Mon Dieu, toutes les fois que je te prie, me dis-je bien que tu m’entends ? Ma prière n’est-elle pas une simple contemplation de ma pensée ? Si je te voyais des yeux du corps, te dirais-je ce que je te dis, alors que je te contemple des yeux de l’esprit ? Je crains que non, Seigneur ; je me demande si, dès lors, mes prières sont bien des prières ? et je comprends comment il se fait qu’elles ne soient pas exaucées ! Ainsi ma persistance dans le mal se trouve expliquée ! Ah ! si je te priais réellement, si véritablement je te parlais, à toi, Créateur de l’univers, à toi, mon Père, Père de Jésus-Christ, ne m’exaucerais-tu pas ? Toi qui as fait les saints de tous les siècles, ne me sanctifierais-tu pas ? Oui, Seigneur, oui sans doute, et je sens, à cette heure, qu’au lieu de me plaindre, je dois m’accuser. Je t’ai maintes fois parlé, mais pas prié ; disserté, mais pas prié ; médité, mais pas prié ! Et dans ce moment même, puis-je dire que je prie véritablement ? Mon cœur froid, mon œil sec, ne témoignent-ils pas contre les paroles animées de mes lèvres ? Mon Dieu ! mon cœur est si tortueux que je ne puis y pénétrer jusqu’au fond. Je sais bien une chose, c’est que je veux prier, mais je n’en sais pas moins bien une autre, c’est que souvent je ne prie pas, et qu’il faut que toi-même tu viennes mettre en moi ces soupirs inexprimables de ton Esprit, qui valent mieux que tous mes discours. Mon Dieu, rends-toi sensible à mon cœur, et surtout rends-toi visible, pour mes frères, dans ma vie sanctifiée. Je m’arrête, Seigneur ; mais je n’ose pas dire encore que je t’aie prié !