En prenant la plume sur les sujets dont nous allons débattre, je réponds à un vœu fréquemment exprimé et à un service souvent sollicité. Téléphones, lettres, demandes d’entretien et de conférences publiques m’interrogent sur le crédit à accorder ou à refuser aux thérapies communément rangées aujourd’hui sous le terme : “médecines parallèles”. La question est importante. Elle est même urgente. Pour trois raisons :
1. Il existe une abondante littérature non scientifique sur ces sujets. Disons d’emblée qu’elle serait ignorée du plus grand nombre — la lecture d’ouvrages documentaires restant le privilège d’une minorité — si les media n’étaient pas devenues les porte-parole — on ose dire les coryphées, les enseignants, les propagateurs, les illustrateurs — de cette médecine dite recommandable, efficace, économique, équilibrante, dynamisante, et j’en passe ! Et dans ce domaine particulier, les gens ont des yeux pour regarder et des oreilles pour entendre. On lit avec attention ce que disent les journaux. On retient ce que prônent radios et télévisions. D’autant plus qu’à la clef de cette panacée tenue pour nouvelle s’inscrivent deux mots aujourd’hui percutants : santé et bonheur !
2. Nous appartenons à une génération menacée de bien des manières, mal préparée à la résistance psychique dont elle devrait disposer. Le mythe du progrès laisse voir de plus en plus ses graves félures. On ne sait plus à qui ou à quoi attribuer ce mal-être qui atteint l’économie autant que la société, la famille autant que l’individu. Même l’athéisme est en crise. Les idéologies qu’il inspirait ne cachent plus leurs doutes. On est à la recherche d’un nouvel homme, de nouveaux modes d’existence, de nouveaux mondes. Hier, Dieu était mort ; aujourd’hui, on spécule quant à son existence et l’on s’intéresse à toute possibilité de le rencontrer ou de partir à sa découverte. La métaphysique, la parapsychologie, l’irrationnel sont à l’ordre du jour et retiennent l’attention.
3. La médecine courante dite classique ou scientifique reste au tableau d’honneur. Et pourtant elle inquiète, elle aussi. D’abord par ses coûts. Puis par son acharnement à prolonger la durée de notre vie au détriment de sa qualité. On va même jusqu’à lui en vouloir de faillir au miracle de nous garder toujours jeunes, toujours ingambes et capables de performances. Aussi lui réclame-t-on, outre ses interventions habituelles, des adjuvants qu’on voudrait exceptionnels et qui finissent par devenir quotidiens : des excitants, des remontants, des apaisants, dont l’effet devrait être, à notre gré, immédiat et souverain.
En même temps, on lui reproche de pallier le mal dont on souffre, mais sans rétablir véritablement notre santé. On lui reproche aussi d’infecter et d’affaiblir notre organisme par sa chimiothérapie, plus ou moins opérante, ou alors d’une efficacité dont on redoute les effets secondaires. Dans cette situation complexe et contradictoire, voici qu’on nous présente des médecines parallèles, nouvelles, économiques, douces, naturelles et naturistes, bénéfiques de toute manière puisque corps et âme y retrouvent en même temps leur santé et leur équilibre. Mais cela ne s’arrête pas là. Les composantes de ces thérapies novatrices nous sont souvent présentées dans le cadre des “énergies cosmiques” dont elles seraient une émanation. C’est pourquoi nombre d’entre elles nous sont recommandées avec les pouvoirs qui les accompagneraient et nous rendraient aptes à transcender nos limites, dans l’espace et dans le temps. En d’autres termes, par ces thérapies, nous aurions accès à d’autres dimensions de la vie, en attendant notre promotion dans d’autres vies et d’autres mondes…
Il est vrai que de telles perspectives peuvent retenir l’attention. Les aléas du temps présent eux-mêmes nous inviteraient à nous y intéresser! L’attention majeure accordée aujourd’hui au seul matérialisme tient plus des loisirs espérés ou procurés que d’une réflexion véritable et personnelle. La satisfaction qu’il apporte, réelle ou apparente, n’est qu’illusoire. Elle va de pair avec son corollaire : l’incrédulité.
De fait, la majorité déclarée incrédule ne l’est pas réellement. Elle n’est même pas dupe de ses propres dénégations religieuses. Il est vrai qu’elles sont souvent affichées en apparence, mais c’est surtout pour se protéger des intrus. Car, au-dedans, rien n’est résolu. Et la santé ne l’est pas non plus, en dépit de toute l’attention et de tout l’argent qu’on y consacre. Et l’on écrit : “Non à une médecine déshumanisée, oui aux médecines sages” avec cette autre précision : “Nous plaidons pour une médecine plus humaine, une médecine de bon sens et de dialogue qui ne considère plus l’homme comme un objet mesurable, “médicable”’ et “charcutable” à merci. Une médecine pratiquée par des hommes compétents qui n’ont pas oublié les préceptes essentiels d’une sagesse éternelle.” 1 C’est pourquoi, devant les offres alléchantes de ces thérapeutiques, rares sont les indifférents. Les media le savent bien. Pour cette raison, elles leur consacrent beaucoup de leur temps, de leurs enquêtes et de leurs dossiers.
1 ‘Santé magazine” n° 84, décembre 82, p. 18-21.
Les chrétiens, eux aussi, sont intrigués. Ils ont raison de l’être. Avec cette remarque obligée: ils ont peut-être trop tardé à s’interroger. Car leur ignorance en ce domaine est allée de pair, ou bien avec un acquiescement naïf à ce qu’on leur propose, ou bien avec un refus non moins simpliste d’y prêter la main. A leurs interlocuteurs indignés, ils disent tout froidement et sans autre démonstration à l’appui : “C’est du diable et je m’en abstiens !”
Il n’y a que les sots pour en rire. Les intelligents, eux, s’en indignent et, une fois de plus, trouvent l’occasion de tenir les chrétiens pour des sectaires un peu demeurés.
Il est facile aux scientifiques, même religieux, d’accuser les chrétiens d’étroitesse sectaire et bornée. Nous pourrions leur retourner leurs griefs et leur faire remarquer qu’ils s’enferment, eux aussi, dans les limites singulièrement étroites d’une connaissance toute humaine. Combien sont-ils, parmi les tenants et les aboutissants des médecines parallèles et des spiritualités ou philosophies qui les inspirent, à connaître en vérité et en profondeur l’Evangile de Jésus-Christ dont se réclament leurs constestateurs ?
Certes, ces derniers ont gravement tort de ne pas savoir motiver leur refus et de l’inscrire sous la seule et contestable étiquette du diable. C’est pourquoi les pages qui suivent apportent à tous ceux qui s’interrogent :
Précisons que ces pages n’ont rien d’exhaustif dans ce qu’elles exposent. Elles se veulent plutôt des pistes de réflexion.