Sa présence

DON ET DONATEUR

« Fais de l’Éternel tes délices et il te donnera ce que ton cœur désire. »

(Psaumes 37.4)

Généralement, prédicateurs et auteurs qui traitent de la prière font de l’exaucement l’objet essentiel de toute requête, ce qui semble aller de soi. Obtenir du Seigneur la chose demandée, n’est-ce pas ce qui devrait préoccuper au premier chef celui qui prie ? Ici, il vaut la peine de s’interroger : Est-ce le Donateur ou le don réclamé qui doit occuper nos pensées ? Le Samaritain lépreux de l’Évangile, par sa conduite, répond à cette question (Luc 17.11-19). Parti avec ses compagnons d’infortune pour obtenir guérison et réintégration dans la cité, cet étranger revient sur ses pas, lui seul : il a compris que Jésus est infiniment plus que la guérison ; il n’est pas simplement un homme hors du commun, quelque puissant guérisseur mais le Messie lui-même, le Fils de Dieu annoncé par les prophètes, aussi a-t-il raison de rebrousser chemin pour aller se jeter à ses pieds et lui dire sa reconnaissance.

Il faut convenir que les enseignements sur la prière mettent souvent l’emphase sur son exaucement. L’auteur d’un livre sur ce thème écrit par exemple : « Prier c’est demander pour obtenir. » Un autre précise : « La prière est le moyen choisi par Dieu pour obtenir des bénédictions, la plénitude de la joie, le soulagement à tous les maux, la puissance du Saint-Esprit pour le service de Dieu… » Ou encore : « Si la prière est le moyen d’obtenir ce que nous désirons, elle est aussi un remède à tous nos maux… »

Ce n’est pas faux puisque Jésus lui-même ordonne avec insistance : « Demandez et vous recevrez » (Matthieu 7.7)… puisque Paul de son côté conseille : « Faites connaître à Dieu tous vos besoins » (Philippiens 4.6)… tandis que Jacques renchérit en disant : « Vous ne recevez pas parce que vous ne demandez pas » (4.3).

Qui reprochera à une maman de s’attendre à la guérison de son enfant gravement atteint lorsqu’elle répand son cœur devant le Seigneur ? Si la veuve de la parabole assiège le juge inique jusqu’à l’importuner, n’est-ce pas pour obtenir gain de cause ?

Sans aucun doute.

Et pourtant, les auteurs évoqués plus haut, qui mettent l’accent sur l’exaucement, amènent tout particulièrement leur lecteur à concentrer leur attention sur « la prière efficace » qu’ils qualifient tour à tour de « prière puissante », de « prière triomphante », de « prière percutante » et de « prière qui déplace les montagnes et opère des miracles ». Sur un imprimé reçu au moment où je rédige ce chapitre, je lis ceci : « La prière est la plus grande puissance dans le monde parce qu’elle peut diriger la main de Celui qui dirige le monde. La prière est une possibilité unique ; à travers elle nous pouvons tout transformer : les hommes, les choses, les épreuves, les circonstances ; la prière possède une force illimitée. »

Quelle prétention !

Comment un homme, réputé incapable de se réformer lui-même (Romains 7.23), pourrait-il transformer les hommes et les circonstances ? Est-ce vraiment lui qui dirige la main du Créateur ? Sûrement pas ! Seul, le Christ a le pouvoir de changer les cœurs et le cours des choses, surtout pas nos prières qui ne sont, en définitive, que piètres balbutiements. L’aurions-nous oublié ? Détournons résolument les yeux de nos prières, si enflammées soient-elles, pour les diriger sur Jésus seul.

Parlant de la « prière efficace », un homme de réveil du début du siècle croit devoir donner le conseil suivant : « Celui qui constate que sa prière est inefficace devrait se retirer seul avec Dieu en priant comme le psalmiste : “Sonde-moi ô Dieu et connais mon cœur ! Éprouve-moi et connais mes pensées ! Regarde si je suis sur une mauvaise voie” (Psaumes 139.23-24)… puis attendre devant Lui jusqu’à ce que le Saint-Esprit mette le doigt sur la chose qui déplaît à sa vue. Enfin, il devrait confesser ce péché et le rejeter. »

Certes, il n’est jamais inutile de faire une telle démarche, mais je me pose plusieurs questions : D’abord, quand dois-je conclure que mes prières sont inefficaces ? Et puis, faut-il entreprendre cet examen en vue d’être exaucé dans les meilleurs délais ? Dieu me doit-il une réponse immédiate ? Abraham, Isaac ou Anne n’ont-ils pas prié de longues années et attendu dans les larmes avant d’obtenir le fils promis ? Qui les accusera de tiédeur ? Enfin, l’exaucement est-il toujours le signe de bonnes relations avec Dieu ? Ne lui arrive-t-il pas de répondre sur-le-champ à des gens qui l’ont rejeté, ses dons n’étant alors qu’une manifestation de sa colère comme ce fut le cas jadis à Tabééra. Irrité par les murmures de son peuple, l’Éternel fournit aux mécontents des « montagnes » de cailles en disant : « Vous avez réclamé de la viande. Je vous en donne jusqu’à ce qu’elle vous sorte par les narines ! » (Nombres 11.19-20).

J. Brown a certainement raison d’écrire : « La prière, ce n’est pas demander à Dieu telle ou telle chose, mais c’est vivre avec le Christ. » En effet, le but premier de la prière n’est pas d’obtenir « la chose que nous demandons » mais un plus grand attachement à la personne du Seigneur ainsi que le désir de le connaître plus intimement. La Bible permet d’affirmer cela pour quatre raisons au moins :

Premier motif. L’Écriture me recommande, d’une part, « de croire » que j’ai déjà reçu la chose demandée (Marc 11.24) et d’autre part « de rendre grâces à Dieu » avant même d’avoir reçu la chose demandée (Philippiens 4.6 et Colossiens 4.2). Ce qui signifie en clair que toute demande devrait m’amener à cesser de poursuivre l’exaucement (puisque je suis assuré de la réponse) pour me tourner vers le Dieu de bonté afin de lui exprimer ma reconnaissance. Dès lors, c’est Lui qui remplit mon cœur et mes pensées. Le divin Donateur est désormais l’objet de ma prière et de ma foi, non la chose demandée. Le psalmiste avait donc raison de déclarer : « Fais de l’Éternel tes délices et il te donnera ce que ton cœur désire » (Psaumes 37.4). La chronologie est à retenir. D’abord le Seigneur et la réponse suivra immanquablement.

Deuxième motif. Après tout, Dieu connaît parfaitement mes besoins et la plupart du temps il y répond sans qu’il soit nécessaire de lui en parler. Me viendrait-il à l’idée de l’invoquer pour réclamer du pain ou de l’argent lorsque ma huche est pleine et mon compte en banque bien garni ? Mais que le pain et l’argent viennent à manquer et je saurai bien trouver du temps et de l’énergie pour m’approcher de la Providence ! Et avec quelle ferveur ! Ainsi Dieu juge parfois utile de ne pas satisfaire momentanément un besoin vital pour m’inciter à rechercher sa face et à pratiquer le chemin du sanctuaire que j’avais tendance à délaisser. Et plus le besoin est pressant (pas d’argent face à de prochaines échéances, une maladie douloureuse et persistante, une situation inextricable, un enfant qui suit une mauvaise voie…) et plus rapprochés sont mes entretiens avec le Seigneur. Quand la « famine » sévit, grand est mon désir de quitter « le pays éloigné » pour réintégrer la maison paternelle à l’instar du fils prodigue de la parabole (Luc 15). Démuni, j’assiège alors le trône du Père jusqu’à l’importuner et je finis par découvrir le besoin qui prime les autres, à savoir un tête-à-tête paisible avec Jésus, une communion intime qui me transforme, me comble de joie et me pousse vers mes semblables pour les servir. Hélas ! peu de chrétiens sont conscients de ce besoin et en estiment le prix. C’est pourquoi, quel que soit le motif de notre prière, nous nous approchons du Seigneur avec assurance pour l’honorer et lui être agréable. Pour Lui d’abord.

Troisième motif. Lorsque je poursuis en priorité – je dis bien : en priorité – la bénédiction que je réclame ardemment et certainement avec foi, j’occupe, inconsciemment sans doute, le centre de ma requête. Je viens à lui pour MOI et le Moi est sur le trône quand je prie ainsi. Alors, selon Jacques « je demande mal » et donc n’obtiens rien (Jacques 4.3).

Il y a des soldats oublieux ou des étudiants paresseux qui trouvent miraculeusement du papier pour écrire à la maison quand la bourse est vide. Les prétentions sont en général discrètement mentionnées au bas de la page, en Post-Scriptum. Et c’est de préférence à la maman – plus sensible et mieux disposée – qu’on lance un S.O.S. enrobé de formules enjoleuses telles que : « Maman chérie… ton fils qui t’aime tendrement et pense souvent à toi… » A la longue, ces flatteries ne prennent plus et la mère qui n’est pas dupe accepte mal de jouer le rôle de « pourvoyeuse de fonds ». Aussi se fait-elle tirer l’oreille pour expédier le mandat attendu, surtout en découvrant le peu de place qu’elle occupe dans le cœur de son enfant, lequel n’exprime sa tendresse que pour obtenir plus vite et plus sûrement. Or, puis-je plaire à Dieu si je m’approche de lui dans cet esprit-là ? C’est-à-dire pour Moi d’abord. Même dans mes requêtes, je veux adopter le langage de l’apôtre : « Plus moi mais Christ qui vit en moi » (Galates 2.20). Ou encore : « Christ en tout le premier » (Colossiens 1.18).

Quatrième motif. Enfin, le fait de revenir et de s’appesantir sur les conditions à remplir en vue de s’assurer et d’obtenir une réponse rapide de Dieu peut laisser croire à ceux qui sont ainsi enseignés que l’exaucement se mérite par un comportement quasiment sans faille. Ce serait oublier que toute réponse d’En-Haut est une grâce et sûrement pas une récompense à la prière. Dieu ne nous doit rien. S’il accorde la chose demandée c’est uniquement parce qu’il aime ses créatures, qui ont la liberté de lui exprimer leurs besoins.

Ceci dit, n’allez pas croire que vous devez évacuer tout désir de voir votre prière exaucée. Vous prouveriez que vous tenez pour négligeables les bénédictions de Dieu ou tout simplement que vous doutez de l’exaucement, ce qui ne manquerait pas de l’attrister. Toutefois, si la volonté de notre Seigneur est que vous le teniez au courant de vos faits et gestes ainsi que de vos besoins, c’est afin que vous vous attachiez de plus en plus à sa personne en expérimentant son amour fidèle, sa sagesse et son secours qui ne fait jamais défaut.

Questions :

  1. Ai-je compris que le Seigneur importe infiniment plus que la réponse à mes besoins, même les plus pressants ?
  2. Ne devrais-je pas le bénir maintenant pour les bénédictions non reçues, pour ses réponses qui tardent à venir, l’intention du Seigneur étant de m’amener ainsi plus près de lui ?
  3. Je veux détourner les regards de moi-même « pour courir… les yeux sur Jésus » selon Hébreux 12.1.

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