Conférences apologétiques

La résurrection de Jésus-Christ

La question des miracles est avant tout une question d’expérience. Nous connaissons trop peu l’essence de Dieu, celle de la nature et la notre propre, pour pouvoir dire, sans outrecuidance au nom de la seule raison : Le miracle peut ou ne peut pas être. Regardons ; étudions. Si le surnaturel se montre irrécusablement dans l’histoire, soumettons-nous. Il faut bien que ce qui est réel, soit possible. « Rien, doit avoir dit Napoléon, n’est entêté comme un fait. » Peut-être eût-il mieux valu dire : Rien n’est sacré comme un fait. L’ensemble des faits constatés, voilà le code infaillible, inviolable de la science. C’est d’après ce principe que procède l’étude de la nature. Le savant n’a pas la prétention de créer une nature à sa fantaisie ; il observe il constate ; il répète ses expériences ; puis il travaille sur les matériaux ainsi obtenus. La raison n’a pas davantage le droit de créer l’histoire selon ses caprices ; elle doit procéder aussi dans ce domaine par l’observation ; elle emploie dans ce but les témoignages qui sont à l’étude de l’histoire, ce que les expériences sont à celle de la nature. Comme le naturaliste répète, autant de fois qu’il est nécessaire, les expériences qui doivent servir à constater d’abord les faits, puis les lois, ainsi l’historien étudie les témoignages et les fait passer au crible de la critique. Leur validité une fois reconnue, il se soumet, et sa raison n’a plus d’autre souci que de découvrir, le comment et le pourquoi des événements constatés. Et plus le fait sera étrange, exceptionnel, plus la science historique sera assurée d’y découvrir l’un de ses secrets les plus importants.

C’est cette méthode expérimentale, à laquelle se rangent aujourd’hui tous les bons esprits, que nous allons appliquer à l’étude du fait capital du christianisme, la résurrection de Jésus-Christ. Nous ne nous demandons point en ce moment : Le surnaturel est-il possible ? Est-il admissible que Dieu ressuscite un mort ? Nous ne voulons point procéder à coups de décrets rationnels, ce qui serait anti-scientifique au premier chef. Nous cherchons plutôt si, d’après les lois de la critique historique, le fait de la résurrection peut être envisagé comme avéré. Après cela, il sera temps d’examiner comment et pourquoi un tel fait a été possible, réel.

On voit que j’identifie la question de la résurrection de Jésus avec celle du surnaturel en général. En effet, quand il s’agit des guérisons miraculeuses opérées par Jésus-Christ, ne pouvant les nier entièrement, on cherche à les expliquer par certaines influences exceptionnelles, par le charme qu’exerçait sur les nerfs des malades une personnalité aussi exquise que celle du rabbin de Nazareth. Il est déjà impossible d’appliquer cette solution aux résurrections de morts opérées par Jésus-Christ. Les morts n’ont pas de nerfs à faire vibrer. Mais sa résurrection à lui-même, comment l’expliquer par ce moyen ? Quelle personnalité, quel agent humain est intervenu dans le mystère de cette tombe ? Entre Dieu et ce cadavre, il n’y a rien. Ainsi donc, ou le fait est faux, ou, s’il est réel, c’est bien ici le miracle proprement dit, le surnaturel dans le sens absolu du mot ; et saint Pierre a pleinement le droit de dire : Dieu a ressuscité Jésus.

C’est donc ici le point de l’histoire où nous pouvons faire l’expérience vraiment décisive à l’égard du surnaturel.

  1. Nous commencerons par établir le fait du témoignage apostolique.
  2. Nous examinerons la validité de ce témoignage.
  3. Nous recherchons l’importance de la résurrection elle-même.

S’il arrivait en effet que la valeur religieuse de ce fait ne pût être clairement démontrée, nous serions toujours tentés, malgré la solidité de la preuve historique, d’en révoquer en doute la réalité. Un fait qui ne nous apparaîtrait que comme un vain déploiement de la force divine, après tout resterait suspect.

I
LE TÉMOIGNAGE APOSTOLIQUE

Notre investigation doit avoir un point de départ qui porte le caractère de l’irrécusable certitude, et qui soit unanimement concédé. Ce point de départ existe ; c’est le fait du témoignage rendu par les apôtres à la résurrection de Jésus. Nous pouvons constater nous-mêmes la réalité de ce témoignage par les discours de saint Pierre et de saint Paul, rapportés dans le livre des Actes des Apôtres. La résurrection de Jésus occupe dans toutes ces prédications la place centralej. Mais on peut nous objecter que ces discours ne sont peut-être que des compositions littéraires de l’auteur de ce livre. Nous en appelons donc en second lieu au fait de la fondation de l’Eglise et à la conviction unanime des chrétiens des premiers temps. Ces deux grands faits historiques ne permettent pas de douter que la proclamation de la résurrection n’ait fait partie du témoignage des fondateurs de l’Eglise.

jActes 2.24-32 ; 3.15 ; 4.10 etc. ; 13.30 ; 17.31 etc.

Mais il y a plus ; ce témoignage apostolique, nous le possédons, nous le lisons de nos yeux ; nous l’entendons, pour ainsi dire, encore de nos oreilles. Il est là dans les écrits sortis des mains des apôtres ou des hommes qui ont travaillé avec eux.

Celui de ces témoignages écrits que nous étudierons le premier, parce qu’il est le plus ancien en date et qu’il renferme par sa teneur même, tous les autres, est celui de saint Paul. Dans toutes ses épîtres, il parle de la résurrection du Sauveur. Mais il en est une dans laquelle il aborde de front cette question : c’est la première aux Corinthiens. L’authenticité de cet écrit n’a jamais été contestée par personne, et ne l’est aujourd’hui par qui que ce soit. On est également d’accord sur le moment et sur le lieu où elle a été composée. C’était à Ephèse, en l’an 58 de notre ère, au printemps de cette année-là, 25 ans environ après la mort du Seigneur.

Voici le passage relatif à la résurrection de Jésus-Christ :

« Je vous ai enseigné avant toute chose ce que j’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, et qu’il a été enseveli, et qu’il a été vu de Céphas (Pierre), ensuite des Douze ; qu’après cela il a été vu en une seule fois de plus de cinq cents frères dont la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts. Depuis, il se fit voir à Jacques, et ensuite à tous les apôtres ; et après tous il m’est aussi apparu, comme à un avorton… soit donc moi, soit eux, voilà ce que nous prêchons et ce que vous avez cru. » (15.3-11)

Ces paroles ont été écrites par saint Paul à l’occasion de gens qui soutenaient, dans l’église de Corinthe, qu’une fois notre corps rendu à la poussière, il n’en ressortirait jamais. L’âme seule, selon eux, devait bénéficier du salut acquis à l’homme par Jésus-Christ. Saint Paul répond : Le salut doit se réaliser chez le croyant sous la forme sous laquelle il s’est accompli en la personne du Christ, notre modèle. Or, le témoignage unanime des apôtres et d’un très grand nombre de frères, auquel je puis ajouter le mien, prouve que Jésus après sa mort a revécu, non seulement en son âme, mais aussi en son corps. C’est ce qui résulte de chacune des apparitions que racontent ceux qui en ont été les témoins. Le salut que nous avons à attendre embrasse donc aussi notre corps. Comme nous avons porté, par la mort physique, l’image du premier Adam, nous porterons aussi, par la résurrection du corps, celle du second, du Christ.

Telle est l’occasion qui amène saint Paul à énumérer les divers témoignages sur lesquels s’appuie la foi de l’Eglise à la résurrection de son chef. Il en mentionne six :

  1. Celui de saint Pierre, à qui Jésus s’est montré vivant le jour même de sa résurrection, dans une apparition indiquée aussi, mais non décrite dans nos Evangilesk. Les détails intimes de ce fait étaient sans doute restés un secret entre le Seigneur et son disciple.
  2. Celui des Douze, au milieu desquels Jésus était apparu, comme le racontent nos Evangiles, le soir même du jour de sa résurrection, lorsqu’ils étaient encore à Jérusalem.
  3. Celui de 500 frères, auxquels Jésus s’était montré en une seule fois. Saint Paul ne nous dit pas où cette apparition avait eu lieu. Il est probable que c’était en Galilée ; car c’était de là que Jésus avait amené à Jérusalem toute la foule de ses disciples, et c’était là aussi qu’il avait résolu de reconstituer son troupeau dispersé par sa mort. Déjà il avait exprimé cette intention la veille de sa Passionl. Immédiatement après sa résurrection, il reprend cette même pensée, et il invite toute la multitude de ses disciples, y compris les femmes qui faisaient partie de son cortège, à se réunir en Galilée, où il apparaîtra de nouveau au milieu d’euxm. Il est donc probable que la grande et solennelle réunion dont parle ici saint Paul fut le résultat de ce rendez-vous fixé si longtemps à l’avance, et que ce fut dans cette circonstance que le Seigneur prit congé de la totalité de son Eglise.
  4. Le témoignage de Jacques, frère de Jésus. Pendant le ministère du Seigneur, ses propres, frères ne reconnaissaient pas en lui le Messien. Mais après l’ascension, nous les trouvons réunis aux disciples dans la chambre haute, où ils attendent tous ensemble la Pentecôteo. Il s’était donc passé un fait décisif qui avait mis fin à leurs hésitations, et fait taire leurs répugnances. Ce fait était sans doute cette apparition de Jésus à Jacques, l’aîné de ses frères. Paul avait connu personnellement Pierre et Jacques à Jérusalem, comme cela ressort de la lettre aux Galates, qui est aussi une épître incontestéep. C’était probablement de la propre bouche de ces hommes qu’il avait recueilli leur témoignage sur les apparitions qui leur avaient été accordées.
  5. Le témoignage de tous les apôtres réunis ; il s’agit certainement ici de la dernière apparition de Jésus, le jour de l’ascension, apparition décrite Luc 24.50-53, et qui fut l’adieu particulier de Jésus à ses apôtres.
  6. Celui de Paul lui-même ; car lui aussi il a vu Jésus ressuscité, et c’est cette apparition qui, du même coup, l’a fait croyant et apôtreq. Sans doute, on s’est demandé si Jésus avait pu apparaître corporellement à saint Paul après son départ de cette terre. On commence par répondre négativement à cette question ; puis on prétend qu’il ne s’agit évidemment ici que d’une simple vision ; enfin l’on a essayé d’étendre cette même explication à toutes les apparitions précédemment mentionnées par l’apôtrer. Nous examinerons plus tard cette supposition. Pour le moment, nous nous bornerons à constater qu’elle est contraire à la pensée de l’apôtre lui-même. Car il s’agit pour lui dans ce passage de prouver la résurrection corporelle des croyants par celle de Jésus ; il est donc clair que l’apparition qu’il a reçue n’aurait aucun rapport à la question traitée, s’il ne l’envisageait que comme une simple vision. Paul déclare, dans l’épître aux Colossiens, que toute la plénitude de la divinité habite Corporellement en Jésus glorifiés. Jésus, dans sa gloire, possède donc encore, selon saint Paul, notre humanité, et peut apparaître par conséquent sous une forme corporelle. Jésus n’a-t-il pas prédit lui-même que, comme l’éclair brille d’un bout du ciel à l’autre, ainsi le fils de l’homme apparaîtra visiblement et simultanément à tous les regards, en son jourt ? « Soit donc eux (les apôtres), soit nous-même, ajoute saint Paul, après cette énumération, c’est ainsi que nous prêchons, et si Jésus n’était pas réellement ressuscité, nous nous trouverions être de faux témoins à l’égard de Dieu, puisque nous avons rendu témoignage contre Dieu, qu’il a ressuscité Christ, lequel il n’a pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent pasu. » Contre Dieu, dit l’apôtre ; car c’est toujours témoigner contre quelqu’un, que de lui attribuer une œuvre quelconque, bonne on mauvaise, qu’il n’aurait point faite. Cette expression montre combien saint Paul se rendait distinctement compte de la gravité morale de sa situation et de celle des autres apôtres, en tant que témoins du fait de la résurrection de Jésus.

kLuc 24.34.

lMatthieu 26.31-32 ; Marc 14.27-28.

mMatthieu 28.10 ; Marc 16.7.

nMarc 3.21-22 ; Jean 7.5.

oActes 1.14.

pGalates 1.18-19.

q1 Corinthiens 9.1 « Ne suis-je pas apôtre, n’ai-je pas vu le Seigneur. »

r – Strauss.

sColossiens 2.9.

tLuc 18.24.

u1 Corinthiens 15.11-15.

Tout ce passage constate positivement le fait que les apôtres, avec eux toute la foule des premiers croyants, témoins du ministère de Jésus, enfin saint Paul, son persécuteur avant d’être son apôtre, ont témoigné de sa résurrection.

Le témoignage écrit des autres apôtres est renfermé dans nos récits évangéliques. Nos trois premiers Evangiles ne datent, d’après les travaux critiques les plus récents, que de peu d’années après l’épître de saint Paul que je viens de citer ; de l’an 60 à l’an 80, d’après Holtzmann, théologien libre penseur du grand duché de Badev.

vDie synoptischen Evangelien, 1863

Celui de saint Matthieu mentionne deux apparitions de Jésus ressuscité :

  1. Celle qui fut accordée aux femmes venues au tombeau, le matin de la résurrection ;
  2. Celle qui eut lieu sur une montagne de Galilée, où Jésus avait ordonné aux disciples de se rendre, et dans laquelle Jésus conféra aux onze apôtres le mandat d’évangéliser le monde, et de baptiser toutes les nationsw. Cette apparition est probablement la même que celle qui eut lieu en présence des cinq cents dont parle saint Paul. Saint Matthieu ne parle que des Onze, parce que c’est à eux seuls que s’adressa la grande mission messianique, en vue de laquelle le premier Evangile raconte cette scène.

wMatthieu 28.16-20.

Saint Luc mentionne quatre apparitions :

  1. Celle à Pierre, dont a parlé saint Paul ;
  2. Celle aux deux disciples qui se rendent à Emmaüs, à deux lieues de Jérusalem, l’après-midi du jour de la résurrection ; elle est racontée en détail par Luc seul ;
  3. Celle aux Douze, le soir du jour de la résurrection ; indiquée par Paul ;
  4. Celle du jour de l’ascension ; aussi mentionnée par Paul.

Marc indique trois apparitions, celles qui furent accordées à Marie-Madeleine, puis aux Deux d’Emmaüs, enfin aux Douze.

Jean est celui qui, dans ce cas, comme dans tant d’autres, nous a transmis les données les plus riches et les plus précises. Son récit renferme quatre apparitions :

  1. Il décrit en traits inimitables celle que reçut Marie-Madeleine auprès du tombeau.
  2. Puis il raconte celle qui fut accordée aux apôtres, en l’absence de Thomas ;
  3. celle qui eut lieu huit jours après, en présence de Thomas ;
  4. enfin celle qui fut accordée à sept disciples au bord du lac de Génézareth. Ces deux dernières sont rapportées par Jean seul.

Remarquons dans ces témoignages évangéliques deux caractères : la variété dans les détails et l’accord sur le fond. Le fond, c’est le fait de la résurrection. Sur ce point, les rapports sont unanimes. La diversité dans les détails résulte de celle des témoins qui ont instruit les écrivains, ou qui ont eux-mêmes rédigé ces récits. Elle prouve qu’aucune entente préalable, aucun calcul astucieux n’ont présidé à ces rédactions.

Il est d’ailleurs très aisé de réunir toutes ces apparitions variées, réparties entre les Evangiles en un tableau complet et bien lié. Elles ressemblent aux pièces disloquées d’un de ces tableaux que nos enfants se plaisent à recomposer, en adaptant de nouveau les fragments épars les uns aux autres. Ainsi, en rapprochant tous ces récits d’apparitions, nous reconnaissons que Jésus a commencé par consoler et par rassurer. C’était la première tâche à remplir. Tous ces cœurs n’étaient-ils pas tremblants, éplorés ? C’est l’œuvre du premier jour ; il l’accomplit successivement auprès de Marie-Madeleine, des deux disciples d’Emmaüs, de Pierre et des Douze. « La paix soit avec vous ! » Tout revient à ce mot. Après cela Jésus travaille à ramener au sein du troupeau la brebis réfractaire et qui menaçait de se perdre, Thomas. C’est l’œuvre des jours suivants. Le troupeau reconstitué au complet, il le renvoie en Galilée, où il lui a déjà auparavant donné rendez-vous. Là, sur la montagne qu’il a désignée, il confirme aux apôtres leur mandat ; il le leur explique, et il y ajoute la promesse de son secours. Enfin, il les ramène à Jérusalem, où ils doivent attendre son retour spirituel à la Pentecôte ; et dans une dernière apparition, il leur fait ses adieux.

Après coup, nous discernons aisément comment les pièces du tableau s’emboîtent merveilleusement les unes dans les autres. Mais les récits eux-mêmes ne renferment pas la moindre indication relative à cet enchaînement et à cette gradation naturelle.

Quelle preuve de la loyauté parfaite, ainsi que de la vérité intrinsèque de ces témoignages primitifs !

Mentionnons enfin, en passant, le témoignage de saint Pierre, dans sa première épître (1.3) :

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, par sa grande miséricorde, nous a fait renaître, en nous donnant, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts une espérance vive… ; »

et celui de Saint Jean dans l’Apocalypse (1.18) :

« Je suis vivant au siècle des siècles, Amen ! et je tiens les clefs du sépulcre et de la mortx. »

x – Comment Strauss ose-t-il contester que ce passage se rapporte à la résurrection de Jésus ? Que signifieraient ces mots : « J’ai été mort, » s’il ne s’agissait que de la continuation de l’existence de Jésus sous forme spirituelle ?

Il y a là un septuple témoignage que nous venons de constater nous-mêmes : Celui des trois évangélistes, Matthieu, Marc et Luc ; celui des trois principaux apôtres, Pierre, Jean et Paul ; enfin, celui de l’Eglise primitive tout entière, en la personne de ces 500 dont parle Paul, et dont la plupart étaient encore vivants au moment où il ne craignait pas de les citer comme témoins.

Nous allons maintenant étudier la validité de ce témoignage, ou, en d’autres termes, rechercher s’il serait possible de s’expliquer ce fait du témoignage apostolique rendu à la résurrection, dans la supposition que cet événement lui-même n’eût pas eu lieu.

II
VALIDITÉ DU TÉMOIGNAGE APOSTOLIQUE

Le premier doute qui pourrait s’élever dans notre esprit serait celui qui porterait sur la sincérité des apôtres et soupçonnerait leur témoignage d’être l’œuvre de l’imposture. Après avoir fait de la cause de Jésus la leur, ne devaient-ils pas tout tenter pour chercher à la soutenir ? Et si même un faux témoignage était nécessaire dans ce but, n’étaient-ils pas trop avancés pour reculer ? Ce n’est pas la première fois que la fraude pieuse aurait servi à relever une cause désespérée.

C’est par cette accusation d’imposture que les Juifs ont cherché immédiatement à paralyser l’effet de la prédication des apôtres. Au moment où le premier évangile fut rédigé, une trentaine d’années après la mort de Jésus, le bruit répandu dans les premiers temps par le sanhédrin que les apôtres avaient enlevé secrètement le corps de Jésus et l’avaient fait disparaître, afin de publier sa résurrection, était encore accrédité chez une partie considérable du peuple juify.

yMatthieu 28.13-15.

Mais il faut bien que cette accusation n’ait pas obtenu un grand succès auprès des contemporains, puisqu’elle ne put empêcher une église de plusieurs milliers de croyants de se former immédiatement à Jérusalem, puis de s’étendre dans toute la Palestine et jusque chez les païens, tellement que 25 ans seulement après la mort de Jésus, saint Paul écrivait des lettres à des églises chrétiennes très nombreuses et très actives en Asie-Mineure, en Grèce, en Italie. L’épître aux Romains, écrite dans l’hiver de l’an 58 à 59, suppose la fondation de l’Eglise déjà accomplie dans la capitale du monde. La grande persécution qui sévit en 64, 30 ans après la mort de Jésus, contre les païens de Rome, et dont l’historien Tacite nous a conservé l’épouvantable tableau, prouverait à elle seule la rapidité et la puissance avec lesquelles la prédication du Ressuscité avait parcouru le monde, et la foi qu’elle avait trouvé partout.

Nous constatons ainsi par un fait manifeste que l’accusation juive contre la sincérité du témoignage apostolique n’a pas porté coup et qu’elle est restée sans effet sur l’esprit des gens impartiaux dans le monde entier. Pourquoi ? Parce que la conscience humaine possède l’instinct du vrai moral, et que, en raison de cet instinct, elle n’a pu se résoudre en aucun temps à attacher l’épithète de faux témoins à la personne des apôtres de Jésus-Christ.

Ces hommes-là ont été jugés par la conscience de leurs contemporains des hommes droits, loyaux, saints même. Et, le jugement qu’a prononcé sur eux la conscience contemporaine au vu de leur personne, la conscience actuelle le prononce encore sur eux à la lecture de leurs écrits. Qu’on lise quelques lignes de l’épître de saint Jacques ou de la première de saint Pierre, et l’on se sentira dans une sphère de vérité et de sainteté qui exclut l’imposture.

Cette remarque s’applique encore plus évidemment à saint Paul. On ne peut pas dire de lui qu’il fût lié par son passé ; ou bien, s’il l’était, ce serait dans le sens directement opposé à l’Evangile. Prêcher la résurrection, c’était, pour lui, donner un démenti à toute sa carrière passée, à toute sa vie de pharisien. En se faisant baptiser au nom de Jésus, il sacrifiait toutes les espérances d’honneur, de puissance, de richesse, qu’il pouvait fonder sur ses immenses talents et sur l’influence qu’il avait déjà acquise, quoique si jeune encore, au sein de son peuple. Or, comment douter de la sincérité d’un homme qui préfère à l’avenir le plus brillant celui d’un simple ouvrier, gagnant du travail de ses mains sa subsistance journalière, exposé à toutes les privations, objet de la haine la plus ardente de la part de ses anciens admirateurs !

« Le moment de mon départ approche ; j’ai achevé la course ; j’ai combattu le bon combat ; j’ai gardé la foi ; et maintenant la couronne de justice m’est réservée, et le Seigneur, juste Juge, me la donnera en ce jour-là, ainsi qu’à tous ceux qui ont aimé son avènementz. »

z2 Timothée 4.6-8.

Nous possédons quelques paroles écrites par cet homme, au moment où il se préparait à poser sa tête sur l’échafaud :

En lisant de telles paroles, la conscience humaine déclarera toujours que celui qui les a écrites est pour le moins un honnête homme.

D’ailleurs l’énergie triomphante avec laquelle Paul et les Douze ont fondé l’Eglise et qu’ils ont su lui inculquer, ne serait pas concevable chez des gens qui aurait traîné avec eux le poids d’un remords, la conscience accablante d’un faux témoignage.

Ce que j’avance ici est tellement vrai que l’incrédulité moderne la plus avancée renonce à le contester. Strauss et Baur, ces deux coryphées des négations actuelles, rejettent tous deux, comme moralement impossible, la supposition d’une imposture de la part des apôtres. « L’histoire, dit Baur, doit s’en tenir à ce fait que pour la foi des disciples, la résurrection de Jésus-Christ était une vérité certaine et inébranlable. Ce n’est que dans cette foi que le christianisme a trouvé une base solide pour tout son développement historiquea. » « L’historien, dit Strauss, doit reconnaître que les disciples ont cru fermement que Jésus était ressuscitéb. » Et encore : « Que l’apôtre Paul ait entendu de la bouche de Pierre, de Jacques et d’autres encore, que Jésus leur était apparu, et que, tous ceux-là, et les 500 frères aussi, fussent pleinement convaincus qu’ils avaient vu vivant Jésus qui avait été mort, c’est ce que nous ne voulons pas révoquer en doutec. »

aDrei ersten Jahrhunderte, 2° édition pages 39 et 40.

bLeben Jesu, 1864, page 289.

cIbidem, page 290.

Ce que Strauss ne croit pas pouvoir mettre en doute, doit être solidement assis.

Le soupçon d’imposture écarté, une seconde supposition se présente. Quelques savants modernes s’en sont faits les organesd : Ce que les apôtres ont pris pour une résurrection, n’aurait-il point été un simple réveil à la suite d’un évanouissement prolongé, une convalescence toute naturelle au sortir d’un état de léthargie ? Jésus n’avait été que 6 heures suspendu à la croix ; or, pour l’ordinaire, il s’écoulait 2 à 3 jours avant que le criminel condamné à ce supplice exhalât le dernier soupir. Tenant Jésus pour mort, les soldats ne lui avaient pas rompu les jambes, comme aux deux malfaiteurs ; il n’était qu’évanoui. On le déposa, comme mort, dans la tombe, où la fraîcheur du sépulcre, jointe à l’action vivifiante des aromates dont on l’avait embaumé, le fit bientôt revenir à lui et lui rendit la force de reparaître le troisième jour au milieu des siens.

d – Schleier-Macher.

Commençons par nous rappeler un fait qui peut jeter quelque lumière sur celui qui nous occupe. L’historien juif Josèphe, pendant le siège de Jérusalem, reçut un jour du général romain, Titus, dont il était le prisonnier de guerre, l’ordre de diriger une reconnaissance. Chemin faisant, il vit quelques-uns de ses malheureux compatriotes que les Romains avaient faits prisonniers et crucifiés au bord de la route. De retour au camp, il demanda à Titus la grâce de trois d’entr’eux qu’il avait reconnus ; cette faveur lui fut accordée. Malgré les soins médicaux les plus empressés, deux d’entr’eux ne tardèrent pas à succomber ; un traitement suivi sauva la vie du troisième. On voit par par cet exemple que, même après avoir échappé à cet horrible supplice, on ne revenait pas si aisément à la vie et à l’usage de ses forces.

Jésus, avant son crucifiement, avait déjà beaucoup souffert et en son âme et en son corps. Il avait passé par la mort anticipée de Gethsémané. Il avait subi l’horrible peine de la flagellation romaine, qui labourait de sillons profonds le dos de la victime et qui équivalait presque à une exécution capitale. Puis on lui avait cloué les mains et les pieds. Le peu de force qui pouvait lui rester, avait été consumé par les six heures de ce supplice affreux qu’il avait déjà endurées. Dévoré par la soif et entièrement épuisé, il avait enfin rendu ce soupir suprême dont parlent nos évangélistes. Un soldat romain l’avait encore frappé d’un coup de lance au cœur. Sans aliments ni breuvage, sans pansement ni soins quelconques, il avait passé un jour et deux nuits dans le caveau mortuaire, Et voilà qu’au matin du troisième jour il reparaît tout à coup alerte et radieux ! Sur ses deux pieds transpercés de part en part, il y a deux jours seulement, il fait sans peine les deux lieues de chemin qui séparent Emmaüs de Jérusalem. Il est si leste que pendant le repas il se dérobe tout à coup aux regards des ses deux compagnons de voyage, et quand ils reviennent dans la capitale pour annoncer la bonne nouvelle aux apôtres, voici qu’ils l’y retrouvent ! Il les a devancés. Avec la même prestesse qui caractérise tous ses mouvements, il se présente tout à coup lui -même dans la chambre où les disciples sont rassemblés…… Sont-ce là les allures d’un homme qu’on vient de détacher de la croix, et d’ensevelir dans un état complet d’épuisement ? Non ; ou bien ces faits sont controuvés ; et alors que devient la bonne foi, déjà reconnue, de ceux qui en ont rendu témoignage ? Ou bien ils sont réels, et le retour de Jésus à la vie est autre chose qu’une simple convalescence. Encore ici Strauss a rendu témoignage à la vérité :

« Un homme à demi mort, se traînant languissant et épuisé hors de son sépulcre, dont les plaies exigent un traitement et des pansements suivis, un tel homme eût-il pu faire sur les disciples l’impression du vainqueur de la mort et du sépulcre, du Prince de la vie, impression qui est pourtant à la base de toute leur activité subséquente ? Un pareil retour à la vie n’eût servi qu’à affaiblir l’impression que Jésus leur avait faite précédemment dans sa vie et dans sa mort, et n’eût jamais pu transformer leur douleur en enthousiasme et exalter leur admiration jusqu’à l’adoratione. »

eLeben Jesu, 1864, page 298.

Enfin, comment Jésus eût-il terminé une vie ainsi recouvrée ? Se soustrayant à l’attention de ses apôtres, il se serait retiré sans bruit dans quelque endroit écarté ; et tout en dépérissant de maladie ou de vieillesse, comme tous les autres mortels, il les eût laissés publier dans le monde sa résurrection et son ascension glorieuses ! Que penser d’une telle conduite ? Si le soupçon d’imposture s’est montré inadmissible pour les serviteurs, ne l’est-il pas davantage encore par rapport au maître ?

Le témoignage rendu par les apôtres suppose chez eux une conviction réelle, les adversaires eux-mêmes le reconnaissent. Cette conviction ne peut avoir été produite par le spectacle d’un moribond rampant hors de sa tombe : ce second point aussi est acquis et concédé. Comment donc, encore une fois, expliquer la foi triomphante des apôtres à la résurrection de Jésus, sans faire intervenir le fait de cette résurrection elle-même ? Il ne reste à l’incrédulité qu’un expédient, le troisième et dernier : C’est de prétendre que les apparitions de Jésus ressuscité n’étaient que des visions intérieures, résultant chez les croyants de leur état d’exaltation. C’est à cette explication que s’est arrêtée en général l’incrédulité moderne ; et voici comment on la développe :

Marie-Madeleine, la première, crut avoir vu auprès du tombeau Jésus ressuscité. Ce n’était qu’une hallucination, un reste de maladie mentale dont Jésus l’avait autrefois guérie. Cet état maladif se propagea dans la société des premiers croyants et y prit un caractère épidémique, surtout lorsque les apôtres, de retour en Galilée, où ils avaient vécu avec leur maître, rencontrèrent à chaque pas les lieux et les objets qui réveillaient en eux ce souvenir cher à leur cœur.

Dès ce moment ils crurent voir Jésus partout ; au bord de la mer, sur les chemins, au sommet des montagnes, constamment cette image les hantait. Ce fut donc de bonne foi qu’ils crurent leur maître ressuscité, tandis que ces apparitions n’étaient que les reflets de leur préoccupation intérieure. Il en fut de même de l’apparition du Seigneur à Paul sur le chemin de Damas. Paul crut voir et entendre : en réalité il ne vit et n’entendit que ce qui se passait au dedans de lui-même.

Contrôlons cette troisième explication, comme nous avons fait les autres, par les, faits, j’entends les faits accordés par nos adversaires eux-mêmes.

1. Cette explication pourrait paraître admissible si, dans les apparitions de Jésus, les apôtres disaient n’avoir contemplé qu’une figure céleste planant entre ciel et terre. Mais ils ont entendu des discours, des reproches, des ordres, des promesses, sortir de la bouche de celui qu’ils croyaient voir. Il leur a dit : « Gens tardifs à croire ! » Il leur a dit : « Allez et enseignez toutes les nations. » Il leur a dit : « Restez à Jérusalem jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la vertu d’en-haut. » Non seulement il leur a parlé, mais il a mangé et bu avec eux, et cela pour leur prouver qu’il n’était ni un simple fantôme, ni un rêve de leur imagination.

Tout cela ne dépasse-t-il pas les bornes extrêmes de l’hallucination ? Il ne resterait donc, qu’à taxer ces faits de mensonge. Mais alors que devient la bonne foi de ceux qui ont rempli l’Eglise de ces récits controuvés ?

2. Les hallucinations, soit de la vue, soit de l’ouïe, sont un phénomène maladif, le symptôme de quelque grave altération physique ou morale, le prélude d’une fièvre nerveuse, par exemple, ou d’un état d’aliénation mentale. Mais nous ne trouvons rien de pareil dans la vie subséquente des apôtres. Saint Paul parle bien d’une écharde dans la chair, d’une souffrance dont il portait péniblement le fardeau. Mais pendant trente ans il n’en exerce pas moins dans le monde entier le plus vaillant ministère, travaillant la nuit pour gagner sa vie, le jour pour gagner des âmes à Jésus-Christ, jusqu’à ce que le glaive impérial tranche le fil de sa vie sur le chemin de Rome à Ostie. Nous attendons en vain cette fièvre nerveuse qu’annonçait l’hallucination de Damas. Et quant à la folie, lisez ses épîtres ! Il serait à désirer que beaucoup d’hommes de bon sens raisonnassent avec une logique aussi serrée, un jugement aussi sain. D’ailleurs Paul n’est pas le seul qui, sur le chemin de Damas, a vu et entendu quelque chose. D’après les deux récits renfermés dans le livre des Actes, les compagnons de Paul ne comprirent pas les paroles de celui qui s’entretenait avec lui ; mais ils entendirent une voix. Ils ne virent pas non plus la figure de celui qui lui parlait ; mais ils furent frappés d’une clarté extraordinairef. Que si l’on taxe ces faits de mensonge, à la bonne heure ! Mais nous voilà toujours ramenés à l’hypothèse de l’imposture, dont nous pensions être sortis.

fActes 9.7 ; comparez avec 22.9.

La carrière de saint Pierre et des autres apôtres a duré encore de trente à cinquante années, sans qu’à notre connaissance leur état de santé ait rien laissé à désirer. Au moment de leur mort existait déjà, répandue dans tout le monde, une Eglise de cinq cent mille croyants environ, qui était le fruit de leur travail. Quant à Pierre, en particulier, nous savons qu’il a subi le martyre à Rome, dans la persécution de Néron, vers l’an 61, après trente ans de travaux. Un tel ministère est certainement un certificat de santé suffisant. D’ailleurs, nous possédons encore sa principale lettre, écrite peu avant sa mort ; elle se trouve dans notre Nouveau Testament. Il est impossible de rien écrire de plus sobre et de plus rassis.

3. Mais, admettons que les apparitions de Jésus fussent le résultat d’une hallucination de l’ouïe et de la vue chez un, chez deux, chez trois même des personnages qui déclarent l’avoir vu ressuscité. Ce phénomène moral, déjà si étrange, il est loin de suffire néanmoins à l’explication des faits. Après l’avoir admis pour Marie-Madeleine, pour saint Pierre, pour saint Paul, il faut le concéder encore pour Jacques, pour les deux d’Emmaüs, quoiqu’une course en commun et un entretien de deux heures supportent difficilement une pareille explication. Il faut étendre cette supposition d’hallucination aux Douze, y compris le scrupuleux Thomas, qui s’est imaginé voir, entendre et toucher même, quand il n’y avait absolument rien devant lui ! Concédons tout cela, si l’on veut. Mais les 500 ! Cinq cents personnes hallucinées en une seule fois, cinq cents personnes qui se figurent toutes voir quelqu’un qui n’est pas là, entendre ses paroles, recevoir ses adieux. Chaque médecin fera bien de noter ce fait, unique sans doute dans les annales de la science !

4. Quand un halluciné croit voir et entendre des choses qui ne se passent que dans son cerveau, ces illusions se produisent dans le sens de ses idées favorites ; elles sont le reflet des craintes ou des désirs qui le préoccupent. Or cette condition psychologique fait défaut dans le cas présent. Les disciples n’avaient nul espoir, nulle idée de voir reparaître vivant ce corps inanimé qui avait été déposé dans la tombe. Ils traitent de folles les femmes qui les premières viennent leur parler d’une résurrection. Ces femmes elles-mêmes, en se rendant au tombeau, étaient tellement étrangères à cette pensée, qu’elles apportaient avec elles des aromates destinés à embaumer le corps du Seigneur. C’était là en particulier le but de la course matinale de Marie-Madeleine au sépulcreg. On peut bien s’imaginer voir et entendre ce qu’on espère ardemment, ce qu’on attend impatiemment. Mais ce à quoi l’on ne songe pas même…! C’est moralement impossible.

gJean 20.2, 15 ; Marc 16.1 ; Luc 24.1, 10.

Voici ce que paraissent avoir espéré les disciples : Ils se représentaient Jésus redescendant glorifié du ciel, où ils le croyaient rentré dès l’heure de sa mort, conformément à cette parole qu’il leur avait dite : « Je m’en vais à mon Père. » C’était déjà dans cette pensée, très naturelle au point de vue juif, que le brigand disait à Jésus : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu reviendras dans ton règne, » c’est-à-dire, quand tu redescendras du ciel comme Roi-Messie. C’est probablement ce malentendu chez les siens qui fermait leur esprit à l’idée de sa résurrection, que Jésus veut rectifier, quand il dit à Marie-Madeleine. « Je ne suis pas encore monté vers mon Pèreh. » Si donc les disciples se fussent imaginé quelque chose d’après les pensées de leur propre cœur, c’eût été une apparition céleste de leur maître, mais nullement le retour à l’existence de cette chair infirme dont ils le croyaient dépouillé pour toujours.

hJean 20.17.

Ou bien quelqu’un prétendrait-il qu’ils avaient conservé le souvenir des paroles dans lesquelles Jésus avait prédit sa résurrection ? Strauss a été trop habile pour alléguer rien de semblable. Un pareil aveu, en effet, coûterait cher au rationalisme.

Pour sortir de cet inextricable réseau de difficultés, deux des meilleurs philosophes de l’Allemagne moderne, Weisse et Lotze, ont reconnu qu’en fin de compte, il fallait bien admettre qu’il s’était bien passé quelque chose ; mais que ce quelque chose pourrait bien n’être qu’une action exercée par l’esprit de Jésus, rentré dans le règne des esprits, sur l’esprit des disciples, afin de leur donner l’impression de la réalité de sa vie céleste, et de leur communiquer l’élan dont ils avaient besoin pour devenir les propagateurs de sa religion. C’est, en d’autres termes, essayer de substituer la croyance aux revenants, à la foi à la résurrection. S’il faut choisir, je pense que notre choix est fait. S’il ne l’était pas, veuillez vous rappeler que cet esprit de Jésus qui doit être apparu à l’esprit des disciples, a parlé, agi, mangé et bu en leur présence, et cela afin de leur prouver qu’il n’était pas un pur esprit, un simple fantôme ! Certes, voilà bien une malice, comme l’on dit que s’en permettent quelquefois les esprits.

Et avec tout cela, nous n’avons point abordé encore la plus grande difficulté qui pèse sur l’hypothèse des visions imaginaires ou réelles : la question de savoir ce qu’est devenu le corps de Jésus.

Il n’y a ici que deux alternatives : Ou ce corps est demeuré entre les mains des disciples, ou il a été livré aux Juifs. Dans le premier cas, il est clair qu’en publiant la résurrection de leur maître, tandis qu’ils avaient son cadavre sous les yeux, les disciples se seraient rendus coupables d’une imposture volontaire et réfléchie. Or, cette supposition a été reconnue inadmissible, comme nous l’avons vu, par les chefs du rationalisme moderne. Il faut donc se tourner vers la seconde alternative, et supposer que le corps de Jésus est resté entre les mains des Juifs. Admettons-le pour un instant. Mais nous demanderons, dans ce cas, comment il se fait que les Juifs ne produisent pas cette pièce de conviction décisive, lorsque les apôtres se mettent à proclamer la résurrection à Jérusalem ? Pourquoi recourir à la prison, au fouet, pour réduire au silence ces pauvres insensés ? Il y a un moyen plus simple : Le corps est là ; produisez-le ! Mais non ! On argumente, on dispute, on emprisonne, on fustige ; rien ne paraît.

Que répondent à cela les adversaires de la résurrection ? Baur balbutie : « Ce qu’est le fait de la résurrection en lui-même, cela reste, dit-il, en dehors du cercle des investigations historiques. » Comment ? En dehors de l’investigation historique, le fait qui, s’il est réel, est le fait central de l’histoire du monde ! Strauss, le confrère de Baur en panthéisme, fait la leçon à son collègue sur ce mot-là, et lui reproche avec bien de la raison, d’éluder ainsi la question brûlantei. Et que dit-il lui-même ? Il nous parle d’un cadavre jeté par les Juifs, après le supplice, à la voierie, et dont il aurait été impossible de retrouver les restes. Mais entre la fête de Pâques et celle de Pentecôte, où la résurrection de Jésus a été publiquement proclamée à Jérusalem par saint Pierre et les Douze, il ne s’est écoulé que quelques semaines ; et dans cet intervalle, un cadavre ne devient pas introuvable ou méconnaissable.

iLeben Jesu, 1864, page 288.

Mais que parlons-nous de semaines écoulées ? C’est au matin du troisième jour que, d’après tous les récits et le témoignage concordant de saint Paul, les disciples se sont convaincus de la résurrection de leur Maître. Or, si le cadavre eût été jeté à la voierie, les amis de Jésus auraient bien vite été détrompés de leur illusion par la présence de son corps dans ce lieu public.

En raisonnant ainsi, nous avons admis pour un moment que le corps avait été livré aux Juifs. Mais il n’en est rien ; d’après la loi romaine, le corps des suppliciés était remis à celui qui le réclamait, Or, si nos récits évangéliques ne sont pas controuvés, ce fut Joseph d’Arimathée, disciple de Jésus, qui usa de ce droit, et qui, après avoir obtenu du gouverneur romain le corps de Jésus, l’inhuma dans son propre sépulcre. Ce récit s’accorde avec la circonstance que les femmes, en se rendant au tombeau, avaient l’intention d’embaumer le corps. Elles étaient donc sûres de l’avoir à leur disposition, ce qui prouve qu’il était resté entre les mains des amis de Jésus. Du reste, les Juifs, en accusant les disciples d’avoir dérobé et fait disparaître le corps, n’ont-ils pas avoué eux-mêmes de la manière la plus claire qu’il n’était pas resté dans leurs mains ?

Ainsi ce corps, cet objet d’un si haut prix et pour l’amour des uns et pour la haine des autres, il n’est au pouvoir de personne ! Amis et ennemis, tous le cherchent sans le trouver. Qu’est-il donc devenu ? La seule explication de cette mystérieuse disparition, c’est sa réapparition comme corps de Jésus ressuscitéj.

j – On a demandé de quelle nature était ce corps ressuscité. Etait-ce un corps matériel comme le nôtre ? Dans ce cas, comment Jésus peut-il apparaître dans une chambre dont les portes sont fermées ? Etait-ce un corps de nature immatérielle ? Comment dans ce cas peut-il manger et se laisser toucher ? En tout cas le fait de la résurrection ne saurait être compromis par l’obscurité qui plane sur la nature du corps nouveau de Jésus. Nous sommes ici dans un domaine qui échappe totalement à notre expérience. L’état de Jésus en général à ce moment-là était un état de transition. « Je ne suis pas encore monté, dit-il Jean 20:17, … mais je monte. » Son corps aussi était donc en voie de transformation. D’un côté, il participait à la nature du corps ancien ; de l’autre, il possédait déjà en quelque mesure les qualités du corps spirituel, c’est-à-dire parfaitement soumis à l’esprit et dépendant de sa volonté. L’ascension a signalé le terme de ce développement.

On n’a donc réussi, par aucun moyen, à rendre compte du fait du témoignage apostolique en supprimant celui de la résurrection elle-même. Les apôtres n’ont pas inventé la résurrection, leur bonne foi est reconnue. Ils n’ont pas pris un fait pour un autre, confondant un simple réveil avec une résurrection ; cela est concédé. Enfin ils n’ont pu être les dupes de leur imagination, se figurant voir et entendre des choses qui ne se passaient qu’au-dedans ; la nature même des apparitions, le nombre et la qualité des témoins, la disparition inexplicable du corps, excluent cette troisième supposition. Et avec celle-ci la liste des expédients rationalistes est épuisée.

Qu’ai-je voulu, par cette discussion d’un caractère purement scientifique ? Fonder chez mes lecteurs la foi en la résurrection de Jésus ? Nullement ; l’argumentation ne fonde pas la foi ; tout ce à quoi peut aspirer la science, c’est à dissiper les doutes élevés par la science. Produire la foi, c’est l’œuvre du témoignage apostolique, se posant en face de notre conscience dans sa noble, dans sa sainte simplicité. Les divins caractères dont il est revêtu, sont immédiatement saisis par quiconque possède intact le sens du vrai, du bon, du divin. Ainsi naît la foi. S’il lui arrive ensuite de rencontrer sur son chemin les objections de la science, qui menacent de lui barrer le passage, elle ne se trouble pas ; elle attend et laisse faire la science elle-même. Celle-ci ne tarde pas à s’attaquer à sa propre œuvre ; elle remet ses raisonnements à l’épreuve, et bientôt balaie de sa propre main les difficultés amassées par elle. Quand la science a rempli cette tâche, comme nous venons d’essayer de le faire en ce moment même, la foi, contemplant désormais la voie libre devant elle, reprend sa marche paisible, avec le sentiment d’un triomphe de plus et de la possession mieux assurée du trésor qui fait son bonheur.

III
L’IMPORTANCE DE LA RÉSURRECTION

Mais que renferme donc la résurrection de Jésus de si précieux pour la foi ? Ce prodige diffère-t-il essentiellement de tant d’autres que rapportent nos écrits sacrés ?

En deux occasions, comme l’on demandait à Jésus de légitimer par un signe miraculeux ses prétentions à la dignité de Messie, il renvoya ceux qui le pressaient de la sorte au miracle de sa résurrection, et il ajouta « qu’il ne leur serait pas donné d’autre signe. » Ses autres miracles, en effet, ont un caractère accidentel ; celui-ci appartient au plan de Dieu, et fait partie de l’œuvre de notre salut. C’est l’un des grands faits rédempteurs. Il a donc un caractère nécessaire, et voilà pourquoi Jésus pouvait l’annoncer à l’avance comme le vrai signe. Il n’eût pu parler ainsi d’aucun de ses miracles journaliers.

Pour faire sentir cette valeur faire sentir cette valeur spéciale de la résurrection, je commencerai par deux observations préliminaires :

) Si la résurrection est réelle, elle ne peut être un fait isolé ; cet acte divin doit appartenir à l’ensemble d’une œuvre divine. Sans relation avec ce qui le précède et ce qui le suit, un tel miracle serait plus étrange et plus irrationnel encore, s’il est possible, qu’il ne l’est par sa nature. C’est par la place qu’il occupe dans un tout homogène, que, sans cesser d’être surnaturel, il devient logique et naturel. Il perd par là ce qu’il a d’abrupt. C’est un sommet au milieu de la chaîne dont il forme l’un des nœuds. Cette chaîne, si nous voulons la découvrir, ne sera pas difficile à discerner ; c’est l’histoire sainte, celle de l’ancienne alliance qui, par toutes ses lignes, converge au grand fait qui nous occupe, celle de la nouvelle qui tout entière en découle. Comme par l’existence d’un fruit est prouvée celle de l’arbre qui l’a produit, et s’explique celle de l’arbre qui suivra, ainsi par le fait divin de la résurrection est démontré le caractère divin de l’histoire israélite qui y aboutit, et s’explique le divin renouvellement qui date de ce moment dans l’état de l’humanité.

) Pas plus le miracle de la résurrection, s’il est réel, ne peut avoir été un fait isolé, pas plus le rôle que ce miracle joue dans l’histoire divine à laquelle il appartient, ne peut être un rôle secondaire. Par l’absence de tout agent humain qui en ait été l’instrument, il prend place au niveau du plus prodigieux des miracles, celui de la création. Cette analogie s’étend jusqu’au fond même de ces deux faits ; appeler à la vie et rappeler à la vie, ne sont-ce pas deux actes de même nature ? La création est la victoire de la toute-puissance sur le néant ; la résurrection est la victoire de cette même toute puissance sur la mort, le fait le plus semblable au néant de tous ceux que nous connaissons. Comme donc la création est le fait primordial de l’histoire de l’univers, la résurrection de Jésus-Christ doit en être le fait central. Elle est cela ou elle n’est point.

Essayons maintenant de pénétrer dans l’essence du fait. Avant tout, il est légitime d’entendre sur ce sujet ceux qui ont reçu la mission de proclamer la résurrection, et d’offrir cette œuvre divine à la foi de l’humanité. Or, le commentaire apostolique sur la résurrection de Jésus-Christ, le voici formulé brièvement par le plus grand des fondateurs de l’Evangile :

« Christ a été livré à cause de nos offenses, et il est ressuscité à cause de notre justificationa. »

aRomains 4.25. Nous traduisons à cause de et non pour parce que le sens de cette dernière proposition est équivoque. Il n’y a pas de malentendu possible en grec, pour peu que l’on serre de près les expressions de l’Apôtre.

De même, veut dire saint Paul, que toutes les offenses de l’humanité ont concouru et abouti à un fait unique, la mort du Christ, de même l’acquittement, obtenu par cette mort, de ces myriades d’offenses, a abouti à un autre fait capital, et de nature opposée : la résurrection du Christ.

Ce n’est pas ici le lieu de développer l’œuvre d’expiation rappelée dans la première proposition de cette parole apostolique, et d’en montrer la sagesse, la sainteté, la sublimité morale, la justice même. Nous nous bornons à constater que, d’après la première partie du verset, trois faits paraissent inséparables à l’apôtre : L’homme pèche ; Dieu condamne ; Christ meurt. Ce Christ, Fils de l’homme, et, comme tel, représentant normal de toute sa race, meurt sous la condamnation qui la frappe.

Et de même, d’après la seconde proposition du verset, parallèle à la première, trois autres faits, sont tout aussi étroitement liés aux yeux de saint Paul : Christ expie ; Dieu absout ; Christ ressuscite.

Le regard de Dieu a une vertu divine, celle de tuer quand il devient regard de condamnation ; celle de ressusciter, quand il se change en regard d’absolution. Le cœur filial de Jésus a ressenti en plein cette double puissance qui échoue sur notre cœur de pierre. Sous le regard de condamnation qui frappait sa famille entière, le cœur de ce Fils, devenu notre frère, s’est brisé ; et en se brisant moralement, il a cessé de battre physiquement. Mais, la réparation accomplie, ce même cœur filial est devenu le premier l’objet du regard d’absolution qui se portait sur nous ; il a repris vie, force, chaleur ; et divinement ranimé, ce cœur a communiqué sa vie au corps même dans lequel il avait battu, et l’a élevé à un état nouveau.

Vous voyez combien est profonde la solidarité, combien est étroit l’entrelacement qui unit le sort de chaque homme à celui du Fils de l’homme, ce centre vivant, ce cœur palpitant de notre race. Je pèche ; Christ meurt. Je suis absous ; mon Christ revit. Jésus a fait de ma condamnation sa mort ; mon pardon, ma grâce devient sa vie. Ainsi (tout en maintenant la distance qui sépare ces deux faits moraux que je n’ai garde d’oublier), Paul disait aux Thessaloniciens, comme portant en lui les entrailles de l’amour du Christ : « Vous vous tenez fermes… je visb ! »

b1 Thessaloniciens 3.8.

Vous avez un ami, il est pour vous plus qu’un frère ; c’est un second vous-même. Il s’est engagé envers vous à vous servir de caution. Vous vous trouvez insolvable. La loi s’en prend à lui. S’il parvient à vous libérer, ne se trouve-t-il pas par là libéré lui-même ? Il n’était débiteur que de votre dette. Celle-ci payée, comment ne redeviendrait-il pas libre ? Et quand il sort de la prison où l’avait jeté son amour, n’est-ce pas votre acquittement qui l’en fait sortir ? Ainsi, c’est de notre absolution que jaillit la résurrection du Christ. La sentence qui le fait remonter du sépulcre n’est autre que celle qui nous affranchit de la condamnation et proclame notre absolution ; et quand, du regard de la foi, nous rencontrons sur notre chemin Jésus ressuscité et glorieux, nous pouvons dire : J’ai contemplé mon salut. Comme c’est mon péché qui l’avait tué, c’est mon acquittement prononcé qui le rend à la vie.

Voulez-vous faire réelle connaissance avec vous-même, et savoir tout ce que vous êtes en bien et en mal ? C’est en ce Jésus mort et ressuscité qu’il faut vous contempler et vous étudier vous-même. En lui crucifié, délaissé de Dieu, expirant, vous vous voyez tel que vous êtes de fait, malfaiteur, condamné, maudit. En lui ressuscité, radieux, triomphant, vous vous contemplez tel que vous êtes de droit, gracié, béni, adopté par Dieu.

Que nous laisse donc à faire la résurrection de Jésus-Christ ? Une chose, une seule : changer dans notre vie l’état de droit en état de fait, substituer cet état de fait nouveau, état doux, saint, glorieux, à l’état ancien, amer, douloureux, ignoble ; en un mot, ce que nous sommes déjà en Jésus, le devenir en nous-mêmes. C’est là le prodige qu’opère la foi ; second miracle digne du premier, et qui en complétant celui de la résurrection, met le sceau à notre salut individuel.

Cette relation de solidarité avec nous, que l’amour de Christ n’a pu contracter que d’un seul côté, de son côté, à lui, notre foi la consomme, en la contractant de notre côté, à nous. La foi est comme la réciproque de la grâce, la réponse de l’homme à l’avance divine. Elle s’empare de la rémission acquise et offerte, en la saisissant dans son gage palpable, Jésus ressuscité. Par elle, chaque homme vient se prolonger à son tour dans la mort du Fils de l’homme, pour devenir dans cet abîme un avec lui, justifié en lui, vivifié comme luic. Veuillez donc ne pas envisager la foi comme une opinion de fantaisie, un caprice de l’intelligence, sans relation avec notre vie morale, soit antérieure, soit subséquente. La foi est dans votre vie ce qu’est, dans l’existence d’un arbre, l’incision profonde qui ouvre l’accès à la greffe, à ce principe nouveau qui va changer la nature des sucs et les qualités de la sève. Ainsi la foi ouvre notre cœur au plus saint et au plus puissant des principes. Par elle, Jésus peut s’établir en nous, et travailler désormais à se substituer lui-même à notre moi condamné et pervers. Comment un tel principe, une fois qu’il est admis dans notre âme, et aussi longtemps que l’accès lui en reste ouvert, n’aurait-il pas la vertu de tout transformer en nous, depuis la sève jusqu’aux fruits ?

cRomains 6.3-5.

Comme il suffit d’une fraîche brise de l’Est pour balayer les montagnes de nuages amassées au-dessus de nos têtes, et pour nous rendre, après une saison pluvieuse, le ciel azuré et les rayons vivifiants du soleil, ainsi l’apparition de Jésus ressuscité, et, en lui, de notre justification accomplie, dans notre conscience troublée, suffit pour dissiper les épais nuages qui s’interposaient entre notre cœur et Dieu, et qui assombrissaient notre vie. Elle permet à la face d’un Père juste et saint, mais réconcilié et plein de tendresse, de resplendir sur nous ; et ce regard divin, c’est le rayon de soleil qui fait tout éclore dans notre intérieur. Par lui, nous sommes associés à la vie céleste du Sauveur ressuscité.

Un homme qui n’a pas eu pour point de départ la foi évangélique, mais qui s’en rapproche par degrés, sous l’empire d’une logique morale plus puissante que celle d’Aristote, le professeur Keim a prononcé cette parole : « C’est sur une tombe vide, que l’Eglise chrétienne est fondée. » Oui, vide, non seulement de ce cadavre qui y avait été couché, mais de notre malédiction qui y était descendue avec lui ; vide de la puissance du péché, qui trouvait dans cette malédiction son point d’appui ; vide de la puissance de la mort elle-même ; qui triomphait par le moyen de cette malédiction, et par le droit sacré de la loi qui la proclamait : « L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la puissance du péché, c’est la loid. » Vide de ce qui fait notre mort, cette tombe est en échange pleine de ce qui fait notre vie, pleine de l’invisible présence de Jésus ressuscité ; pleine de la gloire du Père, qui a éclaté dans ce sanctuaire, où nul œil d’homme n’a pénétré, et où, dans une lutte dont Dieu connaît seul les mystères, la mort a été absorbée par la vie. « Grâces à Dieu qui nous a donné la victoire par Jésus-Christ, notre Seigneure. »

d1 Corinthiens 15.56.

e1 Corinthiens 15.57.

Visitons souvent ce lieu ; il n’est pas nécessaire pour cela de faire le pèlerinage de Jérusalem ; l’entrée du Saint-Sépulcre s’ouvre au fond de chacun de nos cœurs. Descendons-y pour y trouver les arrhes de notre adoption, les débris de la lettre d’obligation qui témoignait contre nous, et que la main de notre céleste créancier a déchirée ; les fragments du sceptre de la mort que le pied de notre libérateur a brisé ; le casque de l’espérance enfin, que sa main y a déposé, afin que chaque croyant aille l’y placer sur sa tête. Ah ! qu’une telle visite fait de bien à l’âme accablée ! Elle en revient, comme Jean sortait du sépulcre après avoir vu les linges roulés et le suaire plié et mis en un lieu à part : « Il vit et il crut, » nous dit-il lui-même, résumant dans ces deux mots l’expérience la plus profonde de sa vie. Croyons au témoignage de ceux qui ont vu, à ce témoignage qui se légitime à notre cœur comme un témoignage saint et par conséquent vrai, et nous verrons aussi ; nous contemplerons dès ici-bas la gloire de Dieu.

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