Un grand sujet l’amour

2. Mari et femme

Mari et femme. A chaque fois qu’on prononce ces deux mots, ils devraient éveiller les échos de ce qu’il y a de plus fort au monde, puisque l’amour est fort comme la mort. Hélas ! la réalité nous offre trop souvent une tout autre image.

Mari et femme. Cette expression caractérise parfois la dimension d’un ennui quotidien d’autant plus insupportable qu’on n’en voit pas l’issue.

Parfois aussi, cet ennui est à l’origine d’une haine implacable, aux fruits d’une rare amertume, désignés par des mots qui font peur à cause de tout ce qu’ils recouvrent : séparation, divorce. D’où vient qu’il en soit ainsi ?

— Limitée par nécessité, ma réponse sera, de ce fait, une vue simplifiée de l’ensemble du problème. Evoquons-le dans ses lignes essentielles et commençons par cet aveu vérifiable dans d’innombrables foyers malheureux : on ne sait plus ce qu’est le mariage. On le confond avec ce qui en est la caricature dérisoire :

Vous avez une façon un peu brutale de dire des choses justement observées. Mais ces exemples, si courants soient-ils, ne nous disent pas encore ce qu’est le mariage et nous aimerions en avoir une vue moins commune.

— Commençons par rétablir le foyer sur des bases plus solides que celles évoquées tout à l’heure ! En d’autres termes, disons que le mariage est une institution divine. Encore faut-il expliquer cette expression. Elle souligne que l’amour conjugal — soit aussi la rencontre physique des époux — est voulu par Dieu. Oui, Dieu est l’inventeur de l’amour entre époux. En aucun moment nous ne sommes donc autorisés à voir dans l’acte sexuel une nécessité à laquelle il faudrait céder avec honte, parce qu’à cet acte serait lié quelque aspect du péché. Non ! Dans le cadre du foyer dûment constitué, l’acte conjugal ne saurait jamais être ramené à une bestialité ou à un manque de spiritualité. Remarquons, en passant, que certains porte-parole de l’Eglise ont tenu sur ce sujet des propos aussi regrettables que malheureux. Remarquons aussi qu’ils n’ont, heureusement, pas toujours été pris au sérieux par leurs auditeurs ! Remarquons enfin que le caractère sacré du mariage est, aujourd’hui comme hier, sauvegardé, et par l’Etat obligeant les époux à un engagement solennel que ceux-ci ne sauraient rompre impunément, et par l’Eglise qui, avec ou après l’Etat, oblige, elle aussi, les époux à un engagement pour la vie.

Comment se fait-il alors qu’étant une institution divine, le mariage aboutisse à tant d’échecs ?

— Il y a ce que Dieu veut, il y a, hélas ! ce que l’homme fait. Si le mariage participe à cet ordre de choses que Dieu a voulues et déclarées bonnes, il participe aussi à cet ordre de choses qui ont été abimées par la révolte de l’homme contre le Créateur et sa volonté sainte. Dès longtemps l’homme s’est soustrait à l’autorité divine. Cette révolte comporte des conséquences graves pour l’homme lui-même, pour son foyer en particulier. Cela saute aux yeux de tout observateur impartial. Privé de la communion avec son Créateur, l’homme est incapable d’aimer. Certes, il éprouve de l’amour. Cet amour peut aller même jusqu’à la folie, comme on dit. Mais quelle en est la vraie nature ? Il faut un certain temps pour la découvrir. A la stupéfaction parfois des époux eux-mêmes, ils s’aperçoivent que leur amour si passionné était, en fait, très intéressé. Le mari aime sa femme non pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle lui donne. Et c’est réciproque. C’est ainsi que, peu à peu, tôt ou tard, — pour citer une parole connue — “la joie d’être aimé dégénère très vite en exigence d’être servi”. Et parce que le conjoint n’y trouve plus son compte, commence la gamme des désillusions, des intimes souffrances, qui peuvent aboutir aux implacables haines évoquées plus haut. Les fissures apparaissent, qui vont s’élargissant et portent dangereusement atteinte à l’unité du couple. Voilà le sort naturel et la condition de tout foyer. Si l’échange des promesses devant le magistrat, le prêtre ou le pasteur, empêche ou retarde les ruptures, il ne change pourtant rien à la douloureuse réalité.

Il serait bien difficile de nier la justesse de vos observations. Mais est-il possible à des époux conscients du danger qui guette leur foyer, de parer à ce danger ?

— D’aucuns le croient et s’y essaient avec une évidente bonne volonté. Résultat ? En vérité, leur réussite est plus ou moins heureuse. Disons, pour être objectif, que cette réussite est liée à un don particulier de bonne volonté. Elle tient aussi, pour une bonne part, au caractère très souple parfois de l’un des deux conjoints. Ils prennent leur parti d’une certaine impossibilité et se contentent d’une unité relative. Leur amour devient un intérêt commun pour l’économie, pour un art, pour un sport, plus prosaïquement parfois, pour de la bonne cuisine. Et puis, il ne faut pas l’oublier : il y a les enfants. Ils obligent souvent à rester ensemble. On s’organise pour faire face aux nécessités de la vie ou se défendre contre elles. C’est ainsi que beaucoup d’époux, pour n’avoir pas pu se maintenir à la hauteur d’un amour parfait, se contentent finalement d’une certaine médiocrité. Mais pour un grand nombre, cette situation est intolérable. Ils ont alors la naïveté de croire que cet échec tient au partenaire. Ils pensent qu’en changeant d’épouse ou d’époux, cela ira mieux. Un adultère momentané leur en donne l’illusion, d’où le nombre impressionnant de foyers brisés ou constitués à neuf sur les ruines de l’ancien. Hélas ! ils devront constater qu’il ne suffit pas de changer de partenaire pour découvrir un amour durable.

Vous n’êtes pas très encourageant. N’auriez-vous rien de plus positif à nous dire ?

— Pardon, en effet, d’être négatif ! Mais il faut l’être ; il faut avoir regardé le mal en face, en avoir connu la vraie nature, si l’on prétend y apporter un remède. Et ce remède existe ; mais ce n’est pas l’homme qui l’a inventé. C’est peut-être pour cela que l’homme n’en veut pas. Son orgueil et sa prétention font obstacle au miracle d’une guérison réelle offerte à tous les époux. Oui, il y a quelque chose de nouveau sous le soleil, depuis la venue de Jésus-Christ. Le Fils du Dieu vivant apporte aux hommes non seulement leur réconciliation avec le Créateur mais une réconciliation entre eux, en particulier entre mari et femme. Christ, comme Dieu lui-même, est amour. Et l’amour qu’il révèle et offre aux hommes — aux époux en particulier — est unique en son genre. Même quand il ne reçoit rien. en retour, Christ aime et pardonne. Même bafoué, même refusé, son amour pour nous reste inlassablement le même. Il nous aime tels que nous sommes et non pas pour ce que nous lui donnons. Christ apporte au monde le seul amour qui rime avec “toujours”. Ce serait donc le seul à mettre en chansons. Et c’est pourtant le seul amour qu’à de rares exceptions les chansonniers ignorent. Ah ! si les époux pouvaient une fois comprendre cela, l’entendre comme la bonne nouvelle qui leur est réservée. Dieu sait que mari et femme sont voués à un amour qui, un jour, connaîtra la désillusion, l’échec. Alors, à leur amour malade, il offre la guérison. Dans la vie quotidienne, pour tenir tête à toutes les puissances qui menacent leur intimité, il offre aux époux rien moins qu’un coeur nouveau. Seuls les époux qui vivent de l’amour de Christ connaissent ce miracle d’une vie nouvelle, celle du Saint-Esprit habitant en eux, y apportant un amour recréé chaque jour non par leurs efforts, mais par la grâce du Christ présent en eux. Me direz-vous encore que je suis décourageant ?

Non bien sûr ! Mais je vous demanderai alors : cet amour en Christ peut-il être vécu dans n’importe quelles conditions ?

— Si vous entendez par là : n’importe quelle condition sociale, économique, géographique, je réponds : oui, sans restriction aucune. Car l’amour du Christ est une puissance incomparable, à même de transformer toute condition humaine en lui donnant ce caractère nouveau. Tout foyer, quel qu’il soit et quelle que soit sa condition naturelle, peut retrouver en Christ un amour nouveau, dépouillé de toute médiocrité. Mais pour qu’il en soit ainsi, il est deux conditions à remplir. La première va de soi : que les conjoints consentent à reconnaître qu’ils ont besoin du Christ et le laissent prendre sa place dans leur vie personnelle et leur foyer.

Jusqu’ici ils étaient seuls à mener leur vie. Dorénavant, ils se soumettent l’un et l’autre à Christ, prennent au sérieux ses ordres révélés dans la Bible, décident d’obéir et de mettre en pratique ce qui leur est commandé par le Seigneur. C’est dans cette obéissance quotidienne qu’ils font l’expérience d’un cœur nouveau, d’un esprit nouveau leur donnant de s’aimer d’un amour chaque jour renouvelé.

Vous avez parlé tout à l’heure de deux conditions ; quelle est donc la seconde ?

— Que, dans ce foyer habité par le Christ vivant, les époux retrouvent leur place respective. Cela n’est pas la moindre des nouveautés que le Christ apporte en ce monde et que la Bible nous révèle. Depuis la première Pentecôte, de siècle en siècle, Christ se choisit ici-bas une Eglise qu’il édifie, aime, bénit, dans l’attente du jour où il la fera paraître entièrement rassemblée devant lui. Cette Eglise est l’ensemble de tous ceux qui, parmi les hommes, parmi les couples, ont accueilli Christ dans leur vie et lui obéissent. Ainsi une alliance éternelle unit Christ à son Eglise. Et le mariage chrétien est, en quelque sorte, le reflet, une illustration de cette alliance entre le Christ et son Eglise et, réciproquement, de l’amour de l’Eglise pour le Christ. Dans la mesure où l’homme est soumis à Jésus-Christ, il reçoit autorité sur son épouse. Précisons tout de suite que cette autorité est dépouillée de toute tyrannie puisqu’elle s’exerce non pas selon l’amour naturel, mais selon l’amour fruit du Saint-Esprit. C’est pourquoi, selon la Bible, l’homme est le chef de sa femme comme le Christ est le chef de l’Eglise. C’est pourquoi aussi il est appelé à aimer sa femme comme le Christ aime l’Eglise et à se donner pour elle. Dans cette même soumission à Christ, la femme connaît une place de choix. Reconnaissant l’autorité de son mari sur elle, elle lui sera une aide en toutes choses : elle l’aidera, entre autres, à prendre ses responsabilités, à être comme elle, soumis au Seigneur. Elle le manifestera particulièrement en obéissant à la Parole qui dit : “Femmes, soyez soumises à vos maris en toutes choses” (Ephésiens 5.22-23). L’amour créé par le Saint-Esprit dans le cœur de l’homme est toujours un amour qui se donne ; l’épouse n’aura donc pas à souffrir, même dans cette soumission, de l’autorité de son mari. Au contraire, répondant à ce qu’elle peut attendre de lui, son mari sera celui qui la protège, celui qui la dirige, celui qui, de la part de Dieu, la rend heureuse.

Nous aurons l’occasion, dans un prochain entretien, de reprendre tel aspect particulier de cette unité de l’époux et de l’épouse dans leur position respective au foyer. Nous découvrirons que, dans la soumission à Christ, mari et femme peuvent réellement former pour eux-mêmes comme pour ceux qui vivent avec eux ou qu’ils accueillent chez eux, “une maison où Dieu habite”.

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