Le Nouveau Testament, tel que nous le connaissons, se compose de 27 brefs écrits rédigés en Grec, et communément appelés ‘livres’ ; les cinq premiers sont de genre historique, et intéressent donc plus spécialement le sujet de notre étude. Quatre de ces livres forment ce que nous appelons les Evangiles, car chacun d’eux raconte l’Evangile, la Bonne Nouvelle annonçant aux hommes que Dieu s’est révélé en Jésus-Christ pour racheter l’humanité. Tous les quatre rapportent les paroles et les actes de Jésus, mais on peut difficilement parler de biographie au sens moderne du terme, car ils ne traitent guère que des 2 ou 3 dernières années de sa vie, et consacrent une attention a priori disproportionnée à la dernière semaine avant sa mort. En fait, ce ne sont pas des ‘vies’ de Jésus que ces auteurs nous présentent, mais ils cherchent plutôt à présenter, selon leurs différents points de vue, et à l’origine pour des publics différents, la bonne nouvelle concernant Jésus-Christ. Les trois premiers Evangiles (Evangile selon Matthieu, Marc et Luc) présentent certains caractères communs ; c’est pourquoi on les appelle Evangiles synoptiques. 1
1 Cf. chapitre 4.
Le cinquième écrit, de caractère historique, appelé Actes des Apôtres, n’est, en fait, que la suite du 3ème Evangile ; il est écrit par le même auteur, Luc, le médecin et compagnon de l’apôtre Paul. Il raconte l’expansion du christianisme après la résurrection et l’ascension du Christ, et sa progression vers l’Ouest, depuis la Palestine jusqu’à Rome, au cours des trente années qui suivirent la crucifixion.
Parmi les autres écrits, 21 sont des lettres, dont 13 portent le nom de Paul ; 9 sont adressées à des Eglises (l’épître aux Romains, 1 et 2 Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philippiens, Colossiens, 1 et 2 Thessaloniciens), et 4 à des individus (1 et 2 Timothée, Tite et Philémon). Une autre lettre, l’épître aux Hébreux, est anonyme, mais elle fut très tôt associée aux lettres de Paul, et a été, depuis, très fréquemment attribuée à Paul. Elle fut probablement rédigée peu avant l’année 70 à l’intention d’une église de Juifs convertis en Italie. Restent encore une lettre de Jacques, probablement le frère du Seigneur, une de Jude qui se désigne lui-même comme le frère de Jacques, deux de Pierre, et trois lettres qui ne portent aucune signature, mais qui comportent tant d’affinités avec le 4ème Evangile qu’elles ont été connues de très bonne heure comme les épîtres de Jean. Le dernier livre est l’Apocalypse, ou livre de la Révélation. 2 Il appartient à un genre littéraire étranger à notre mentalité moderne, mais familier aux milieux juifs et chrétiens de l’époque : la littérature apocalyptique. L’Apocalypse commence par 7 lettres d’introduction adressées à 7 Eglises de la province d’Asie. L’auteur, du nom de Jean, alors en exil dans l’île de Patmos, dans la mer Egée, raconte une série de visions qui décrivent symboliquement le triomphe de Christ, à la fois dans sa propre passion et dans les souffrances de son peuple livré aux mains de ses ennemis qui sont en même temps les ennemis du Christ. Ce livre a été écrit du temps des Flaviens (69-96 après J.-C), pour soutenir les chrétiens dans la détresse et leur confirmer que, malgré les apparences, ils ne doivent pas douter de la victoire : c’est Jésus, et non pas César, qui a été investi par le Tout-Puissant de la souveraineté sur le monde.
2 Du grec ‘apokaluptein’ : dévoiler. L’exemple le plus ancien de ce genre littéraire est le livre de Daniel dans l’Ancien Testament.
De ces 27 livres, nous ne retiendrons que les cinq premiers qui sont de forme narrative, bien que les autres, et en particulier les épîtres de Paul nous intéressent aussi, dans la mesure où ils contiennent des allusions historiques et nous aident à comprendre les Evangiles et les Actes.
On admet généralement que le Christ a été crucifié vers l’année 30 de notre ère. D’après Luc 3.1, l’activité de Jean-Baptiste qui précède immédiatement le début du ministère public de notre Seigneur, prend place sous ‘la quinzième année de Tibère’. Or, Tibère est devenu empereur en août 14, et, si l’on calcule à la manière syrienne, qui est celle qu’aurait employée Luc, la quinzième année de son règne commence en septembre ou octobre 27. 3 Le quatrième Evangile mentionne 3 Pâques juives après cette date, 4 et la 3ème Pâque serait donc celle de l’année 30, où il est probable, selon d’autres critères, qu’eut lieu la crucifixion. Nous savons aussi, par d’autres sources, que Pilate était gouverneur de Judée, Hérode Antipas tétrarque de Galilée et Caïphe grand-prêtre juif à cette date-là. 5
3 La méthode syrienne, qui date des rois Séleucides, fixe le début de chaque nouvelle année de règne au mois de septembre-octobre. Etant donné que Tibère fut proclamé empereur au mois d’août de l’année 14 de notre ère, la seconde année de son règne commencerait donc en septembre de la même année. La Pâque de Jean 2.13 est donc celle de Mars 28, et ceci s’accorde avec l’indication de Jean 2.20, puisque le temple d’Hérode fut commencé en 20-19 av. J-C, et si nous y ajoutons 46 ans, nous retrouvons bien l’année 27-28 de notre ère.
5 Cf. chapitres IX et X.
Le Nouveau Testament était achevé, ou pratiquement achevé, vers l’année 100, et la majorité des écrits existaient déjà depuis 20 à 40 ans à cette date. La majorité des érudits s’accordent à fixer la date des Evangiles comme suit : Evangile de Matthieu en 85-90 ; de Marc vers l’année 65 ; de Luc en 80-85 ; et de Jean en 90-100. 6 Personnellement, je fixerais une date un peu antérieure aux trois premiers : celui de Marc peu après 60, celui de Luc entre 60 et 70 ; et celui de Matthieu peu après 70. Un des critères qui me paraît déterminant dans cette question de la datation est la relation qui semble exister entre ces écrits et la destruction de Jérusalem et de son temple en 70. A mon avis, les Evangiles de Marc et de Luc ont été écrits avant cet événement, et celui de Matthieu peu de temps après.
6 Cf. par exemple The Four Gospels de B.H. Streeter (1924), The Gospels de V. Taylor (1930) ; pour des arguments à l’appui de la datation antérieure, cf. The Date of the Acts and the Synoptic Gospels, de A. Harnack (1911) ; C.E. Raven, Jesus and the Gospel of Love (1931), p. 128.
Même si l’on s’en tient aux dates postérieures communément admises, la situation n’en reste pas moins encourageante du point de vue de l’historien : en effet, à l’époque où les trois premiers Evangiles furent rédigés, beaucoup de personnes qui pouvaient se souvenir de ce qu’avait fait et dit Jésus étaient encore en vie, et quelques-unes, au moins, vivaient encore lors de la rédaction du quatrième Evangile. La situation serait encore plus favorable sil était possible de déterminer que les auteurs des Evangiles avaient utilisé des sources de renseignements plus anciennes ; mais nous procéderons à l’examen détaillé des Evangiles dans un autre chapitre.
En ce qui concerne les Actes, la date de leur rédaction dépend de la date que nous attribuons au troisième Evangile, puisque les deux écrits appartiennent à un même ouvrage historique, et que, semble-t-il, la deuxième partie fut écrite tout de suite après la première. Des arguments sérieux permettent de dater ce double récit de la fin des deux années de captivité de Paul à Rome (de 60 à 62). 7 Quelques érudits, cependant, considèrent que le ‘premier livre’ auquel fait suite le livre des Actes, n’est pas l’Evangile de Luc que nous connaissons, mais une ébauche plus ancienne, parfois désignée sous le nom de Proto-Luc ; ceci leur permet de dater le livre des Actes dans les années 60, tout en maintenant que l’Evangile de Luc sous sa forme définitive est légèrement plus tardif. 8
7 Actes 28.30. Cf. F.F. Bruce, The Book of the Acts (1954), p. 21.
8 Cf. C.S. Williams, A Commentary on the Acts of the Apostles (1957), p. 13.
Quant aux 13 épîtres pauliniennes, il est possible de déterminer leurs dates grâce aux preuves internes et externes. On ne peut plus, aujourd’hui, dénier en bloc l’authenticité de ces lettres ; certains auteurs refusent encore Ephésiens ; quelques-uns refusent 2 Thessaloniciens ; d’autres, plus nombreux, doutent que les épîtres pastorales (1 et 2 Timothée, et Tite) sous leur forme actuelle soient vraiment de Paul. 9 Personnellement, je les accepte toutes comme pauliniennes, mais de toutes façons, les 8 autres lettres communément reconnues suffisent à notre dessein, et c’est d’elles seules que nous tirerons les arguments décisifs dans notre chapitre sur ‘l’importance du témoignage de Paul’.
9 Cf. D. Guthrie, The Pastoral Epistles (1957), p. 11.
Dix des lettres ont été écrites avant la fin de sa captivité à Rome. On peut les dater ainsi, par ordre chronologique : Galates en 48, 10 et 2 Thessaloniciens en 50, Philippiens en 54, 11 1 et 2 Corinthiens en 54-56, Romains en 57, Colossiens, Philémon et Ephésiens vers l’an 60. Les épîtres pastorales, par leur style et leur cadre historique, semblent indiquer une rédaction plus tardive que le reste des épîtres pauliniennes, mais la difficulté ne paraît pas si grande si l’on admet une deuxième captivité de Paul à Rome, vers 64, qui se serait terminée par l’exécution de l’apôtre. 12 On peut alors dater les épîtres pastorales des années 63-64, et le changement survenu dans les Eglises fondées par Paul que mentionnent ces lettres s’explique alors par l’occasion qu’a constituée pour les adversaires de Paul son premier emprisonnement à Rome.
10 Si elle a été écrite avant le concile de Jérusalem d’Actes 15 ; sinon, il faudrait la reculer de quelques années.
11 Si elle a été écrite pendant un emprisonnement à Ephèse ; selon d’autres, elle aurait été écrite à Rome vers l’an 60.
12 Cf. Eusèbe, Histoire Ecclésiastique II, 22, 25.
Quoi qu’il en soit, l’intervalle de temps qui sépare les événements eux-mêmes de la rédaction de la plupart des livres du Nouveau Testament est suffisamment court pour satisfaire l’historien ; car c’est là la question essentielle lorsque l’on essaye d’évaluer l’authenticité de documents historiques : combien de temps après les événements ont-ils été écrits ?
Vers le milieu du siècle dernier, une école de pensée très répandue affirmait que certains des livres les plus importants du Nouveau Testament, notamment les Evangiles et les Actes, n’existaient pas avant les années 130. 13 En fait, cette affirmation ne reposait pas tant sur des preuves historiques que sur des postulats philosophiques ; car, même à cette époque, les preuves historiques étaient suffisamment nombreuses pour démontrer le manque de fondement de cette théorie, comme l’ont si bien montré Lightfoot, Tischendorf, Tregelles etc ; mais nous disposons aujourd’hui d’une telle somme de preuves concluantes que nous sommes obligés, quelles que soient nos théories philosophiques, d’accepter le premier siècle comme date de rédaction de la plupart des écrits du Nouveau Testament.
13 ‘L’école de Tübingen’, ainsi nommée d’après l’université du même nom où enseignait F.C. Baur, le principal défenseur de cette thèse. Cette ‘école de Tübingen’ a réexpliqué les origines du christianisme en termes de métaphysique hégélienne, selon des méthodes qui se trouvent parfaitement résumées dans cette anecdote à propos de Hegel : ce dernier était en train d’exposer sa philosophie de l’histoire en l’illustrant par des références à des évènements précis, lorsque l’un des auditeurs, étudiant en histoire, intervint : ‘Mais, Monsieur, les faits ne se sont pas passés comme cela’. A quoi Hegel répondit : ‘Tant pis pour les faits’.
Ces théories ont été répandues en Angleterre en 1874 par l’auteur ‘anonyme’ de La religion surnaturelle, W. Cassels. B. Lightfoot y a répondu dans La Revue Contemporaine (1874-1879) ; ces articles ont été réédités dans Essais sur la religion surnaturelle (1889). Les étudiants en logique qui s’intéressent à la valeur de ‘l’argument du silence’ peuvent lire avec intérêt la thèse de Cassels et la réponse de Lightfoot.
En fait, les preuves de l’authenticité des écrits du Nouveau Testament sont nettement plus solides que celles de nombreux textes classiques que personne n’a jamais songé à mettre en doute, et, si le Nouveau Testament n’était qu’une collection de textes profanes, son authenticité serait généralement considérée comme inattaquable. Il est étrange de constater que, bien souvent, les historiens ont été plus disposés à faire confiance aux documents du Nouveau Testament que les théologiens eux-mêmes. 14 En quelque sorte, certaines personnes considèrent tout ‘livre sacré’ comme suspect a priori et exigent dans ce cas des preuves et des confirmations qu’ils ne demanderaient pas pour un ouvrage profane ou païen. L’historien, lui, applique les mêmes critères dans les deux cas. Nous ne faisons aucun reproche cependant à ceux qui exigent de meilleures preuves pour le Nouveau Testament que pour les autres écrits. Car, en effet, les affirmations du Nouveau Testament engagent l’humanité de façon si absolue, la personnalité et les actes de son principal personnage sont tellement uniques que nous désirons nous assurer de sa véracité autant que faire se peut. En fait, les preuves de l’authenticité du Nouveau Testament sont nettement meilleures que celles des autres textes de cette période.
14 Des historiens comme W.M. Ramsey, Ed. Meyer et A.T. Olmstead ont protesté vigoureusement contre le scepticisme exagéré de certains théologiens face aux écrits historiques du Nouveau Testament.
Il existe environ 5.000 manuscrits grecs du Nouveau Testament entier ou en morceaux. Les meilleurs et les plus valables remontent à l’année 350 environ, les deux plus importants parmi ceux-ci sont : le Codex Vaticanus, qui forme le principal trésor de la Bibliothèque du Vatican à Rome, et le fameux Codex Sinaïticus, cédé par le gouvernement soviétique au gouvernement britannique le jour de Noël 1933 pour la somme de 100.000 livres. Ce dernier est maintenant le principal ornement du British Museum.
L’Angleterre possède encore deux autres manuscrits importants, le Codex Alexandrinus du 5ème siècle, qui se trouve aussi au British Museum, et le Codex de Bèze du 5ème ou 6ème siècle, conservé à la Bibliothèque de l’Université de Cambridge, qui contient les Evangiles et les Actes en Latin et en Grec.
Nous apprécierons peut-être mieux le nombre des manuscrits du Nouveau Testament si nous les comparons à ceux des ouvrages historiques classiques : nous possédons plusieurs manuscrits de la Guerre des Gaules de César (composée entre 58 et 50 av. J.-C.), mais seulement 9 ou 10 qui soient valables et le plus ancien d’entre eux est postérieur de 900 ans à l’époque de César ; il ne nous reste que 35 livres sur les 142 qui composaient l’Histoire de Tite-Live (59 avant -17 après J.-C.) ; nous ne les connaissons que par une vingtaine de manuscrits de quelque valeur, dont un seulement, contenant des fragments des livres III à VI, remonte au IVème siècle. Sur les 14 livres des Histoires de Tacite (fin du 1er siècle après J.-C.), il ne nous en reste que quatre et demi et sur les 16 livres d’Annales, 12 seulement subsistent, dont 2 incomplets. Le texte de ce qui nous reste de ses deux grandes œuvres historiques est établi uniquement sur la foi de deux manuscrits, l’un du 9ème siècle et l’autre du 11ème. Les manuscrits existants de ses œuvres mineures (le Dialogue des orateurs, Agricola, la Germanie) remon- tent tous à un Codex du 10ème siècle. L’Histoire de Thucydide (460-400 av. J.-C.) nous est connue par 8 manuscrits, dont le plus ancien date des années 900 de notre ère et par quelques fragments de papyrus datant du début de l’ère chrétienne. Il en est de même de l’Histoire d’Hérodote (488-428 av. J.-C.). Pourtant, aucun helléniste ne songerait à mettre en doute l’authenticité d’Hérodote ou de Thucydide, sous prétexte que les plus anciens manuscrits valables de leurs œuvres ont été écrits plus de 1300 ans après les originaux.
Quelle différence pour le Nouveau Testament. En plus des deux excellents manuscrits du IVème siècle déjà mentionnés, qui ne sont que les deux plus anciens de l’ensemble des quelques mille manuscrits que nous connaissons, il nous reste encore d’importants fragments de copies du Nouveau Testament sur papyrus, qui sont encore de 100 à 200 ans plus vieux que les manuscrits originaux. Les papyri Chester Beatty, dont nous connaissons l’existence depuis 1931, comprennent des fragments de 11 codex sur papyrus, dont 3 renferment la presque totalité des écrits du Nouveau Testament. L’un d’eux, comprenant les quatre Evangiles et les Actes, date de la première moitié du 3ème siècle ; un autre, comprenant les épîtres de Paul aux différentes Eglises et l’épître aux Hébreux fut copié au début du 3ème siècle et le troisième papyrus, qui contient l’Apocalypse date de la seconde moitié de ce même siècle.
Plus récemment, on a découvert quelques fragments de papyri qui, d’après les experts, remontent au plus tard à l’an 150 ; ces découvertes ont été publiées en 1935 par H. I. Bell et T. C. Skeat dans ‘Les fragments d’un Evangile inconnu et autres papyri du Christianisme primitif’. Certains ont pensé que ces fragments étaient les morceaux d’un cinquième Evangile, présentant de fortes analogies avec les quatre Evangiles canoniques ; mais la thèse développée par le supplément littéraire du Times du 25 avril 1935 est beaucoup plus vraisemblable : ces fragments auraient été ‘écrits par quelqu’un qui était en possession des 4 Evangiles et qui les connaissait bien’ ; ils ne se présenteraient pas comme un autre Evangile, mais comme un ensemble de paraphrases des histoires contées dans les Evangiles, destiné à l’instruction, un simple manuel pour enseigner les histoires de l’Evangile.
Il existe un autre fragment de codex sur papyrus encore plus ancien, contenant Jean 18.31-33, 37 et suivants, conservé à la bibliothèque John Rylands à Manchester. La paléographie à permis de dater ce papyrus des environs de l’an 130, montrant ainsi que le dernier des Evangiles, rédigé, d’après la tradition, à Ephèse entre 90 et 100, circulait déjà en Egypte 40 ans après sa parution, si l’on admet, ce qui est fort probable, que ce papyrus provient vraiment d’Egypte, où il a été acquis en 1917. Il doit être considéré comme le plus ancien des fragments du Nouveau Testament existants, de 50 ans plus vieux que tous les autres. 15
15 Pour le texte et la description du papyrus, cf. Ch. Roberts, An Unpublished Fragment of the Fourth Gospel (1935).
Un autre manuscrit en papyrus du même Evangile a été découvert encore plus récemment ; il n’est pas aussi ancien que le papyrus Rylands, mais il est nettement mieux préservé : c’est le papyrus Bodmer II, dont la découverte a été annoncée par la bibliothèque Bodmer de Genève en 1956 ; rédigé vers l’an 200, il contient les 14 premiers chapitres de l’Evangile de Jean, à l’exception de 22 versets, et des fragments importants des 7 derniers chapitres.
Une autre preuve de l’authenticité des écrits du Nouveau Testament réside dans les citations et dans les allusions qui y sont faites dans les autres écrits de l’Eglise primitive. Les auteurs, connus sous le nom de Pères apostoliques, qui ont écrit entre 90 et 160, montrent par de nombreux exemples qu’ils connaissaient bien les livres du Nouveau Testament. Dans trois ouvrages datant des environs de l’année 100 l’Epître de Barnabas, probablement écrite à Alexandrie ; la Didaché, ou Doctrine des Apôtres, écrite quelque part en Syrie ou en Palestine ; la Lettre de Clément, évéque de Rome à l’Eglise de Corinthe (datant de 96 environ), nous trouvons des citations tirées presque certainement de la tradition commune des Evangiles synoptiques, du livre des Actes, de Romains, 1 Corinthiens, Ephésiens, Tite, Hébreux, 1 Pierre, et des citations possibles d’autres livres du Nouveau Testament. Dans les lettres écrites par Ignace, évêque d’Antioche, pendant qu’il se rendait à Rome pour y subir le martyre (vers l’an 115), nous trouvons des citations à peu près certainement tirées de Matthieu, Jean, Romains 1 et 2 Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philippiens et 2 Timothée, et des allusions possibles à Marc, Luc, Actes, Colossiens, 2 Thessaloniciens, Philémon, Hébreux et 1 Pierre. Son jeune contemporain, Polycarpe, dans sa lettre aux Philippiens (120 environ) cite des extraits de la tradition commune des Evangiles synoptiques, du livre des Actes, de Romains, 1 et 2 Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philippiens, 2 Thessaloniciens, 1 et 2 Timothée, Hébreux, 1 Pierre et 1 Jean. Nous pourrions continuer ainsi pour tous les écrivains du IIe siècle, accumulant preuve après preuve que ces auteurs non seulement connaissaient les écrits du Nouveau Testament, mais en reconnaissaient l’autorité. Les preuves apportées par les œuvres des Pères apostoliques est exposée dans un ouvrage dû à un comité de l’Oxford Society of Historical Theology (Société de théologie historique d’Oxford) publié en 1905, The New Testament in the Apostolic Fathers.
Non seulement l’authenticité du Nouveau Testament est attestée par les écrits de l’Eglise orthodoxe, mais nous savons aussi par des écrits de l’école gnostique de Valentin récemment découverts, que, dès avant le milieu du IIe siècle, la plupart des écrits du Nouveau Testament étaient aussi connus et aussi vénérés dans ces milieux hérétiques que dans l’Eglise catholique. 16
16 Cf. F.L. Cross, The Jung Codex (1955), p. 81. Voir aussi fin du chap. VIII, ci-dessous.
L’étude de l’authenticité des textes, sur la base des preuves fournies par les manuscrits et les citations d’écrivains postérieurs, constitue la Critique textuelle. 17 Ce travail extrêmement important et passionnant consiste à déterminer, à partir des preuves disponibles, et avec autant d’exactitude que possible, quels sont les mots originaux des documents. L’expérience prouve qu’il est difficile de copier un texte un tant soit peu long sans faire au moins une ou deux erreurs. Quand nous avons à faire à des documents tels que ceux du Nouveau Testament qui ont été copiés et recopiés des milliers de fois, la marge d’erreur de la part des copistes est si grande qu’il est étonnant de ne pas trouver plus d’erreurs qu’il n’y en a en réalité. En fait, le grand nombre de manuscrits, en même temps qu’il accroît la possibilité d’erreurs de copie, accroît aussi, fort heureusement, la possibilité de corriger ces erreurs, si bien que la marge d’erreur dans le rétablissement des mots originaux est moins grande qu’on ne pourrait le craindre. Elle est, en réalité, infime, et les quelques points au sujet desquels le doute subsiste entre plusieurs lectures, ne portent sur aucune question matérielle de faits historiques ou d’éthique et de foi chrétiennes.
17 Une autre catégorie importante de textes qui viennent confirmer le texte du N.T. est celle des versions anciennes, traductions du texte grec en d’autres langues ; les plus anciennes, la ‘vieille version syriaque’ et la ‘vetus latina’, remontent à la deuxième moitié du IIe siècle. Les lectionnaires de l’Eglise primitive sont également très utiles.
Citons ici, pour conclure, le verdict de Sir F. Kenyon qui fut une des personnes les plus qualifiées à se prononcer sur la valeur des manuscrits anciens :
‘L’intervalle entre la date de composition des originaux et celle du plus ancien texte existant devient donc si minime qu’on peut le considérer comme négligeable, et nous savons maintenant en toute certitude que les Ecritures que nous possédons aujourd’hui n’ont subi aucune altération essentielle par rapport aux écrits originaux. Nous pouvons considérer l’‘authenticité’ ainsi que l’‘intégrité générale’ des livres du Nouveau Testament comme définitivement établies’. 18
18 The Bible and Archeology (1940), p. 228.
Note additionnelle à la page 14. D’autres papyri Bodmer étudiés plus récemment comprennent un Codex de l’an 200 environ, contenant des fragments de Luc et de Jean, un autre, à peu près de la même époque, contenant les épîtres de Pierre et de Jude, et un du VIe ou VIIe siècle contenant les Actes et les Epîtres catholiques.