La lecture de l’Ancien et du Nouveau Testament nous instruit du dessein de Dieu envers ce monde. Parallèlement, elle amène à une véritable connaissance de l’homme. Cette information, illustrée par de très nombreux récits et par l’évocation de situations circonstanciées, couvre près de trois millénaires. Elle conduit à la découverte — si c’en est une ! — que l’homme, quelles que soient sa race et sa culture, reste étonnamment fidèle à lui-même.
Près de deux mille ans se sont ajoutés à cette grande fresque de l’Histoire racontée par la Bible. Ils n’ont modifié aucun des traits déjà connus de notre humanité. Les déclarations de l’Ecriture — la description des problèmes, des crises, des détresses de l’homme et de la société — et les solutions qu’elle propose nous concernent donc de la même manière qu’elles concernaient l’Eglise primitive. Certes, la civilisation connaît aujourd’hui d’autres modes d’expression, mais elle se heurte encore et toujours aux mêmes obstacles fondamentaux. Cela revient à dire que la Bible n’a rien perdu de sa valeur et que son enseignement reste libérateur.
Par le ministère de l’Eglise, cette libération a emprunté les chemins que Jésus avait tracés. Comme leur Maître à Nazareth, les disciples ont annoncé l’Evangile, publié la fin de l’oppression et la liberté retrouvée. A son exemple aussi, ils ont accompagné leur message de gestes concrets. Leur histoire a pris le nom d’Actes des Apôtres. Ce livre est l’illustration d’une remarque importante de Luc l’évangéliste. Parlant de Jésus, il dit — le choix et l’ordre de ce vocabulaire sont significatifs : “J’ai parlé de tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner” 1.
1 Actes 1.2.
Dans des chapitres ultérieurs, nous apprendrons quand et comment pratiquer la libération enseignée par l’Evangile. Ici, nous nous en sommes tenus à quelques constatations.
Au premier siècle, en Judée, en Samarie, dans l’Empire romain et au-delà, à cause de ce témoignage concret de l’Eglise, l’indifférence et le formalisme religieux firent place à la vraie foi ou à ce qui peut y prédisposer : Devant les nombreux prodiges et miracles accomplis par les apôtres, la crainte était dans tous les cœurs 2. La hardiesse des prédicateurs n’était pas étrangère à ces résultats. Mais ce qui forçait l’attention du peuple et finalement des autorités, c’étaient les guérisons accréditant leur message : Les croyants toujours plus nombreux venaient au Seigneur, hommes et femmes en multitude. Le peuple des villes voisines venait aussi en foule à Jérusalem, amenant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs ; et tous étaient guéris 3.
2 Actes 2.43.
3 Actes 5.16.
De plus, comme au temps de Jésus, prédications et guérisons s’accompagnaient de manifestations : Beaucoup d’esprits impurs sortaient en poussant de grands cris et beaucoup d’infirmes étaient guéris 4.
4 Actes 8.7.
Aussi est-il intéressant de s’interroger et de découvrir les raisons qui, très rapidement, firent obstacle à cette impressionnante expansion de la vie de l’Esprit.
Une dizaine d’informations, aussi brèves que suggestives, données successivement par Luc (les Actes), par Paul (les épitres) et par Jean (épîtres et Apocalypse) nous amènent à cette découverte.
5 Actes 8.1.
8 Actes 17.5.
11 1 Timothée 4.1.
13 Esaïe 6.10 ; Jean 12.40.
14 Apocalypse 9.20.
15 Apocalypse 21.8.
En fait — l’ensemble de ces textes le révèle — le seul véritable adversaire, c’est Satan le dieu de ce siècle. C’est lui l’organisateur des difficultés internes et externes que connaît l’Eglise. Bien sûr, ainsi que nous l’avons souligné, ses possibilités d’action sont limitées à celles que l’homme lui offre. Mais justement, par le biais de la séduction, de l’aveuglement, de l’orgueil et de l’idolâtrie, il en fait des instruments d’autant plus efficaces qu’ils se laissent éblouir par ses suggestions. A des fins d’hégémonie, il use de tous les moyens d’asservissement.
Il appelle à l’autonomie, avec des arguments savants, subtils, même raffinés.
Il pousse à la confusion des sentiments, passionnels et trompeurs, à l’enthousiasme facile ou à l’emportement fanatique.
Il s’ingénie à exaspérer jusqu’à la revendication grossière ou déraisonnable tel besoin naturel de l’un ou de l’autre de nos sens.
Il agit sur la personne, sur le groupe, sur la masse. Il invite à la passivité, à l’irresponsabilité, à l’anonymat, au soupçon, à l’accusation, à la dissimulation. Il contrefait, il manipule, il flatte, il violente. Il aime dominer, mépriser, corrompre, détruire. Et jusque dans l’Eglise, il travaille à semer la discorde et la division, à corrompre la la fidélité par le sectarisme.
Il est “le dieu de ce siècle”, l’allié de la mort. Avec elle, il fait servir à ses desseins même les choses les meilleures. Dans l’Ecriture, son action délétère est illustrée par deux paraboles dont on n’épuise jamais la richesse de révélation : la parabole du semeur, et la parabole de l’ivraie et du bon grain. On n’a peut-être pas assez souligné que la deuxième ajoutait à la première un enseignement capital. En effet, devant le spectacle désolant d’une humanité en faillite et moribonde, elle dit clairement : Tandis que les gens dormaient, un ennemi a fait cela.
C’est généralement à notre insu (‘tandis que nous dormons”) que l’Ennemi mène son action. Cependant, selon l’Ecriture, le sommeil est l’image d’une torpeur qui conduit à la mort. Cette condition d’hébétude et d’aveuglement n’est pas le fait du hasard. C’est ce que nous explique en trois phases clairement définies la parabole du semeur.
Lorsqu’un homme entend la parole du royaume et ne la comprend pas, le Malin vient et enlève ce qui a été semé dans son cœur 16. Dieu nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable 17. Le diable s’ingénie donc, depuis toujours, mais aujourd’hui plus que jamais, à obscurcir cette intelligence du cœur et de l’esprit qui distingue l’homme de toutes les autres créatures.
16 Matthieu 13.19.
17 1 Jean 5.20.
Par abus de narcotiques, de soporifiques, de tranquillisants compensateurs d’excitants, il cherche à anesthésier la sensibilité et la volonté consciente de l’homme fait à l’image de Dieu.
Le travail créateur et artistique associe l’homme à l’œuvre divine. Sous l’égide de Mammon et de la société capitaliste, ou de son alter ego, la société sans classe sous la dictature du prolétariat, le diable corrompt l’activité humaine. Par le machinisme, le stress, le stakhanovisme, le travail à la pièce et à la chaîne, le surmenage d’une production forcée si on la veut rentable, il dégrade le labeur et, quand il le peut, fait du travailleur non plus un homme mais le rouage d’une usine, d’une entreprise, d’une administration, d’un parti, d’une nation.
Au moins faudrait-il que dans de telles conditions, les loisirs et le repos offrent à l’homme l’occasion de se recréer et de se cultiver. Les mass-média pourraient y aider. Elles l’ont fait et elles le font encore. Mais on constate qu’une partie grandissante de la presse écrite, illustrée, diffusée ou télévisée, abandonne ce qui serait stimulant où récréatif et multiplie jusqu’à l’envahissement les titres à sensation, le film abêtissant ou porno, une information faisant large place au slogan, à la compétition chauvine et politisée, à l’inflation verbale, à la soûlerie du bruit, du rythme, de la violence d’une civilisation ‘‘décerveleuse” et standardisée. Même l’économie et la politique collaborent à cet établissement progressif d’une société sans âme, sans esprit, sans cœur, où la personne originale fait place à l’individu fiché, numéroté, uniformisé, “ensardiné” dès sa naissance dans des maisons “hachélémées” tenant à la fois de la caserne, de la prison, du clapier et du colombarium.
Comment cet homme empaqueté, à l’intelligence ainsi ‘‘enfaçonnée” et assourdie, pourrait-il encore entendre la Parole ?
Par un miracle, œuvre d’une Providence aimante et prévenante, une grande partie d’entre les hommes en réchappent, c’est-à-dire réfléchissent à l’existence, à son origine et à sa fin. Ils conviennent de l’absurdité de ce qu’ils font ou consentent à faire. La Parole continue à leur parvenir, les illumine un instant. Ils la reçoivent aussitôt avec joie. Que l’affliction ou la persécution survienne à cause de la Parole, l’homme y trouve une occasion de chute 18.
18 Matthieu 13.21.
Ce “à cause de la Parole” peut être compris diversement.
Il caractérise d’abord ces situations où la foi est tournée en dérision par les incrédules, où la fidélité à Jésus-Christ est mise en cause par ceux qui n’en veulent rien savoir pour eux-mêmes et la contestent chez les autres. Et cela peut aller jusqu’à la persécution.
En matière de moquerie, de dérision et de violence, le diable s’y entend !
Mais en particulier dans nos pays christianisés, ce “à cause de la Parole” peut s’entendre d’une autre manière encore. Elle n’est pas si loin dans le temps la période où, en Europe, presque tous les enfants étaient baptisés et informés des vérités élémentaires de la Parole.
Or, en matière d’affliction le diable s’y entend :
Envers les enfants scandalisés, traumatisés, déchirés, abandonnés de leurs parents déclarés chrétiens, cependant en rupture d’affection et bientôt divorcés.
Envers les jeunes malmenés, frustrés, blessés dans leur amour, violés dans leurs sentiments, dupés dans leur engagement, enrôlés dans la violence, devenus libertaires et lâches parce qu’élevés dans la facilité par des parents vaguement christianisés, parfois fidèles au culte ou à la messe. Par eux, ils avaient entendu la Parole. Quel rapport y a-t-il entre ce qu’on leur a dit et ce qu’on leur a fait ? Quelles raisons auraient-ils de persévérer ?
Et à supposer qu’ils aient quand même “tenu bon”,comme on dit dans ce pays ?
Par le doute, par la secte, par l’hérésie, par l’illumination, par le matérialisme, par l’idéologie athée et au besoin persécutrice, par l’amoralisme, le diable s’acharne à tenter, décourager, moquer ou corrompre. Et c’est bientôt la chute. Le jeune homme, la jeune fille, le jeune couple — ils risquaient de lui échapper — sont retombés dans la masse indifférente, partisane, menée, dressée à lever le poing, à hurler du slogan, à penser selon la majorité, à porter finalement la marque de la Bête 19.
En dépit de cette machination organisée, par un miracle de lagrâce prévenante, la Parole se fait encore entendre. Des jeunes se lèvent, érigent de vraies maisons, s’édifient dans la liberté et l’amour redécouverts à partir de l’Evangile. Le diable n’en dort plus. Il alerte ses troupes. Elles savent comment affadir, illusionner, rendre hypocrite, sauver les apparences tout en ruinant les fondements, laisser croire à la réussite d’une propre justice décorée de bonnes œuvres. Celui qui a reçu la semence dans les épines, c’est celui qui entend la Parole. Mais les soucis de ce monde et la séduction des richesses étouffent en lui cette Parole, et elle devient infructueuse 20.
20 Matthieu 13.22.
Tel est ce siècle ; l’information par laquelle il se signale à l’attention est impressionnante. Il y a d’abord les affaires, et encore les affaires. Mais avec elles il y a :
Mais ce satanisme recrudescent n’a pas toujours et nécessairement mauvaise façon. Il aime aussi les déguisements religieux, les mystiques “hindouisées”, “‘bioradiantes”, oniriques, ésotériques, toutes réputées “‘transcendantes”.
Cependant, il ne faudrait pas croire qu’il déborde d’imagination. Nonante-neuf fois sur cent, sous les étiquettes apparemment nouvelles, il ne fait que réchauffer les vieux ‘‘menus” de la gnose, de la sorcellerie, de l’occultisme de tous les temps. Dans cette dernière décennie en particulier, par l’astrologie ou toute autre forme de divination, il a gagné en étendue. Il a recruté ses prêtres et ses prêtresses, ouvert ses temples, organisé ses cultes et ses messes noires. Anton Lavey, un des apôtres du satanisme contemporain, a quelque raison d’affirmer que la sorcellerie est aujourd’hui la religion la plus pratiquée. Tandis que beaucoup d’écoles inscrivent le yoga à leur programme d’enseignement, certaines universités ont des chaires d’athéisme ; par exemple, celle de Berkeley en Amérique vient d’installer un professeur en magie, prétendant au grade prochain du doctorat. Autre décision significative : dans plusieurs Etats d’Amérique, les responsables de l’enseignement refusent qu’une place soit faite à l’enseignement de l’Evangile ou à la prière, mais favorisent et encouragent les cours et la pratique de la Méditation Transcendantale.
Mal informés, éconduits par des bergers eux-mêmes aveuglés 21, innombrables sont les chrétiens séduits par ces spiritualités qui les mettent directement en contact avec des esprits.
21 En voici un exemple récent de notoriété publique aux USA (Californie). Un évêque épiscopalien — ce n’est tout de même pas un premier venu — connu pour son refus d’accorder autorité à la Parole scripturaire de l’Ancien Testament en particulier, à la suite de la mort d’un de ses fils, a voulu entrer en contact avec lui. Il a fait appel à un médium spirite. Ce dernier, au nom du défunt soi-disant informé de la vérité divine, l’a d’abord félicité de sa théologie; puis, il l’a convié, avec instructions précises, dans un désert d’Israël où ce fils devait lui apparaître. L’évêque s’y est rendu. En fait de rencontre, c’est la mort qui était au rendez-vous… Si étonnant que cela puisse paraître, il est décédé là, en solitaire.
En voici un autre. Dans une information d’idea de 1974, on pouvait lire : “Le professeur Herbert Haag a déclaré, devant des étudiants en théologie à Tubingen, que la croyance en l’existence de Satan était très contestable et ne serait pas une révélation divine engageant les chrétiens. Il a suggéré que le nom de Satan soit rayé des catéchismes, des cantiques et des prières.
On sait aussi l’inquiétant succès des sectes, alliées à de réels pouvoirs sataniques 22, Citons-en deux, connues aujourd’hui pour leur activité intercontinentale : la secte des Enfants de Dieu et celle de Moon 23. La liste serait longue et variée si nous voulions citer toutes celles qui ont l’outrecuidance de détenir, elles seulement, toute la vérité, leurs chefs régnant en bergers à l’autorité absolue.
23 L’enseignement doctrinal donné dans les deux mouvements en explique le succès. Chez Moon pourtant, l’accent est porté sur un engagement révolutionnaire alliant la science, la philosophie, la religion dans un syncrétisme séduisant. La crise mondiale, familiale aussi bien que politique, y est expliquée à partir d’arguments qui ne peuvent qu’éblouir une jeune génération déjà traumatisée par le spectacle d’une planète à l’agonie. Un conditionnement, apparenté au lavage de cerveau, est un des aspects effarants de ce sectarisme qui a l’audace de se réclamer de l’Evangile.
Ce goût généralisé et grandissant pour le satanisme s’explique aisément. Dans un monde concentrationnaire où l’asservissement place l’homme devant un véritable sentiment d’impuissance, la sorcellerie avec ses pouvoirs exceptionnels devient attrayante. Celui qui s’y adonne a la pensée qu’il échappe au sort du commun des mortels, qu’il contrôle sa propre destinée, peut-être aussi celle des autres.
Dans cet univers, la matière, le temps, la présence d’autrui, mais surtout la mort, restreignent nos possibilités d’action. Le culte des démons, la communication avec le monde des esprits, les expériences mystiques souvent accompagnées d’exaltation sexuelle, semblent alors ouvrir des portes vers la liberté.
Tout cela n’est que subversion de la personne ; et le résultat final, c’est une mainmise supplémentaire du prince de ce monde sur l’âme, l’esprit et le corps de l’homme déchu.
Il faut ajouter que les chrétiens n’échappent pas à l’action dissolvante de l’Ennemi. De nombreuses pages de l’Ecriture nous en avertissent. Le prophétisme mensonger, connu en Israël, trouve son corollaire dans l’Eglise 24.
24 Matthieu 7.15 ; Actes 20.29 ; 2 Pierre 2.1.
En conclusion — c’est l’évidence même et ce que nous en disons ici n’a rien de très original — en ce vingtième siècle comme au premier, nous ne nous adressons pas à des ignorants qu’il y aurait lieu d’informer ou d’’éveiller à la foi. Il s’agit d’une bataille spirituelle pour laquelle un équipement est indispensable. Mais préalablement, il s’agit aussi dans l’Eglise d’un redressement, fruit d’une prise de conscience, combien nécessaire et urgente. L’avertissement adressé à la communauté de Thyatire doit être entendu et conduire à de sérieuses mises en causes. Je connais tes œuvres, ton amour… mais ce que j’ai contre toi, c’est que tu laisses la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et séduire mes serviteurs pour qu’ils se livrent à l’impudicité et qu’ils mangent des viandes sacrifiées aux idoles. Voici, je vais envoyer une grande tribulation à ceux qui commettent adultère avec elle, à moins qu’ils ne se repentent de leurs œuvres… 25
Comment combattre un ennemi si nous ne l’avons pas d’abord tenu et reconnu comme tel ?
C’est pourquoi le ministère de la libération requiert de nombreuses armes.
Il exige :
26 Actes 10.38.