme est assez vaniteux pour se croire grandi, rehaussé par la conquête d’une femme (la réciproque reste vraie). C’est une forme d’exploit dans lequel les lâches trouvent occasion de regonfler un peu leur petite importance.
Parce que le goût du risque et de l’aventure veille au fond de chaque être, on brille ainsi comme on peut. Et dans cette chasse à l’homme ou à la femme, il en est qui s’imaginent jouer les grands personnages.
Mais disons-le d’emblée, les actes auxquels amènent ces conquêtes peuvent-ils encore prétendre au titre d’amour ?
Car l’adultère ainsi vécu obéit fort souvent à des instincts singulièrement dégradants. Ils situent la femme — ou l’homme — assez bas dans l’échelle des valeurs pour consentir à en faire ce joujou qu’on s’offre aux heures où l’on en a envie ou dont on s’amuse momentanément parce que l’occasion s’est présentée.
C’est parfois aussi une forme de sport, plus vil qu’on ne saura jamais le dire, et à la mesure exacte de ces instincts.
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Mais il serait faux de croire à la superficialité de cette forme dénaturée de l’amour. Elle porte en soi sa rançon. Les adultères deviennent des jaloux qui font la vie d’autant plus amère à leur conjoint qu’ils l’ont davantage trompé. Quel tourment dans leur esprit, à la pensée qu’ils pourraient être trompés à leur tour ! Et quel aveu d’insatisfactionr ! C’est leur caractéristique la plus évidente. Ils sont insatisfaits et le deviennent toujours davantage. Insatisfaits d’eux-mêmes, de leur sort, de la vie, des autres. D’où leur méchanceté, leur implacable dureté, leur suffisance, leur insensibilité aussi, même à l’égard de la souffrance de leurs enfants.
Il arrive que pour s’arracher à cet endurcissement dont ils restent conscients, ils se retournent contre celui ou celle qui les avait éconduits, sans avoir toujours la force de rompre. Viennent-ils pourtant à le faire ? Ils demeurent souvent marqués par l’aventure qu’ils ont connue ; et cela d’une manière telle que leur propre existence leur paraît à jamais salie.
Mais le plus souvent, devenus cyniques, ils affichent leur inconduite, en prônent les avantages, se trompent eux-mêmes par de faux raisonnements, et accumulent ainsi dans leur esprit des évidences qui sont autant d’illusions. En peu d’années, ils deviennent des blasés, à l’existence morne, creuse, aussi démunie d’intérêts vivants qu’un chemin dans le désert, De temps à autre, un mirage attire leur attention : ce sera une nouvelle à sensation, une vedette à la mode, une bataille électorale, un défilé de couture, une victoire de leur club sportif, un gain inattendu. Et puis leurs regards un instant allumés retomberont en veilleuse. A moins d’une intervention divine, ils finiront dans la peau endurcie d’un aigri.
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Pourtant, il est nécessaire d’établir une distinction. Les apparences laissent en effet entendre que l’homme trébuche plus facilement que la femme. Et qu’en beaucoup plus grand nombre on trouve des foyers où l’homme est adultère et continue de l’être, tandis que l’épouse de cet homme est restée fidèle.
Serait-ce que l’homme soit plus faillible que la femme ? Avant de le prétendre, il faudrait tout de même se souvenir qu’à chaque fois qu’un homme trahit la fidélité conjugale, c’est qu’il a trouvé une femme pour y consentir, quand ce n’était pas pour l’y encourager.
Et à regarder les choses de près, force nous est de constater que la femme porte sa lourde part de responsabilités dans cet échec à l’amour qu’est l’adultère, et dans la somme de souffrances indicibles (le mot n’est pas trop fort) dont il s’accompagne.
Cette responsabilité de la femme mérite d’être examinée sous ses divers aspects.
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Il y a d’abord l’épouse trompée. Elle attire tout naturellement la sympathie, tandis que son conjoint adultère accumule facilement contre lui une opinion publique encore généralement désapprobatrice. Est-ce à dire que la femme restée fidèle n’est pas fautive, elle aussi ?
Il en est parmi les épouses qui font payer cher au conjoint leur vertu de fidélité. Mesquines, jalouses, leur amour possessif est si grand que sous prétexte de bonne éducation, elles obligent chacun à marcher à la baguette. Elles veulent que tout se fasse comme elles l’entendent. Elles régissent tout et chacun. Alors le mari, un jour ou l’autre, en a assez. Las de retrouver dans son épouse une autorité maternelle avec laquelle il avait déjà dû parfois lutter pour trouver sa liberté, il va chercher ailleurs une présence un peu plus féminine. Il a grandement tort, bien sûr, mais la culpabilité de son épouse n’en est pas moins réelle.
Il arrive aussi que durant les fréquentations et les premiers temps du mariage, l’époux soit tenu pour un chéri, un chouchou, un amour. Mais sitôt venu le premier enfant, et à combien plus forte raison les suivants, la mère oublie qu’elle doit rester épouse. Dans le partage de ses affections, le mari ne reçoit plus sa part. Il devient un simple compagnon de ménage, est avant tout considéré comme le gagne-pain nécessaire et indispensable. On lui en sait beaucoup de gré, mais là s’arrête la gratitude. Comme il rentre parfois harassé et fatigué et aurait besoin à ces heures-là d’une affection un peu démonstrative, il est tenté d’aller chercher ailleurs un accueil qu’il ne reçoit plus à son propre foyer.
Il est clair que si sa responsabilité se trouve ainsi diminuée, il n’est pas pour autant justifié de se mal conduire. Mais sa mauvaise conduite a des causes réelles… chez l’épouse fidèle.
Un dernier trait la mettra du reste en garde contre une certaine facilité admise par trop de femmes vertueusement installées dans le mariage.
Combien d’époux ont connu cette déception de voir leur femme, au lendemain des épousailles, se considérer dorénavant comme casées et renoncer à tout effort pour demeurer agréable, plaisante, voire attirante. Cette démission d’esprit et de sentiment se reflète dans leur personne ; et l’image trop connue qu’elles finissent par offrir à leur époux — et cela jusque dans l’intimité — est celle d’une femme négligée, dans son hygiène, dans son teint, dans sa chevelure, dans ses vêtements. Son travail n’échappe pas non plus à ce climat éprouvant. Jamais à l’heure, elle traîne son air poussiéreux et ensommeillé la journée durant. Sans cesse énervée parce que bousculée par le temps. elle fait peser sur toute la maison les lambeaux de nuit auxquels elle est restée accrochée dans son lit jusque tard dans la matinée. Comment l’amour résisterait-il à cet ensemble de détails qui sont, pour le mari un brin inconstant, autant d’invites à fuir le foyer ?
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Et puis il y a les complices des maris adultères. Qui sont-elles ? Qui se ressemble, s’assemble !
Il y a, bien sûr, les femmes mariées, déçues, désillusionnées. S’estiment-elles frustrées dans leur foyer de tout ce à quoi elles avaient rêvé ? Avec désinvolture, elles le cherchent ailleurs. Parmi elles, bon nombre sont des désœuvrées à l’existence trop facile. Alors la simple pensée de l’aventure possible leur apporte déjà un regain de vitalité !
Ce qui était vrai des maris s’applique aussi à elles.
Au temps des fiançailles, elles étaient adulées, choyées ; il n’y avait pas assez de substantifs ni de qualificatifs pour les décrire, les complimenter, les cajoler, les galantiser. Mais il en est des maris comme de certaines épouses. Ils s’installent dans le mariage. Franchie l’étape des noces, ils se conduisent comme en terrain conquis, se croient en droit d’avoir moins d’égard et de gentillesse envers leur femme qu’envers n’importe quelle autre créature, y compris leur chien. Faut-il s’étonner, après ça, que certaines épouses soient tentées d’aller chercher ailleurs les attentions dont elles sont frustrées ? Elles les trouveront au prix d’une trahison, mais le mari bafoué en a été inconsciemment l’artisan.
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A cette catégorie de femmes adultères, il faut cependant en ajouter une autre. On parle de « coureurs de jupons ». Le contraire existe aussi. Ce sont des femmes sans principe et sans mœurs, sciemment méchantes, qui ne peuvent supporter la vue d’un couple heureux et uni sans aussitôt en concevoir de la jalousie. Elles ne pensent pas d’abord à détruire un bonheur. Par faiblesse, par bêtise, par jeu, par vanité, parfois pourtant par vengeance et dépit — elles disent avoir droit au bonheur. C’est bien la manière la plus certaine de s’en priver à toujours. Parmi elles, beaucoup de célibataires, au nom du droit à l’amour, voulaient tout simplement trouver à se caser.
Et leur égoïsme est de nature assez vile pour qu’elles acceptent d’y parvenir au prix d’un foyer détruit et de la souffrance qui en résultera pour l’épouse légitime et ses enfants.
Il leur est facile de parvenir à leurs fins. N’ayant que l’obligation de plaire, elles déploient toutes leurs ruses, mêlées à des trésors de bonté, de tendresse, voire de dévouement. Elles sauront parler et faire parler de telle manière que le mari finit par faire des comparaisons. Elles sauront lui montrer que dans son foyer il n’est bon qu’à fournir de l’argent. Elles le persuaderont qu’il est malheureux chez lui. Et ce poison ainsi distillé ne tardera pas à agir. Effectivement, la vie à la maison devient intenable, et pour cause. En nigaud qu’il est, il ne voit plus que les désavantages de sa situation et finit par accabler les siens tout en se disculpant. La poire est mûre. Il ne reste plus qu’à la cueillir. Jusqu’au jour où, lassé — que peuvent durer de telles amours ? — il ouvre les yeux, parfois rentre au foyer. Mais quand il n’en a ni le courage, ni l’humilité, il demeure la victime consentante de ces monstres dorés.
A noter que ce genre de femmes se recrute souvent parmi les jeunes filles dites affranchies. Décidées à ne pas se marier tout de suite, elles veulent cependant jouir de la vie. Comme cette jouissance nécessite beaucoup d’argent, elles jettent leur dévolu sur ceux qui en ont, avec la pensée qu’au jour où elles auront assez profité, elles lâcheront leur vieux galant pour épouser un jeune. Avec ruse et sous le couvert de l’amour — à quel crime ce mot ne se trouve-t-il pas mêlé ? — sans scrupule, ne regardant qu’au profit qu’elles tireront d’une telle liaison, ces jeunes femmes n’hésitent pas à séduire un mari et père de famille.
Avouons que cette perversion de la vie amoureuse se trouve aujourd’hui exacerbée par une certaine et surabondante littérature, et par autant de « distractions » frelatées qu’une infâme publicité ne cesse d’accréditer.
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Il y a enfin une dernière catégorie de femmes. Célibataires, souffrant de leur solitude, aspirant elles aussi à une part de bonheur, elles n’ont eu que trop d’occasions de voir de l’extérirur des ménages mal assortis. Elles ont regardé aux apparences, ont peut-être entendu avec quelle légèreté certaines épouses parlaient de leur mari. Avec quel aveuglement aussi elles galvaudaient certains trésors auxquels précisément ces célibataires n’auraient demandé qu’à goûter ! Ou bien ce sont de simples jeunes filles qui ont gardé intact leur sensibilité féminine, et qui sont vulnérables par pitié !
Or voici que justement, elles ont fait connaissance d’un de ces hommes déçus, peut-être aussi un peu volage et en mal de confidences. Sous le sceau du secret, il a commencé par se plaindre. Il dira même que c’est la première fois qu’il s’en ouvre à quelqu’un. Avec des trémolos dans la voix, il dit « être incompris à la maison. Sa femme est revêche ; pis que cela, elle est froide. Ou bien elle est toujours malade… Ou bien elle n’a de tendresse que pour les enfants. Ou bien elle ne sait pas lui faire le nid douillet auquel il était en droit d’aspirer après sa dure journée de travail… »
Et puis, la fois suivante, toujours avec les mêmes trémolos dans la voix, il dit chercher une âme sœur, quelqu’un avec qui il puisse enfin parler d’égal à égal. Il laisse même entendre que de pouvoir enfin s’épancher, cela lui aide dans son travail et même dans son comportement à la maison.
Innocemment — mais on devrait dire sottement — elle écoute. Elle prend au sérieux. Sa pitié est amorcée. Elle est sûre de faire une bonne œuvre. Elle ne voit pas qu’en réalité elle est en train de s’éprendre et qu’elle est déjà attachée à lui. Alors, le jour où il lui déclarera qu’il a découvert s’être trompé ct qu’elle est, elle, le véritable amour de sa vie, elle ne pourra plus dire non ; elle n’en aura plus la force. Elle est prise dans l’engrenage. Et si ce n’est pas elle qui est broyée, au nom de l’amour elle acceptera aveuglément et parfois avec une férocité inattendue, que l’épouse rivale et ses enfants soient plongés dans la détresse.
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Eh oui ! tout cela, toute cette misère, toutes ces larmes, toute cette abomination au nom de l’amour.
Quelle odieuse dérision !
Odieuse dérision !
Mais aussi parodie de l’amour. Suffit-il d’en avoir conscience — même connaissance détaillée — pour être assuré qu’en ce qui nous concerne, nous y échapperons aujourd’hui ou demain ?
Si l’on venait prétendre ici que la réalité se trouve déformée parce que présentée sous un seul jour — celui des témoins à charge — il n’y aurait que les ignorants ou les utopistes pour appuyer une telle assertion.
Il est vrai que l’ensemble des témoignages entendus font tous état d’une crise grave, d’une situation compromise sinon irrémédiable. Mais si la grande majorité de ceux qui ont écrit l’ont fait sous le coup d’une intense détresse et dans l’espoir de recevoir un secours — ils n’en discernaient eux-mêmes ni la forme, ni la nature — cela signifie-t-il que ces foyers-là soient les seuls à connaître le malheur ?
Absence de mauvaises herbes ne veut pas nécessairement dire présence d’un froment à la tige droite, à l’épi lourd de grains. Les foyers que ne visitent ni le manque d’éducation, ni l’alcoolisme, ni l’adultère, autrement dit, les foyers sans histoires, ne sont pas pour autant et nécessairement des foyers heureux. Et si, sur ce point, aucune statistique ne peut rendre compte de la réalité, il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles, de prêter attention à certains faits précis, de questionner ceux-là même qui ont l’occasion d’approcher des ménages et d’en connaître le vrai visage, pour perdre une fois de plus les illusions qu’on garderait encore.
Innombrables sont les foyers sans histoires qui, après quelques années d’existence, ressemblent étrangement à une pension famille — on pourrait dire aussi : une coopérative de consommation, ou encore une gérance d’intérêts communs. Avec, en plus, un droit légitime à la satisfaction charnelle qu’on accomplira sous le nom significatif de « devoir conjugal ».
L’enseigne y avait été pourtant accrochée un jour : « Mariage d’amour ». Elle était pimpante, haute en couleur ; tout laissait croire que la patine du temps en rehausserait encore l’éclat.
L’enseigne y est toujours. En fait de patine, on la confondrait facilement avec la grisaille monotone d’un ciel sans soleil… !
A un interlocuteur lui demandant pourquoi les comédies finissaient toujours par un mariage, Emile Faguet, auteur français contemporain, répondit : « C’est qu’aussitôt après, la tragédie commence ! »
C’est une amère boutade. Mais force nous est de reconnaître qu’elle n’a que trop d’exemples pour la confirmer. Et si ce n’est pas la tragédie — avec cris, portes qui claquent, coups, vaisselle cassée — c’est fort souvent d’une manière non moins dramatique, une forme de silence, un mutisme lourd d’ennui, ou encore l’ignorance réciproque.
C’est entendu : on partage toujours le même lit, la même table, le même porte-monnaie, parfois aussi le même travail. On vit ensemble. La trame des journées ne connaît aucun accroc, si ce n’est de temps à autre, un mot un peu plus fort que l’autre. Mais en dehors de cela, qui est inévitable, il semblerait qu’il n’y ait rien à redire. Et pourtant… !
Qu’est devenu l’amour dans cette réalité en apparence sans accroc ?
Il y a bien communion d’efforts dans le travail, dans la volonté d’assainir financièrement le foyer, et si possible d’avantager les enfants. Il y a bien recherche commune d’une condition de vie plus agréable et plus facile matériellement.
Mais en dehors de cet aspect matériel et passager des choses, et de tous les échanges quotidiens auxquels il oblige, en dehors des inévitables discussions à propos de la santé, du comportement et de l’éducation des enfants, des événements rapportés par les journaux ou la radio, des incidents survenus localement, bref de tous les faits et gestes quotidiens suscitant intérêt et échange de paroles, les époux ne connaissent plus de réelle communion.
Sans doute, il y a l’étreinte de l’amour. Mais si souvent au lieu d’une communion, elle est devenue un jeu purement physique, une recherche sensuelle momentanée à laquelle le corps seul participe. Quand il n’arrive pas encore que cette étreinte soit consentie par pur devoir, donc supportée par l’un des conjoints. Et dans la quasi totalité des cas, c’est l’épouse qui se plie ainsi à ce qui est devenu un plaisir non partagé tandis que le conjoint goûte malgré lui à une joie égoïste et solitaire.
Mais cette absence de communion a d’autres aspects qui contribuent encore à vider le mot « amour » de son contenu et à n’en faire plus qu’un mot trompeur.
L’homme n’a pas seulement un corps. Il a une âme et un esprit. Quelle part leur est-il faite dans ces foyers encore solidement établis et à la trame en apparence intacte ?
Il n’en est pas un seul où, après quelques mois d’’enchantement — la lune de miel, très variable dans la durée — on ne découvre que l’amour dépérit d’avoir à s’étancher aux seules sources de la sécurité matérielle. C’est là un fait indéniable.
Partout où l’amour n’est pas, en même temps qu’unité physique, communion d’âme et d’esprit, la sexualité et tous les intérêts de cette vie ne suffisent pas à le maintenir vivant.
Certes, la sensualité demeurera, si elle est partagée par les deux conjoints. Les enfants, le travail, l’accoutumance, la nécessité, tiendront les époux dans un même cadre. Celui-ci pourra offrir aux regards un aspect durable, voire riant si le caractère des conjoints est d’une trempe assez souple pour qu’ils se supportent et continuent à se respecter mutuellement. Encore ne faudra-t-il pas que des conditions matérielles défavorables, ou une santé déficiente, ou d’autres épreuves encore viennent rompre brutalement ou à petits coups répétés un équilibre qui doit précisément sa stabilité à l’absence de ces facteurs négatifs.
Mais quand encore ces conditions d’heureux équilibre seraient rassemblées, est-ce à dire que l’unité ainsi trouvée et maintenue satisfera pleinement les époux ?
Comment le pourrait-elle alors qu’en ses éléments les plus essentiels il ne lui a été accordé aucune possibilité d’échange ?
Cela vient d’être rappelé. Le corps n’est pas le seul élément constitutif de l’être. Or, bien avant le corps — mais aussi bien longtemps après lui — l’âme et l’esprit sont les grands sacrifiés sur l’autel de l’amour. Et c’est le « moi » de chaque conjoint qui y consent largement. Parce qu’il se refuse à abdiquer.
L’ensemble des témoignages rapportés faisaient état de beaucoup de souffrances. Il saute aux yeux que cette souffrance avait en chaque cas une cause première : l’égoïsme de l’un et de l’autre conjoint.
C’est donc l’égoïsme qui empêche l’unité d’âme et d’esprit des époux — en attendant qu’il empêche celle de leur corps — d’où cette absence de communion intérieure, même dans les foyers demeurés apparemment intacts.
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Il arrive qu’on plaisante au sujet des chagrins d’amour. On a bien tort d’en rire ! C’est un mal redoutable qui revêt beaucoup de formes. Quelle douleur lorsque chez les époux, la joie d’aimer fait place à la déception ou à la désillusion, le respect mutuel à l’incompréhension ; quelle détresse lorsque la confiance est gâchée par l’alcoolisme ou l’adultère, la ferveur des débuts transformée en une accoutumance qui tourne à la lassitude.
Quelle pénible découverte que celle de cette « solitude à deux » révélant toujours davantage une réalité qu’on ne soupçonnait pas : il y a impossibilité d’une véritable et durable communion entre l’homme et la femme.
Tôt ou tard, en effet, apparaît une fissure, qui peut aller s’élargissant jusqu’à la rupture, ou demeurer ce qu’elle est parce que, de part et d’autre, on en a pris son parti. C’est là ce que confirment tous les témoignages entendus. C’est là ce que découvrent les époux les plus aimants et les plus unis.
Dans « C’était histoire de rire », Salacrou a un mot très partial à l’égard du sexe féminin, mais combien vrai à l’égard de l’amour ! Il écrit : « On ne trahit pas ce qui n’existe plus. C’est qu’autrefois, on se mariait pour fonder une famille, on épousait une femme pour l’éternité. Aujourd’hui, nos femmes n’ont plus de religion. La toute petite morale qu’il leur reste, c’est l’amour : et c’est le mot le plus incertain, le plus mal défini, le plus vague du vocabulaire. »
C’est alors que se pose la question essentielle : pourquoi en est-il ainsi ? À qui la faute si l’amour est une réalité « sans religion », c’est-à-dire un acte, un échange privé du contenu que Dieu seul peut lui donner, puisque selon la révélation des Ecritures, Dieu seul est amour ?
Oui, Dieu est amour. Et on touche là au cœur de la question, Il vaut donc la peine de s’y arrêter un peu. Il est impossible, en effet, d’user ici d’un langage chrétien sans le définir.
Nous ne savons rien de Dieu sinon ce qu’il nous fait Lui-même connaître. Or, il a plu à Dieu de lier la révélation de Sa Personne et de Ses intentions au témoignage que les Saintes Ecritures rendent à Jésus-Christ déclaré seule image visible de Dieu et unique médiateur entre Dieu et les hommes. S’il en est ainsi, si Dieu seul est amour, l’amour lui-même — ce mot si incertain et si indéfini — ne nous sera expliqué dans son sens profond, dans sa signification présente et sa portée éternelle que par la Bible.
Avec cette précision (valable pour tous les enseignements bibliques) : la plus attrayante des évidences a besoin de tout le secours de Dieu, de toute Sa force pour être mise en pratique. En effet, selon l’Ecriture sainte, la nature déchue de l’homme, le rend inapte à pratiquer la vérité à laquelle il souscrit.
Ce qui revient à dire qu’en dehors de la communion avec Dieu, il n’y a pas d’amour possible entre l’homme et la femme. En d’autres termes, les relations de l’homme et de la femme, jusque sur le plan de la vie physique, sont subordonnées aux relations de ces deux êtres avec leur Créateur.
C’est là une vérité fondamentale qui demande à être éclairée, Bible en mains.