Ma langue est la plume d’un écrivain diligent. Ainsi parle le roi prophète (Psaumes 45.2), à l’entrée d’un cantique où il va célébrer Celui dont le trône demeure à toujours, Celui qui est le plus beau d’entre les fils des hommes. Nous savons de quel écrivain il se dit le secrétaire ; c’est du St. Esprit. Les croyants de Dieu étaient ses organes par lesquels il communiquait aux hommes des pensées éternelles, Il se servait de leur langue comme d’une plume pour prononcer des sentences et des prophéties.
Souvent il put arriver que ces saints hommes ne comprirent que peu de chose à leurs propres discours. Jamais ils n’y furent entièrement étrangers. David ne dit pas seulement : ma langue est la plume d’un écrivain diligent, mais encore : Mon cœur médite un excellent discours. Son cœur y prenait donc part. Ils se nourrissaient eux-mêmes de la nourriture qu’ils préparaient pour d’autres. Mais, si leur cœur s’en nourrit, leur intelligence n’en fut pas entièrement, éclairée : bien des choses passèrent par leur esprit qu’il ne comprirent qu’à moitié ; beaucoup d’autres leur demeurèrent entièrement voilées et mystérieuses.
Jamais écrivains terrestres ne furent dans un rapport si étrange vis-à-vis de leurs écrits. Ils durent étudier sans cesse les fruits de leur plume. Que de profondeurs, que de merveilles ne découvraient-ils pas, avec le temps, dans des discours et des cantiques où ils ne les avaient pas d’abord soupçonnés ! Il en serait de même de nos prédications et de nos paroles si nous vivions davantage sous l’influence du St.-Esprit. Il nous arrive bien quelquefois de faire cette expérience, mais nous pourrions la faire d’une manière bien plus parfaite et bien plus fréquente.
Nous seuls étions destinés à jouir en plein des fruits de ces ceps exquis plantés par les Psalmistes et les prophètes. Le soleil de justice en a mûri les grappes. Il projette à nos yeux la plus brillante lumière sur la religion merveilleuse des mystères et des sentences de l’Ancien Testament. La clef de David nous est offerte, la clef qui ouvre et personne ne ferme ; — nous pouvons boire à longs traits aux puits spirituels dont l’eau ne fut accordée que goutte à goutte à ceux qui les creusèrent.
Mais ce n’est point seulement dans les sentences de ses héros, c’est dans leur vie et dans tous leurs actes que l’Ancien Testament nous offre des mystères et des profondeurs. Les rois et les prophètes furent souvent eux-mêmes comme des espèces d’hiéroglyphes, leurs actions et leurs expériences comme une écriture figurée pleine de signification. Élisée se présente à nous comme un type des plus riches et des plus considérables, comme un arbre de vie tout chargé de fleurs et de fruits évangéliques. Venez, continuons la récolte de cet arbre aimable et célébrons de joyeuses fêtes à l’ombre de ses branches.
9 Ainsi le roi d’Israël et le roi de Juda, et le roi d’Edom partirent et tournoyèrent par le chemin durant sept jours, jusqu’à ce qu’ils n’eurent plus d’eau pour le camp ni pour les bêtes qu’ils menaient. 10 Et le roi d’Israël dit : Ha ! Ha !certainement l’Eternel a appelé ces trois rois pour les livrer entre les mains de Moab. 11 Et Josaphat dit : N’y a-t-il point ici quelque prophète de l’Eternel, afin que par ce moyen nous consultions l’Eternel ? Et un des serviteurs du roi d’Israël répondit et dit : Il y a ici Élisée, fils de Saphat, qui versait de l’eau sur les mains d’Élie. 12 Alors Josaphat dit : La parole de l’Eternel est avec lui ; et le roi d’Israël et Josaphat et le roi d’Edom descendirent vers lui.
C’est un camp qui se trouve être aujourd’hui le théâtre des scènes que nous allons contempler ; des armes et des bannières nous environnent de toutes parts et les fanfares des clairons se font entendre. — Nos réflexions auront deux objets principaux : la détresse des trois rois et leur recours au prophète.
Le roi Joram se voit soudainement appelé à faire une levée de boucliers. Les Moabites, qui habitent aux frontières méridionales de son royaume, ont arboré l’étendard de la liberté et sont en pleine révolte. Ce peuple agité et inquiet, que l’Eternel avait donné à Israël, et dont le roi David disait avec triomphe : Moab sera le bassin où je me laverai ; ce peuple a déjà essayé à plusieurs reprises de secouer le joug des Hébreux ; mais il a dû autant de fois faire la douloureuse expérience qu’on se trouve mal de combattre contre le peuple de Jéhovah. Cependant le voilà qui se relève plus puissant que jamais. Au milieu de la foule et sous les armes se montre leur roi Mésah ; il veut être indépendant et paraît décidé à mourir plutôt que de payer plus longtemps au roi d’Israël un tribut humiliant. Vous voyez qu’en toutes choses, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ne dirait-on pas que ce que je vous raconte est un article tiré de nos gazettes modernes ? — Les princes obligés de combattre des sujets rebelles ne sont pas solitaires dans leur douleur ; ils trouvent des compagnons d’infortune dans tous les siècles et jusque chez les rois d’Israël. La rébellion des Moabites fut un châtiment divin infligé à Joram, pour s’être détourné du Dieu de ses pères et adonné, au culte du veau d’or.
Mais quelle accablante nouvelle pour ce prince ! Cependant il se mit énergiquement à l’œuvre, et loin d’accorder aux ennemis une capitulation indigne de lui, il résolut de tirer l’épée et de combattre la force par la force. Personne ne s’oppose à ce dessein ; car aucune puissance ne se montrait disposée à reconnaître l’indépendance des Moabites, et encore moins à soutenir leur mauvaise cause. Josaphat, le sage roi de Juda, consent au contraire à assister Joram ; il va combattre en personne et amène avec lui de nombreuses légions ; voici en effet ce qu’il a écrit de Jérusalem au roi d’Israël : J’y monterai ; fais ton compte de moi comme de toi, de mon peuple comme de ton peuple, et de mes chevaux comme de tes chevaux. Lorsque les deux princes eurent réuni leurs forces, on s’occupa de la meilleure route à suivre. Joram fut d’avis de passer par le chemin du désert d’Edom ; c’est ce qui eut lieu en effet. Arrivés à Edom, le roi de ce pays, tributaire de Josaphat, fut forcé de se réunir à l’armée avec ses soldats ; puis ils traversèrent tous ensemble le grand et inhospitalier désert d’Edom pour aller combattre l’ennemi qui les attendait dans la plaine. Comptant sur l’excellente tenue et sur la bravoure éprouvée de leurs légions, les alliés ne doutaient pas un instant de la victoire. Les Moabites, de leur côté, se fiant à leur nombre et à leur enthousiasme, se flattaient de la même espérance. Tous ces rois, ou du moins Mesah et Joram, faisaient de la chair leur bras. Mais comme il arrive souvent en pareille circonstance, Israël se trompait aussi bien que Moab ; l’événement fut tout autre que chacun des deux partis ne l’avait pensé. Les enfants d’Israël devaient apprendre, aussi bien que les païens, que le succès d’une bataille ne dépend pas d’un bras de fer ni de l’intelligence et du savoir des hommes, mais de la volonté de Celui qui domine les puissances du ciel et de la terre, et fait agir à son gré les nations. C’est Lui qui donne la victoire, c’est Lui qui prête le courage et le reprend selon son bon plaisir ; c’est Lui qui dirige la flèche et l’épée ; et la victoire demeure au guerrier qui combat sous sa bannière. Se déclarer contre Lui, c’est se livrer à la destruction ; car lorsqu’il envoie ses armées, qui pourrait lui résister ? Au lieu de flèches, il fait darder d’en haut les rayons ardents du soleil, et les légions tombent dans la langueur. Il arrête les rosées, et les bras des combattants se trouvent liés par d’invisibles chaînes. Il appelle la famine et la peste à régner sur les plaines, et alors de quoi servent au chef l’habileté et la bravoure qui le distinguent ? Il effraie les chevaux et rend leurs cavaliers imbéciles, dit le prophète ; tellement que leur force, leur sagesse et leur supériorité ne leur servent plus de rien, et que des enfants même peuvent vaincre et mettre en fuite les troupes les plus aguerries.
C’était une imposante armée que celle à la tête de laquelle les deux rois s’avançaient contre Moab, et l’on pensait généralement qu’elle n’avait qu’à paraître pour terminer l’insurrection. Mais une puissance à laquelle Israël n’a point songé se prépare aussi au combat : c’est celle de la nature avec ses mille obstacles et ses mille terreurs. Israël faillit périr avant d’atteindre les frontières de Moab ; car, bientôt après qu’on eut pénétré dans le désert d’Edom, la chaleur devint si intense, qu’au bout de quelques heures, toutes les sources se trouvèrent taries. Les soldats, dans leur soif toujours croissante, eurent bientôt épuisé la petite provision d’eau qu’ils avaient prise avec eux, et des milliers de ces infortunés, accablés de langueur, gisaient sur le sol, s’attendant à subir la plus horrible de toutes les morts. Néanmoins les généraux ordonnèrent de se remettre en route, dans l’espoir d’atteindre un endroit où l’on trouverait de l’eau, mais en vain ; plus on forçait la marche, plus on s’enfonçait dans les sables brûlants. Nulle part de source, nulle part de citerne, pas même un bouquet d’arbres, dans cette vaste solitude, qui puisse prêter un moment son ombre tutélaire. Partout des bruyères desséchées, un vent brûlant, un air lourd, un sol calciné. Sept jours ils ont tournoyé dans le désert, et ils ne savent plus où ils sont. Enfin ils s’arrêtent, hors d’état de se traîner plus longtemps ; les guerriers languissants semblent près d’expirer. Les chevaux et les bêtes de somme s’affaissent sous leurs charges, ils succombent à la faim et à la soif. A cette heure de danger et de mortelle angoisse, la conscience du roi d’Israël, de l’impie Joram, se réveille semblable à un lion qui s’est endormi pour un peu de temps ; elle lui révèle ces obstacles imprévus. Le propre d’une mauvaise conscience, c’est de donner aux événements la couleur la plus sombre. Pour ce peintre sévère, les paysages nocturnes ne sont jamais assez noirs ni assez terribles. Dans son miroir ardent, le plus petit accident se transforme en un fleuve embrasé sorti de la coupe de la colère divine. Sombre prophète, elle ne prédit que malheur et destruction, pareille à l’oiseau funèbre qui, pendant une nuit d’orage, fait sans cesse entendre son cri lugubre. C’est la conscience qui colore notre existence. Lorsqu’elle est purifiée par le sang de l’agneau, elle verse une douce lumière sur tous les événements de notre vie, elle donne à toutes choses un sens aimable et arrache de l’amertume son aiguillon ; la mauvaise conscience, au contraire, le rend plus acéré et le fait sentir où il n’existait pas.
Il n’est dans le monde aucune puissance égale à celle d’une conscience accusatrice. Elle fait trembler les héros qui n’avaient pas reculé en présence de milliers de combattants, et, plus forte que la mort même, elle Ote à ceux qui ne craignent rien et qui contemplent le trépas d’un œil calme leur armure de courage et de confiance. Elle sait nous faire reconnaître la justice de son jugement, lors même que tout le monde nous prodigue des louanges, et elle change en amertume ce qui nous était le plus cher et le plus précieux, quand nous devons en jouir au milieu de ses accablants reproches. « La voix de la mauvaise conscience, » dit Luther, « n’est pas un mal isolé, c’est une légion de maux, c’est un monstre, une furie, un démon. » — « Il est, » dit-il encore, « dans la nature d’une mauvaise conscience de nous pousser à la fuite, de nous remplir de terreur sans aucun motif, et de transformer notre prospérité en péril et en désolation. » Le méchant fuit, dit Salomon, sans qu’on le poursuive ; mais le juste est assuré comme un jeune lion. Moïse dit aussi : Le bruit d’une feuille émue te poursuivra et tu diras le matin : Qui me fera voir le soir ? Et le soir : Qui me fera voir le matin ? La mauvaise conscience est comme une mer agitée qui ne peut être apaisée que par le signe de la croix de Christ. C’est un ver rongeur que le sang du fils de Dieu peut seul anéantir.
Ha ! ha ! s’écrie dans cette extrémité le roi d’Israël, pâle et tremblant, certainement l’Eternel a appelé ces trois rois pour les livrer entre les mains de Moab. Voyez sous quelle face l’Eternel se montre dans la chambre obscure d’une mauvaise conscience. Envers celui qui est pur, dit le Psalmiste, tu te montres pur, mais envers le pervers, tu agis selon sa perversité. La défiance d’une âme chargée d’iniquités se reporte même sur le Très-Haut. Lorsque l’Eternel n’a que des vues de miséricorde à l’égard du pécheur, celui-ci ne voit dans les circonstances de sa vie que des pièges et des filets. La verge divine n’est à ses yeux qu’un instrument de supplice et de colère. Partout il croit voir les préparatifs du jugement. Ces trois rois, dit Joram. Il ne parle pas seulement du vice-roi d’Edom, mais il comprend aussi le pieux Josaphat dans la même condamnation que lui. — « La colère de Dieu nous a destinés à la destruction, » dit-il. Il ignore la différence morale qui existe entre lui et le roi de Juda ; ou du moins il ne veut pas l’avouer ni permettre aux autres de croire que lui seul soit condamné et non pas Josaphat. « Le Seigneur nous a appelés. » Oui, tandis que dans le moi il ne se trouve que des dards acérés, ce mot nous renferme quelques gouttes de baume et semble diminuer les tourments d’une conscience coupable. Avec quelle joie les enfants du monde ne s’en servent-ils pas en pareil cas à l’égard des enfants de Dieu, lorsqu’ils disent : « Nous avons été coupables en telle et telle chose ; nous devons nous efforcer d’agir mieux à l’avenir. » C’est ainsi que la différence morale qui existe entre eux et les chrétiens est adroitement dissimulée. Mais le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent ; il sait quand le nous doit faire place au je, et il réhabilite avec honneur celui qui a été compris injustement dans l’une de ces accusations collectives.
A peine les plaintes de Joram ont-elles rompu le morne silence du camp, que Josaphat, le noble prince de Juda, prend à son tour la parole ; il paraît plus résigné, plus tranquille que Joram, et il parle comme un homme certain d’avoir dans le ciel un libérateur aussi bien qu’un juge. Mais on demandera peut-être pourquoi il se trouve enveloppé dans le malheur de Joram, s’il possède véritablement la faveur de Dieu. — Hélas ! Josaphat ne peut l’attribuer qu’à lui-même. Celui qui donne la main à l’impie, ne doit pas se plaindre s’il est renversé, lorsque la foudre frappe la maison de son allié. Josaphat pouvait prêter secours à Joram ; mais il était allé trop loin en répondant avec tant de chaleur : Fais ton compte de moi comme de toi et de mon peuple comme de ton peuple. Il ne lui avait pas même rappelé par un seul mot qu’il avait mérité la révolte des Moabites en abandonnant lui-même le Dieu de ses pères. C’était mal de témoigner tant de tendresse à un apostat idolâtre, et l’on ne peut considérer cette conduite que comme le fruit d’un moment de faiblesse et d’oubli de Dieu. Le bon roi devait donc en recevoir de l’humiliation, et une humiliation qui restât profondément gravée dans son cœur pour le préserver désormais de retomber dans cet égarement ; c’est pourquoi il ne fut point épargné par la main de Dieu. Mais tandis que Joram fut châtié, Josaphat fut visité par l’amour de son Père céleste.
La malédiction et la colère ne sauraient plus jamais atteindre les enfants de Dieu ; Christ est celui qui s’est chargé de tous nos péchés et les a portés en son corps sur le bois ; il a sauvé les siens pour toujours ; il les a soustraits à la malédiction de la loi, lorsqu’il s’est offert lui-même en sacrifice pour leurs iniquités ; celui qui n’a point connu le péché a été fait péché, afin que nous devinssions justice de Dieu en lui. Il n’y a donc plus de condamnation pour ceux qui sont en Christ. Malgré nos nombreuses misères, malgré nos péchés de tous les jours, rien ne saurait ni altérer, ni détruire l’amour que Dieu nous a témoigné en son Fils. Sans doute le vieil homme est encore vivant au-dedans de nous ; mais il a reçu son châtiment, il a été blessé à mort. La sentence de condamnation est attachée à la croix de Christ ; il ne sera plus fait aucune mention de nos iniquités, la justice éternelle a écrit, avec le sang de l’Agneau, une amnistie en notre faveur. Dès l’instant où j’ai cru cette grâce ineffable, cherche-t-on à m’effrayer par les menaces de la loi, je répondrais avec assurance : Allez, je sais en qui j’ai cru. Si quelqu’un me disait : « Prenez garde ! Dieu vous maudira ; » je le regarderais comme un homme qui ignore ce que c’est que les mérites de mon Rédempteur. Si j’entendais un fidèle s’écrier : « Voilà ! j’ai reçu le châtiment de mes péchés ; » je me croirais en droit de penser qu’il n’est point encore éclairé ; car, si le châtiment qui nous apporte la paix est tombé sur Jésus, nul châtiment ne saurait plus atteindre ceux qu’il a rachetés. Le châtiment, en effet, n’est plus un mal pour le chrétien, mais un bien réel, une des plus grandes marques d’amour que son Dieu puisse lui donner. Sans doute elle n’était pas douce la coupe de Job, non plus que celle de Lazare ; elle l’était moins encore celle de ce frère de Corinthe qui fut pour un temps livré à Satan ; et toutefois, au fond de ces coupes il ne se trouvait pas une seule goutte de colère, pas le moindre atome de malédiction. N’en eussent-elles contenu qu’une ombre, la justice de Dieu eût été anéantie et le Rédempteur aurait dû redescendre du ciel ; l’œuvre qu’il a accomplie eût été déclarée imparfaite ; il n’aurait point vidé jusqu’à la lie le calice de la colère, ni expié tous les péchés des siens. Dès l’instant que nous avons cru, notre position à l’égard de Dieu n’est plus ce qu’elle était auparavant, et si je m’afflige profondément lorsque le péché vient à me surprendre, c’est là un des résultats de la vie nouvelle qui est en moi ; mais si je tombe dans le désespoir, cela vient de mon incrédulité. Ainsi donc, mes frères, je puis faire le compte des transgressions de ma vie passée avec des sentiments analogues à ceux d’un général victorieux qui voit devant lui ses ennemis désarmés et enchaînés ; je puis entendre retentir les menaces et les malédictions de la loi avec le calme d’un soldat qui contemple des canons encloués et des bombes éteintes. Je suis en droit de rassembler les promesses les plus douces, les plus magnifiques, les plus consolantes de la Bible et de dire ; Elles sont à moi. Je me sens autorisé à écarter toutes les menaces de la Parole Sainte : En effet ! ce n’est pas pour les justes que la loi a été établie, mais pour les méchants (1 Timothée 1.9-10). Je puis mourir aujourd’hui avec la même paix que dans un avenir plus ou moins éloigné : car je ne songe point à me présenter devant Dieu avec le trésor de mes bonnes œuvres, mais uniquement avec les œuvres de Christ. Oui, mes bien-aimés, il est indifférent que nous expirions dans un moment de force ou dans un moment de faiblesse, puisque, étant par nous-mêmes toujours faibles, nous sommes toujours forts en Christ.
Mais revenons à notre sujet ; le roi Josaphat, au lieu de se répandre en plaintes, fait comprendre à Joram que c’est auprès de Jéhovah que se trouve le secours. N’y a-t-il point ici quelque prophète de l’Eternel, afin que par ce moyen nous consultions l’Eternel ? Oh ! combien cette voix nous réjouit au milieu du désert ! Quelle douce impression l’on éprouve, lorsqu’on pareilles circonstances, un homme, fût-il seul, se révèle à ses compagnons d’infortune comme un enfant de Dieu, comme un saint de l’Eternel ! Il brille alors comme un astre consolateur au travers des nuages, comme un arc-en-ciel rayonnant sur un ciel sombre, et le lieu de la scène semble s’éclairer peu à peu des lueurs empourprées du matin ! Le noble prince cherche donc un prophète, mais pourquoi ne porte-t-il pas lui-même sa requête devant le trône de Dieu ? Ne dirait-on pas que la conscience de son péché lui en a fermé toutes les portes, lui en a barré toutes les avenues ? Les fidèles de l’ancienne alliance ne connaissaient pas le trésor que nous nommons conscience affranchie ; les rapports de confiance filiale entr’eux et Jéhovah ne subsistaient qu’autant qu’une nouvelle infraction à la loi ne venait pas les détruire. Mais le péché relevait aussitôt le mur de séparation ; dans sa secrète angoisse, les lèvres du pécheur ne s’ouvraient plus, ses regards craintifs s’abaissaient vers la terre, jusqu’à ce qu’un nouveau pardon vînt rendre la force et la vie à son âme abattue. Cependant la médiation des prophètes n’était pas réclamée seulement lorsqu’une sentence intérieure de condamnation empêchait l’accès au trône de la grâce ; elle l’était en général toutes les fois qu’on devait présenter une requête à Jéhovah ; ils passaient pour être en quelque sorte les officiers de sa maison, ses envoyés, ses interprètes, ses confidents sur la terre. Et ils méritaient en effet tous ces titres ; ils étaient les hérauts, les messagers de Dieu, les envoyés chargés des communications entre la Jérusalem céleste et la terre. — Oh ! ne faisons pas un reproche aux rois et aux législateurs modernes de ce que, dans les temps de calamité, nous n’entendons plus sortir de leurs lèvres les paroles de Josaphat ; ne les jugeons pas sévèrement s’ils se contentent de demander un habile général, un ministre d’Etat distingué, un diplomate capable. — Demander un prophète, ne serait-ce pas une amère ironie contre notre siècle ? il peut sans doute jeter des couronnes à pleines mains sur la tombe des prophètes, mais a-t-il un seul Élisée ?…
A la question de Josaphat un des serviteurs du roi Joram répondit : Il y a ici un prophète. — Et qui est ce prophète ? C’est Élisée, le fils de Saphat, celui qui versait de l’eau sur les mains d’Élie, c’est-à-dire, son serviteur et son compagnon. Mais comment se fait-il que notre Élisée se trouve tout à coup dans le voisinage de ce camp, au milieu de ces déserts brûlants ? Rappelez-vous qu’après la scène terrible qui se passa aux portes de Béthel, il s’était retiré dans la solitude. Son cœur sensible avait été profondément remué par l’acte sévère que l’esprit de Dieu l’avait forcé d’accomplir ; son esprit et son corps étaient brisés ; il éprouva le besoin de chercher le repos et de recevoir de Dieu encore une fois l’assurance positive qu’il avait agi selon sa volonté et son commandement formel. Il avait donc pris le chemin qui conduisait aux retraites du Carmel. Après y être resté quelque temps en intime communion avec son Dieu et avoir reconquis sa sérénité habituelle, il retourna à ses travaux au nom du Seigneur et se rendit d’abord à Samarie. Lorsqu’il y arriva, les armées d’Israël étaient prêtes à marcher contre Moab. L’esprit de Dieu et la charité le poussèrent à les suivre. Mais les armes dont il se ceignit n’étaient pas charnelles. Il ne portait d’autre épée que celle de la Parole ; la foi était sa cuirasse et son bouclier. Telle circonstance pouvait se présenter où il aurait l’occasion de rendre de grands services à l’armée de Juda. Une bonne parole, pensait-il, a plus d’une fois contribué au gain d’une bataille, et la prière de la foi est une arme pour le combat. Les mains étendues de Moïse et les ardentes supplications de Samuel se retraçaient à sa mémoire, et rempli d’un joyeux courage, il s’avança vers le camp, le cœur tout ému d’amour pour sa nation. Qui aurait pu croire, en le voyant sans armes dans cette plaine, et couvert de grossiers vêtements de poils de chameau, qu’il fût l’instrument choisi par le souverain arbitre des combats pour décider de l’issue de cette guerre, pour délivrer Israël de sa détresse et d’une destruction presque certaine ?
Cependant, à peine le nom d’Élisée est-il prononcé, que les cœurs renaissent à l’espérance, et Josaphat s’écrie avec joie : La parole de l’Eternel est avec lui. — Ce roi connaissait donc le prophète, il croyait à la divinité de sa mission. Chez lui perce de toutes parts la qualité d’enfant de Dieu ; car, de quelques vêtements qu’ils soient couverts, les enfants de Dieu ne peuvent renier leur origine. La noble étoile de leur ordre, bien qu’ils la portent cachée, les trahit par les feux qu’elle lance ; et dans toutes les positions, elle les fait remarquer comme des hommes qui diffèrent du monde, autant que le monde diffère d’eux. Mais quelle fraîcheur, quelle vérité dans l’histoire biblique ! A peine peut-on dire d’elle qu’elle raconte. Elle ne fait qu’esquisser avec un petit nombre de simples traits. Néanmoins les images qu’elle nous offre sont pleines de vigueur et de vie. On croit assister aux scènes qu’elle décrit, contempler trait pour trait, avec toute l’individualité de leur caractère, les personnages qu’elle dépeint. Maintenant il s’agit de parler au prophète. Mais comment s’y prendre ? Enverra-t-on un messager pour le chercher ? On l’eût fait en toute autre occasion, mais en ce moment personne ne saurait en donner le conseil. Joram lui-même est d’avis qu’on ne saurait montrer assez de respect à l’envoyé de Jéhovah ; après quelques hésitations, les trois rois se décident enfin à aller chercher eux-mêmes le prophète de l’Eternel. Sans plus de détails, ils se dirigent du côté où l’on prétend l’avoir rencontré, et ils ne tardent pas à trouver l’objet de leurs recherches. Je me représente l’homme de Dieu assis sous un térébinthe solitaire au milieu d’un désert aride. Les princes sont debout devant lui ; leur attitude de soumission, leurs gestes suppliants trahissent le but de leur démarche. Quelle scène ! Les rois de Juda, d’Israël et d’Edom debout devant le fils du paysan d’Abel Méhola ! Leur sagesse n’est pas à la hauteur des circonstances, et ils viennent lui demander un conseil. Ils attendent de lui qu’il fera prendre aux événements une tournure qu’avec toute leur puissance ils ne savent leur donner. Élisée doit s’entremettre en leur faveur auprès du Tout-Puissant, et obtenir pour eux la délivrance et la victoire. Il est leur unique refuge au moment de la détresse. Quel triomphe pour le prophète ! Ou plutôt quel triomphe pour Celui qu’il sert ! Ainsi il arrive souvent qu’au temps de la calamité les serviteurs de Dieu sont tout à coup mis en honneur. Que les appuis terrestres viennent à manquer, que toutes les ressources de l’humaine sagesse paraissent épuisées, alors on voit les ennemis les plus endurcis confesser que la position de ces gens-là est pourtant digne d’envie ; on les voit se presser autour des fidèles comme s’ils avaient plus de sécurité auprès d’eux que partout ailleurs, et quelque pressentiment du rempart invisible dont ceux qui craignent Dieu sont partout entourés. Les hommes mêmes qui, dans la prospérité, auraient repoussé avec colère l’approche d’un de ces paisibles chrétiens, prêtent l’oreille à ses paroles au moment de l’angoisse, ils se sentent consolés et rassurés par la promesse qu’il intercédera pour eux. Un empereur, en pareil cas, mettra un pieux valet de chambre au-dessus de tous ses généraux et de tous ses ministres. Un roi espèrera plus des prières de ses serviteurs que de sa propre majesté, que de ses chevaux et de ses cavaliers. C’est ainsi que le monde est parfois forcé de dire : « Vous êtes les bénis de l’Eternel ; votre position est assurée, votre Seigneur est véritablement Dieu, et vous possédez, comme amis de Dieu, des privilèges que nous n’avons pas. » Ces témoignages-là servent à glorifier le Seigneur et son Evangile, et à prouver aux fidèles que le monde n’a rien à donner, mais qu’il est au contraire d’une indigence effrayante. C’est pourquoi le peuple de Dieu le glorifie avec des chants de triomphe de ce qu’il les a élus du monde et introduits dans son royaume de lumière et de joie.
Ah ! s’il est vrai que la présence de cinq justes dans leurs murs eût sauvé les villes de la vallée de Sittim ; s’il est vrai que le Tout-Puissant exauce les prières de ceux qui le craignent et qui l’invoquent au nom de Jésus, il n’y a donc ni superstition ni folie à fonder, en temps de détresse, son espoir sur la présence d’un saint. Non, ce n’est pas jeter l’ancre sur des sables mouvants. De tels hommes sont des paratonnerres vivants (passez-moi l’expression) pour les contrées où s’élèvent leurs demeures. Dans les lieux où ils habitent, habite aussi l’éternel amour ; les célestes bénédictions y abondent ; des remparts invisibles les protègent contre les vagues écumantes qui sans cesse viennent s’y briser. Voilà pourquoi je te bénis entre toutes, ô ma vallée chériea ; car tu peux compter par centaines les enfants de la promesse qui vivent dans ton sein. Tu peux montrer des districts entiers où chaque maison est un tabernacle de Dieu parmi les enfants des hommes, et partout des demeures où l’on ne trouverait pas un Cananéen. Ne vois-tu pas que par cette raison ta paix est protégée par d’invisibles remparts ; que mille fois l’orage a grondé sur tes frontières, tandis qu’on n’apercevait au-dessus de toi que l’arc-en-ciel brillant des bénédictions divines et du céleste amour ? Ne méprise donc point le peuple d’Israël qui habite dans ton sein. Tu te nourris de sa table, et quoiqu’il ne puisse te sauver du malheur éternel si tu ne deviens un avec lui, cependant il est pour toi un mur et un haut-mur, un rocher tout autour duquel jaillissent les torrents de grâces qui tombent sur lui, un canal qui t’amène les trésors des bénédictions célestes.
a – La vallée dont il parle est cette d’Elberfeld (Prusse-Rhénane), où il exerçait son ministère.