S’aimer

Chapitre II

A la découverte de la vérité

Il importe de dissiper d’abord un grave malentendu, combien persistant dans la pensée de tous ceux qui n’ont qu’une vague connaissance de la Bible.

L’idée s’est répandue dès longtemps que la faute de l’homme, appelée communément la chute, n’était autre que l’acte sexuel entre Adam et Eve. Il est vrai que cette théorie a connu des défenseurs jusque chez certains Pères de l’Eglise ou prédicateurs, plus acharnés à dénoncer les vices de leurs ouailles qu’à proclamer la vérité scripturaire, Même un Bossuet a donné dans ce genre reconnu aujourd’hui infidèle à la vérité chrétienne. C’est dans une de ses lettres que l’on trouve ces mots si singuliers : « Souillés dès notre naissance et conçus dans l’iniquité, conçus parmi les ardeurs d’une concupiscence brutale, dans la révolte des sens et dans l’extinction de la raison, nous devons combattre jusqu’à la mort le mal que nous avons contracté en naissant. » C’est pour avoir pris au sérieux ce discrédit jeté ainsi sur la vie sexuelle que certains époux chrétiens ont compromis leur intimité conjugale par une forme de retenue qui va jusqu’à la mauvaise conscience et au mépris des désirs physiques. Or, rien n’est plus contraire à la vérité que ce mépris du corps et de l’instinct sexuel en particulier. Nulle part la Bible ne laisse entendre que l’union charnelle soit une faute, sauf si elle est vécue en dehors des liens du mariage.

L’instinct physique de l’amour est un don de Dieu pour lequel l’homme est appelé à rendre grâces. Et si au chapitre trois de la Genèse il est fait mention du changement intervenu dans les relations entre Adam et Eve, pas un seul instant le texte ne laisse entendre que la vie sexuelle soit à confondre avec le péché. Lisez plutôt :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs qu’avait faits le Seigneur Dieu. Il dit à la femme : Dieu vous a-t-il vraiment défendu de manger du fruit d’aucun arbre du jardin ? La femme lui répondit : Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point, vous n’y toucherez point, de peur de mourir. Non, reprit le serpent, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait bien que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.

La femme, voyant que le fruit de l’arbre était bon à manger, appétissant d’aspect et précieux pour ouvrir l’intelligence, en prit, en goûta et en présenta aussi à son mari, qui était avec elle, et il en mangea. Alors, leurs yeux à tous deux s’ouvrirent ; ils virent qu’ils étaient nus et, ajustant ensemble des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures. Ils entendirent le bruit des pas du Seigneur Dieu, qui se promenait dans le jardin à la brise du soir. L’homme et la femme se dissimulèrent aux regards du Seigneur Dieu, parmi les bosquets du jardin, mais le Seigneur rappela l’homme : Où es-tu ? dit-il. Il répondit : J’ai entendu le bruit de tes bas dans le jardin, j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Le Seigneur Dieu dit : Qui t’a révélé que tu étais nu ? Aurais-tu mangé du fruit de l’arbre que je t’avais interdit de goûter ? L’homme répondit : La femme que tu m’as donnée m’a présenté ce fruit, et je l’ai mangé. Le Seigneur Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? — Le serpent m’a trompée, répondit-elle, et je l’ai mangé.

Le péché n’est donc pas l’acte sexuel. À la lumière même de ce récit, le péché, fruit de l’orgueil, est le refus de l’homme de rester fidèle et soumis à la Parole de Dieu. Poussé par Satan, l’homme se fait l’égal de Dieu. Il décide lui-même ce qui est mal ; dans un véritable acte de révolte, il se soustrait à l’autorité divine, il prend sa vie en mains, devient son propre maître. Les conséquences apparaissent aussitôt. Jusqu’ici, dans la libre soumission à Dieu qui, par sa Parole, veut le bonheur de l’homme (des époux aussi), l’amour présidait à toutes les relations qui unissaient le Créateur et sa créature, et les créatures entre elles.

Dès lors, la révolte de l’homme contre Dieu porte en elle ses terribles conséquences. Non seulement, il y a rupture de relations entre Dieu et l’homme — l’homme cesse d’aimer Dieu — mais cette rupture affecte toutes les relations humaines, y compris celles des époux. L’homme et la femme ne savent plus, ne peuvent plus s’aimer. Ils ne savent plus que s’accuser réciproquement. La révolte qui les a séparés du Créateur les sépare l’un de l’autre. Et la feuille de figuier avec laquelle ils cherchent à couvrir leur nudité n’est qu’une image de cette séparation qui accompagne les époux jusque dans la recherche de l’unité qu’ils ont dès lors perdue.

Mais plus largement, ce sont toutes les relations humaines qui se trouvent ainsi affectées par la chute. Et la feuille de figuier fera place non seulement aux actes de répudiation, mais, sur d’autres plans, aux serrures, aux murailles, aux barbelés, aux barrières de classes, aux rideaux de fer qui attestent que la loi d’amour est devenue entre les mains de l’homme pécheur, une loi de haine, une loi de souffrance et de mort.

Pourtant si le péché de l’homme a défiguré et empoisonné la fraternité humaine, jusqu’à la transformer en relations où l’égoïsme, l’intérêt, la ruse, l’esprit de domination et parfois la haine ont la plus grande part, ce n’est pas une raison pour suspecter l’amour ou pour ignorer ce qu’il était à son origine.

Suspectons l’homme pécheur, dont il est dit dans l’Ecriture que son cœur est pervers plus que tout autre chose, mais ne suspectons pas l’amour !

Cherchons plutôt à connaître ce qu’est cet amour dans l’intention du Créateur. S’il est bon d’écouter les psychologues, les moralistes, les économistes, les sociologues et tous ceux qui, avec une sagesse bien intentionnée, réfléchie, documentée, veulent venir au secours de l’homme reconnu incapable d’aimer durablement, il est encore préférable d’écouter le Seigneur. Car s’il en est un qui a voix au chapitre, c’est bien Lui, puisqu’Il est pour ainsi dire l’inventeur de l’amour ; puisque c’est Lui qui, nous ayant façonnés homme et femme, a voulu l’amour, et d’une manière unique entre ces deux créatures.


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Cela vient d’être relevé : écouter Dieu c’est écouter le Christ ; et écouter le Christ, c’est prendre connaissance des Saintes Ecritures.

Il est plusieurs passages de la Bible qui parlent de l’amour conjugal.

La Genèse, au chapitre premier déjà, rappelle que le mariage est d’institution divine et qu’il est au nombre des choses parfaites d’avant la chute. Sitôt créés, l’homme et la femme sont appelés par Dieu à croître et à multiplier (Genèse 1.28). Revenant sur ce sujet, le chapitre deux de ce même livre insiste sur cette unité des époux scellée entre autre par l’acte d’amour. Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui. Alors la femme ayant été formée, elle est donnée à l’homme avec l’exhortation de devenir avec lui « une seule chair » (Genèse 2.24).

Lorsqu’un jour le Christ, en réponse à la question des pharisiens, dénoncera la répudiation comme un des fruits de la méchanceté du cœur humain, Il reviendra à ce texte de la Genèse pour en souligner la vérité : N’avez-vous pas lu, dira-t-Il, que le Créateur, au commencement, fit un homme et une femme et dit : l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme ; et les deux ne feront plus qu’une seule chair ? Et il ajouta : Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni (Matthieu 19.4-6).

Fidèle à cet enseignement, l’apôtre Paul parlant de la responsabilité mutuelle des époux dans le mariage, écrit : Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit ; et pareillement la femme à son mari. La femme ne dispose pas de son corps, mais c’est le mari ; et, pareillement, le mari ne dispose pas de son corps, mais c’est la femme. Ne vous refusez pas l’un à l’autre, à moins que ce soit d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis, retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par suite de votre incontinence (1 Corinthiens 7.3-5).


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Mais le texte le plus explicite et qui comporte le plus d’enseignements précis se trouve au chapitre cinq de l’épître aux Ephésiens. Le voici : Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ. Femmes, soyez-le à vos maris comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme, de même que le Christ est le chef de l’Eglise, son corps, dont il est le Sauveur. Ainsi, de même que l’Eglise est soumise au Christ, que les femmes le soient aussi en tout à leur mari. Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise en se livrant pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par l’eau du baptême avec la parole, afin de se présenter à Lui-même l’Eglise dans toute sa gloire, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, afin qu’elle soit au contraire sainte et irréprochable. Ainsi les maris doivent-ils aimer leur femme comme leur propre corps. Qui aime sa femme s’aime lui-même. Certes, nul n’a jamais haï sa propre chair, au contraire. Chacun la nourrit et la soigne ainsi que le Christ fait pour l’Eglise, puisque nous sommes les membres de son corps… Que chacun aime sa femme comme lui-même, et que la femme, elle, ait un saint respect de son mari (Ephésiens 5.21-33).

On le voit clairement ici. Pour faire connaître aux époux, et la nature, et la qualité, et la forme de leur comportement mutuel dans le mariage, l’apôtre use d’un exemple : Il fait de l’union du Christ et de son Eglise le modèle des rapports entre l’époux et l’épouse. Cette comparaison n’est pas à bien plaire. Dans l’ordre actuel et temporaire des choses, elle situe le mariage dans sa perspective éternelle.

La famille, une préparation à la vie éternelle

Parlant de la résurrection et de la vie éternelle à laquelle Dieu appelle l’homme mortel et lui demande de se préparer, Jésus déclare : A la résurrection, les hommes ne prendront point de femme, ni les femmes de maris ; ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel (Matthieu 22.30). Autrement dit : l’ordre du mariage maintenu par Dieu dans le monde pécheur prend fin avec l’existence terrestre du couple. Mais le modèle même que Dieu nous en donne en Jésus-Christ, époux de l’Eglise, fait de cet amour temporel, lorsqu’il est vécu selon l’exemple donné, une préparation à la vie éternelle. Et il suffit de se rappeler en quels termes se résume toute la loi divine pour aussitôt discerner comment et en quoi l’état de mariage offre les conditions d’une préparation à la vie dans l’éternité.

En effet, Dieu étant amour, toutes les relations l’unissant à Ses créatures ne peuvent qu’en être marquées.

C’est cette loi d’amour qui régissait la création tout entière avant la chute. Et c’est pour avoir laissé mettre en doute l’amour de Dieu par la parole de Satan, que l’homme et la femme ont usé de la liberté inhérente à l’amour pour se révolter contre Dieu. Leur doute était déjà une forme d’adultère. Quand une femme attache plus d’importance à la parole et aux sentiments d’un étranger qu’à ceux de son mari, elle est déjà sur le chemin de l’infidélité. Adam et Eve ont fait confiance à Satan plutôt qu’à Dieu. Ils ont cru à sa parole plutôt qu’à celle de Dieu. Or, « l’amour ne soupçonne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil ». La méfiance et l’orgueil, fruits de l’incrédulité, ont brisé cette relation d’amour qui les unissait au Créateur.

Il en est résulté l’état de choses dont le monde présent offre l’image. L’homme parle d’amour. Mais cet amour n’est plus que la caricature de l’original depuis qu’il a été défiguré par le péché.

Cependant, toute la Bible révèle la volonté de Dieu de venir au secours de sa créature déchue. Car si l’homme s’est détourné de son Créateur, Lui n’a jamais cessé d’aimer l’homme et de vouloir le réintégrer dans la condition première qui lui avait été faite. Et toute la démarche de Dieu en la personne du Christ a pour fin le retour à une harmonie parfaite entre toutes les créatures, et entre celles-ci et Dieu Lui-même. D’où la perspective dans laquelle s’inscrit le présent lorsque le Christ en est à nouveau le Maître reconnu et obéi. L’apôtre dit : Trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’amour. Mais de ces trois, la plus grande est l’amour (1 Corinthiens 13.13). C’est qu’en effet, le jour vient où la foi fera place à la vue, l’espérance à la réalité. Il ne restera plus que l’amour, régissant à nouveau la création tout entière.

C’est à ce glorieux avenir que Dieu appelle l’homme. Mais pour y parvenir, encore faut-il que cet homme ait rompu avec sa condition naturelle soumise au péché et accédé à la condition nouvelle que Dieu lui offre dès ici-bas dans l’amour révélé et donné par Jésus-Christ. Pour l’y encourager et lui en faciliter en quelque sorte l’apprentissage, Dieu a disposé les choses de telle manière que l’homme soit comme entraîné à la découverte de la réalité éternelle de l’amour.

Toute la loi se résume en cette parole : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute la force, de toute ta pensée. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Ces deux commandements sont dits inséparables, car toute rupture avec Dieu a ses répercussions dans nos rapports avec le prochain ; et vice-versa, toute rupture avec le prochain a sa répercussion dans notre communion avec Dieu. C’est l’absence de cet amour pour Dieu, maïs aussi de cet amour pour le prochain qui a fait du monde « une vallée de larmes ».

Alors, dans Sa sagesse prévenante, Dieu travaille à sauver l’homme de cette misère. Pour rapprocher Ses créatures, Il crée entre deux d’entre elles d’abord ce lien unique, puissant, tenace, qui les amènera un jour à n’être plus deux, mais un. Puis quand cette unité favorisée par tous les éléments qui la constituent — sentiments, pensées, goûts, attirances physiques, circonstances… — a été scellée, voici qu’entre ces deux — devenus ur tout en restant deux — un troisième a pris place : l’enfant. Dans l’ordre normal des choses, il n’est pas unique et se verra bientôt accompagné de frères et sœurs. Cette communauté ainsi constituée — la famille — est ce lieu où Dieu veut apprendre à l’homme déchu et devenu égoïste de nature à connaître quelque chose de l’amour, savoir : cette confiance, cette affection, ce respect, ce support des autres ; mais aussi cette joie, ce bonheur, cet enrichissement de leur présence, de leur compagnie, du fait que tout en nous ressemblant ils sont très différents de nous.

Puis vient l’étape suivante, celle que constitue l’ensemble des familles où l’on apprend à s’aimer. Cet ensemble dans la Bible porte un nom précis : l’Eglise. En tant qu’institution divine, confondue trop souvent avec un bâtiment ou encore la rencontre momentanée et sporadique de gens endimanchés qui s’ignorent le restant de la semaine, l’Eglise est avant tout, elle aussi, cette communauté de familles, ce lieu où entre familles on apprend à s’aimer, à se respecter, à s’entraider, à retrouver — entre gens de conditions, de tempérament, de classe, d’âges, voire de races différents — une unité enracinée et fondée dans l’amour.

Tout cela dans la perspective du royaume de Dieu, de la vie éternelle qui nous y attend, à laquelle pourtant nous ne saurions accéder si nous nous sommes volontairement dérobés aux exigences qu’elle comporte et dont le mariage, la vie de famille, comme aussi la vie communautaire, étaient la préparation.

Quand on songe un instant à ce que sont devenues les relations humaines dans le cadre de la vie conjugale, familiale et sociale, on mesure à quelle faillite — on ose dire catastrophique — le Dieu de miséricorde veut apporter remède. Hélas ! il ne suffit pas que Dieu le veuille et qu’avec ténacité, patience, persévérance et générosité, Il offre à sa créature l’occasion chaque jour nouvelle de sortir de cette misère et d’entrer dans ce qu’il convient d’appeler le chemin du bonheur. Encore faut-il que l’homme reconnaisse cette faillite et veuille du secours que Dieu lui propose.

Et pour rester vrai, il faut encore signaler un danger à éviter : c’est qu’à l’heure où l’homme accepte ce secours, il ne se hâte pas de l’utiliser à sa guise et ne transforme pas en une autre et nouvelle caricature l’amour qu’en Jésus-Christ Dieu lui offrait. Le Seigneur dit justement : C’est à ceci qu’on connaîtra que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. Il arrive, hélas ! que les époux dits chrétiens, et les familles et les Eglises dites chrétiennes soient des lieux où l’on respire un air saturé : bourgeois, prolétaire, aristocrate, fonctionnaire, nouveau riche, ou alors orthodoxe, libéral, liturgique, sociologique, professionaliste, multitudiniste, officiel, congrégationaliste, etc., etc., mais qu’avec tout ça on y cherche en vain la présence d’un authentique amour. Aussi, dans le texte des Ephésiens, ce secours n’en reste-t-il pas aux généralités d’une heureuse comparaison. Il entre dans le détail même le plus intime de nos vies.

La structure du couple : la soumission de la femme

Aux yeux de Dieu, en effet, il n’est pas de détail sans importance ; il n’est pas non plus de secteur de vos vies où ne doive s’opérer le renouvellement qu’apporte le Christ. Ainsi, après avoir situé le mariage dans la perspective de l’éternité, Il lui rend la structure intérieure sans laquelle il ne saurait ni durer, ni réaliser l’intention du Seigneur. Cette structure est en relation directe avec la place réciproque des époux s’ils sont soumis à Christ Lui-même. En effet, le texte porte ces mots : Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ. Tout ce qui va être dit est subordonné à cette première exhortation dont il nous sera donné de mieux comprendre par la suite l’impérative exigence.

Et le texte de préciser :

Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur…

L’écho rencontré aujourd’hui par une telle parole est plutôt étouffé… ! Et cela pour plusieurs raisons.

La soumission de la femme au mari a connu de lamentables et mémorables illustrations. Au point qu’une certaine émancipation moderne de la femme a été parfois présentée comme un refus de la femme de demeurer l’esclave de l’homme. Il faut, en effet, reconnaître que cette parole de l’Ecriture écoutée complaisamment par la gent masculine, a été exploitée à des fins souvent purement autoritaires quand ce n’était pas tyranniques. Et les exemples abondent, dans le passé comme dans le présent, d’hommes qui se sont cru ou se croient encore autorisés par cette parole à exercer un despotisme égoïste et méprisant sur tous les membres de la famille, leur femme y compris.

Aussi quand la femme d’aujourd’hui s’entend appelée à la soumission au mari, il arrive qu’elle ait un réflexe d’auto-défense ou d’indiscipline qui l’empêche d’écouter avec sérieux et dans un esprit de respect l’enseignement précieux que le Seigneur voudrait lui donner.

Surtout que ce ne sont pas les hommes — ces êtres égoïstes ! — qui ont décidé à leur avantage que la femme devait leur être soumise. C’est Dieu qui demande à la femme — par le ministère inspiré de son apôtre — de garder au foyer et à l’Eglise une place de subordonnée. Et aucune femme — même révoltée à cause de tout ce qu’elle sait ou a dû subir par suite de la mauvaise interprétation de cette parole par l’homme — ne saurait refuser de connaître le pourquoi de cette volonté divine, puis, en connaissance de cause, de s’y soumettre !

D’ailleurs la raison de cette soumission ne tient nullement à quelque infériorité de la femme ou à quelque supériorité de son mari. Non ! Il n’est dit nulle part que l’homme vaille plus que la femme, ou encore que la femme soit, par rapport à l’homme, d’une essence de seconde qualité.

La raison de cette soumission est tout autre. La vie naturelle obéit à des lois. Chacun sait, par exemple, que pour obtenir du blé, il faut le semer dans une terre conditionnée, à une période déterminée, à une altitude convenable, et d’une manière qui tienne compte précisément de la nature même du blé et de sa façon de croître. Nul ne s’étonnerait si, ces conditions n’étant pas respectées, le blé ne germait point ou même ayant germé, ne donnait pas le grain attendu. La parabole du semeur (Matthieu 13) le montre à sa manière.

La vie surnaturelle, elle aussi, obéit à des lois précises, dont le respect en l’occurence est la condition même du bonheur qu’elles promettent. D’où la nécessité de se soumettre aux ordres qu’elle donne si l’on veut connaître, quant à l’amour, la réalité nouvelle apportée par le Christ à l’être humain d’abord, au couple ensuite, à la famille et à l’Eglise enfin.

Ainsi la révélation divine à l’égard de la structure même du couple est contraignante. Celui qui n’en tient pas compte entrave l’œuvre de Dieu dans sa vie personnelle et conjugale.


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L’ordre de soumission de la femme au mari correspond du reste à un plan qui dépasse de beaucoup le cadre du mariage. Lorsque la Bible en parle (voyez encore Genèse 2.22 ; 1 Corinthiens 11.7-9 ; 1 Timothée 2.13), elle montre clairement que cette autorité de l’homme sur sa femme tient uniquement à une volonté de Dieu de rétablir une condition de vie que la chute a désagrégée. Et dans cet ordre il y a des correspondances voulues de Dieu qu’on ne saurait impunément nier ou volontairement ignorer.

Il est dit entre autres que la femme a été tirée de l’homme, comme l’Eglise a été tirée du Christ ; que l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme ; comme le Christ n’a pas été créé pour l’Eglise, mais l’Eglise pour le Christ.

Ces analogies caractérisent, et la place des époux l’un par rapport à l’autre, et la nature de leurs relations réciproques. Cela laisse entendre aussi qu’à vouloir inverser l’ordre des choses dans le cadre du mariage, on aboutit au même résultat désastreux auquel aboutit toute l’Eglise qui, parée du nom de Christ, se soustrait en fait à Son autorité. Les formes y sont encore, parfois même avec beaucoup d’apparat ou d’ostentation ; mais l’Esprit Saint et ses fruits : l’amour fraternel, la joie, la paix — en sont absents.

Et dans la vie des époux, l’expérience cent fois répétée vient confirmer cette vérité. Il n’est pas un seul ménage vraiment heureux où l’homme soit sous l’autorité de sa femme. Il se peut que l’un et l’autre se soient accommodés de cette situation anormale ; que l’homme — suite à son éducation, à son comportement dénaturé, à une hérédité ayant compromis le développement normal de sa personne et de son caractère — soit cet incapable, ce faible qui se soumettra même avec un certain soulagement à l’autorité de sa femme ; pareillement que la femme — pour des raisons inverses jointes parfois à une volonté de domination — ait avec satisfaction pris autorité sur son mari. Apparemment, un tel ménage peut connaître une existence sans heurt. Est-ce à dire que ces époux soient heureux ? Quand on les interroge, l’un des deux au moins, quand ce n’est pas tous deux, souffre de cette situation, reconnaît facilement, sans pouvoir l’expliquer toujours, qu’elle est anormale. Il arrive même que de tels foyers passent par l’épreuve de l’adultère, précisément parce que l’un des conjoints a trouvé ailleurs une autorité ou une soumission qu’il ne connaissait pas à son propre foyer et qu’il désirait instinctivement connaître. Ou alors tel mari, « sous la pantoufle » à son propre foyer, cherche par compensation des occasions de s’imposer au dehors. Il le fera à la table des cafés, l’alcool y aidant ; il le fera aussi dans tel comité de société. A moins qu’il ne se mette à chercher la compagnie de personnes à la mentalité simpliste, parfois vulgaire, au milieu desquelles il peut d’autant plus paraître qu’il était inexistant aux côtés de son épouse.


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En fait, toute femme normale, c’est-à-dire équilibrée, fidèle à sa nature profonde de femme, aime naturellement à pouvoir s’appuyer sur l’homme, se trouve même simplement heureuse quand cet appui lui est donné dans le respect de sa liberté et de sa personnalité. La Bible dit de la femme qu’« elle est d’un sexe plus faible ». Elle traduit ainsi une vérité de fait que la femme elle-même aurait grand tort de méconnaître, mais que l’homme aurait plus grand tort encore de mal interpréter. Cette faiblesse de la femme peut s’entendre parfois de sa constitution plus frêle, donc plus fragile. Mais cela ne signifie nullement que dans les conditions identiques, la femme ait moins de résistance que l’homme. Innombrables au contraire sont les exemples qui montreraient que la force de résistance de la femme vaut bien celle de l’homme, quand il ne lui arrive pas d’être supérieure. Cependant, si elle est dite d’un sexe plus faible, c’est qu’en vérité sa sensibilité, comme aussi son intuition, son pouvoir de sympathie, son émotivité, son caractère impressionnable, font d’elle un être facilement instable, auquel l’autorité masculine est en bénédiction. A condition, bien sûr, que cette autorité ne tourne pas à l’autoritarisme.

En d’autres termes, cette place que Dieu réserve à la femme dans le foyer comme dans la communauté correspond à sa vraie nature. C’est afin de sauvegarder les qualités distinctives de la femme, de les mettre en évidence, de permettre qu’elles soient développées et mises au service du couple, de la famille, de la communauté — sans désavantage à l’égard d’aucun de ses membres — que Dieu veut rendre à la femme la place qui lui est due et où elle sera le mieux elle-même.

De quelle sottise serait qualifié le raisonnement qui prétendrait que dans le corps, on peut indifféremment déplacer les organes et les membres, voire interchanger les fonctions, qu’on peut confier à la colonne vertébrale l’office du cœur et vice-versa !

Il est à craindre pourtant que cette monumentale sottise soit à discerner, même s’ils ne s’en doutent pas, chez tous ceux ou toutes celles qui aujourd’hui — et cela jusque dans les rangs de l’Eglise — sous prétexte d’égalité des conjoints, veulent attribuer à l’homme ou à la femme indifféremment les mêmes responsabilités et les mêmes fonctions. On va même jusqu’à les dire interchangeables dans leurs charges respectives.

Autrefois, à la « belle » époque de l’autorité maritale mal comprise, mais dite de droit divin, on était dans Charybde, Aujourd’hui, à la non moins « belle » époque de l’absence de l’autorité maritale — dite cette fois de droit humain — on est tombé dans Scylla. Ce qui ne veut pas dire qu’on ait simplement changé un mal contre un autre. On est tombé de mal en pis. Si autrefois, en effet, la femme avait souvent à pâtir de l’autoritarisme masculin, dans sa souffrance même elle bénéficiait de ce que cette autorité utilisée abusivement avait encore de bon pour elle, pour sa famille, pour la communauté à laquelle elle appartenait. Car, l’autorité masculine reste une chose bonne en soi, voulue par le Créateur, parce que nécessaire à la vie du foyer, des enfants en particulier, conséquemment à la vie de la communauté et de la société.


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Il ne fait mystère pour personne qu’absence d’autorité signifie tout simplement anarchie. C’est bien ce qu’il est advenu de notre société dès l’instant où, sous prétexte d’opposition à la tyrannie, elle a refusé à l’homme, à l’époux en particulier, son autorité de droit divin. On est entr dans le règne de l’anarchie. Car l’absence d’autorité du mari a pour corollaire l’absence d’autorité du père ; d’où anarchie dans la famille, dans la vie des parents comme dans celle des enfants ; d’où anarchie dans la société se manifestant d’abord par une disparition du sens de la responsabilité. Il est facile de discerner où cela conduit. Cela s’étale sous nos yeux avec évidence. L’homme et la femme deviennent les numéros dépersonnalisés d’une masse anonyme, irresponsable. La vie n’est possible que sauvegardée par d’innombrables lois, et autant de gendarmes et de juges pour en surveiller l’application. « On est prié de garder les chiens en laisse ». L’anarchie régnante oblige bientôt l’Etat à mettre un licol à chacun. La ménagerie cherche des dompteurs.

C’est dans ce climat que retentit aujourd’hui l’ordre de Dieu : Femmes, soyez soumises à vos maris

Nature de cette soumission

Il est compréhensible que dans le contexte de la société décrite plus haut, un tel ordre paraisse anachronique, voire réactionnaire.

C’est pourquoi une question surgit aussitôt : de quelle nature doit être alors cette soumission ? Pour éviter de redevenir servilité, dans quelles limites doit-elle être consentie ? La réponse ne laisse pas d’être parfaitement explicite.

Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur… Comme l’Eglise est soumise au Christ, que les fermmes le soient aussi en tout à leur mari.

La soumission de la femme à son mari n’est pas égale, mais semblable à celle qu’elle consent envers le Seigneur. C’est dire qu’elle n’est pas un devoir, une contrainte admise à regret et avec la pensée de s’y soustraire toutes les fois que faire se peut. Non, cette soumission est volontaire, joyeuse, cordiale, continue, précisément avec la pensée qu’en cette attitude réside déjà une partie du bonheur qu’elle a contribué à créer.

Par sa soumission à Christ, l’Eglise non seulement reconnaît l’autorité du Seigneur, mais traduit l’amour qu’elle a pour Lui. Dans cette attitude même, elle réjouit son Maître. Pareillement, la soumission de la femme à son mari est une des formes de l’amour qu’elle lui porte. Cet amour se réjouit des possibilités qu’il trouve ainsi de s’exprimer.

L’amour ne se calcule pas ; la seule mesure qu’on lui connaît est précisément cette joie qu’il éprouve à trouver nouvelle occasion de s’affirmer. Aussi la femme aimante cherchera-t-elle davantage à manifester en toutes occasions son amour qu’à se demander dans ces occasions quelles limites lui donner. Pour la bonne raison que l’amour n’en a pas. Surtout qu’un amour ainsi manifesté ne peut que réjouir le cœur du conjoint. Or, précisément, l’amour se nourrit surtout de la joie qu’il donne.

Et si l’on demande comment, pratiquement, il va se traduire, il suffit de se rappeler que la soumission de l’Eglise à Christ fait de celle-ci sa vraie collaboratrice dans l’œuvre qu’il poursuit ici-bas.


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La femme cherchera donc à être, comme le disait aussi le texte de la Genèse (2.18), une aide semblable à lui. C’est dire qu’elle collaborera à faire de son mari ce que Dieu veut qu’il soit, et dans sa soumission même lui aidera à le devenir. Son intuition, sa sensibilité, son intelligence des choses, sa façon de comprendre par le cœur ce que lui comprend souvent par la raison, bref, tout ce qui a fait d’elle une femme et non un homme, sera mis à disposition de celui-ci pour lui permettre d’accomplir au mieux sa vocation d’homme, mais aussi d’époux et de père.

Il n’a pas épousé une muette. Il est des heures où elle saura parler.

Il n’a pas épousé une pie bavarde. Il est des heures où elle saura se taire.

Il n’a pas épousé une sotte. Il est des circonstances où elle saura donner son avis, suggérer, proposer, conseiller.

Il n’a pas épousé un régent. Elle se gardera donc de lui faire la leçon.

Elle a des ressources d’imagination, parfois de cran et de volonté qui lui seraient infiniment précieux. Elle n’hésitera pas à les lui offrir, à lui en montrer l’emploi sans jamais pourtant les lui imposer, car il n’a pas épousé un patron.

Si elle lui apporte de l’argent, elle ne le lui rappellera pas sans cesse ; car il n’a épousé ni un régisseur, ni un créancier.

Si elle a des goûts très prononcés en cuisine, mais différents des siens, elle ne le priera pas de s’astreindre aux menus qu’il lui plaît de faire ; elle n’est pas son maître d’hôtel.

Si elle s’y entend en médecine, elle ne fera pas de lui son patient.

Si elle découvrait qu’elle a des goûts dispendieux, un brin de folie des grandeurs, un besoin de paraître, elle se souviendra qu’il n’est ni son majordome, ni son chauffeur, ni son manager, ni son banquier.

Si elle avait enfin le privilège d’être mère, elle verra en lui encore et toujours son époux d’abord, le père de ses enfants ensuite, surtout si elle a parfois tendance à le ramener au rang de gagne-pain familial, ou occasionnellement de nurse ou de femme de peines !

Et si quelqu’un venait à craindre qu’à comparer ainsi la position de la femme à celle de l’Eglise, épouse du Christ, on ne laisse la femme à la merci d’un mari qui, lui, n’aurait rien de comparable à Jésus-Christ, il sera facile de lui remettre en mémoire l’ordre même de la Parole, C’est « comme au Seigneur » que les femmes doivent soumission à leur époux. Cela sous-entend qu’avant d’être soumise à son mari, une femme doit l’être à Christ, qui lui enseigne précisément d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Actes 5.29). Si bien que le refus d’obéissance au mari serait fondé dans un refus motivé de désobéissance à Christ. Cela sous-entend surtout qu’à l’instant où la Parole ordonne à la femme d’être soumise à son mari, elle suppose ce mari lui aussi dans la crainte du Seigneur, donc incapable d’exiger de son épouse quoi que ce soit qui puisse la mettre en contradiction avec la volonté divine « bonne, agréable et parfaite ».

La structure du couple : l’homme, un chef

Il est grand temps de le dire, la vraie raison de la soumission de la femme, la plus importante, celle à laquelle il faut maintenant s’arrêter, c’est la position même que Dieu confère à l’homme dans le mariage, mais aussi dans la famille et la communauté. Le texte dit : Le mari est le chef de la femme comme Christ est le chef de l’Eglise.

S’il fut jamais expression plus propre à caractériser le sens du mot chef, mais aussi celui du mot soumission, c’est bien celle-là. En tant que chef de l’Eglise, Christ est le modèle des époux, le type du vrai chef. Ce dernier mot, dans le sens biblique, comme aussi dans la langue française, a un double sens, Et c’est être entièrement fidèle à la vérité scripturaire que de traduire : « le mari est la tête de la femme ».

On n’a jamais vu que la tête fût là pour écraser le corps, et encore moins pour l’exploiter. A moins qu’elle ne fût devenue folle ! Ainsi que le dit l’apôtre : La tête prend grand soin du corps. Elle le dirige avec affection, sagesse, entendement. Elle tient compte au besoin de ses infirmités, s’entend à lui faciliter la tâche de toutes manières, le seconde même en cas de nécessité. Bref, elle en a un soin jaloux.


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A partir de cette seule image, quel programme ne pourrait-on pas tracer à l’intention de l’époux ! Quelle liste impressionnante pourrait être dressée de toutes les obligations du mari envers sa femme. Et en conséquence, quel réquisitoire sévère pourrait se déduire de cette confrontation du rôle de l’homme en tant que tête de la femme et de la caricature scandaleuse que l’homme en offre trop souvent aux regards même les plus discrets. Mais dès l’instant où, par analogie avec la place donnée à l’épouse, l’homme se voit conférer dans le mariage celle que le Christ occupe par rapport à l’Eglise, cette confrontation devient encore plus redoutable pour l’homme. Pour le moins son autorité n’a plus rien que la femme puisse lui contester, ou encore lui envier.

En effet, être le chef de la femme comme Christ est le chef de l’Eglise, donne au mot chef et à celui de la soumission qui s’en suivra, un contenu bien différent de celui qu’au premier abord on était disposé à lui accorder.

Illustrés par l’analogie du Christ époux de l’Eglise, ces deux mots se trouvent dépouillés de tout ce qui pourrait rappeler l’autoritarisme ou la tyrannie. C’est même exactement le contraire de cela, Et pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer la vie terrestre du Christ ; de l’entendre en chacune de Ses paroles, de le suivre en chacun de Ses faits et gestes, en un mot de Le voir à l’œuvre. Même sans commentaire explicatif, on comprendra aussitôt que la responsabilité de chef, si elle est grandement honorable en ce qu’elle le place au-dessus des autres, le met plus directement aussi à leur service. Or, ce service n’est pas à bien plaire.

Dans ses rapports avec l’Eglise, le Christ fait servir Son autorité de Chef à la poursuite d’une seule fin : faire d’elle — comparée à une épouse — la plus heureuse, la plus aimable aussi, au point que tout ce qui pourrait entraver cette intention se trouve comme emporté ou encore transformé par et dans l’amour qu’Il a pour elle. C’est l’amour du Christ, c’est la qualité même de cet amour qui ont fait de l’Eglise cette épouse réjouie dans le présent, plus réjouie encore pour l’avenir glorieux dont ce présent est le signe merveilleux. Ainsi, tout le bonheur de l’Eglise, toute sa gloire est le fruit de l’amour du Christ, de l’autorité qu’au nom de cet amour Il exerce sur elle et de la soumission qu’Il lui demande en retour.

Tout cela laisse entendre clairement que la vie heureuse de la femme, dans le plan rédempteur de Dieu, est avant tout entre les mains de l’homme et dépend de son comportement. Et si l’homme est appelé par Dieu à être le chef de la femme, c’est précisément en vue de la réalisation de cette œuvre combien nécessaire à la femme elle-même, et du même coup à son mari, à leurs enfants, à l’Eglise, à la société entière : son bonheur. Tellement qu’à chaque fois que ce bonheur fait place à de la souffrance, à de l’insatisfaction, à du découragement, à des larmes, à de la haine, on pourrait dire à coup sûr : cherchez l’homme ! contrairement à la sagesse de ce monde où l’homme en pleine faillite essaie encore de s’esquiver ou de se justifier en disant mensongèrement : cherchez la femme !

Si ce dernier adage garde quelque crédit dans le monde païen, il n’en a plus aux yeux de quiconque découvre la vérité de Dieu. Et s’il est un domaine où la culpabilité masculine est aujourd’hui à son comble, c’est bien celui-là.


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L’ensemble des témoignages choisis et donnés en introduction à ce livre le montrait parfois assez crûment. Ce n’est pourtant qu’un aperçu de la réalité. Non pas qu’à dessein et par parti pris il nous plaise de noircir encore le tableau ou d’accumuler sur la tête du seul mari une culpabilité en maintes occasions largement partagée par son épouse. Non, le fait est là. Si l’homme était à sa place et, comme chef du couple, assumait ses responsabilités, non seulement il y aurait un singulier redressement de la lamentable situation conjugale et familiale d’aujourd’hui, mais là même où la femme avait sa large part de culpabilité, le redressement de son mari entraînerait aussitôt le sien, sans compter celui des enfants.

Il serait intéressant de s’attarder aux conséquences de cette démission de l’homme ; de partager avec sympathie le fardeau de toutes les femmes et de tous les enfants que la veulerie ou la tyrannie masculines oppriment de tant de façons ; de montrer combien sont justifiées les plaintes et la révolte de la femme dans la situation qui lui est faite par le mari. Il s’en dégagerait une vision de l’homme devant laquelle beaucoup d’entre eux baisseraient enfin les yeux. C’est qu’hélas ! à toutes ses lâchetés, l’homme ajoute souvent la plus vile de toutes : la suffisance.

A l’heure où il devrait reconnaître ses torts puis changer d’attitude et de comportement, sa vaniteuse présomption le fait se draper dans son orgueil, s’endurcir dans une fin de non recevoir. Il croit dégager sa responsabilité en criant très fort, en soulignant que sa femme est aussi responsable, en faisant constater enfin qu’il n’est pas seul de son espèce et qu’à sa connaissance beaucoup d’hommes font comme lui. Mais à supposer que l’homme accepte enfin de se voir sous son véritable jour, qu’adviendra-t-il ?

Il ne suffit pas d’accuser l’homme, de le traquer une bonne fois dans ses derniers retranchements et de lui faire avouer sa faillite. Il ne suffit pas non plus que l’homme y consente. Car mettre quelqu’un sur la sellette en donnant avec preuves à l’appui toutes les raisons qu’on a de l’y maintenir, ce n’est pas encore avoir aidé ce quelqu’un à devenir le vrai chef de sa femme. Dénoncer les turpitudes du mari, c’est peut-être soulager la conscience de sa femme ; c’est aussi la réjouir en lui laissant discerner que quelqu’un enfin prend fait et cause pour elle. Mais ce n’est pas encore avoir donné au mari coupable le moyen de se rapprocher d’elle, de la rendre heureuse et de l’unir durablement à lui.


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Et puis, il faut être juste et regarder les choses concrètement. La tranche de réalité éclairée par les témoignages lus plus haut, les commentaires qu’ils ont suscités, tout cela ne donne pas encore une vision exacte des choses. Les couples sont vus, pour la plupart, après un certain temps de vie en commun. C’est en les rejoignant en pleine course qu’on découvre la réalité telle qu’elle a été décrite jusqu’ici.

Mais si l’on regarde les choses à leur point de départ, on sera tenu à beaucoup moins de sévérité. Car, au départ, chaque amoureux, chaque fiancé a la prétention de rendre sa femme heureuse. A l’heure même où il le lui promet, non seulement il est sincère, mais il a la certitude qu’il en sera comme il dit. Et comme lui, elle en est convaincue.

C’est peut-être qu’il ne se connaît pas ! Il y a près de vingt-cinq siècles, Socrate disait déjà : « Connais-toi toi-même », et il ne fut guère écouté.

C’est surtout qu’il ignore ce qu’est l’amour.

Une telle assertion prêtera peut-être à rire. Elle n’en est pas moins la vérité. A défaut d’autre chose, la réalité nous en donnerait la preuve autant de fois qu’il y a de couples. Mais il y a mieux que la réalité humaine. Il y a la révélation divine.

L’amour, responsabilité de l’homme

Selon la Bible, avec la chute, l’amour a disparu de la terre. Oh ! certes, le mot est resté. Mais il avait été vidé de son contenu. Par la suite, l’homme a bien essayé de lui en donner un. Dans sa présomption, dans son ignorance, il a cru qu’il y réussirait. Il y croit encore, comme après chaque guerre, il croit à la paix. Et il faut chaque fois un peu de temps pour lui faire découvrir que ses bonnes intentions, selon un adage connu, sont les pavés du chemin de l’enfer.

C’est pourquoi aussi, à l’heure même où Dieu vient au secours de sa créature déchue, l’ordre qu’Il lui donne, c’est : Tu aimeras. Et l’obéissance à cet ordre est si capitale qu’à vouloir prendre au sérieux toutes les autres exigences sauf celle-là, on resterait non seulement un homme fidèle à soi-même, mais l’on deviendrait alors un ennemi de Dieu. Car il n’est pas de plus grave forfait envers l’Evangile du Christ que d’en méconnaître l’essence même, c’est-à-dire l’amour. Autant vouloir vivre avec quelqu’un dont on aurait arraché le cœur. C’est l’essentiel reproche que Christ faisait aux pharisiens. Ils prenaient au sérieux les lois divines, mais reniaient celle de l’amour dont toutes les autres procèdent.

Or, s’il est un lieu où Dieu veut révéler à l’homme le vrai contenu de l’amour, c’est le mariage. D’où le soin qu’Il prend de le conduire pas à pas sur le chemin de la découverte de ce qu’est l’amour dans le mariage. Il faudrait relire maintenant le texte d’Ephésiens 5 cité plus haut (voir page 70). Le lecteur le fera.


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Un détail pourrait alors à juste titre l’étonner.

Dans l’institution du mariage selon l’ordre divin, il est dit beaucoup de choses à la femme. Il lui est dit d’être à son mari, de lui être soumise en toutes choses, d’avoir pour lui un saint respect. Il ne lui est jamais ordonné de l’aimer.

Bien sûr, on dira que cela est sous-entendu ; que le sommaire de la loi, avec son second commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, reste pleinement valable pour l’épouse vis-à-vis de son mari. Il en sera bien ainsi en vérité. Mais il n’en reste pas moins que dans ce chapitre capital où sont révélées des choses essentielles à la vie du couple et à son bonheur, ce n’est pas à la femme, mais c’est à l’homme qu’il est dit d’aimer. Maris, aimez vos femmes...

Il y a là une vérité première qu’il serait bon de retenir. L’amour est remis d’abord aux mains de l’homme, c’est à lui qu’il est confié ; on ose presque dire : C’est lui qui en a le secret. C’est donc à lui qu’il appartient de le révéler, de le partager, de le donner à sa femme. Et c’est seulement à l’heure où la femme connaît l’amour que son mari lui a fait découvrir, qu’elle peut aimer à son tour.

Mais Dieu sait que l’homme appelé à cette importante responsabilité se trouve incapable de l’assumer si elle ne lui est pas enseignée dans son détail et sa manière. Il ne suffit pas de dire à l’homme : « Aime ta femme » ; encore faut-il lui enseigner à le faire.

Aussi, la parole biblique entre-t-elle dans le détail même de l’enseignement dont l’homme, comme la femme, a besoin.

Elle dit textuellement :

Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l’Eglise en vous donnant pour elles. Cette petite phrase toute simple comprend une révélation, c’est-à-dire une vérité que l’homme doit écouter avec d’autant plus d’attention qu’il l’ignore naturellement ; ou, s’il la connaît, néglige de lui donner l’importance qu’elle a.

Cette vérité apparaîtra d’autant plus clairement si on la met en opposition avec une expression populaire bien connue.

Dans le langage commun et païen, lorsqu’une femme rend compte d’une aventure amoureuse au cours de laquelle elle a noué liaison avec un amant, elle dira volontiers : « Je me suis donnée à lui ».

Ou encore, si une fiancée parle d’une résolution qu’elle a prise, elle dira : « C’est bien décidé ; ce n’est qu’une fois mariée que je me donnerai à lui. »

Et quand, plus vulgairement, un homme se vante de telle conquête féminine, il ira jusqu’à dire : « Celle-ci, je l’ai eue » ! S’il ne dit pas encore « je l’ai possédée » !

Parce que, dans l’esprit de ce monde ignorant de la vérité divine, l’amour sexuel est un acte dans lequel l’homme prend et la femme donne ; plus exactement encore : se donne. C’est au point qu’un homme prêterait à rire s’il venait à dire : « Je me suis donné à ma femme ».

N’en déplaise aux rieurs, c’est exactement l’ordre qu’au travers de la Parole biblique, Dieu donne aux époux : « Maris, aimez vos femmes… en vous donnant pour elles ! »

Et il suffit d’évoquer telle souffrance d’épouse racontée par l’une d’elles pour aussitôt discerner la valeur de cet ordre d’apparence risible.

Le récit qui va suivre commente à sa manière la vérité qu’il faut absolument enseigner aux hommes. Qu’on nous pardonne son caractère anecdotique.

Un jour, sur la place d’un village, une femme dans la quarantaine s’entretenait avec une jeune fille. Celle-ci était à la veille de son mariage et avec ferveur commentait ce grand événement de sa vie. Je m’étais joint à leur entretien et appuyais de mes propos l’enthousiasme de la future épouse. La conversation prit fin sur un mot de Marguerite, la femme mariée :

— Tout ça est très bien, dit-elle, mais ne te réjouis tout de même pas trop ! Après ce beau jour, il y en a d’autres !

Cette parole n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. A quelques jours de là, je me rendis chez Marguerite et ne lui cachai pas le but de ma visite.

— Je n’ai rien ajouté, l’autre jour, à vos propos désabusés. Ils n’ont du reste pas rencontré grand écho. La jeunette a entendu sans comprendre. Mais moi, je ne les ai pas oubliés. Et si je suis venu, c’est précisément pour en parler. Madame Marguerite, ça ne va pas dans votre foyer ?

Elle était comme prise au piège. Elle en avait trop laissé entendre et ma question était trop précise pour qu’elle puisse éviter l’entretien. Alors, elle se mit à raconter, avec calme d’abord, puis bientôt d’une voix tremblante :

— Quand j’ai connu Pierre, je n’avais encore aimé personne. J’étais chez mes parents. J’avais pensé quelquefois au mariage. Sans attendre précisément le Prince charmant, je me disais peut-être qu’il viendrait un jour. Pierre me plaisait. Aussi, quand il me déclara son amour, j’y répondis de tout l’élan de mes vingt-et-un ans. Nous savions que nous ne pourrions pas nous marier tout de suite. Pierre habitait alors le village voisin. Quand il venait me faire la cour, c’était souvent en présence de mes parents. Pourtant, ils surent être discrets, et tout en gardant un œil ouvert, nous laisser de bons moments seuls. Et vous pensez bien qu’on sut en profiter. Ce n’est pas pour blaguer que je le dis. Pierre se montra un chevalier servant, à la fois tendre et passionné. Avec lui, j’ai fait la découverte de la tendresse, de cet amour si bon, fait de simples mots qu’on se dit, de baisers qu’on échange, de silences plus parlants que les mots. Et puis, il y a ces douces caresses qui n’ont rien d’impudiques ; elles tissent peu à peu l’unité de notre chair. Oui, j’ai été une heureuse fiancée ! Je me suis préparée au mariage avec cette impatience et cette ferveur que je retrouvais dans les propos de Jeannette. Ça m’a même fait mal de l’entendre ; et depuis l’autre jour, ma souffrance est exaspérée…

— Votre souffrance ?

— Oh ! Je ne sais si vous pourrez comprendre. Mais peut-être que oui. Après tout, vous êtes marié vous saisirez. Les premiers temps de notre mariage, tout allait bien. Pourtant avant même que naisse notre aîné, il y avait déjà quelque chose. Mais cela s’est surtout manifesté après la naissance du second. Si on m’avait demandé alors si tout allait bien, j’aurais dit : oui. Et pourtant, déjà je pressentais qu’il y avait quelque chose entre nous. Quoi ? Je ne sais pas ! Mais Pierre n’était plus tout à fait le même. Et peut-être que moi aussi je devenais différente. Bien sûr, il y a eu de temps à autre un mot plus fort que l’autre, une bouderie ; c’était presque toujours à moi à refaire le premier pas Mais ce n’est encore rien. Il faut bien qu’il y en ait un qui cède. Non, c’est ailleurs qu’il y avait quelque chose de changé… C’est venu comme ça, peu à peu… Pierre a comme oublié de m’embrasser. Il ne s’en rendait même pas compte. Et puis, vous savez comment nous sommes, nous femmes ? On a besoin d’être un peu choyées ! La tendresse, les mots gentils, les caresses, ça fait partie de notre vie. Oui, on en a besoin. Alors, Pierre lui, n’avait plus de mots gentils. De la tendresse, des caresses, je n’en recevais plus beaucoup… Il y avait même des jours entiers où il ne faisait pour ainsi dire plus attention à moi. Peu à peu, je me suis repliée sur moi-même. Cette tendresse qui me manquait, je l’ai alors cherchée auprès des enfants, mais c’était une manière de tromper ma faim. Puisque nous avons toujours fait chambre commune, il y avait bien entre nous des moments d’étreinte, mais voilà : le plaisir était bien loin d’être toujours partagé. Et Pierre dormait. Et moi je restais sur ma faim… Une faim qu’il ne voyait même pas, qu’il ignorait, qu’il allait même parfois jusqu’à rabrouer… Je suis devenue nerveuse, irritable. Il y eut des mots regrettables entre nous. Est venu alors le moment le plus difficile. Je ne sais pas dire à quoi cela tient. Mais le fait est là. Si Pierre ne voyait pas et ne comprenait pas où j’en étais, eh ! bien, il y en avait d’autres qui semblaient comprendre ; qui poussaient même l’audace jusqu’à me le montrer. Oh ! non, je n’aurais pas pu ! J’aime Pierre ! Et puis, j’aime mes enfants ! Mais j’ai compris là qu’on puisse devenir adultère. Parce que je l’ai été en pensées. Alors, j’ai voulu me défendre contre moi-même. Il y eut ces jours, ces soirs où je me suis fait toute câline, dans la pensée que Pierre comprendrait et, à ma tendresse, répondrait par la sienne. Est-ce que j’ose vous le dire ? Eh ! bien, tout ce que j’ai entendu de sa bouche ces soirs-là, c’est : « Ah ! tu en veux... » Et Marguerite de dire en larmes :

— Est-ce que vous comprenez que je n’en voulais plus, … qu’il me dégoûte…


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Si nous comprenons ?

Il serait facile — trop facile — de décréter que Pierre n’est qu’un rustre ! Car, l’histoire de Pierre et Marguerite, à quelques détails près, avec quelques retouches ci et là et des nuances diverses, est en fait l’histoire de quasi tous les foyers. Et le Seigneur le sait bien qui, à l’heure où Il intervient pour rendre à l’homme sa place et redonner à l’amour conjugal une structure et un contenu, dit à l’homme : Maris, aimez vos femmes, en vous donnant pour elles.

On découvre que cette vérité première concerne entre autres — si ce n’est pas d’abord — la vie sexuelle entre époux. Il n’y a pas lieu de s’en étonner.

L’amour n’est pas fait uniquement de pensées et de sentiments. L’homme n’est pas seulement âme et esprit. Il est aussi corps. Et par la volonté de Dieu, l’homme et la femme sont appelés dans le cadre du mariage à s’aimer aussi avec leurs corps. Et parce que Dieu n’est pas un théoricien — Il laisse ce travers aux hommes — à l’heure où Il vient au secours de l’homme pour le relever, où lui rendre ce qu’il a perdu, Il le rejoint là où Il le voit souffrir dans sa vie la plus personnelle et la plus intime.

Il lui découvre que l’acte d’amour est tout autre chose que ce que l’homme en a fait. Foncièrement égoïste de nature, l’homme a en effet transposé jusque dans l’acte d’amour son égoïste recherche de soi. Il en a fait une jouissance à la poursuite de son seul plaisir, dans l’ignorance parfois la plus grossière de la personne de son conjoint. Cet acte de communion était appelé à sceller et à renouveler l’unité du couple. L’ignorance et l’égoïsme jouisseur des conjoints, du mari particulièrement, ont transformé cet acte et l’ont abîmé jusqu’à en faire l’occasion de la plus profonde des ruptures entre époux, la cause même de leur mésentente, de leur dégoût, quand ce n’est pas de leur haine mutuelle.

Ce grave désordre tient à une raison première. Dans l’intention du Créateur, l’acte conjugal conduit à la découverte d’une joie, inscrite dans notre chair et qui, à l’instant où elle est éprouvée, entraîne dans sa jouissance et dans son épanouissement l’être tout entier en une unité où les deux conjoints se fondent l’un dans l’autre. Or, dans la découverte même de cette joie, l’homme a un rôle majeur ; précisément un rôle de chef. Il est, lui d’abord, le responsable de la joie charnelle de son épouse. C’est à lui qu’il appartient de la conduire dans sa découverte.

C’est pourquoi, aussi longtemps que l’homme reste celui qui pense à lui au lieu de penser à elle, celui qui cherche égoïstement sa joie au lieu d’être attentif à vouloir celle de son épouse, celui qui fait de l’acte d’amour une satisfaction de ses sens au lieu d’en faire un geste sacré d’heureuse communion, il trahit sa responsabilité, il avilit jusqu’au dégoût le privilège qui leur avait été accordé, il déforme jusqu’à le rendre haïssable quelque chose d’unique qui aurait dû les réjouir en même temps que les renouveler dans leur unité.

D’où l’impérieuse parole à laquelle il faut revenir encore : Maris, aimez vos femmes en vous donnant pour elles.

L’homme est un maître qui, pour sa femme, détient des possibilités uniques. Et son premier rôle de chef, c’est de les lui accorder. Si bien qu’à chaque fois que dans l’acte d’amour, l’égoïsme du mari frustrerait l’épouse d’une joie que Dieu a voulue pour elle par son mari précisément, il serait encore son mari sans doute, mais il ne serait pas son chef. Car le rôle des chefs n’est pas de se servir à satiété, mais de donner.

Ainsi, s’il est dans la nature de la femme d’avoir besoin de tendresse, d’égards, d’attentions, de respect, il est de l’entière responsabilité de l’homme de les lui accorder. Car aimer, c’est cela. C’est accorder à l’autre, à ce prochain dont j’étais séparé, ce qui va le réjouir, mais aussi le révéler à lui-même, puis le détourner de lui, le sortir de sa solitude et l’unir à moi. C’est ainsi que l’amour de la femme ne peut être qu’une réponse à l’amour de son mari. Ce n’est pas elle d’abord qui peut aimer. Elle ne peut que recevoir de lui ce qui lui permettra de l’aimer en retour et de le réjouir pleinement à son tour. Et c’est tellement vrai en fait, qu’à l’instant où dans l’acte d’amour la femme trouve accomplissement de sa joie, l’époux reçoit toujours la sienne. Tandis que le contraire est rare…

Dans la vie de tous les jours

Ce qui est vrai de la vie sexuelle. reste vrai lorsqu’on l’applique à la vie de tous les jours.

L’analogie de l’amour du Christ pour son Eglise trouve là précisément son heureuse application. Car il est bien spécifié : Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Eglise. Jusque dans la sévérité dont Il a dû parfois user, le Christ n’a jamais voulu autre chose que le bonheur de l’homme. Et à le réaliser, et à le lui rendre, alors même que l’homme en était foncièrement indigne, Il a tout sacrifié ; Il a donné jusqu’à sa vie sans jamais porter atteinte — ne fût-ce qu’en pensée — à celle des autres.

Il n’a rien pris des autres. Au contraire, à l’heure où les autres s’acharnaient à tout Lui prendre, Il a accepté non pas seulement de tout donner, mais encore de se donner. La Bible dit : Il s’est dépouillé Lui-même pour que nous fussions enrichis. Et quand devant la justice divine, il s’est agi de payer pour tous ces coupables, Lui seul innocent, Lui seul juste, Il s’est sacrifié. Il dira : On ne prend pas ma vie. Je la donne.

Aussi quand l’homme aime sa femme, quand il en est le chef — c’est-à-dire celui qui, selon la volonté de Dieu et à la manière du Christ, se préoccupe avant toutes choses de la joie de son épouse, et de ses enfants, — il s’attache à mettre en valeur avec une autorité entendue l’ensemble des dons qui leur ont été départis. Les tentations à vaincre, les épreuves à traverser, les obstacles à surmonter, tout vient renforcer, et la qualité, et l’intensité de leurs sentiments réciproques. Est-ce que la part de l’amour ainsi donné ne reçoit pas en retour un amour multiplié ? Il ne fait pas de doute qu’il en est bien ainsi.


♦   ♦

Quand, à l’exemple du Christ, l’homme est ce chef qui aime, ce chef qui se donne, avec cette seule pensée de la joie des autres à laquelle la sienne s’associe, est-ce que l’autorité d’un tel mari peut jamais peser à aucune femme ? Mieux que cela, est-ce qu’une femme ne sera pas infiniment heureuse de pouvoir se soumettre à l’autorité d’un tel mari ? Est-ce qu’une telle autorité ou une telle soumission pourront jamais devenir entre eux source de contestation ? Cette soumission ne sera-t-elle pas la réponse pleine d’amour à cette autorité, elle aussi expression d’un véritable amour ? Il est évident que poser la question, c’est la résoudre. Et il est facile de discerner qu’en restituant ainsi au couple une structure qui remet chacun des époux à sa juste place et leur assigne des responsabilités on ne peut plus précises, Dieu fait littéralement le bonheur de l’un et de l’autre conjoint, conséquemment celui de leurs enfants, de la communauté à laquelle ensemble ils appartiennent.

Comment le réaliser

Il suffit d’évoquer le couple ainsi reconstitué, la famille ainsi rétablie, puis la vie de communauté ainsi édifiée pour mesurer les conséquences extraordinaires — on ose dire les bouleversements — qu’une telle restauration apporterait. Quel cri de délivrance ! C’en serait fini de la solitude de tant d’époux. Finies ces soirées où l’un des conjoints est en proie aux tourments parce que l’autre est absent. Finies ces angoisses de la mère et des enfants à la perspective du retour de l’époux aviné. Finis ces week-ends plus ternes encore que tous les autres jours de la semaine parce qu’on n’a plus rien à se dire dès qu’on est ensemble. Finis ces dimanches déserts où les femmes se retrouvent une fois de plus seules avec leurs enfants parce que les maris, égoïstement, sont au match, ou en montagne, ou à moto, ou à la pêche, ou plus simplement encore avec les copains. Et puis aussi, finies ces revendications, ces reproches qu’on se lance à la figure, ces scènes qui meurtrissent jusqu’à l’âme des enfants qui en sont les témoins obligés.

Que n’arriverait-il pas ?

On pourrait mettre à la retraite une bonne partie des juges, des avocats, des psychiatres.

On pourrait mettre fin à l’émission : « Le Courrier du cœur ». On pourrait… mais trêve d’imagination !

Quelle fausse interprétation de la vérité biblique si ceux qui en prennent connaissance venaient à penser qu’elle a pour seul fin d’inspirer de beaux thèmes de réflexion à quelque naïf rêveur ! En effet, comment nier que cet enseignement biblique touche véritablement au cœur du problème ? Comment nier que dans ses détails même, cette vérité scripturaire rejoint le contexte humain dans ce qu’il a de plus communément authentique et vécu ? Au point que chacun, à un moment ou à un autre, peut s’y retrouver : ou dans sa souffrance, ou dans son désir, ou dans sa lâcheté, ou dans son égoïsme, ou dans cette volonté d’en sortir.

Il a déjà été relevé ici qu’un certain chemin bien connu était tout pavé de ces : il faudrait, on devrait, il n’y a qu’à, je vais leur montrer, etc… etc. Dieu ne nous tient pas ce langage. Sa Parole n’est pas un miroir aux alouettes. Il n’a pas la cruauté d’offrir à l’homme une belle démonstration de la réalité telle qu’elle devrait être, puis de lui dire : — Maintenant que tu as vu, tu pourras toujours essayer. Tu n’y arriveras jamais ; alors, contente-toi de la misère que tu as et garde la richesse que je t’ai montrée comme un idéal devant tes yeux !

Non, Dieu n’est justement pas idéaliste ! Il laisse ça aux gens religieux et à tous ceux qui ont un goût marqué pour une morale parfaite, applicable… aux autres ! Non, Dieu n’est pas de ceux-là ! S’Il laisse à l’homme la liberté d’élaborer des théories parfois aussi souriantes que gratuites, au contraire de l’homme qui dit et ne fait pas, Dieu ne dit rien, n’énonce aucune vérité qu’Il ne vienne Lui-même aussitôt accomplir en celui ou celle qui le croit et le veut. Ainsi, ne se contente-t-Il pas de promettre et d’ordonner. Il réalise Lui-même ce que sa parole annonce.

Il dit : Que la lumière soit ! et la lumière paraît, éclairant toutes choses.

Il dit : Lazare, sors ! Et le mort se dresse hors de son tombeau.

Il dit à la mer : Tais-toi, sois tranquille ! Et les vents s’apaisent ; et il se fait un grand calme.

Il dit : Je le veux, sois net. Ou bien : Lève-loi, et marche. Et aussitôt, le lépreux guérit, le paralytique retrouve l’usage de ses membres.

C’est en quoi la Parole de Dieu se différencie absolument de la parole humaine. Elle fait ce qu’elle dit. Elle tient ce qu’elle promet. Elle donne ce qu’elle ordonne.

Mais pas à n’importe qui ! Seulement à qui le croit et le veut en le Lui demandant. Et c’est à ce dernier geste — qui devient le premier de tous, après quoi tous les autres deviennent possibles — que Sa parole nous invite.

C’est pourquoi aussi, avant d’ordonner aux femmes d’être soumises à leurs maris comme au Seigneur, et aux maris d’aimer leurs femmes comme Christ aime l’Eglise, elle dit aux uns et aux autres (vérifiez-le !) : Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ. Ce qui revient à dire : Maris ! pour que s’exerce cette autorité qui agréera à vos épouses alors heureuses de vous être soumises, agréez vous-mêmes l’autorité de Christ. Soyez-Lui vous-mêmes soumis. — Et il exhorte semblablement les épouses !

Et cela s’explique aisément. L’homme peut prendre connaissance de la volonté divine. Il peut même trouver du plaisir à la découvrir. Mais il est dans l’incapacité de la réaliser. L’homme est bien disposé, mais sa chair est faible.


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Alors, la bonne nouvelle de l’Evangile, la voilà :

Ce qui était impossible à l’homme, Dieu est venu le faire pour lui. Dans une chair semblable à celle de l’homme, Il est venu incarner l’amour. L’amour a été fait chair. Ecce homo. Voici l’homme. Ainsi Pilate désignait-il le Christ.

Il est en effet le seul. A côté de Lui, en comparaison de Lui, il n’y en a pas d’autres. Car tous les autres, sans exception, par eux-mêmes, ne savent rien de l’amour. Le seul amour qu’ils connaissent naturellement, c’est l’amour de soi. Un amour qui prend, qui appauvrit.

Tandis que Lui, Il est venu révéler, vivre un amour qui n’aime pas soi d’abord, mais qui aime d’abord les autres. Les autres tels qu’ils sont. Et Il les a aimés pour eux. Sans condition. Même sans retour. Même à l’heure où ils bafouaient son amour. Il les avait aimés le premier. il les aima jusqu’à la fin, fidèlement.


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Il est ressuscité, Il est vivant. C’est cet amour qu’Il offre. A tout homme, aux époux. Mais cette fois, surnaturellement. Par un miracle de l’Esprit Saint.

Ce miracle n’est pas l’affaire de l’homme. L’homme n’a donc pas à vouloir l’expliquer, ou en découvrir le mécanisme.

On n’a jamais expliqué le miracle de la vie. Ça n’empêche pas l’homme d’être vivant, d’aimer la vie, de la recevoir, de la garder, de la transmettre.

Le miracle de la vie est l’œuvre de Dieu. Celui de l’amour aussi. Alors, ce qui est demandé à l’homme qui voudrait aimer et à la femme qui voudrait être aimée et aimer en retour, c’est de laisser Dieu accomplir cette œuvre en eux.

Oui, c’est ainsi et pas autrement. Dans le cœur de l’homme doit venir vivre le Christ vivant.


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Quand un homme déclare son amour à une femme, touche le cœur de celle-ci au point qu’elle consente à devenir son épouse, il lui révèle l’amour, en se donnant à elle. En retour, elle s’attache à lui, elle devient avec lui, une unité vivante, réelle.

Quand le Christ vivant vient par sa Parole déclarer son amour à un homme et toucher le cœur de celui-ci au point qu’il consente à être à Lui — celui qui écoule ma parole et qui croit… — Il lui révèle l’amour, cet amour unique qui est en Lui, le Christ. L’homme alors en fait la découverte. En retour, l’homme s’attache à Christ et devient avec Lui une unité vivante, réelle.


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Parce que l’amour de Christ est vivant en l’homme, l’Esprit Saint rend cet homme capable d’aimer sa femme comme Christ a aimé l’Eglise, en se donnant pour elle.

Et la même œuvre de régénération, Il veut l’accomplir dans le cœur de la femme, afin que, célibataire ou épouse, par l’Esprit Saint habitant en elle, elle soit rendue capable, elle aussi, d’aimer tout en restant à la place que Dieu lui a faite au foyer comme dans la communauté.

Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ. C’est le chemin d’un mariage heureux. C’est la condition d’un « amour » qui rime enfin — mais cette fois en vérité — avec « toujours » !

Absence d’hommes

On s’étonne, on s’émeut de la crise conjugale. On en cherche les causes. On incrimine la mauvaise éducation, l’absence de préparation, l’instabilité des temps, la mauvaise littérature, le cinéma, la radio. Ayant trouvé mille explications on y veut remédier par mille applications.

Est-ce que la vérité une fois de plus n’est pas beaucoup plus simple que tout cela ? Est-ce qu’en nos pays dits civilisés — dits aussi christianisés — la crise du mariage, la faillite familiale, ne sont pas tout bonnement la conséquence de ce fait : l’homme plus orgueilleux qu’il n’a jamais été, se refuse à reconnaître aujourd’hui une autre autorité que la sienne. Autrement dit, il est tout ce qu’on voudra, sauf soumis à Dieu. Il laisse ça aux femmes puisque ça leur plaît ! Et le résultat ?

Eh ! bien, il est là. Il s’étale sous nos yeux. Il suffit de regarder. Le bonheur est devenu un mot qu’on imprime sur les cartes de vœux, qu’on va chercher dans les astres, dans les horoscopes, chez les diseurs, devins, voyants et autres charlatans. Mais à part ça, à part les chansons où il en est beaucoup question, il n’y en a plus beaucoup dans la vie des gens. Il y en a aussi peu qu’il y a peu d’amour. Seulement, c’est trop facile de mettre la faute sur la haute ou la basse conjoncture, ou d’incriminer la littérature, le cinéma, le théâtre et la radio. Certainement faut-il compter avec l’influence de ces facteurs-là. Mais seraient-ils aussi déterminants si l’homme était un homme ?

L’ambiance dans laquelle on vit est sans doute oppressante et débilitante. Mais il est trop commode de l’incriminer. D’abord, elle est ce que les hommes sont. Et c’est eux qui la font et l’entretiennent et la favorisent. Et puis, si l’homme était un homme…

Alors voilà. Où sont les hommes ?


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Pour être vieille de plus de vingt siècles, l’histoire de Diogène n’a rien perdu de son actualité. Il se promenait un jour en plein midi dans les rues d’Athènes, une lanterne à la main. A ceux qui lui demandaient raison de cette bizarrerie, il répondit : Je cherche un homme.

Ecce homo. Diogène ne connaissait pas encore le Christ. Pour avoir vu l’homme tel qu’il est, il avait conçu un profond mépris pour l’humanité. Il ne pouvait savoir que Dieu prendrait en pitié cette déchéance humaine et viendrait offrir à l’homme d’en redevenir un. Seulement, il ne suffit pas que l’offre soit faite. Encore faudrait-il que l’homme l’accepte !

Cette nécessité est tellement urgente, criante d’urgence ! Faute d’hommes, faute de chefs qui, comme le Christ, aiment en se donnant, qui aiment en respectant la personnalité du prochain, l’épouse souffre. Mais pas elle seule. Tout prochain de l’homme : ses enfants, ses subordonnés, ses compagnons. Et lui-même !

L’absence d’hommes soumis à Christ, l’absence de foyers fondés en Christ, c’est la vraie misère de ce temps.


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En effet, qui dit absence d’hommes, dit absence d’une vraie autorité. Si la femme en souffre, il est quelqu’un qui en souffre bien davantage qu’elle : l’enfant.

Il y a ceux qui ont vu leur foyer brisé par le divorce. Et puis, il y a tous ceux dont le foyer est encore entier, mais sans que ce foyer soit régi par aucune réelle autorité. A moins qu’y règne celle des coups, celle des remontrances ou des grandes morales dont le père, et parfois encore la mère, sont précisément la démonstration contraire. Ils crient, ils ordonnent, ils exigent, et sous les yeux de leurs gosses, ils font exactement le contraire. Hypocrites !

Les enfants n’osent pas toujours le dire. Ils n’en pensent pas moins. Jusqu’au jour où ils sont assez grands pour « envoyer promener tout ça », tout en faisant exactement la même chose.

On se plaint de l’anarchie des gosses d’aujourd’hui. Comment pourrait-il en être autrement ! Si le père ne connaît d’autre autorité que la sienne, s’il refuse la soumission à Christ, s’il « râle » contre toute autorité quelle qu’elle soit, contre toutes les lois par lesquelles cette autorité veut le régir ; si la mère fait la même chose, refusant et l’autorité du Seigneur et l’autorité du mari, comment les enfants pourraient-ils accepter l’autorité des parents ? Ils ont des yeux pour voir, des oreilles pour entendre. Si la loi divine ou morale ou civile qu’on brandit devant eux n’est que prétexte à les soumettre, alors que les parents eux-mêmes n’y sont surtout pas soumis, quelle autorité peuvent encore avoir un tel père, une telle mère, de tels parents ?

Après ça, on peut bien dire que les enfants de cette génération sont impossibles ! On peut bien, les yeux au ciel, faire de grandes phrases sur la jeunesse d’aujourd’hui !

La vérité, c’est que la branche a tout simplement jailli du tronc et que les enfants sont avant tout, avec toutes les exceptions qui confirment la règle, selon le modèle des parents.


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Et puis, qui dit absence d’hommes, dit absence de respect. Christ seul respecte toujours le prochain. Quand Il s’approche d’un être destiné à devenir un avec Lui, Il ne l’écrase pas, Il ne le diminue pas, ne le flatte pas. Après l’avoir libéré de tout esclavage, Il met simplement en valeur la personnalité de cet être.

Tandis que l’homme tout court, selon un vieux proverbe latin, est un loup pour l’homme. Il n’est pas de vilenies, de mépris, de divisions, d’exploitation, d’esclavage, de crime qu’il n’ait commis au détriment de son semblable. Et la femme de cet homme ou le mari de cette femme, ou tous deux réciproquement, n’échappent pas à cette loi. Il n’est que de voir comment ils peuvent se traiter mutuellement, ne fût-ce parfois que du regard ! S’ils en sont là entre époux, qu’en sera-t-il des enfants ? Et s’ils en sont là en famille, comment seront-ils en société ?

Enfin, qui dit absence d’hommes, dit absence d’amour. Ce qui ne signifie pas absence de sexualité. Il se pourrait même que l’érotisme effréné qu’on connaît aujourd’hui ne soit précisément que le signe de cette absence d’amour. L’homme et la femme ont faim du véritable amour. Ils croient le trouver au sein même de la sexualité. Comme dans sa forme naturelle elle ne leur donne pas ce qu’ils en attendaient, ils s’adonnent à toutes les extravagances, à la débauche même s’il le faut, dans la pensée qu’ainsi ils tiendront enfin et pour de vrai cet amour jusqu’ici resté insaisissable. Ils ne font qu’exaspérer leur sens et leur dépit. Avec Byron, beaucoup d’entre eux pourraient dire : Demain c’est ma fête. Lorsque ma pendule aura sonné minuit, dans 12 minutes, j’aurai achevé ma trente-troisième année, Je me couche avec un poids sur le cœur, avec l’idée que j’ai vécu si longtemps et pour si peu. Les fleurs et les fruits du plaisir ont passé. Les épines, les vers, la pourriture, voilà tout ce qui me reste. Je ne trouve plus de plaisir dans la volupté et j’en traîne les fers. Ma vie est un enfer. (Journal de Lord Byron 1788-1824.)


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« Non, la sexualité n’est pas l’amour. Elle n’en est que le support. »

Il ne suffit pas, en effet, de mettre un homme et une femme sous le même toit. L’amour est le fruit de l’Esprit. Seuls les foyers, les cœurs, les corps où l’Esprit du Christ a pu entrer, goûtent à la saveur de l’amour. Et précisément parce que l’amour n’est pas le fruit de la sexualité, il est aussi la joie et le privilège de beaucoup de célibataires. Et quand l’amour est absent, l’homme ne connaît plus qu’une forme d’autorité : celle qui abaisse les autres, qui les subjugue, qui les domine, qui les écrase. Et la seule réalité devant laquelle ils gardent encore le respect — et pour cause — c’est la mort. Devant elle, oui, ils s’inclinent. C’est qu’ils ne peuvent pas faire autrement.

Alors, dans un monde où l’amour est absent, où l’autorité abaisse et écrase, où seule la mort devient un lieu de vraie fraternité, que reste-t-il d’entier ? La haine. Jusque sous le patronage de la paix, c’est à établir son règne, que l’homme — ou ce qui en tient lieu — s’emploie.

Et il voudrait qu’on applaudisse !


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Il ne faut pas chercher des coupables. Il faut chercher des hommes. Des hommes qui comprennent.

Il faut les appeler, il faut leur crier : Pitié pour vous ! Repentez-vous !

Car c’est à nous, hommes, qu’il sera demandé compte de la souffrance des gosses, et de la souffrance des femmes, et de la méchanceté des hommes.

Et les hommes seront sans excuse !

Parce que l’amour du Christ leur a été offert, et qu’il ne s’est trouvé, neuf fois sur dix, que les mains des gosses et celles des femmes sous la croix, pour le recevoir.

Épouse d’un incrédule

Il ne serait pas admissible de clore ce chapitre où a été si violemment soulignée la place et, à cette place, le rôle de chacun des conjoints dans le mariage, sans qu’il soit donné réponse à la juste question que certaines femmes pourraient poser.

Il était facile de comprendre qu’à l’heure où le mari est un chef qui, en vérité, se donne pour la joie de sa femme, celle-ci ne puisse être qu’heureuse dans la libre dépendance d’un tel mari. Seulement de tels maris ne courent pas les rues !

De plus, beaucoup d’hommes sont trop prisonniers de leurs aises et de leur orgueil pour admettre qu’ils auraient du chemin à faire. Et c’est ainsi que de nombreuses épouses se trouvent dans une situation d’autant plus douloureuse qu’elles voient très bien ce dont souffre leur foyer, mais restent seules à en vouloir la guérison.

Enfin, s’il y a beaucoup d’hommes déplorablement autoritaires, il y en a aussi beaucoup qui n’ont aucune autorité du tout.

Que devient la structure du foyer en de telles circonstances ? Quelle attitude doit prendre une femme aux prises avec les avanies ou avec les embarras que lui crée le despotisme ou la pusillanimité de son mari ?

Le simple bon sens le fait comprendre. Quand, à l’autoritarisme, on répond par un autre autoritarisme, c’est-à-dire : quand l’époux despote, selon l’expression consacrée trouve « à qui parler », cette fin de non recevoir garde peut-être l’épouse hors d’un certain asservissement ; mais elle maintient à tout jamais les conjoints en dehors d’une véritable unité. Le foyer a deux têtes. Elles commandent peut-être chacune dans leur domaine, ceci à la seule fin d’éviter que les têtes se heurtent. Il arrive qu’avec les années elles regardent occasionnellement dans la même direction parce que, l’expérience aidant, elles ont appris à se faire de mutuelles concessions. Mais en aucune façon ce foyer connaîtra ce qu’est l’amour dans l’unité. Ces époux seront peut-être heureux en affaire, comme peuvent l’être deux associés ; heureux en plaisir, comme peuvent l’être deux passagers en excursion ; peut-être encore heureux sexuellement, comme peuvent l’être deux jouisseurs d’occasion ; mais précisément ils resteront deux ; c’est dire aussi : seuls ; et il est d’innombrables heures et occasions où ils l’éprouveront avec souffrance.

Oui, le simple bon sens le fait comprendre.

Comme il fait comprendre l’anomalie que comporte l’autre situation : celle où, à la pusillanimité du mari, la femme a répondu — peut-être par goût autant que par nécessité — en assumant elle-même l’autorité.

Elle dira qu’il lui était impossible de faire autrement, qu’après bien des expériences décevantes, elle a dû progressivement en arriver là. Et il semble qu’elle ait raison. Parce qu’effectivement, sous sa baguette, les choses semblent aller bien, voire mieux. Mais sur le plan de l’amour dans l’unité, où en sont ces époux ? On l’a déjà relevé ici. Si la férule masculine laisse les conjoints dans la solitude, la férule féminine ne fait pas mieux. Même quand il a l’air d’y consentir, un mari n’est jamais heureux de voir sa femme porter les pantalons. De tels époux connaîtraient-ils même une certaine forme d’unité, ils resteront pourtant deux ; donc aussi seuls ; avec d’innombrables heures et occasions pour en souffrir ! Parce qu’un corps n’a qu’une tête ; et que pour vivre dans l’harmonie, il faudrait que cette tête soit à la bonne place !


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Mais comment faire, si l’on veut refuser soit l’asservissement au mari autoritaire, soit l’étiolement dû à l’absence d’un vrai chef ?

Il est évident qu’à l’impossible nul n’est tenu. A moins que Dieu ne s’en mêle. Et Il le fait, en s’adressant précisément aux épouses de tels maris, par le ministère de l’apôtre Pierre qui écrit :

C’est chose agréable à Dieu que d’endurer des afflictions et des peines injustes par motif de conscience envers Dieu… Or, c’est à cela que vous avez été appelés. Le Christ aussi a souffert pour vous en vous laissant un exemple pour que vous suiviez ses traces. Lui qui n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s’est point trouvé de fraude ; Lui qui, outragé, n’a has rendu l’outrage ; qui, maltraité, n’a point fait de menaces, mais s’en remettait à Celui qui juge avec justice ; Lui qui a porté Lui-même nos péchés dans son corps sur le bois, afin que morts à nos pêchés, nous vivions pour la justice. Vous donc aussi femmes, soyez pareillement soumises à vos maris. S’il en est qui n’obéissent point à la parole, ils seront sans parole, gagnés par la conduite de leur femme, remarquant la sainteté et le respect de votre conduite. Que votre parure ne soit pas extérieure : cheveux tressés, bijoux d’or, élégance de la toilette ; mais ayez celle parure intérieure et cachée dans le cœur, la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible, qui est d’un si grand prix devant Dieu. C’est ainsi que se paraient jadis les saintes femmes qui avaient leur espoir en Dieu. Ainsi Sara obéissant à Abraham. Vous êtes devenues ses filles par la pratique du bien sans vous laisser troubler par aucune crainte.


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La méditation de ce texte oblige d’abord à trois remarques.

En s’adressant à la femme liée à un incroyant, la Parole de Dieu la laisse sans illusion sur les conditions qui peuvent être les siennes. En fait de bonheur assuré, c’est celui du Christ livré aux mains des hommes qui sert d’exemple. C’est dire jusqu’où peut aller la souffrance d’une épouse ! S’en rendent-elles compte toutes ces jeunes filles qui, ne considérant que l’extérieur, voient de suffisantes garanties dans le fait que l’homme qu’elles fréquentent a le gabarit d’un athlète, le tour d’esprit goûté en société, la grosseur du portefeuille souhaité ? Comme si cela était l’essentiel !

Cette exhortation, en certains de ses détails, n’invite pas la femme à s’habiller avec mauvais goût, à négliger sa tenue ! Ce n’est pas à l’habillement de la femme que l’apôtre en a, mais aux motifs de cette recherche vestimentaire. En s’habillant avec ostentation, elle pourrait vouloir attirer les regards sur elle (et quels regards !) ou bien, dans sa tenue de parade, solliciter une attention sans rapport avec la place discrète que Dieu lui réserve aux côtés de son époux.

Qu’elle se demande donc à qui, en vérité, elle veut plaire. Qu’elle se demande aussi comment, en voulant plaire, elle demeurera celle qui « aide » ; car il est d’innombrables femmes dont l’accoutrement est un appel à la convoitise masculine la plus impudente. Qu’elle se demande enfin si cette recherche de la parure extérieure n’est pas le plus faux des témoignages, puisque l’accent est mis sur l’apparence. Puisqu’aussi cette recherche, ensuite de l’argent qu’on y met, du temps qu’on y consacre, de l’intérêt qu’on y porte, semble être une authentique valeur, alors qu’en réalité elle n’en a aucune en soi.


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En soulignant une fois encore la place des conjoints dans le mariage, la Parole de Dieu adresse ici une vocation très particulière à l’épouse croyante qui se trouverait liée à un mari incrédule.

Si dans le foyer construit « sur le roc » de la volonté de Dieu, la place de chacun des conjoints est facteur d’harmonie et de bonheur, cette place de l’épouse par rapport à son mari trouve une justification nouvelle dans un foyer où l’incrédulité du mari a remplacé le roc de l’amour par le sable de l’autoritarisme ou celui de la pusillanimité.

Le simple bon sens aurait déjà beaucoup à nous apprendre.

Dans le cas d’un époux « faiblard », si la place de chef est restée vacante, cette « vacance » sera une invite continuelle adressée à l’époux de prendre ses responsabilités au sérieux et de les assumer. Tandis qu’à accaparer l’autorité, la femme risquerait de s’installer définitivement dans cette autorité, au point qu’elle ne discernerait plus l’anomalie de la situation et empêcherait ainsi à jamais son mari de devenir ce que tout au fond d’elle-même elle souhaiterait qu’il soit.


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Et dans le cas du mari desposte ?

Le texte de l’épître de Pierre est lourd de promesses, quand la femme vit dans la foi en Christ.

En restant à sa place, en y gardant une attitude précise, il lui est dit qu’elle travaille d’une part à la conversion de son mari, d’autre part mais conséquemment, à l’unité de son foyer et au témoignage que tout foyer est appelé à rendre ici-bas.

Au début de l’ère chrétienne, il arrivait souvent que la femme se convertisse tandis que son mari restait rebelle à l’Evangile du Christ.

De nos jours aussi, on peut s’être marié (hélas ! même religieusement) avec légèreté et dans l’ignorance profonde du vrai caractère de la foi vivante, et ne faire que tardivement son chemin de Damas. L’Evangile sait cela. Il dit les joies incomparables de la foi en Christ ; mais il ne cache pas que cette existence nouvelle s’accompagne souvent de graves difficultés. Il sait qu’en dehors de la foi, l’humeur des époux peut être difficile. Il sait aussi que la foi de l’épouse pourra rendre encore plus difficile l’humeur du mari incrédule. Il laisse même entendre que le mari païen pourra faire subir à son épouse un despotisme allant jusqu’à l’outrage. Mais contrairement à un sens d’une justice tout humaine, il ne dit pas à la femme d’y trouver prétexte à la révolte, à la revendication aigri allant jusqu’au divorce. Ayant rappelé l’exemple du Christ qui, outragé, ne rendait pas l’outrage, maltraité ne faisait point de menaces mais s’en remettait à Dieu à qui rien n’est caché et dont la justice finit toujours par atteindre ses créatures, il conclut que pareillement à Christ dont l’épouse veut être le disciple, la femme liée à un infidèle doit attendre de Dieu sa défense. Même dans la condition difficile que peut être la sienne, elle ne doit point trahir sa vocation.


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Il est peut-être nécessaire de le préciser : si Dieu, après avoir fait passer une âme de l’incrédulité à la foi — ce qui veut dire aussi de la mort à la vie éternelle — laisse cette âme dans une condition terrestre parfois très difficile — exemple : la femme croyante liée à un mari despote — ce n’est point pour faire payer à cette âme le prix de son salut. Le témoignage que Dieu demande des siens n’est point la rançon de leur éternel bonheur. Ceux qui le croient travestissent la vérité. Leur vertu ne fait envie à personne et nous détournerait plutôt de la foi.

Non ! La présence des croyants, en particulier de l’épouse croyante au foyer de l’incrédule, a une tout autre fin : la miséricorde de Dieu. En effet, s’il en est parmi les païens que la seule prédication de la Parole suffit à amener à la connaissance du Christ vivant, il en est beaucoup d’autres qui, pour entendre la Parole, ont besoin de la voir vécue par leur proche. Leur incrédulité est si tenace que seule la force d’un exemple cent fois, mille fois vérifié, pourra les vaincre et les convaincre.

C’est pour atteindre cette sorte-là d’incrédules que le Christ dit à leurs épouses croyantes : Soyez mes témoins devant vos époux ! Ce qui ne signifie nullement que ces époux se laisseront nécessairement toucher et convaincre. Il se pourrait même que l’attitude humblement patiente d’une épouse soit pour le mari un prétexte de plus d’accabler sa femme. Pourtant, même ainsi, elle saura se souvenir qu’elle est en présence de Celui qui connaît toutes choses et juge justement. Il a promis que les fidèles ne seraient jamais éprouvés au-delà de leurs forces.

L’ordre de Dieu

De toutes manières, la femme inspirée par le Christ préférera cent fois avoir à souffrir injustement que d’encourir le reproche d’avoir, par son attitude de révolte, empêché l’œuvre dans le cœur d’un infidèle, surtout si celui-ci est son mari. Et ce pourrait être facilement le cas si, au nom de sa foi, elle avait un témoignage en paroles, mais que ce témoignage soit aussitôt démenti devant le mari — et il faudrait ajouter les enfants — par une attitude d’irrespect, d’insoumission et de révolte. (A noter que les mêmes exigences seraient à formuler dans le cas d’un époux chrétien lié à une femme hostile à l’Evangile) Donc l’épouse croyante se voit appelée « à une conduite sainte ».


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Cette sainteté offre plusieurs aspects aussi importants les uns que les autres. Avant d’en parler en détails, il importe d’en redire les limites : En aucun cas, pour plaire à son mari et incarner à ses yeux toute la richesse trouvée en Christ, une femme acceptera que son comportement déplaise au Seigneur. La soumission et le respect dus au mari incrédule passent après l’obéissance à Christ. « Sire Dieu premier servi. »

Cette sainteté se plaira d’abord à être fidèle aux commandements divins, et cela jusque sur un plan ou précisément l’époux aurait tendance à se croire frustré. Aucune femme chrétienne ne se refusera à son mari par motif de piété. A moins que ce ne soit un refus de gestes qui tiennent non plus à l’amour conjugal selon la volonté divine, mais à de la dépravation obscène ! Il est alors de son devoir de s’y opposer.

Cette sainteté vise à la conversion du mari. Elle s’accompagnera donc d’une intercession persévérante, fondée sur la promesse que Dieu a faite et à laquelle Il sera fidèle : Le mari sera gagné sans la prédication de la parole, par la simple conduite de sa femme.

Il peut arriver que des témoignages soutenus par une intercession persévérante soient restés sans réponse. C’est qu’ils étaient peut-être le fruit non d’une charité chrétienne, mais celui d’un inconscient égoïsme : « Seigneur, convertis mon mari. afin qu’il me laisse tranquille ! »


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Cependant, ce qui donne à cette sainteté sa valeur incomparable, c’est qu’elle transforme l’épouse en une personne cachée dans l’incorruptibilité d’un esprit doux et paisible. Cette traduction littérale du texte sacré pourrait faire l’objet d’un intéressant catalogue de mode. Elle signifie en effet que l’esprit doux et paisible doit être le « deux pièces » de forme classique ou fantaisiste que toute femme doit revêtir si elle veut plaire à son mari en même temps qu’à Dieu. Quant à l’étoffe dans laquelle sera taillé un tel vêtement, il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour en faire l’acquisition, et la gratuité en est le prix invariable. Il est dit, en effet : Pareillement à Christ, femmes, soyez… etc.

Ce que le Christ a été en toutes circonstances, même dans les plus difficiles, le chrétien doit l’être à son tour. Dans l’opposition, sous les outrages, face aux sévices les plus infâmes, Jésus est resté « Celui qui est doux et humble de cœur ». Il l’était avec les siens. Il l’est resté au milieu de ses ennemis.

L’homme, et aussi la femme soumise à Jésus-Christ, non seulement ne sauraient être autres que leur Maître, mais encore doivent d’autant plus Lui ressembler qu’ils veulent Lui rendre témoignage devant le conjoint. Plus encore si celui-ci est un incroyant !

Rien n’a pu encore corrompre l’amour du Christ pour les Siens. Rien n’a pu altérer, ni Sa douceur, ni Sa paix ; pas plus les vociférations de la foule excitée, les accusations du grand prêtre, les soufflets du sanhédrin, les railleries, les crachats et les coups des soldats, que la trahison des disciples et leur abandon. Et les paroles de la Croix traduisent encore cette douceur et cette paix qui ne cessèrent d’habiter Son esprit et Son cœur. Aussi bien, dans la situation d’époux ou d’épouse lié à un incroyant, est-ce ce témoignage particulier de douceur et de paix qui, « sans la parole », pourra toucher à salut le cœur de l’endurci.

C’est la bonté de Dieu, c’est l’amour manifesté jusque dans la mort de la Croix qui ont amené l’homme à la repentance. Cette bonté de Dieu avait de nombreux aspects parmi lesquels la pureté de son Esprit doux et paisible brillait d’un éclat particulier. L’épouse qui est revêtue de cette parure, aux heures où l’attitude, le comportement, les paroles, les faits et gestes de son époux incroyant susciteraient l’aigreur, la colère, la révolte — cette épouse-là est servante du Seigneur crucifié. Sans parole, elle est pour son époux un appel à la repentance, une bénédiction de la part de Dieu. Et comme était précieux et lourd de conséquences le sacrifice du Christ fait par amour pour les Siens, est précieux et lourd de conséquences l’esprit doux et paisible du conjoint qui, par fidélité à Christ et amour pour les siens, reste patient et paisible au côté d’un époux ou d’une épouse d’humeur et de comportement difficiles.


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Dans la perspective de l’Evangile, la grandeur d’un homme et pareillement de sa femme ne tient pas à ce qu’ils font, mais à ce qu’ils sont. Partout où elle va, dans tout ce qu’elle fait, particulièrement dans les humbles besognes qui souvent remplissent obscurément sa journée, une femme sera grande par la douceur et le calme qu’elle apporte avec elle. Ses hauts faits ne seront pas souvent célébrés. Il arrivera même que tous les membres de la famille comme aussi les hôtes de passage goûtent à cette douceur bienfaisante sans même remarquer ou faire remarquer qu’ils y ont goûté ! Cependant, le ministère précieux de la femme est là : dans cette paix douce et aimante dont elle entoure la vie de son mari, dont elle imprègne aussi l’atmosphère de sa maison. Vinet a écrit : La sérénité sur le front d’une femme a une inconcevable puissance. Par la foi, tout homme devient fils d’Abraham. Par la douceur et la paix du cœur, toute épouse devient fille de Sara. Il en coûte à l’homme de devenir vrai fils d’Abraham. Le prix ne se discute pas : c’est la mort à soi-même. Il en coûtera exactement de même à la femme appelée à devenir non seulement fille d’Abraham, mais encore fille de Sara !


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Comment ne pas le faire remarquer ? La Parole de Dieu est perspicace. Elle sait à l’avance le crédit, l’accueil qu’une telle attitude recevra dans ce monde. Mille voix ne se sont-elles pas accordées pour inspirer à la femme une autre notion de la grandeur et l’appeler à rechercher une tout autre parure ?

L’on sait aussi le résultat de cette moderne aspiration et de cette nouvelle notion de la grandeur. L’on sait de quelles éclaboussures est aujourd’hui ternie la femme devenue l’égale de l’homme, quand ce n’est pas son maître et parfois son faux dieu.

Cette prétendue émancipation va exactement de paire avec l’exploitation la plus éhontée qu’on ait jamais fait de la femme. Elle est devenue tour à tour source de revenus, marchandise diversement cotée sur le marché du travail, objet de luxe, de convoitise et de plaisir. Aussi après usage et services rendus, peut-elle être abandonnée comme telle par l’homme ! Pourquoi se soucierait-il d’elle ? Devenue sa partenaire à égalité de droits et de responsabilités, il est « libre » de l’abandonner et de la laisser se débrouiller. Surtout si elle a cessé de lui plaire et a épuisé pour lui tous ses charmes. Les sollicitations d’un certain féminisme, les généreuses incitations à revendiquer les droits de la femme, à refuser la soumission au mari, à sortir résolument de son rôle d’aide pour prendre celui de partenaire, les appels à occuper le premier plan, à rechercher une grandeur qu’elle n’aurait que trop longtemps et trop souvent laissée à l’homme, tout cela dit, imprimé, colporté, répété, enseigné de mille manières et par mille bouches pourrait susciter chez la femme fidèle la crainte d’être incomprise des autres, de passer pour ridiculement arriérée si elle n’y donnait pas suite. Que répond l’Esprit Saint ? « Sans vous laisser troubler par aucune crainte… faites le bien. » C’est-à-dire : le bien étant ce que Dieu veut et nous révèle dans sa Parole, que la femme n’ait qu’une seule crainte : celle d’être infidèle à la volonté divine, à la vocation que Dieu lui adresse et que sa Parole a défini clairement. Qu’elle n’écoute pas les sages de ce monde qui, parfois jusque dans les rangs de l’Eglise, croient être plus sages que Dieu et appellent la femme à un comportement autre que celui enseigné par l’Ecriture. Qu’elle écoute donc la sagesse divine et aide son mari à la découvrir à son tour.

L’affranchissement de la femme à la manière de Christ dépasse infiniment les plus généreux des « égalitaires » modernes. Car, sous l’inspiration du même Saint-Esprit, l’apôtre Pierre, comme l’apôtre Paul, s’adresse aux maris.

A votre tour, maris, comportez-vous avec sagesse dans vos rapports avec vos femmes… Puisqu’elles doivent avec vous hériter de la grâce de la vie, ayez des égards pour elles, afin que rien ne trouble vos prières.

Ce chapitre ne pourrait trouver plus heureuse conclusion. Cette parole confirme, en effet, tout ce qui a été dit jusqu’ici. La supériorité de l’homme tient non à sa nature, mais à la responsabilité que selon l’ordre de Dieu, le mari doit prendre envers sa femme. Car leur héritage commun les ramène, devant Dieu, comme l’un à l’égard de l’autre, exactement sur le même plan. Ils ont ensemble besoin de la grâce divine. Le prix payé par Christ était le même pour l’homme et pour la femme. Le Seigneur les aime d’un même amour ; et cette grâce, donnée également, rappelle au mari qui viendrait à l’oublier, la valeur incomparable de son épouse.

Aussi, il ne pourra jamais se prévaloir de son autorité et exiger de son épouse un comportement qui ne serait plus celui d’une héritière de la grâce, mais celui d’une esclave. Non, l’ordre est précis : Montrez de la sagesse, ayez des égards. C’est l’insigne responsabilité du mari d’être fidèle dans ces petites choses, ces petits riens, ces détails d’attitude, de gestes, de mots qui donnent leur vraie couleur à la vie journalière et à l’amour des époux. Cette sagesse, avec tous les égards qui doivent l’accompagner, saura mettre en valeur la personnalité de la femme sans jamais cependant la priver de l’autorité ferme et aimante qui lui est nécessaire, Car la sensibilité, l’émotivité, l’intuition féminines peuvent devenir un piège et pour la femme et pour son mari.


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Mais pour tant de responsabilités, qui s’avérera suffisant ? C’est ensemble, à genoux, que les époux peuvent recevoir du Seigneur la force d’être l’un pour l’autre ce que Dieu veut qu’ils soient. Le mari, prêtre du foyer, ne saurait remplir ce sacerdoce devant et avec son épouse si son comportement envers elle, ses manques d’égards, en étaient le démenti. Noblesse oblige ! Le rôle de chef départi à l’homme n’est pas un titre honorifique et encore moins une prérogative. C’est une grave responsabilité. Pour l’accomplir, tout mari saura demander humblement le secours du Seigneur, et l’intercession de son épouse.

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