Fondé sur le Roc

Chapitre 2

Obéir à Dieu et racheter le temps

Si je vois dans les prières de mes parents la première cause de ma conversion, je dois cependant ajouter qu’au matin même de ce jour mémorable, j’avais reçu une lettre de mon père me disant de rentrer au pays pour y gagner ma vie. Il avait fait des démarches pour me faire entrer à la Banque Royale d’Ecosse. Rien n’était plus contraire à mes goûts. J’avais toujours beaucoup aimé la nature ; aussi m’étais-je tellement attaché à la Suisse que l’idée du départ, et surtout la perspective du travail à la banque, me furent des plus pénibles. Il faut dire que jusqu’alors je n’avais de goûts marqués pour rien, ni dans aucune direction, sauf pour le théâtre et la musique. Cette lettre m’avait donc fortement troublé, mais troublé à salut, comme le prouva ma conversion le soir même.

Voyant ma perplexité, ma tante me conseilla de lire le verset 19 du premier chapitre d’Esaïe : « Si vous obéissez volontairement, vous mangerez le meilleur du pays. » Je lus ce texte et j’eus immédiatement la conviction que je devais obéir à mon père.

Aujourd’hui, en regardant en arrière, je vois que Dieu dirigea chaque détail, voulant que je commence la vie chrétienne par l’obéissance à qui de droit. Si la Bible parle de l’amour de la vérité pour être sauvé, elle parle également du fait que l’Esprit de Dieu veut donner aux Siens l’amour de l’obéissance — cette obéissance qui n’est pas propre au cœur de l’homme, par nature enfant de rébellion. Le jeune chrétien doit commencer par obéir à qui il doit obéissance. Quand cette question est résolue une fois pour toutes dans sa vie, que de souffrances lui sont épargnées ! Devant lui s’ouvre un chemin étroit, mais toujours béni, où Dieu conduit Son enfant en avant, à condition que le fondement de sa relation avec Lui soit solidement établi.

J’ai déjà parlé de l’immense grâce qui est faite au jeune chrétien dont le père et la mère prient. Mais cela ne suffit pas, il faut qu’à son tour il comprenne qu’il est nécessaire d’obéir, d’être fidèle dans les petites choses. Il ne discernera peut-être pas d’emblée l’utilité de cette grâce, la valeur spirituelle de cette obéissance, de cette fidélité ; c’est plus tard qu’il en constatera les fruits. Car dans chaque acte d’obéissance se trouve une semence de bénédiction à laquelle Dieu donnera croissance.

Ce texte d’Esaïe 1.19 m’a constamment accompagné dans la vie. Je l’ai fait lire à combien de jeunes chrétiens pour lesquels il a été une lumière sur le sentier, mettant fin à leurs perplexités. Et j’ajoute que de nombreuses années de service pour Dieu m’ont appris qu’en effet, si nous obéissons, nous pouvons remettre à Dieu toutes les conséquences de notre obéissance, sachant qu’Il dirigera tout pour le mieux.

Cet acte d’obéissance volontaire m’a donc conduit dans un chemin qui n’était pas de mon choix. Mes trois frères étaient à la Faculté de théologie d’Edimbourg. De ce fait, j’étais constamment en contact avec le milieu universitaire, tout en étant le seul de ma famille à « gagner ma vie », et cela dans un travail monotone et sans grand avenir. Je m’y donnai cependant avec ardeur, bien qu’ignorant l’utilité de ce chemin et combien le Père céleste avait été sage en le choisissant pour moi.

Il connaît la raison pour laquelle Il permet un chemin difficile. C’est pourquoi, que le jeune chrétien prenne patience dans n’importe quelle situation où Dieu le place. Qu’il comprenne bien que la préparation au service de Dieu commence le jour même où l’on s’y consacre. Dieu emploie toutes les circonstances et dirige les moindres détails de la vie de celui qui Lui obéit, sans que celui-ci s’en rende nécessairement compte. La vie de berger au fond du désert était une préparation nécessaire à Moïse, le législateur. La vie de pêcheurs était une préparation nécessaire à ces hommes de Galilée destinés à devenir pêcheurs d’hommes. Que le jeune chrétien apprenne seulement à placer sa vie sous la clarté de la face de Dieu, alors plus rien n’est inutile. Pour Dieu, il n’y a pas de temps perdu dans la vie de celui qui Lui est entièrement consacré. Tout l’avenir est en formation, en état de germe dans le présent. Que les jeunes le sachent, qu’ils patientent et demeurent fidèles en toutes choses, d’abord dans les petites, et ensuite dans les grandes.

L’un des fruits de mon temps à la banque fut aussi de m’apprendre à connaître les hommes d’affaires, avec la mentalité qui leur est propre. Partager les occupations, faire notre part du travail journalier qui est le lot de la majorité de nos semblables, nous aide à les comprendre. Combien il serait bon que tous les jeunes serviteurs de Dieu, qui ont en vue le ministère sacré, aient un métier à leur disposition et qu’ils soient toujours prêts à se mettre à la tâche la plus humble ! Quelle source d’enrichissement spirituel y trouverait l’Eglise ! Combien cela leur aiderait à gagner la confiance d’un monde trop souvent prévenu contre notre Seigneur, et parfois par la faute de Ses propres enfants. Les événements se chargeront peut-être de nous obliger à revenir à cet exemple apostolique qui ne peut nuire à personne, mais qui peut enrichir l’expérience de chacun.

Un second avantage de ma situation fut que mon travail durait généralement de neuf à seize heures ; le reste de la journée, j’étais libre et je sus mettre ce temps à profit. Dieu avait permis qu’avec ma conversion et grâce aux influences qui m’y avaient préparé, je reçusse l’amour de la Bible et le désir de la connaître. La joie que j’avais à l’étudier a certainement été renforcée par le ministère de notre pasteur, le Rev. G. Wilson, lui-même docteur en théologie de l’Eglise nationale, homme profondément spirituel et qui savait exprimer, dans ses prédications, la moelle de la Parole.

C’est non par contrainte, mais pour satisfaire un profond besoin de mon cœur que je passais mes soirées dans ma chambre à étudier la Bible, aidé, bien entendu, par ce qui est offert aux chrétiens de langue anglaise en matière d’éditions de la Bible et d’ouvrages bibliques. Tout ce que j’appris ensuite à Glasgow fut un précieux complément de ce que j’avais déjà assimilé de la Parole divine. Il n’y a là aucun sujet de gloire pour moi-même ; mais cette étude du texte des Saintes-Ecritures, qui a commencé alors et n’a jamais cessé, représente plutôt une responsabilité accrue. Sept années consécutives à l’école de la Parole de Dieu, quelle grâce immense, permettant d’extraire de cette mine de trésors des richesses destinées à toute l’Eglise de Dieu, ou du moins à ceux de Ses enfants qui les désirent ! Jeunes gens, étudiez la Bible pendant que vous le pouvez !


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Dans ce même ordre d’idées, un autre don du Père céleste, dont je ne compris pas immédiatement la valeur, fut ceci : Bien que laïque sans aucune prétention ni expérience, je saisissais les occasions qui m’étaient données de m’occuper d’évangélisation, chose toute nouvelle pour moi. La rigidité et le formalisme de notre Eglise nationale ne se prêtaient guère à ce genre d’activité. Maïs le véritable amour de la Bible donne aussi le véritable amour des âmes.

L’arrivée en Ecosse du Dr R.-A. Torrey, et ses grandes campagnes d’évangélisation, sujet que je traiterai à part, ont été dans cette direction une des plus grandes influences spirituelles qui agirent sur ma vie. Mais indépendamment de cela, je rachetais le temps pour m’occuper — bien imparfaitement — de l’évangélisation, surtout dans les bas-fonds. Et ce fut une grande bonté de Dieu à mon égard, car on peut perdre tellement de temps dans des choses peut-être bonnes en elles-mêmes, mais qui ne sont pas ce christianisme agressif qui s’occupe non de soi-même, mais des autres.

A ce moment de ma vie — je le constate aujourd’hui — l’ennemi chercha à me tendre divers pièges pour me faire dévier du chemin de la simplicité telle qu’elle est en Jésus-Christ. Par exemple, je fis la connaissance d’un chrétien qui s’efforça de me faire entrer dans ce qu’il pensait être la seule voie, la seule église, la seule « marche scripturaire ». Mais je devins conscient du fait que sous son influence mon zèle et mon amour pour les âmes se refroidissaient. Au moment où j’éprouvais ce malaise intervinrent ces grandes campagnes d’évangélisation du Dr Torrey qui m’absorbèrent complètement et me sortirent de cette tentation, de ce piège.

Puis vint un prédicateur itinérant qui exposait la prophétie et accompagnait ses conférences de toutes sortes d’images des visions de Daniel. La prophétie était chose toute nouvelle pour moi, et naturellement, avec ma soif de connaître la Parole, j’éprouvai une certaine attirance dans cette direction. Mais cette fois encore, je fis une expérience due à la seule bonté paternelle de Dieu. Malgré mon intérêt pour les prédications de cet homme, j’éprouvais à son égard un certain malaise. Je lui demandai un jour qui il était, quelle œuvre il représentait. Sa réponse fut évasive. Je le pressai de questions ; ses réticences augmentèrent, et je compris que ses intentions n’étaient pas absolument pures. A ce moment-là, l’Esprit de Dieu m’a certainement protégé et conduit.

Cette expérience me convainquit pour toujours que tout doit être limpide dans le témoignage chrétien, et qu’il ne faut jamais cacher ses intentions véritables par une prétendue spiritualité qui se défend de se rattacher à « aucune dénomination », etc.

Pour le jeune chrétien qui a soif de connaissance, il existe des pièges que le diable sait mettre sur son chemin. Cette expérience m’amena aussi à comprendre que la prophétie commençait à m’occuper davantage que le Seigneur Jésus Lui-même et le salut des âmes. J’attribue uniquement à la bonté du Père céleste et à l’effet des prières qui m’entouraient le fait que j’aie pu comprendre ce danger à temps.

Voilà comment je fus sauvegardé. J’appris une fois pour toutes à ne jamais me spécialiser dans aucune doctrine biblique, si intéressante soit-elle, à me main- tenir sur le terrain de la Parole dans mon témoignage et dans l’enseignement, selon le principe « ce que la Bible dit de la Bible » qui devint celui de l’Ecole Biblique de Genève. Je compris que chaque doctrine doit être étudiée à la lumière de l’ensemble des vérités bibliques.

Mais cela m’entraîne hors de mon sujet : la nécessité de racheter le temps, soit dans l’étude de la Bible, soit en nous occupant du salut des autres.

Je vois aujourd’hui dans ces expériences du début le germe de l’œuvre de l’Action Biblique. Je voudrais que tout jeune converti qui lit ces lignes comprenne devant Dieu qu’il est responsable de l’emploi de son temps. Les jours viendront où il aura une vie très remplie, mais si dès le début il a appris à racheter le temps, à le consacrer à Dieu pour son meilleur emploi, il ne le regrettera jamais. Cette bonne habitude prise, il est étonnant de constater combien de travail peut être accompli, et cela sans s’épuiser ni tomber dans un zèle charnel.

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