L’occultisme à la lumière du Christ

I
La vraie connaissance

UN RISQUE À COURIR

— C’est bien simple : il n’y a qu’à tourner le dos à ces stupidités !

Voilà l’énergique prise de position de beaucoup de chrétiens face aux prétentions de l’occultisme. Les conséquences en sont certainement heureuses pour eux. Mais ils auraient tort de s’imaginer avoir convaincu leurs interlocuteurs. Car l’occultisme est multiple. Il implique plusieurs définitions, et plusieurs explications possibles.

Les uns l’envisagent comme une « survivance des concetions primitives de l’humanité », un fruit de l’imagination et de l’ignorance. D’autres le rangent au nombre des sciences encore méconnues, riches de promesses, de possibilités et de découvertes. Pour les uns, les chemins de l’occultisme mèneraient tout droit à la connaissance de Dieu. Pour les autres, l’intérêt porté à la magie, à l’astrologie et au spiritisme, loin de nous introduire en la présence de Dieu, nous jette dans la seule compagnie du diable.

En fait, la plupart des gens n’ont pas d’opinion arrêtée. Ils éprouvent quelque scepticisme en attendant d’en savoir davantage… Toutefois, il suffit d’un « on dit » pour que leur curiosité soit mise en éveil. A la fois intéressés et perplexes, ils sont tentés à leur tour de prendre les chemins de l’occultisme.

Troublés par les expériences qu’ils font, ils nous interrogent. Avons-nous des réponses claires à leur donner ?

UNE ATTITUDE DÉSINVOLTE

Quand le sceptique range l’occultisme au nombre des survivances d’une époque d’ignorance, il fait peut-être preuve de bon sens ; il tourne ainsi le dos à d’inutiles préoccupations et à de nombreuses déconvenues. Mais pour être soutenable, il faudrait qu’une telle attitude ait d’autres fondements qu’une absence de réflexion. Le simple bon sens exige précisément qu’on ne nie pas l’évidence.

Il est un peu facile de décréter à priori que l’occultisme est un jeu pour imbécile.

Premièrement et à juste titre, de tels propos irritent ceux qui ont des convictions contraires. Ils sont amenés à penser qu’il n’y a pire sot que celui qui qualifie les autres de ce mot. Quant à l’occultisme, il ne s’en porte pas plus mal. Il y a même gagné. La désinvolture de ses détracteurs lui a rendu service. A cause d’eux, ses adhérents d’hier sont passés aujourd’hui au rang de défenseurs, quand ce n’est pas de zélateurs.

Secondement, de tels propos sont dangereux, dans la mesure même où ils prêtent un caractère innocent à l’occultisme. Car, s’il n’est qu’un jeu, pourquoi n’en ferais-je pas à mon tour une distraction ?

Il ne suffit pas de disqualifier une pratique, même la plus saugrenue, pour en détourner la multitude qui s’ennuie. Les « machines à sous » ont un caractère de niaiserie autrement évident. Elles attirent cependant une innombrable clientèle qui y perd son temps et son argent. Cela peut être sans importance. Mais que sait-on des « pertes » dont peut s’accompagner la pratique de l’occultisme, même considéré comme un jeu ?

Non, décidément, cette attitude désinvolte à l’égard de l’occultisme est indigne de tout homme réfléchi.

LES INSUFFISANCES DE LA SCIENCE

Il y aurait alors deux manières de prendre l’occultisme au sérieux. Ce serait ou de l’assimiler à une science, ou de le ranger parmi les phénomènes strictement religieux, donc irrationnels.

Cette méthode de travail est très séduisante, mais elle est à rejeter. Elle nous enfermerait dans une alternative redoutable : celle du savoir « scientifique », qu’on finirait par opposer au savoir « religieux ».

Chacun s’accorde à reconnaître aujourd’hui que la connaissance ne saurait se satisfaire des seules données de la « raison scientifique ». De nombreux exemples illustrent à quelle étroitesse de vues aboutit la science quand elle prétend, à elle seule, rendre compte de la réalité. Pour n’en citer qu’un seul exemple, rappelons le mot célèbre du physiologiste Virchow : « L’âme ? Je ne l’ai jamais rencontrée au bout de mon bistouri. »

Certes, il est intéressant de suivre les efforts de l’homme de science au service d’une connaissance aussi exacte que possible. Le chrétien ne peut que se réjouir de toute science dont les données serviraient à mieux informer la foi. Mais l’homme et sa raison sont-ils la juste mesure de toutes choses ? Quelqu’un a dit avec sagesse : « L’aberration du savant, comme du philosophe, consiste à considérer la réalité concrète et quotidienne comme une sorte de brouillon dont l’élaboration rationnelle fournirait le corrigé. Après quoi, on rejette le brouillon oublié et déprécié, et l’on abandonne la réalité humaine. Mais ce faisant, on risque fort d’avoir lâché la proie pour l’ombre. »

Il y a une grande tentation pour l’homme de science. Désireux de reculer toujours davantage les limites de son savoir, il en vient à fermer volontairement les yeux sur certains aspects de la réalité échappant à son contrôle. Il s’en console avec la pensée qu’un jour sa science tirera au clair ce qui momentanément lui restait obscur. Autrement dit, il refuse de croire, mais en même temps, il consent à une foi de remplacement : il croit en « l’avenir de son savoir ».

Cette idéologie de la connaissance connaît plus d’une application. En langage marxiste, cela s’appelle « les lendemains qui chantent ». En langage capitaliste : « la paix dans la justice et la liberté… »

En fait, il s’agit là d’un des plus antiques adages. Selon le livre de la Genèse, au chapitre trois, dans le premier dialogue entre les créatures, « le serpent dit à la femme : Vous serez comme Dieu. Vous connaîtrez… »

On ne peut nier l’extraordinaire développement de cette connaissance et de ses applications. La science met aujourd’hui au pouvoir de l’homme une puissance jamais égalée. C’est pourquoi elle est très sûre d’elle-même. Libérée de toute entrave religieuse, elle se montre parfois orgueilleuse et autoritaire. Il lui arrive de vouloir mettre en question la validité de la foi elle-même.

Y est-elle autorisée ?

En fait, que connaît la science sinon le monde auquel l’intelligence donne accès ? Ce monde-là n’est qu’une partie de la réalité, il n’est pas tout l’univers. Kierkegaard le rappelle avec une cinglante ironie. Il met en scène un fou jouant au bilboquet dans les rues de Copenhague. Habile au jeu, chaque fois qu’il réussit son coup, ce fou s’écrie : « Boum ! La terre est ronde ! » Et le théologien danois de remarquer que la vérité de ce savoir ne diminue en rien la folie de notre homme.

Ainsi du savant, lorsqu’il veut restreindre la totalité de la vérité aux seuls résultats enseignés par ses instruments ou ses déductions logiques.

UNE MÉTHODE DANGEREUSE

Il y aurait une autre voie d’accès pour l’homme de science conscient de ses limites.

Une partie de la réalité, en particulier l’originalité de l’homme et ses relations avec la personne divine, échappent radicalement à la recherche scientifique et à ses explications rationnelles. Le savant pourrait alors emboîter le pas derrière les tenants de la science expérimentale que serait « l’occultisme ».

Il faut concéder à cette méthode ce qu’elle pourrait avoir de juste. Dans bien d’autres domaines, le chercheur accepte « des hypothèses de travail ». Aucun savant, par exemple, n’a jamais vu un atome ; les expériences mille fois répétées et vérifiées à partir de la théorie atomique ne permettent pourtant plus que soit mise en doute cette explication échappant à toute vérification directe.

Autrement dit, ce serait faire tort à la science que de lui interdire une voie d’accès sous prétexte qu’elle échappe aux lois de la logique.

C’est pourtant sur cette voie que l’attend la plus périlleuse des tentations.

L’occultisme propose à la science un champ inexploré où l’attendent de précieuses révélations. Dans le récit de l’Odyssée, le poète Homère nous montre comment Ulysse a su résister aux sirènes dangereuses. Leurs promesses étaient certes alléchantes. Mais de quels dangers mortels elles étaient accompagnées ! La science pressent-elle toutes les conséquences de son geste quand elle tend la main à l’occultisme expérimental ?

Certes, « toute découverte est révélation », mais toute révélation n’est pas nécessairement heureuse ni désirable. Il est des expériences « mortelles » qu’il eût mieux valu ne jamais faire. Revenons une fois encore à nos sources : l’expérience proposée à Eve par le serpent ouvrait un large champ à l’expérience humaine. Mais on sait ce que fut cette expérience, et on sait surtout ce qu’en furent les conséquences !

Au seuil de son ministère, à trois reprises, Jésus s’est vu proposer la même expérience par le même serpent 1. Il a eu la sagesse et l’humilité de la refuser. Par ce refus, il a sauvegardé sa liberté et a pu travailler à nous rendre la nôtre, celle que nous avions perdue en nous aventurant précisément sur cette voie « religieuse » chère aux occultistes.

1 Matthieu 4.1-11.

Intéressés par le champ ouvert à leurs investigations, ces expérimentateurs connaissent-ils le domaine dans lequel ils s’aventurent et nous entraînent après eux ? Pour reprendre les images du deuxième chapitre de la Genèse, l’occultisme fait-il partie du « jardin » dont le Créateur confia à l’homme la garde et la culture, ou bien est-il une des branches maîtresses de cet « arbre de la connaissance » dont nous devions nous détourner absolument et que le diable tenait — et pour cause — à nous faire connaître ?

De telles questions ne plaisent guère à l’homme de science, surtout lorsqu’elles lui sont posées par un théologien. Il a l’impression d’être suspecté d’hérésie. Il croit discerner, qu’à la manière des scolastiques d’autrefois, les théologiens d’aujourd’hui se disposent à dresser des bûchers. Il en ressent une irritation qui peut être légitime. L’histoire est là pour nous apprendre le nombre de crimes commis par des docteurs de la loi érigés en défenseurs de la vérité, sous prétexte qu’ils en avaient reçu la sauvegarde.

Quand Galilée se rallia au système du monde proposé par Copernic et affirma que la terre tourne autour du soleil, il souleva contre lui l’ire des scolastiques. Par déférence pour ses contradicteurs, il consentit à ne plus professer cette vérité de faits… jusqu’au jour où il la consigna dans un livre. Dénoncé à l’Inquisition, il dut abjurer son « hérésie », évita ainsi le bûcher auquel on l’avait condamné.

Près de cinquante ans auparavant, dans ce même 16e siècle, Luther avait tenu tête à la même puissance scolastique et vaticane à propos d’une vérité qui n’était pas de faits, mais de doctrine. Refusant d’abjurer, il dut à la foi et à l’autorité de ses protecteurs d’échapper au bûcher.

Voilà deux exemples. Il y en aurait tant d’autres à citer.

Alors foin des théologiens autoritaires et rétrogrades !

Mais foin aussi des hommes de science qui leur ressemblent, même s’ils se disent défenseurs de la liberté ! Car il importe de savoir où nous mène leur totale liberté d’opinion et de choix.

Quand, il y a quatre siècles, on menaçait Luther et Galilée du bûcher, on leur faisait grand tort. On desservait aussi la vérité. Elle ne s’en portait pas plus mal et ne devait pas tarder à confondre ses propres détracteurs. Ces derniers avaient cependant une excuse à leur actif : ils savaient que tout choix comporte des conséquences.

J’ai, par exemple, liberté de boire de l’eau ou de l’alcool. Mais il peut n’être pas indifférent aux autres que je boive l’un plutôt que l’autre. Car si ma seule boisson était l’alcool, outre le tort que je me ferais à moi-même, il y a celui que j’infligerais à ma descendance sans oublier Ia société dont je ne puis me désolidariser. Elle aurait aussi à pâtir de mon intempérance…

Les détracteurs de Luther et Galilée redoutaient les conséquences qu’aurait pour le peuple ce choix, cette prise de position nouvelle des deux savants. Ils se trompaient, mais, au moins, ils avaient le sens de leurs responsabilités.

C’est, hélas ! un sens en voie de disparition, même chez les savants.

LA VOIE D’ACCÈS

La vérité n’est à confondre ni avec les formules, ni avec les hommes de science ou de foi qui les créent ou les répètent.

Il y a le fait de l’existence du monde créé.

Il y a le fait des hommes qui observent cette existence et cherchent à nous l’expliquer.

Il y a le fait que ce monde ne s’explique pas par lui-même, et qu’à l’observateur le plus impartial échappe la cause première de beaucoup de ses observations.

Il y a ce fait aussi : le savant ne sait pas tout. Pour parler avec l’un d’eux : « Il ne sait même pas avec une assurance absolue ce qu’il sait. » Et le savant l’admet souvent avec une humilité d’autant plus réelle qu’il est davantage homme de science.

Avec cette même humilité, il faut rappeler d’autres faits encore.

Il y a le fait de la résurrection de Jésus-Christ. Il y a le fait que ce Jésus-Christ ressuscité, révélé par la bible, dans cette même bible parle avec autorité, instruit avec précision quiconque l’écoute dans une volonté d’obéissance.

Oui, il y a le fait d’une connaissance qui ne doit rien à la sagesse de l’homme, à ses investigations scientifiques ou religieuses. Et ce fait est aussi à prendre au sérieux, comme on prend au sérieux un phénomène naturel, ou un événement historique, ou une loi psychologique confirmée par l’usage. Car la révélation de Dieu par Jésus-Christ est un fait, confirmé de siècle en siècle par le témoignage éprouvé d’innombrables croyants. « Qui es-tu, Seigneur ? Je suis Jésus que tu persécutes. » Ainsi le Ressuscité s’est-il fait connaître personnellement même aux sceptiques et aux hostiles.

Or, le Christ nous l’enseigne clairement : malgré tout son désir et tout son effort, l’homme est incapable de connaître Dieu. Tout ce qu’il essaie en vue de la connaissance du Créateur et de ses intentions, que ce soit par l’intuition, la science, la raison ou l’expérience, le laisse sans réponse, sinon celle qu’il imagine pour sa consolation. Et l’imagination ne lui manque pas ! Voir la gamme impressionnante de toutes les philosophies et religions qui prétendent apporter à l’homme une réponse à ses préoccupations métaphysiques. Dans cette « foire bigarrée », l’occultisme a de nombreuses échoppes.

Aussi, avec une patiente volonté de se faire entendre et comprendre, il faut opposer aux efforts de l’homme, ceux de Dieu désireux de se faire reconnaître de ses créatures.

Jésus-Christ, Dieu fait homme, est l’expression de cet effort. Il est la seule image visible de Dieu. Il est la révélation de ses intentions. De plus, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, il apporte la réponse, l’explication des multiples phénomènes que décrivent les occultistes, astrologues, spirites, magiciens ou guérisseurs. Car le Christ est la sagesse de Dieu, une sagesse qui s’adresse au cœur, à la conscience et à l’intelligence de l’homme.

Il veut nous informer, ajouter à notre foi la connaissance ; car l’ignorance est une des sources de l’idolâtrie et des innombrables périls dont elle s’accompagne. « Je ne savais pas », peuvent dire avec raison les victimes des pratiques occultes.

Qui pouvait savoir, en effet, ce que recelait le monde des esprits avec lesquels l’occultisme prétend nous mettre en communion ? Par son ministère, le Christ n’a pas seulement ouvert le chemin qui mène à Dieu. Il a déchiré le voile de mystère dont aime à s’entourer l’occultisme. Il a donné sa véritable appellation à ses arcanes rangées un peu facilement sous le nom de science. Il a démasqué le visage multiforme de la puissance à l’œuvre derrière les manifestations indéniables de ce mysticisme d’autant plus populaire qu’il est occulte.

Certes, lorsque nous disons croire au Dieu révélé par Jésus-Christ — le Dieu Père, Fils et Saint-Esprit — nous incluons dans notre foi et surtout dans notre savoir, la nature elle-même et la mystique dont s’accompagne l’obéissance au Saint-Esprit. Autrement dit encore, nous reconnaissons trois modes de connaissance : biblique, scientifique et spirituelle. Mais aucune de ces sources ne saurait être prise séparément. C’est Jésus-Christ révélé par l’Ecriture qui donne leur vraie valeur aux connaissances scientifiques et spirituelles. « Hors de moi vous ne pouvez rien faire », a-t-il dit. Hors de lui, théologie naturelle et mystique perdent toute valeur de connaissance. Elles deviennent même source d’erreur. « Je suis la vérité », a dit Jésus. Qu’il soit scientifique ou mystique, un fait reste un fait, même confronté avec Jésus-Christ. Cependant, c’est cette confrontation qui donne à ce fait sa vraie nature, son importance, et sa signification.

Voilà pourquoi, dans les pages qui vont suivre, nous nous intéresserons, certes, à ce que l’occultisme pourrait contenir de scientifique, mais c’est à la lumière du Christ révélé par l’Ecriture sainte que nous en chercherons la juste valeur.

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