1.[1] Jonathas, son frère, qui lui succéda, sut se préserver des embûches des indigènes et affermit son pouvoir par son amitié avec les Romains ; il conclut aussi un accord avec le fils d'Antiochus[2]. Malgré tout, il ne put échapper à son destin. Car le tyran Tryphon, tuteur du fils d'Antiochus, et qui conspirait dès longtemps contre son pupille, s'efforçant de se débarrasser des amis du jeune roi, s'empara par trahison de Jonathas lorsque celui-ci, avec une suite peu nombreuse, fut venu a Ptolémaïs rencontrer Antiochus. Tryphon le charge de fers et part en campagne contre la Judée ; ensuite, repoussé par Simon, frère de Jonathas et furieux de sa défaite, il met à mort son captif[3].
[1] Section 1 — Ant., XIII. 1-6.
[2] Jonathan a traité 1° avec Bacchidès, lieutenant de Démétrius Soter, 2° avec Alexandre Bala, prétendu fils d'Antiochus Épiphane, 3° avec Démétrius II Nicanor, 4° avec Antiochus VI Dionysos, fils de Bala. C'est probablement à ce dernier traité (Ant., § 145) qu'il est fait ici allusion ; malgré la qualification inexacte de Ἀντιόχου παῖδα donnée au roi. La correction Ἀντίοχον proposée par Bernard, ne peut être admise en présence du § 49. Josèphe a visiblement confondu Antiochus VI avec Antiochus V.
[3] 143 av. J.-C.
2.[4] Simon, qui conduisit les affaires avec énergie, s'empara de Gazara, de Joppé, de Jamnia, villes du voisinage, et rasa la citadelle (Acra), après avoir réduit la garnison à capituler. Puis il se fit l'allié d'Antiochus[5] contre Tryphon, que le roi assiégeait dans la ville de Dora avant de partir pour son expédition contre les Mèdes. Pourtant, il eut beau collaborer à la perte de Tryphon[6], il ne réussit pas a conjurer l'avidité du roi ; car Antiochus, peu de temps après, envoya Cendébée, son général, avec une armée pour ravager la Judée et s'emparer de Simon. Celui-ci, malgré sa vieillesse, commença la guerre avec une ardeur juvénile ; il envoya en avant ses fils avec les hommes les plus vigoureux contre le général ennemi ; lui-même, prenant une partie des troupes, attaqua sur un autre point. Il posta à diverses reprises des embuscades dans les montagnes et obtint l'avantage dans tous les engagements. Après ce brillant succès, il fut proclamé grand-prêtre et délivra les Juifs de la domination des Macédoniens, qui pesait sur eux depuis cent soixante-dix ans[7].
[4] Section 2 Ant., XIII, 6, 1 à 7, 3.
[5] Antiochus VII Sidétès, frère de Démétrius II Nicanor.
[6] 139/8 av. J.-C.
[7] D'après la vulgate, Simon fut proclamé grand-prêtre immédiatement après la mort du grand-prêtre Jonathan, 143/2 av. J.-C. Ant , XIII, § 213. On voit que Josèphe, guidé par un historien grec, n'attribue aux premiers Asmonéens que le caractère de chefs militaires et profanes. — Par les « 170 ans de domination macédonienne », Josèphe entend tout simplement (et à tort) l'an 170 de l'ère des Séleucides. En réalité, la domination macédonienne durait depuis 190 ans.
3.[8] Il mourut lui-même dans des embûches que lui dressa au cours d'un festin son gendre Ptolémée. Le meurtrier retint prisonniers la femme et deux des fils de Simon, et envoya des gens pour tuer le troisième, Jean, surnommé Hyrcan. Le jeune homme, prévenu de leur approche, se hâta de gagner la ville, ayant toute confiance dans le peuple, qui gardait le souvenir des belles actions de ses ancêtres et haïssait les violences de Ptolémée. Cependant Ptolémée se hâta d'entrer lui aussi par une autre porte ; mais il fut repoussé par le peuple, qui s'était empressé de recevoir Hyrcan. Il se retira aussitôt dans une des forteresses situées au-dessus de Jéricho, nommée Dagon. Hyrcan, succédant à son père dans la grande-prêtrise, offrit un sacrifice à Dieu, puis se lança à la poursuite de Ptolémée pour délivrer sa mère et ses frères.
[8] Sections 3-4 Ant., XIII, 7, 4 à 8,1. Les deux récits coïncident presque mot pour mot et dérivent donc d'une même source (païenne).
4. Il assiégea la forteresse, mais, supérieur sur tous les points, il se laissa vaincre par son bon naturel. Lorsque Ptolémée se trouvait vivement pressé, il faisait conduire sur la muraille, en un endroit bien visible, la mère et les frères d'Hyrcan, les maltraitait et menaçait de les précipiter en bas si Hyrcan ne s'éloignait sur-le-champ. Devant ce spectacle, la colère d'Hyrcan cédait à la pitié et à la crainte. Mais sa mère, insensible aux outrages et aux menaces de mort, tendait les bras vers lui et le suppliait de ne pas se laisser fléchir par la vue de l'indigne traitement qu'elle endurait, au point d'épargner cet impie : elle préférait à l'immortalité même la mort sous les coups de Ptolémée, pourvu qu'il expiât tous les crimes qu'il avait commis contre leur maison. Jean, quand il considérait la constance de sa mère et entendait ses prières, ne songeait plus qu'à l'assaut ; mais quand il la voyait frapper et déchirer, son coeur s'amollissait, et il était tout entier à sa douleur. Ainsi le siège traîna en longueur, et l'année de repos survint ; car tous les sept ans les Juifs consacrent une année à l'inaction comme ils font du septième jour de la semaine. Ptolémée, délivré alors du siège, tua la mère et les frères de Jean et s'enfuit auprès de Zénon, surnommé Cotylas, tyran de Philadelphie.
5.[9] Antiochus, irrité du mal que lui avait causé Simon, fit une expédition en Judée, se posta devant Jérusalem et y assiégea Hyrcan. Celui-ci fit ouvrir le tombeau de David, le plus riche des rois, en tira une somme de plus de trois mille talents[10] et obtint d'Antiochus, au prix de trois cents talents, qu'il levât le siège ; avec le reste de cet argent, il commença à payer des troupes mercenaires qu'il fut le premier des Juifs à entretenir.
[9] Section 5 Ant., XIII, 8, 2-4.
[10] 3 600 d'après le ms. M. — D'après le récit des Ant., § 249, Hyrcan n'ouvre le tombeau de David qu'après le départ d'Antiochus ; mais un autre texte (Ant., VII, § 393) s'accorde avec Guerre.
6.[11] Plus tard, Antiochus, parti en guerre contre les Mèdes, fournit à Hyrcan l'occasion d'une revanche. Celui-ci se jeta alors sur les villes de Syrie, pensant, comme ce fut le cas, qu'il les trouverait dépourvues de défenseurs valides. Il prit ainsi Médabé, Samaga et les villes voisines, puis Sichem et Garizim ; en outre, il soumit la race des Chuthéens, groupée autour du temple bâti à l'instar de celui de Jérusalem. Il s'empara encore de diverses villes d'Idumée, en assez grand nombre, notamment d'Adoréon[12] et de Marisa.
[11] Section 6 Ant., XIII, 9, 1. — Il n'est pas exact, d'ailleurs, que l'entreprise d'Hyrcan ait coïncidé avec l'expédition d'Antiochus Sidétès contre les « Mèdes » (Parthes), expédition à laquelle prit part Hyrcan (Ant., XIII, § 250, d'après Nicolas). Cette expédition eut lieu en 130/129 ; les entreprises d'Hyrcan commencèrent après la mort de Sidétès (129). Remarquons que l'expression « Mèdes » employée ici et au § 51 peut faire douter que Nicolas soit ici la source directe de Josèphe.
[12] Adora des Ant., § 257.
7.[13] Il s'avança jusqu'à la ville de Samarie, sur l'emplacement de laquelle est aujourd'hui Sébasté, bâtie par le roi Hérode. L'ayant investie de toutes parts, il en confia le siège à ses fils Aristobule et Antigone ; ceux-ci exercèrent une surveillance si rigoureuse que les habitants, réduits à une extrême disette, se nourrirent des aliments les plus répugnants. Ils appelèrent à leur secours Antiochus, surnommé Aspendios[14]. Celui-ci répondit volontiers à leur appel, mais fut vaincu par Aristobule. Poursuivi par les deux frères jusqu'à Scythopolis, il se sauva ; ceux-ci, se retournant ensuite contre Samarie, renfermèrent de nouveau le peuple dans ses murs ; ils prirent la ville, la détruisirent et réduisirent les habitants en esclavage. Poussant leurs succès, sans laisser refroidir leur ardeur, ils s'avancèrent avec leur armée jusqu'à Scythopolis, firent des incursions sur son territoire et livrèrent au pillage tout le pays en deçà du mont Carmel.
[13] Section 7 Ant., XIII, 10, 1-3.
[14] Antiochus Aspendios ou d'Aspendos est Antiochus VIII Grypos, fils de Démétrius II (avènement en 123/2). Mais les Ant., § 2~7, nomment ici à sa place, et probablement avec raison, son frère utérin Antiochus IX Cyzicène, fils d'Antiochus Sidétès, qui lui disputa la Syrie à partir de 114 av. J.-C.
8.[15] Les prospérités de Jean et de ses fils provoquèrent dans le peuple la jalousie, puis la sédition ; un grand nombre de citoyens, après avoir conspiré contre eux, continuèrent à s'agiter jusqu'au jour où leur ardeur les jeta dans une guerre ouverte, où les rebelles succombèrent. Jean passa le reste de sa vie dans le bonheur, et après avoir très sagement gouverné pendant trente-trois ans entiers[16], il mourut en laissant cinq fils. Il avait goûté la véritable félicité, et rien ne permit d'accuser la fortune à son sujet. Il fut le seul a réunir trois grands avantages : le gouvernement de sa nation, le souverain pontificat et le don de prophétie. En effet, Dieu habitait dans son coeur, si bien qu'il n'ignora jamais rien de l'avenir ; ainsi il prévit et annonça que ses deux fils aînés ne resteraient pas maîtres des affaires. Il vaut la peine de raconter leur fin et de montrer combien ils déchurent du bonheur de leur père.
[15] Section 8 = Ant., XIII, 10, 5-8. La fin est presque identique dans les deux.
[16] 31 selon Ant., § 299 (30 selon Ant., XX, § 240). Hyrcan en mort en 105 ou 104 av. J.-C.