« Approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous. »
N’avez-vous jamais rencontré de ces gens dont le comportement étonne et fait sourire ? Apparemment très affairés, ils avancent dans la rue en gesticulant, parlant à haute voix avec force mimiques comme s’ils s’entretenaient avec quelque personnage invisible mais présent. En vérité, ils causent tout seuls. A eux-mêmes.
Les chrétiens de cette espèce ne manquent pas, qui parlent tout seuls lorsqu’ils prient. Ils débitent des phrases, expriment leurs besoins sans se soucier d’être vraiment devant le Seigneur. Ils parlent, parlent… mais à qui ? N’avez-vous jamais éprouvé le sentiment d’avoir bavardé… dans le vide ou d’avoir balbutié une vague louange en pensant à tout autre chose ? Dieu n’était pas là lorsque vous prétendiez converser avec Lui. Avouez que pour se faire entendre il faut un interlocuteur et il n’y a pas de dialogue sans tête-à-tête. C’est tellement vrai que la Bible réitère ses invitations bien connues qui appellent une démarche de notre part : Approchez-vous de Dieu… Venez à moi… Cherchez l’Éternel… Frappez et l’on vous ouvrira… Entrez dans ses parvis… Élevez votre âme… Tenez-vous devant Lui (l’expression : Devant l’Éternel se trouve environ 70 fois dans le Lévitique).
Dans son livre « Comment prier » (1), Torrey constate que la pensée de Dieu est souvent absente de nos prières. « Notre esprit, dit-il, erre çà et là ou est absorbé par les choses dont nous avons besoin et non par la pensée du Père tendre et puissant qui veut nous les accorder… C’est pourquoi, avant d’ouvrir la bouche, ayons l’assurance que nous avons vraiment audience auprès de Dieu, que nous avons réellement accès jusqu’en sa présence même. Pleinement conscients de nous adresser à lui, nous devons croire alors qu’il prête l’oreille à notre requête et se dispose à nous accorder la chose que nous lui demandons. » D’’ailleurs, ce prédicateur éminent avait l’habitude d’introduire les réunions de prière qu’il présidait par la recommandation suivante : « Assurez-vous, disait-il à ses amis, que vous vous trouvez réellement en la présence de Dieu, et soyez plus préoccupés de Lui que de vos requêtes. »
(1) Comment prier de R.-A. Torrey (Éd. Mission Prière et Réveil).
Après tout, prier … « c’est cultiver une amitié avec Dieu. Or, il n’y a pas d’amitié intime, solide, durable, sans de longs moments passés ensemble pour se parler, s’écouter et parfois se taire. Lorsque ce dialogue se poursuit et s’intensifie, on finit par aller au-delà de ce moment « institutionnel » de prière pour continuer cette relation toute la journée, que ce soit en attendant le bus, en marchant dans la rue, en conversant avec une personne, dans la cuisine, au bureau, à l’atelier, dans la voiture... » (2) Et c’est vrai !
(2) Yan Newberry (Le désir et le plaisir de prier).
D’aucuns ont comparé la prière à un échange téléphonique, Dieu étant plus ou moins lointain, à l’autre bout du fil. Peut-être ! Quant à moi, j’assimilerai plus volontiers la prière à une visite que nous rendons à notre Dieu, à un face-à-face qui lui est agréable et sujet de joie pour Lui d’abord et pour quiconque est admis en sa présence. Interrogez une maman et vous saurez qu’elle préfère – et de loin – s’entretenir directement avec son fils assis en face d’elle plutôt que d’utiliser l’écouteur pour converser avec lui brièvement.
Quand vous allez voir un ami, il ne vous vient pas à l’idée d’entamer la conversation dans la rue avant d’avoir franchi le seuil de sa demeure. A moins que la personne ne vous visite elle-même – Dieu aussi peut nous visiter sans que nous l’ayons cherché –, vous quittez votre maison, cessez votre activité et oubliez vos affaires pour aller frapper à sa porte. Et là, vous attendez qu’on vous ouvre et vous introduise auprès de cet ami. De même pour le Seigneur dont nous recherchons la présence.
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Il y a, vous le savez, des visites qui sont plus agréables que d’autres.
1) Certaines personnes viennent chez vous seulement pour vous demander un « petit » service. Elles ne le formuleront pas d’emblée mais débuteront par quelques paroles aimables pour obtenir ce qui motive leur déplacement. Elles s’informeront de votre santé, vous questionneront sur vos enfants. puis, brusquement, changeront de ton avec un air détaché pour vous dire :
— Ah, maintenant que j’y pense… pourriez-vous me prêter votre machine à écrire ?
Une fois satisfaites, en possession de l’instrument souhaité, elles prendront congé de vous avec hâte en vous promettant de revenir… pour rapporter l’objet emprunté.
Ce genre de visite n’est guère apprécié lorsque le visiteur ne nous manifeste aucun intérêt. Bien que Dieu insiste pour que nous lui exprimions librement nos besoins, même les plus insignifiants, il s’attend cependant à ce que nous témoignions un réel attachement à sa personne. Pensez-y.
2) Il y a les visiteurs importuns parce que bavards. Impossible de placer un mot : il faut les écouter en soutenant leur regard sans défaillance. C’est épuisant ! D’ailleurs, ces gens-là ne s’intéressent guère à vous car ils ne parlent que d’eux, de leur santé, de leurs enfants tellement exceptionnels, de leur activité florissante, ainsi que de leurs problèmes particulièrement douloureux. Beaucoup de chrétiens sont de cette espèce : ils parlent à Dieu, parlent, parlent sans prendre le temps de l’écouter, Lui. N’oubliez pas que la prière est un entretien. Donc « que nos paroles soient peu nombreuses » (Ecclésiaste 5.1), ponctuées de silences pour laisser la place à Celui qui tient à nous instruire et à nous rendre forts.
3) Il y a la foule de ceux qui vous visitent par devoir… donc très occasionnellement, comme à la sauvette.
— Ah ! Que doit dire l’oncle Albert qui ne m’a pas vu depuis six mois ? Vraiment, je me sens obligé d’aller le saluer car je sais qu’il m’attend ; sans faute, il faut que je lui rende une courte visite cette semaine…
Ils sont nombreux les chrétiens qui prient pour avoir bonne conscience et éprouver le sentiment apaisant de remplir leur devoir envers Dieu. « Comment le Seigneur pourrait-il me bénir si je ne lui accordais quelques instants au début de mes journées ? »
Je vous le demande, visite-t-on « par devoir » une maman qu’on affectionne ? Se rendre auprès d’elle dans cet esprit-là serait lui faire injure. De même pour notre Dieu. La vraie prière, avons-nous dit, est un privilège et une joie, jamais un devoir pénible. « Pour moi, m’approcher de Dieu c’est mon bien » (Psaumes 73.28).
4) Enfin, il y a les bonnes visites, en tout cas les meilleures et tellement agréables à accueillir dans sa maison ! Je veux parler de celles qu’inspire l’amour, accomplies pour réjouir l’autre et le mieux connaître. A ce propos je me souviens de l’expérience dont me fit part un ami. De passage dans une ville, il se rendit chez un chrétien fort aisé et donc très sollicité. « J’avais à cœur de le connaître, me dit-il, car il avait adressé tout récemment un don généreux à notre communauté alors que nous ne l’avions pas pressenti. Au début, l’homme qui me recevait paraissait sur ses gardes, un brin réticent, presque méfiant. Soudain, et comme pressé d’en finir avec l’inconnu qu’il avait devant lui – sans doute un quémandeur de plus – soupçonneux, il me questionna un peu sèchement :
— Monsieur, c’est la première fois que nous nous rencontrons. Qu’attendez-vous de moi ? Quel est le but de votre visite ?
— Mais je n’attends rien de vous. Je souhaitais simplement vous connaître et vous exprimer à la fois et mon affection et ma reconnaissance.
Alors le climat de l’entretien changea brusquement et une longue conversation s’engagea, amicale, dont je garde le meilleur souvenir. »
C’est ainsi que nous devrions « prier » le Seigneur, c’est-à-dire lui consacrer du temps… « pour lui faire plaisir ». Je sais qu’on hésite parfois à franchir le seuil d’une maison dont l’occupant ne nous a pas expressément invité, mais ce n’est jamais le cas avec le Père céleste. Prier, n’est-ce pas répondre à une invitation pressante de sa part ? J’imagine l’immense tristesse du Maître quand, pour de vagues prétextes, nous déclinons son appel tant de fois réitéré : « Approchez-vous de moi et je m’approcherai de vous » (Jacques 4.6). Il nous attend, lui qui nous ouvrira la porte pour des instants bénis de communion.
Il ne faudrait pas croire cependant que je doive attendre je ne sais quelle vision pour être assuré que Dieu s’est approché de moi. Ou me « sentir » proche du Créateur pour l’invoquer. Ou me concentrer pour chercher à me le représenter. Non ! Il n’est nul besoin d’éprouver quoi que ce soit pour être conscient d’un fait, d’une chose ou de la présence du Seigneur (ce point sera repris et précisé plus loin). En effet, je peux être occupé à rédiger un article à mon bureau, le dos tourné à mon épouse qui lit une circulaire à l’autre extrémité de la pièce, et être parfaitement conscient de sa présence. Et quoique je ne la voie pas et n’éprouve aucune émotion, je la sais près de moi, ce qui me réjouit toujours. Je puis à tout moment engager la conversation avec elle. Il en est de même avec Celui qui veut être adoré en esprit. Sans attendre de manifestations particulières je fais confiance à la Parole écrite : « L’Eternel est proche de ceux qui l’invoquent avec sincérité » (Psaumes 145.18).
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