Il est dit, Genèse 2.2-3 : « Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite ; et il se reposa au septième jour de toute son œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu’il avait créée en la faisant. »
[Nous préférons pour ces derniers mots la traduction littérale donnée par la Version de Lausanne à celle par trop sommaire de Segond : qu’il avait faite. C’est cette dernière version où nous puiserons nos citations, en indiquant quand nous ne la suivrons pas.]
Il faut entendre dans le verset 2 : « Dieu acheva, » dans le sens de : avait achevé. Cela ressort du contexte, soit de ce qui précède, soit de ce qui suit. Mais il est certain que le repos de Dieu au septième jour n’implique point en Dieu une absence d’activité (Jean 5.17). Il n’implique sous ce rapport que la cessation de l’activité créatrice proprement dite, comme la fin du verset 3 semble l’indiquer nettement : « Il se reposa de toute son œuvre que Dieu avait créée (ברא) en la faisant. »
L’idée de repos qui est exprimée aux versets 2 et 3 par le terme שׁבת encore plus fortement Exode 20.11, où le mot employé est ויּנח, et Exode 31.17, où sont réunis les mots שׁבת et ויּנפשׁ (Segond : il a cessé son œuvre et il s’est reposé. Lausanne : Il s’est reposé et a respiré. ) Evidemment nous ne saurions admettre qu’il y ait eu fatigue en Dieu ni pendant, ni après la création. Mais il ne faudrait pas non plus restreindre l’idée du repos de Dieu dans le 7e jour à l’idée de la cessation de l’activité créatrice. Il faut y joindre, au moins, l’idée de la satisfaction qui suit une œuvre accomplie et bien accomplie. Il est dit, Genèse 1.31 : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici, cela était très bon. » (Comp. v. 13, 18. )
Dieu bénit le 7e jour et il le sanctifia : évidemment pour ses créatures et tout spécialement pour l’homme, la plus élevée des créatures dont il avait été question dans le récit. Dieu bénit le 7e jour, c’est-à-dire il en fit un jour spécial de bénédiction à côté des six jours qui devaient le précéder, un jour qui devait être une source de bénédiction, de bonheur. Il le sanctifia, non pas proprement : Il le mit à part, comme pourrait le faire penser une étymologie qui nous paraît erronée, mais : Il le déclara saint et il le fit saint, il en fit une source de sainteté.
Selon Œhler, l’opinion la plus vraisemblable est que le verbe קדשׁ apparenté avec חדשׁ, être nouveau (d’où חדשׁ la nouvelle lune), remonte à la racine דשׁ, d’où vient aussi דּשׁא, verdir, pousser, et qu’il signifie primitivement sortir en brillant (enituit, glänzend hervorbrechen). Delitzsch compare d’une manière analogue le verbe קדשׁ au sanscrit dhûsch, splendidum, pulchrum esse.
[Keil, Genesis und Exodus, p. 457. — Dans l’article de la Real-Encyklopadie, sur la sainteté de Dieu (1879), Delitzsch estime que selon l’étymologie de קדשׁ, qui lui paraît la plus vraisemblable, le mot viendrait non d’une racine (Lautverbindung) דשׁ, mais d’une racine קד, signifiant primitivement « diviser, séparer, » mais que le terme d’opposition sous-entendu ne serait pas directement « ce qui est ordinaire et commun, » mais « ce qui est physiquement défectueux, maladif. » En fait, il arrive ainsi par une autre voie au même résultat que nous. Dieu serait saint en tant qu’il serait, au point de vue négatif, labis expers et, au point de vue positif, parfait. Delitzsch cite à l’appui de son opinion une formule d’incantation suméro-assyrienne, où le mot assyrien kudistu (קדשׁה) a pour équivalent nu-gig, pouvant très bien signifier labis expers (nu = pas, gig = malade ou maladie).]
Il y aurait donc primitivement dans קדוֹשׁ l’idée de la lumière apparaissant avec éclat, et cela serait confirmé surtout par Ésaïe 10.17, passage dans lequel le Saint d’Israël est aussi appelé la lumière d’Israël. Voir aussi 1 Timothée 6.16 ; 1 Jean 1.5, etc.
Dieu serait alors le Saint en tant qu’il est, comme s’exprime un dogmaticien luthérien moderne (Thomasius, Dogmatik) : « Celui qui est absolument pur, la lumière absolue et sans tache. » Déjà Quenstedt avait défini la sainteté de Dieu comme étant « summa omnisque labis expers in Deo puritas. » Le sens fondamental de קדוֹשׁ est bien aussi, selon Gesenius, être pur.
« Il ne faudrait pas rapprocher, dit Diestel קדוֹשׁ de קד.ֻד abscidit, pour arriver ainsi à l’idée de séparer, mettre à part ; car alors il faudrait rattacher à la même ligne de dérivation קדר sordidus fuit, et קדוֹשׁ, purus fuit. » Dieu sanctifia le 7e jour, c’est-à-dire en fit une source de sainteté, de pureté morale, de lumière spirituelle.
Dieu sanctifia ce jour et par conséquent il se le consacra, il en fit pour l’homme une source de consécration à Dieu, car il est clair que pour l’homme, l’idée de la sainteté est essentiellement celle de la consécration à Dieu, de l’obéissance à ses commandements, de la communion avec lui.
Dieu est sa loi à lui-même, tandis que l’homme a sa véritable loi en dehors de lui. Sans doute, en étant appelé à être saint, l’homme est appelé au plein développement de sa personnalité ; mais ce développement même ne saurait s’opérer qu’autant que l’homme se subordonne à la volonté divine. Ce n’est que dans l’obéissance à Dieu, obéissance qui est aussi une communion avec lui, que l’homme devient vraiment libre, en devenant vraiment fort, vertueux, saint. Aussi la sainteté de l’homme est-elle en même temps et même essentiellement une consécration extérieure, bien que profondément intime, un don de soi à un autre et à un autre infiniment supérieur, vraiment parfait. (Voir Exode 13.2 ; 28.36 ; 39.30 ; Zacharie 14.20 ; Lévitique 27.14, etc.)
Mais en étant sanctifié, consacré à Dieu, l’homme est ainsi mis à part pour Dieu, et cette mise à part, avant tout spirituelle, est doublement prononcée, elle s’accentue d’une manière toute nouvelle, si le milieu dans laquelle se trouve l’homme sanctifié, est un monde plongé dans le mal (1 Jean 5.19). On arrive ainsi par l’idée de la sanctification à celle de la mise à part, toutefois cette dernière idée n’est pas le point de départ, il est tout autrement positif.
Dieu sanctifia donc le 7e jour et par là il en fit pour l’homme une source de sainteté ou de sanctification. Mais, pour que ce jour devînt tel pour l’homme, il fallait évidemment que celui-ci s’y prêtât librement et lui-même sanctifiât le jour en le reconnaissant comme saint, consacré à l’Éternel, et en se conduisant en conséquence.
Si maintenant nous demandons comment l’homme devait précisément sanctifier ce jour, nous ne trouvons aucune réponse biblique directe, et au fond nous ne saurions nous en étonner. La Genèse a été rédigée non pour l’homme innocent, mais pour l’homme déchu ; et le commandement du sabbat devait apparaître sous une nouvelle forme très détaillée et à quelques égards fort modifiée, quand les temps seraient venus où Dieu pourrait restaurer en quelque manière l’institution, pour le peuple de l’Ancienne Alliance. Plus tard encore l’institution devait recevoir une lumière toute nouvelle dans l’Alliance définitive et humanitaire. Nous sommes donc réduits pour le commandement paradisiaque à des déductions tirées des termes mêmes de l’institution du sabbat primitif, de l’idée que nous pouvons nous former de l’homme innocent, et aussi des enseignements de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance sur le Jour du Seigneur. Or voici à quoi nous arrivons ainsi :
- L’homme devait suspendre son travail ordinaire pour se reposer, et cela afin d’accomplir un divin commandement, impliqué, ce nous semble, dans l’exemple donné par le Créateur à celui qu’il avait créé à son image, et dans le caractère sacré qu’il avait tout de suite imprimé au 7e jour.
- Il devait profiter de ce repos pour commémorer le commandement de l’Éternel en rattachant ce commandement à l’exemple donné par l’Éternel lui-même lors de la création des cieux et de la terre.
- Il devait commémorer ainsi la toute-puissance créatrice de l’Éternel, le rapport de dépendance spirituelle absolu dans lequel l’homme se trouve constamment vis-à-vis de lui, et tous les devoirs liés à ce rapport.
- Il devait adorer Dieu. Il devait le prier, soit pour lui rendre grâces, et lui rendre grâces particulièrement au sujet des bénédictions apportées par les six jours précédents, soit pour implorer la continuation de son secours, de nouvelles bénédictions, particulièrement pour la série des jours ouvriers qui allait commencer.
- Il devait se recueillir, s’édifier, s’efforcer de vivre d’une manière spéciale dans la pensée et dans la communion de l’Éternel.
Comme nous voyons les premiers fils d’Adam offrir à l’Éternel des sacrifices : l’un, une offrande des fruits de la terre, l’autre, une offrande des premier-nés de son troupeau et de leur graisse (Genèse 4.3), et que le sacrifice n’est point en soi nécessairement expiatoire, nous pouvons admettre encore que l’adoration au 7e jour dut ne pas tarder à se manifester sous la forme du sacrifice.
Dieu bénit le 7e jour et il le sanctifia. Il le bénit en le sanctifiant. Ce jour ne devait produire toutes ses bénédictions que dans la mesure où il serait sanctifié, et les bénédictions mêmes dont il devait être la source, devaient encore augmenter sa sanctification de la part de l’homme, ainsi que son influence sanctifiante. « Le σαββατισμὸς du Créateur, dit Delitzsch, doit devenir le σαββατισμὸς de la créature. Aussi, en bénissant le 7e jour, en fait-il pour elle une source intarissable de rafraîchissement et, en sanctifiant ce jour, il le revêt d’une gloire particulière pour la nouvelle carrière historique qui commence pour l’humanité. Car קדּשׁ signifie approprier la qualité du קדוֹשׁ et le קדוֹשׁ est le saint. »
Il y a donc eu, selon nous, une institution divine primitive d’un jour hebdomadaire de repos, et cette institution fut déjà paradisiaque. Mais, nécessaire et excellente déjà pour la vie d’innocence, elle devait le devenir bien plus encore après la chute de l’humanité. Ce caractère paradisiaque de l’institution du sabbat nous semble ressortir de Genèse 2.2-3 et être pleinement confirmé par Exode 20.8-11, qui devra plus tard réclamer notre attention.
Nous ne saurions donc être de l’avis de M. de Pressensé, disant : « Faire remonter le sabbat jusqu’au jardin d’Eden, c’est oublier les conditions de l’innocence, qui n’admet pas le partage de la vie entre le profane et le sacré. »
[Conférences de Genève, I, p. 33. Nous lisons dans le Dimanche, du même auteur, p. 8 : « A son entrée dans l’existence terrestre, l’âme humaine, cette noble fiancée de l’Esprit saint, a reçu le gage de sa vocation à la vie céleste. Ce gage, cet anneau de fiançailles, si j’ose ainsi dire, c’est le sabbat. Le Dr Capadose a exprimé cette idée dans cette belle parole : « Le premier jour que l’homme a passé sur la terre l’a élevé au-dessus de » la terre ; car ce fut un sabbat. »]
Nous sommes bien plus d’accord avec M. F. Godet, quand il dit : « L’institution du sabbat humain avait deux buts. Le premier se rapportait à la vie et à l’activité naturelles de l’homme. Le corps et l’âme de l’homme n’étant point d’essence divine, un repos périodique leur est nécessaire à l’un et à l’autre en raison de leur débilité et de leur fragilité naturelles. Mais ce but n’était que secondaire, comme les éléments de notre être auxquels il se rapporte. Le vrai but du sabbat c’était de préparer l’homme à la vie supérieure en vue de laquelle il a, dès l’abord, reçu l’existence. Une activité terrestre non interrompue eût fini par absorber l’homme et par étouffer en lui toute aspiration à la vie supérieure et tout pressentiment de son union future avec l’Esprit Saint. Si cela s’applique à l’homme innocent et pur, combien plus à l’homme retenu loin de Dieu par le péché ! C’est par cette raison que, au moment même où vont commencer les diverses occupations naturelles renfermées dans cet ordre : « Croissez, multipliez et assujettissez la terre » (Genèse 1.28) et résumées dans cette autre expression : « cultiver le jardin » (Genèse 2.15), … Dieu, par une touchante anticipation, a eu soin de fonder le sabbat et de prescrire ainsi d’avance une interruption périodique dans le cours des occupations terrestres. »
Il y avait donc une intime et admirable correspondance entre le sabbat primitif et la constitution intime de l’homme déjà tel qu’il était sorti des mains du Créateur, et cette correspondance a été formulée par le Seigneur lui-même quand il a dit : « Le sabbat a été fait à cause de l’homme (διὰ τὸν ἄνϑρωπον). » (Marc 2.27)
Mais cette correspondance n’était pas la seule. Il y en avait une autre non moins remarquable, qu’on peut pressentir : N’y a-t-il pas toujours l’harmonie la plus profonde entre le Créateur et toutes ses œuvres, entre l’homme et la nature au sein de laquelle il a été placé, dont il devait être la couronne. Cette autre correspondance existait entre le repos du 7e jour et l’ordre extérieur de la nature, surtout le cours des astres, spécialement celui de la lune. La lune, en effet, par sa révolution autour de la terre et par ses quatre phases mensuelles, qui durent chacune à peu près sept jours, détermine naturellement et en gros le mois et la semaine.
[Le temps que la lune emploie à revenir à la même étoile, dit F. Arago (Astronomie populaire, 1856, III, p. 875), est ce qu’on appelle la durée de la révolution sidérale. Ce temps était au commencement de ce siècle de 27,32 jours solaires. Ce temps n’est pas le même dans tous les siècles : depuis les plus anciennes observations jusqu’à nous, la révolution sidérale est devenue de plus en plus courte. Mais la théorie ayant fait connaître la cause de l’accélération du mouvement de la lune, on peut affirmer que la durée de la révolution restera renfermée entre des limites assez rapprochées, et qu’à l’accélération actuelle succédera un retardement. Le temps que met la lune à revenir au cercle horaire mobile du soleil, ou la durée de la révolution synodique, est naturellement plus long que le temps de la révolution sidérale ; sa valeur est aujourd’hui de 29,53 jours. On voit pourquoi nous disons aujourd’hui, car il est évident que la durée de la révolution synodique doit être variable comme celle de la révolution sidérale. »]
Ce rapport du cours de la lune avec le mois et la semaine nous semble déjà exprimé dans Genèse 1.14-16 : « Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel pour séparer le jour d’avec la nuit, et qu’ils servent de signes et qu’ils marquent les temps fixés, les jours et les années, et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel pour éclairer la terre. Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit. Il fit aussi les étoiles. »
Ce rapport devait plus tard être exprimé bien plus nettement dans Psaumes 104.19 : « Il a fait la lune pour marquer les temps fixés » et dans Ecclésiastique.43.6-8, où nous suivrons surtout la version de la Bible de Paris, 1850 : « La lune toujours paraît à son moment, faite pour marquer les temps et être le signe du temps. De la lune vient le signe de la fête ; elle est un luminaire qui diminue jusqu’à ce qu’il disparaisse. Le mois est désigné d’après son nom ; elle croît en son changement d’une façon merveilleuse… »
[ἀνάδειξις χρόνων καὶ αἰῶνος, version de Paris : les époques. ἀπὸ σελήνης σημεῖον ἑορτῆς, Paris : sur la lune est pris le signe d’un jour de fête. φωστὴρ μειούμενος ἐπὶ συντελείας, Paris : luminaire qui diminue vers la perfection. J’ai traduit les deux derniers mots grecs comme la version de Genève de 1805, de Wette et Bunsen. En grec μήν signifie mois et μήνη, lune. En hébreu, חדשׁ signifie à la fois nouvelle lune et mois, etc.]
Mais il nous faut revenir sur Genèse 1.14, qui est traduit assez diversement et dont il est difficile de se rendre bien compte. Nous n’avons pu traduire, avec Segond et bien d’autres, en subordonnant complètement l’idée de signe à celle de la désignation des temps fixés, des jours et des années, comme si les astres ne devaient servir de signe que pour ces désignations. (Voir, par exemple, Genèse 9.12-17 ; 15.5 ; Matthieu 2.1-10 ; 24.27-30.)
D’autre part, nous ne pouvons pas non plus traduire littéralement, comme le font les Septante, la Vulgate, Luther, etc., en mettant absolument sur la même ligne signes, temps fixés, jours et années. L’idée du signe et celle des temps fixés, des jours et années forment deux groupes distincts. Les astres peuvent être des signes, mais on ne peut pas dire de la même manière qu’ils sont des temps fixés, etc.
Quant à l’expression difficile de מוֹעדים je l’ai traduite le moins mal possible par : temps fixés, exactement comme Dillmann (feste Zeiten). Des Marets, Paris 1850, Lausanne 1866 : les saisons. Segond et Bible annotée : les époques. Bunsen, de Wette : Zeiten. Le Bibelwerk de Bunsen voit dans les מוֹעדים de Genèse 1.14 les temps de fête de la nouvelle lune et du sabbat, et il rapporte la distinction des jours à celle des mois.
[מוֹעד, qui vient de יעד, fixer, déterminer, signifie, d’après Gesenius : 1° Temps déterminé ; a) époque (Genèse 17.21 ; Jérémie 8.7 ; Habakuk 2.3 ; Daniel 8.19 ; 11.27-35 ; en particulier, jour de fête. מוֹעדי יהוה, fêtes de l’Éternel (Lévitique 23.2, 4, 37, 44) ; plus rarement : b) période (Genèse 1.14) ; en particulier, dans le style prophétique, pour l’année (Daniel 12.7). 2° Réunion, assemblée. 3° Lieu de réunion. 4° Signe convenu.]
Keil comprend dans les מוֹעדים non seulement les temps de fête, mais aussi les temps fixés, sur lesquels seuls insiste Delitzsch, à savoir ceux qu’il est utile de connaître pour l’agriculture, la navigation, etc., comme aussi ceux que révèle la vie des plantes, des animaux, de l’homme. Dillmann distingue dans les מוֹעדים d’une part, les jours de fête ; de l’autre, les semaines, les mois, les saisons, les temps marqués par les occupations des hommes comme pour la vie des animaux et des plantes. Selon la Bible annotée, le mot « sert probablement à désigner ici les mois et les semaines, qui sont fixés d’après le cours de la lune et d’où dépendent les temps de fête. »
De même que le signe me semble dans le verset se rapporter en particulier, mais non exclusivement, à la désignation des temps fixés, des jours et des années, je serais disposé à rattacher d’une manière générale les idées de semaine et de sabbat à la désignation soit des temps fixés, soit des jours.
Après avoir ainsi traité, d’après Genèse 2.2-3, de la fondation du sabbat tout au début de l’histoire de l’humanité, cherchons si, malgré l’effroyable perturbation introduite par la chute, cette institution a laissé des traces dans l’histoire jusqu’à la promulgation du Décalogue. Nous étudierons sous ce rapport d’abord l’Ancien Testament, puis les documents païens.
Mais, comme nous venons de le dire, ce sont des traces, des vestiges que nous allons rechercher. Nous ne pourrions guère espérer davantage dans le cas le plus favorable. On ne sera donc pas étonné si nous relevons des détails qui parfois peuvent être interprétés d’une manière différente et dont la force probante provient surtout de leur ensemble. Nous avertissons en particulier que parmi les traces que nous poursuivons, se trouvent celles de la semaine, de la véritable semaine, celle de 7 jours, bien que si l’existence du sabbat entraîne nécessairement celle de la semaine, l’existence de celle-ci ne suppose pas aussi rigoureusement celle du sabbat.
[Le mot semaine vient du mot latin septimana, qui vient lui-même directement ou indirectement de septem, sept. Il viendrait aussi de mane, matin, s’il faut en croire Isidore de Séville, qui dit (Etym. V, 32) : « Hebdomadem nos septimanam vocamus, quasi septem luces ; nam mane lux est. » (Ideler, II, p. 181.) — Les Romains avaient aussi, et antérieurement, emprunté aux Grecs le mot hebdomas, qui correspond exactement à ἑβδομάς et à שׁבוּע. Hebdomas chez les Romains signifia d’abord septaine. (Voir Ideler, I, p. 89.) — C’est donc par catachrèse qu’on se sert quelquefois et que nous pourrons nous servir nous-même d’expressions comme celle-ci : semaine de dix jours. Littré ne parle pas même d’une semaine autre que celle de sept jours.]