[1] C'est maintenant le moment de montrer que le nom de Jésus et celui de Christ ont été honorés par les anciens prophètes chers à Dieu. [2] Moïse le premier sut que le nom de Christ est entre tous auguste et glorieux. Il donna au peuple les vérités célestes sous le voile de figures, de symboles et d'images mystérieuses, obéissant à l'oracle qui lui avait dit : « Regarde et fais selon le type qui t'a été montré sur la montagne », et afin d'exalter le grand prêtre de Dieu autant qu'un homme peut l'être, il l'appela Christ, à la dignité du suprême sacerdoce qui, à son jugement, dépassait sur la terre toutes les autres, il ajouta comme un surcroît d'honneur et de gloire le nom du Christ, tant il était convaincu que celui-ci était un être divin.
[3] Il connut aussi par l'Esprit de Dieu le nom de Jésus et il pensa qu'il méritait encore un privilège de choix. Ce nom n'avait jamais été prononcé parmi les hommes avant d'être connu de Moïse ; celui-ci le donna premièrement et uniquement, comme appellation figurative et symbolique, à l'homme qu'il savait devoir à sa mort lui succéder dans le commandement suprême. [4] Ce successeur de Moïse, qui reçut alors seulement le nom de Jésus, en portait un autre, celui d'Ausé qu'il tenait de ses pères ; ce fut Moïse qui l'appela Jésus, lui conférant ainsi un honneur beaucoup plus grand que tout diadème royal : car Jésus fils de Yavé était l'image de Jésus notre Sauveur. Après Moïse en effet, lorsque la religion symbolique établie par lui fut arrivée à son terme, celui-ci fut le seul qui reçut l'héritage du pouvoir dans la religion véritable et très pure. [5] Ainsi, aux deux hommes qui remportaient alors à son avis sur tous les autres par la vertu et le renom, au grand prêtre et à celui qui devait être le chef du peuple après lui, Moïse donna comme le plus magnifique honneur dont il pût disposer, le nom de notre Sauveur Jésus-Christ.
[6] Les prophètes qui suivirent ont parlé clairement du Christ, l'appelant d'avance par son nom ; ils ont annoncé en même temps la machination que le peuple juif devait ourdir contre lui, et ils ont prédit qu'il serait l'auteur de la vocation des Gentils. C'est ainsi que parle Jérémie : « L'Esprit de notre face, le Seigneur Christ a été pris dans leurs corruptions ; nous avons dit de lui : « Nous vivrons sous son ombre dans les nations. » Alors David embarrassé se demande : « Pourquoi les nations ont-elles frémi ? pourquoi les peuples ont-ils médité des choses vaines ? Les rois de la terre se sont levés et les chefs se sont assemblés en une coalition contre le Seigneur et contre son Christ. » Un peu plus loin, parlant sous la personne même du Christ, il ajoute : Le Seigneur m'a dit : « Tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui ; demande-moi et je te donnerai les nations pour ton héritage et pour biens les extrémités de la terre. »
[7] Les Hébreux n'honoraient pas seulement du nom de Christ les souverains pontifes sur qui, à cause du symbole, avait coulé l'huile consacrée, mais aussi les rois que les prophètes divinement inspirés avaient oints et présentés comme des figures du Christ ; ceux-ci portaient en effet en eux l'image du pouvoir royal et suprême du seul et vrai Christ, du Verbe divin qui règne sur tous les êtres. [8] Nous avons appris encore que certains prophètes sont eux-mêmes devenus, par l'onction, des Christs figuratifs ; parce que tous ceux-ci avaient une ressemblance avec le véritable Christ, le Verbe divin et céleste, le seul souverain prêtre de l'univers, le seul roi de toute la création, le seul chef des prophètes de son Père.
[9] Cela montre clairement que, de tous ceux qui ont autrefois reçu l'onction symbolique, pas un, prêtre, roi ou prophète n'a possédé la force de la vertu divine à un aussi haut degré que notre Sauveur et Seigneur Jésus, l'unique et vrai Christ. [10] Aucun de ces hommes, si illustres dans leur patrie par leur dignité et l'honneur qu'ils tiraient de la longue suite de leurs ancêtres, n'a emprunté au nom figuré de Christ qu'il portait, le nom même de ses sujets ; aucun ne les a appelés chrétiens ; aucun n'a reçu d'eux un culte quelconque ; après la vie, aucun n'a excité un amour tel qu'on fût prêt à mourir pour lui ; pour aucun d'eux il ne s'est produit un tel ébranlement de toutes les nations de la terre ; la force du symbole qu'ils portaient était impuissante à enfanter des prodiges comme la présence de la vérité qui parut dans notre Sauveur. [11] Lui, il n'a reçu de personne les symboles et les insignes du souverain sacerdoce ; il n'était pas de race sacerdotale, il n'a pas été élevé sur un trône par la main des soldats, il n'a pas été prophète à la façon de ceux d'autrefois et il n'a dû aux Juifs absolument aucune charge, ni aucune dignité ; cependant son Père les lui a toutes données, non en symboles, mais d'une façon tout à fait véritable. [12] Quoiqu'il n'ait aucun des titres que nous venons de citer, il est pourtant appelé Christ à meilleur titre que tous les autres, et parce qu'il est le seul et vrai Christ de Dieu, il a rempli le monde entier du nom vraiment vénérable et sacré que tirent de lui les Chrétiens. Il n'a pas transmis à ses disciples des allégories, ni des figures, mais la réalité des vertus et une vie céleste par la doctrine même de la vérité. [13] L'onction qu'il a reçue n'a rien d'une préparation matérielle ; c'est l'onction divine par l'Esprit de Dieu, par la participation de la divinité non engendrée et paternelle. Isaïe nous l'enseigne encore lorsqu'il s'écrie par la bouche du Christ : « L'Esprit du Seigneur est sur moi ; c'est pourquoi il m'a oint, il m'a envoyé évangéliser les pauvres et annoncer aux prisonniers la liberté, aux aveugles le retour à la lumière. »
[14] Et non seulement Isaïe, mais David dit à son tour, s'adressant au Christ : « Ton trône, ô Dieu, est pour les siècles des siècles et c'est un sceptre de droiture que le sceptre de ta royauté. Tu as aimé la justice et haï l'iniquité ; voilà pourquoi Dieu qui est ton Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à tes compagnons. » Ainsi le texte l'appelle Dieu dans le premier verset ; au second, il l'honore du sceptre royal, [15] et, dans un troisième, après lui avoir attribué la puissance divine et royale, allant plus loin, il le montre devenu Christ, consacré par une onction non point matérielle, mais par l'onction divine de l'allégresse : l'Écriture indique sa grandeur et son excellence et le place bien au-dessus de tous ceux qui jadis ont reçu l'onction corporelle et symbolique. [16] Dans un autre passage, le même dit encore du Christ : Le Seigneur dit à mon Seigneur : « Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis l'escabeau de les pieds » et : « Je l'ai engendré avant l'aurore ; le Seigneur a juré et il ne se repentira pas de son serment : tu es prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech. » [17] Ce Melchisédech est présenté par les saintes Écritures comme un prêtre du Dieu très haut, qui n'a pas été sacré par l'onction des hommes et n'a pas obtenu le sacerdoce des Hébreux par droit de succession. C'est selon l'ordre de ce patriarche, et non selon celui des autres prêtres qui n'ont reçu que des symboles et des figures, que notre Sauveur est proclamé avec l'assurance d'un serment, Christ et prêtre. [18], Voilà pourquoi il n'a pas reçu l'onction corporelle des Juifs, selon le témoignage de l'histoire ; il n'est pas issu d'une tribu sacerdotale ; mais avant l'aurore, c'est-à-dire avant la constitution du monde, il reçoit son être de Dieu même et possède un sacerdoce éternellement impérissable et indéfectible.
[19] Une preuve forte et manifeste qu'il porte en lui cette onction incorporelle et divine, est que, seul entre tous les autres qui ont été jamais jusqu'ici, il est appelé Christ par tous les hommes dans tout l'univers ; tous le reconnaissent pour tel et tous, grecs et barbares, s'accordent pour lui rendre témoignage par ce nom. Aujourd'hui même, par ses disciples répandus dans la terre entière, il est révéré comme un roi, admiré plus qu'un prophète, glorifié comme le vrai et unique souverain prêtre de Dieu, et par-dessus tout cela, parce qu'il est le Verbe divin préexistant, subsistant avant les siècles, parce qu'il a reçu du Père l'honneur le plus auguste, il est adoré comme Dieu. [20] Mais ce qui est plus merveilleux encore, c'est que nous-mêmes qui lui sommes dévoués, nous ne le célébrons pas seulement des lèvres et par de vaines paroles, mais nous lui sommes attachés par toute l'affection de l'âme, prête à donner notre vie elle-même pour confesser son nom.