Nous avons vu dans le chapitre précédent que si le signe du parler en langues interpellait des hommes, le contenu verbal, lui, ne s’adressait pas à des hommes mais à Dieu seul. D’où la limitation de ce don à la louange ou à la prière.
Nous aborderons maintenant un autre aspect pratique, largement répandu dans le pentecôtisme, que nous confronterons avec l’Écriture. Ma longue expérience de presque tout l’éventail pentecôtiste me permet de parler en connaissance de cause.
Il ne faut pas perdre de vue que le parler en langues EST UN SIGNE. À qui, aujourd’hui, ce signe est-il destiné ? La première et invariable réponse est toujours celle-ci : “C’est le signe indiscutable ou évident du baptême du Saint-Esprit ; c’est la preuve que le croyant est entré dans une deuxième expérience de la vie chrétienne qui lui donne accès aux dons de l’Esprit, en commençant par le moindre, celui des langues”. Ce signe va donc lui confirmer ainsi qu’à sa congrégation qu’il a maintenant un “plus” dans sa vie chrétienne. Donc, vu sous cet angle, c’est un signe pour les croyants. Mais ce n’est pas tout, ce signe va lui servir pour d’autres occasions.
Exemple I.
Cet homme encore jeune et converti, entra dans cette seconde expérience spirituelle. Sous la pression de circonstances familiales très difficiles, il se refroidit quant à son premier amour pour le Seigneur (Apocalypse 2.4) et perdit tout contact avec sa communauté. Il était hanté intérieurement par la crainte d’être rejeté par Dieu. Il s’essayait de temps en temps à la glossolalie et comme cela marchait, il en éprouvait un grand apaisement. Il en déduisait que Dieu ne l’avait pas abandonné. Déjà on voit que son parler en langue prenait la place de la foi qui est seule “l’assurance des choses que l’on espère et la démonstration de celles qu’on ne voit pas” (Hébreux 11.1). Selon lui, ce don l’aurait gardé du suicide. Ce signe lui montrait que lui, le croyant, était encore dans la foi. En fait il se servait de son don pour se faire signe à lui-même. C’était donc un signe pour le croyant qu’il était.
Exemple II.
Il y avait un chrétien auquel les épreuves ne manquaient pas : ennuis de santé, contretemps et assauts dans la famille. Sa foi était fortement prise à partie. Ce qui l’a tenu debout c’est, selon ses dires, sa prière quotidienne en langue. Comment ne pas voir qu’ici aussi, c’est le signe qui remplace la foi car, “ce qui triomphe du monde, c’est notre foi” (1 Jean 5.4). Une fois encore, le signe s’adressait à un croyant.
Exemple III.
Le péché s’est installé à demeure dans la vie de cet homme. Il en est conscient mais il fait bon ménage avec lui. Il se juge au moyen du parler en langues et dit avec soulagement : “Si l’Esprit continue à s’exprimer par moi, c’est qu’Il ne me désapprouve pas, pas assez en tout cas pour ôter ses paroles de ma bouche”. Ce qui frappe ici, c’est que le jugement de soi à la lumière de la Parole de Dieu (1 Corinthiens 11.28, 31) est remplacé par un signe qui accrédite auprès d’un croyant ce que la Bible condamne.
Ces trois exemples ne sont qu’un échantillonnage démontrant que presque tout l’enseignement et la pratique des frères pentecôtistes pivote autour d’un signe que Dieu aurait donné pour les croyants et leur usage personnel. Qu’en dit l’Écriture ? Elle enseigne précisément le contraire : “LES LANGUES SONT UN SIGNE NON POUR LES CROYANTS MAIS POUR LES NON-CROYANTS” (1 Corinthiens 14.22), La contradiction est totale et le dérapage qui s’ensuit ne l’est pas moins, car c’est la doctrine elle-même qui est ici prise en défaut. Que de fois des croyants ne se sont-ils pas réjouis avec d’autres croyants du signe qu’ils avaient reçu. Que de fois ne m’a-t-on pas dit et redit (et jamais rien d’autre ne m’a été dit sur ce point) que le parler en langues était pour le croyant le signe initial ou évident du baptême du Saint-Esprit. Or, le Saint-Esprit Lui-même s’en défend énergiquement quand Il nous dit que c’était “UN SIGNE POUR LES NON-CROYANTS”.
Exemple IV.
Un quatrième exemple viendra compléter les trois premiers. Le frère Untel exerce son don des langues en privé, sujet sur lequel nous nous étendrons plus longuement au chapitre 7. Le bien qu’il dit en retirer pour lui-même, n’annule en rien l’obligation qui a été imposée par le Saint-Esprit, celle de mener l’usage de ce don à terme, à savoir : servir de signe aux INCROYANTS. Mais où sont les incroyants quand il n’exerce ce signe que devant lui-même et devant Dieu ?
Un évangéliste, lui aussi détenteur d’un charisme destiné à d’autres incroyants, exerçait son don en privé, n’ayant que lui seul pour auditeur, au moment de l’appel au salut il ne ferait signe qu’au croyant qu’il est et manquerait la cible. De même, dans le cas du charisme des langues, le Saint-Esprit s’explique on ne peut plus clairement : la cible à atteindre, ce n’est pas les croyants mais les incrédules (J.N. Darby).
Que l’on nous comprenne bien ; nous ne mettons pas en doute le baptême du Saint-Esprit ni la réalité historique du parler en langues. Nous posons simplement une double question :
Pourquoi se sentent-ils gênés aux entournures dès qu’on leur en fait la remarque ? Encore heureux si vous ne tombez pas sur un extrémiste qui, fâché de ce que vous croyiez à ce qu’a dit le Saint-Esprit, vous accusera de pécher contre Lui.
Nous mettrons notre conclusion en image : un pont aurait-il dix piliers, qu’il serait impraticable si deux seulement venaient à manquer. Or, nous venons d’assister à l’effondrement de deux d’entre eux :
Après avoir découvert que, contrairement à la croyance et à la pratique quasi-générale, le signe des langues ne s’adressait pas aux croyants mais aux non-croyants, il reste à découvrir l’identité exacte de ces “incroyants”. Voyons dans quels cadres le signe s’est exercé afin d’y découvrir nos “incrédules” (J.N. Darby).
Il suffit donc de découvrir la nature de l’incrédulité qui leur était commune à tous. Nul n’est besoin de faire appel à Sherlock Holmes, à Maigret ou à Colombo. Pour autant que l’on connaisse l’esprit qui animait les Juifs, tant convertis qu’inconvertis, on tient le fil d’Ariane qui va nous conduire tout droit à la solution. C’EST DANS LA NATURE MÊME DU SIGNE QUE L’ON DÉCOUVRE LA NATURE DE LEUR INCRÉDULITÉ. Le signe, comme c’est écrit, se rapportait aux langues étrangères, c’est-à-dire aux étrangers par rapport aux Juifs, ou aux dialectes étrangers par rapport à l’idiome araméen. Le signe dénonçait ou corrigeait leur non-foi envers ceux qui parlaient des langues étrangères à la leur, c’est-à- dire les païens. Le signe des langues était approprié à cet extraordinaire événement de la Pentecôte qui était l’entrée des gens aux langues étrangères dans l’Église qui naquit ce jour-là. Le parler en langues était la proclamation mise en signe de cette grande vérité. Dieu a inauguré ce jour-là un nouveau peuple, un nouveau corps composé de gens qui parlaient l’hébreu et de gens qui parlaient les langues étrangères à l’hébreu, à savoir des Juifs et des païens auxquels Il va donner une nouvelle identité spirituelle : l’Église, corps de Christ, dans lequel on ne compte plus en termes de Juifs ou Grecs, Scythes ou Barbares, circoncis ou incirconcis (Colossiens 3.11), Or, c’est précisément à cela que les Juifs ne voulaient pas croire. Non seulement ils étaient “…ennemis de tous les hommes, empêchant de parler aux païens pour qu’ils soient sauvés” (1 Thessaloniciens 2.16), mais il y avait plus encore. Comme le dit C.I. Scofield dans sa Bible à référence (Note à propos d’Éphésiens 3.6, page 1343) : “L’intention divine était de faire des non-Juifs une entité nouvelle : l’Église constituant le corps de Christ formée par le baptême du Saint-Esprit qui fait disparaître toute distinction entre Juifs et non-Juifs…”. L’idée de ne plus être qu’un avec des étrangers, c’était plus qu’ils n’en pouvaient supporter. Tout leur atavisme hébraïque se révulsait rien que d’y penser. C’était pourtant cela qu’ils devaient d’abord comprendre et ensuite admettre. Dieu va leur donner le signe le mieux à même de leur faire comprendre ce qu’ils ne pouvaient pas ou ne voulaient pas croire : Il fait miraculeusement parler les Juifs dans les langues de ces étrangers. Dieu a ainsi mis dans ces langues païennes l’adoration des Juifs.
Si, arrivée à ce point, la démonstration paraît encore bibliquement maigre à certains, il suffira de lui adjoindre ce que Calvin appelait “l’analogie de la foi”, c’est-à-dire une vue d’ensemble de la Parole de Dieu. Il est dangereux de ne connaître une doctrine que par bribes, par ouï-dire ou au travers d’expériences qui prétendent s’y rapporter. J’ai plus d’une fois constaté que des textes, et mêmes des paragraphes entiers, écrits noir sur blanc depuis deux mille ans et plus, peuvent nous échapper. Une lecture simple mais attentive de la Bible fait se dérouler devant nous le film de la féroce opposition des Juifs à tout ce qui n’était pas eux-mêmes. On voit Jonas qui déteste les Ninivites au point de désobéir à Dieu. Il fuira à Tarsis plutôt que de leur apporter la parole du salut. Il contestera avec Dieu et souhaitera ouvertement la destruction de l’immense métropole assyrienne. Pour lui, l’Éternel était le Dieu d’Israël et de personne d’autre, en tout cas pas de cette nation à la langue étrangère. Il ira, dans son dépit, jusqu’à appeler la mort contre lui-même : “Si Ninive vit, que Jonas meure !”. Il reprochera à Dieu ce qui fait sa gloire : être le Sauveur des hommes de toutes langues, tribus, peuples et nations. Cet esprit d’opposition et d’incrédulité ne fera que se renforcer au cours des siècles. Eux sont à Yahvé et Yahvé est à eux ; le cercle intégriste est fermé : les autres sont des maudits. Toute tentative de fraternisation ou de tolérance envers les gens d’une autre langue, les hérissera en des haines qui atteindront des sommets effroyables. Mort aux autres langues et aux peuples qui les parlent ! Oser suggérer que des gens d’une autre langue que la leur soient bénéficiaires des bontés de Dieu, c’était risquer sa vie. Ils conduisirent le Seigneur Jésus jusqu’au sommet de la montagne pour le précipiter en bas, quand Il leur dit : “Il y avait plusieurs veuves en Israël an temps d’Élie… il ne fut envoyé vers aucune d’elles, si ce n’est vers une femme veuve à Sarepta de Sidon”, Jésus ajouta pour leur plus grande colère : “Il y avait plusieurs lépreux en Israël du temps d’Élisée… aucun d’eux ne fut guéri si ce n’est Naaman le Syrien”. C’était, à leurs yeux, plus qu’il n’en fallait pour mériter la mort.
Même les Samaritains, pourtant leurs proches parents, n’échappaient pas à leur opposition raciste, à tel point qu’un jour, parce qu’ils n’avaient pas été reçus dans un de leurs villages, ses propres disciples lui ont demandé : “Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume ?” Jésus dut leur répondre : “Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes animés”. L’une des pires injures que l’on pouvait faire à un Juif, c’était de le traiter de Samaritain. Quand ils avaient dit cela, ils avaient tout dit et ils crachaient par terre. Quand plus tard, ils retourneront vers ces mêmes Samaritains, ils demanderont pour eux, non plus un baptême de feu, mais le baptême de l’Esprit. Cette antipathie farouche pour les païens leur venait de loin. C’était l’accomplissement littéral de la parole prophétisée 1500 ans plus tôt : “J’exciterai votre jalousie par ce qui n’est point une nation, je provoquerai votre colère par une nation sans intelligence” (Deutéronome 32.21). Peuple choisi et élu, certes, ils l’étaient, mais ils en avaient perverti le sens voulu par Dieu. Toute leur histoire devait être celle d’un peuple témoin, mis à part et séparé des autres peuples. Mais cette séparation d’avec le mal, les abominations et l’idolâtrie de ces peuples, ne voulait pas dire haine, mépris, orgueil et complexes de supériorité. Ils étaient devenus plus royalistes que le roi, allant jusqu’à exclure tout ce qui n’était pas eux-mêmes et à emprisonner leur Yahvé au lieu de le révéler aux autres. Aussi, quand Dieu se révélera aux païens, la prophétie s’accomplira à la lettre et leur jalousie éclatera au grand jour. À Thessalonique, “les Juifs jaloux prirent avec eux des méchants hommes de la Populace, provoquèrent des attroupements et répandirent l’agitation dans la ville” (Actes 17.5). À Antioche, “quand les Juifs virent la foule des païens qui écoutaient et recevaient la Parole de Dieu, ils furent remplis de jalousie et s’opposèrent à ce que disait Paul en l’insultant et en l’injuriant” (Actes 13.45). Quand ils entendirent Paul et Barnabas dire : “Je l’ai établi pour être la lumière des nations et porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre”, ils provoquèrent une persécution contre Paul et Barnabas et les chassèrent de leur ville (Actes 13.50).
Les choses repartent de plus belle à Jérusalem où Paul est revenu. Quel récit que celui d’Actes 22 ! Paul, prisonnier, debout sur les marches de la forteresse fait signe de la main et demande la parole. Il parle en hébreu et un grand silence se fait. Tous retiennent leur respiration pour mieux entendre. Paul raconte sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas. Ils sont suspendus à ses lèvres et personne ne l’interrompt. Sans sourciller ils l’écoutent parler de son passé, de ses titres, de ses activités, de son zèle pour la cause juive. Il leur parle de l’apparition de Jésus et ils ne bronchent pas. Il leur parle du baptême et ils ne bronchent toujours pas. Mais au moment précis où il commence sa phrase : “Le Seigneur m’a dit, je t’enverrai au loin vers les nations…”, la phrase reste suspendue. Ils l’écoutèrent jusqu’à cette parole : “les nations.” Ils poussèrent des cris, jetèrent leurs vêtements et lancèrent de la poussière en l’air en disant : “Ôte de la terre un pareil homme. Il n’est pas digne de vivre”. Qu’est-ce qui les a fait exploser ? L’idée que Dieu serait aussi le Dieu de tout homme de toute langue. Il devient facile de comprendre pourquoi le parler en langues est le signe de cette grande vérité et que pour “ce peuple”, c’était le moyen d’accès à cette vérité. C’est cette incrédulité qui les poussera à se lier par serment et à jurer contre eux-mêmes qu’ils ne prendraient plus aucune nourriture, tant qu’ils n’auraient pas tué l’apôtre des nations, celui qui, plus que tous, œuvrait à faire connaître l’Évangile aux langues étrangères à la sienne (Actes 23.12). Jonas à fait pareil. Il a boudé le Seigneur et s’est assis à l’orient de la ville, s’attendant à ce qu’elle soit détruite. Et là, sous son ricin, il s’est lamenté parce que le châtiment tardait à venir, tout occupé qu’il était de ses affreuses espérances, souhaitant la mort d’un peuple que Dieu voulait sauver.
Jonas, qui fait le reproche à Dieu d’épargner Ninive, est en quelque sorte, le père spirituel des apôtres incrédules qui firent des reproches à Pierre parce qu’il avait annoncé l’Évangile aux païens (Actes 11.1-3). Stupéfiant ! Spirituellement parlant ils étaient durs d’oreille et Pierre l’était aussi. Bien qu’il eût vécu cet événement extraordinaire de la Pentecôte et qu’il eût parlé en langues ce jour-là, pour aller vers les gens d’autres langues, ce à quoi il rechignait, il dut avoir la vision de la nappe pleine d’animaux qu’il estimait impurs. Trois fois, le Seigneur dut lui redire : “Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé !” avant qu’il ne se décide à aller et à reconnaître que “Dieu ne fait pas de favoritisme mais qu’en toute nation, celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable” (Actes 10.9-16, 24-35), Ce n’est d’ailleurs qu’après cela qu’il prononcera le fameux mot “quiconque”, au sein d’une phrase-clé d’un des tous grands moments de l’histoire : “Tous les prophètes rendent de lui le témoignage que quiconque croit en lui, reçoit par son nom le pardon des péchés” (Actes 10.43). Ce mot quiconque permet de parler d’un aspect très important de Jean 3.16. Ce verset que des millions de chrétiens connaissent par cœur contient une vérité doctrinale qui échappe à beaucoup. Jésus a dit à Nicodème : “Car Dieu a tant aimé… Qui ? LE MONDE”. Jamais un Juif n’aurait dit cela : ni Jonas, ni Pierre, ni les autres. Ils auraient tous dit : “Car Dieu a tant aimé ISRAËL” ! Déjà si tôt dans l’évangile, le Seigneur annonce l’étendue de son amour et de son salut : le monde entier composé de nations, de peuples, de tribus et de langues. Sur la Croix, le motif de sa condamnation était écrit en trois langues : en latin, la langue judiciaire ; en grec, la langue commerciale, en hébreu, la langue religieuse. À leur insu, les auteurs de cet écriteau proclamaient le côté universel de l’Évangile. Ce panneau portait en embryon le grand commandement qui allait retentir quelques jours plus tard : “Allez, faites des disciples de toutes les nations…”. Mais cette vérité qui leur était entrée dans une oreille, était immédiatement ressortie par l’autre.
Voyons maintenant l’enseignement des épîtres. Quand Jean écrivit sa première, il inséra cette phrase qui va si naturellement de soi qu’elle en apparaît superflue : “…il est mort non pour nos péchés seulement mais pour ceux du monde entier” (1 Jean 2.2). Bien sûr ! Mais cela n’était pas aussi évident pour les Juifs. Jean, apôtre de la circoncision, c’est-à-dire des Juifs, exerçait son apostolat en priorité parmi eux. Il devait sans cesse leur rappeler que le pardon de Dieu, acquis par la mort de Christ sur la croix, n’était pas pour eux seuls mais pour tous les gens de toutes les langues dans le monde entier. Jusque dans l’Apocalypse, soixante ans après la Pentecôte, Jean reviendra à la charge plusieurs fois. À maintes reprises il parlera d’un “cantique nouveau” qui contraste avec le cantique de Moïse. Quel était le thème du cantique de Moïse ? Les relations de l’Éternel avec le peuple élu et racheté. Il ne déborde guère ce cadre. C’est le cantique de l’ancienne alliance avec Israël. Que dit maintenant le cantique nouveau de la nouvelle alliance ? “Tu as racheté par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation...”. Le cantique d’Israël n’allait pas jusque-là. Cette dimension mondiale leur échappait. Pour la saisir, ils avaient besoin de l’enseignement apostolique, de l’illumination intérieure du Saint- Esprit et d’un signe extérieur correspondant, le parler en langues étrangères.
Paul, le docteur de l’Église explique, dans sa lettre aux Éphésiens, que les païens et les Juifs forment un seul corps et participent à une même promesse (Éphésiens 3.6). Ceci n’a pour nous aujourd’hui rien de mystérieux, mais Paul l’appellera un mystère. Car pour les Juifs, partager les mêmes promesses avec les païens, c’était une vérité cachée (Éphésiens 3.9) qu’ils ne pouvaient commencer à comprendre qu’avec l’aide du signe des langues car les Juifs demandent des signes (1 Corinthiens 1.22). À l’exemple de Jonas, ils voulaient bien que des hommes soient sauvés, mais pas tous, surtout pas les étrangers, tandis que Dieu, Lui, veut que de tous les hommes, il y ait des sauvés (1 Timothée 2.4). Cette nouveauté (pour les Juifs), Paul la redira sous une autre forme à Tite. Il lui rappellera de dire et d’enseigner que la grâce de Dieu est une source de salut “pour tous les hommes” (Tite 2.11). Cela n’allait pas de soi pour les nouveaux Jonas du Nouveau Testament. Il a fallu un surdoué, un homme de l’envergure de Paul pour saisir cette vérité rapidement, et de sa trempe pour leur tenir tête à tous, même à Pierre (Galates 2.5). I] faudra que Paul emploie le pistolet à répétition pour les convaincre. Entre eux et les étrangers, ils avaient élevé une sorte de mur de Berlin. Paul abat ce mur de la honte surmonté de miradors théologiques, d’abord en parlant devant eux et par le Saint-Esprit les langues de ceux qui étaient de l’autre côté du mur, mais encore en leur enseignant que Christ est la paix pour ceux qui sont des deux côtés du mur. Il leur dit que des deux, “Il n’en a fait qu’un et qu’Il a renversé le mur de séparation, l’inimitié ; qu’Il s’est créé en Lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en les réconciliant avec Dieu l’un et l’autre en un seul corps, par la croix et en détruisant par elle l’inimitié ; qu’il est venu annoncer la paix à ceux qui étaient loin (les païens) et la paix à ceux qui étaient près (les Juifs), car par Lui les uns et les autres ont accès an Père dans un même Esprit” (Éphésiens 2.11-17). Alléluia ! Avec extase Paul s’écrie : “C’est à moi, le moindre de tous, que cette grâce a été accordée d’annoncer aux païens les richesses incompréhensibles de Christ…” (Éphésiens 3.8). Tous, hélas ne partageaient pas cette glorieuse conviction. (1 Corinthiens 12.13) Leur irréductible opposition allait les exposer au terrible baptême de feu : “…eux, qui sont les ennemis de tous les hommes, qui empêchent de parler aux païens pour qu’ils soient sauvés, en sorte qu’ils ne cessent de mettre le comble à leurs péchés. Mais la colère de Dieu (qu’ils ont souhaitée aux autres) a fini par les atteindre” (1 Thessaloniciens 2.15-16). Ces langues étrangères, annonciatrices d’un si grand Évangile, signe d’une alliance nouvelle et mondiale, allaient devenir pour eux des langues porteuses de jugement. La colère de Dieu allait les embraser comme la paille que l’on brûle au feu (Matthieu 3.12).
C’est Pierre, le croyant incrédule, qui va nous donner une preuve irréfutable et décisive que c’était bien cela la nature de la non-croyance que visait le signe des langues. Dieu va lui donner un autre signe, identique au parler en langues, et pareillement adapté à son besoin. Quoique ayant vécu la Pentecôte, expérimenté le don et donné par inspiration divine une explication dont la portée le dépassait autant que pour Caïphe les paroles prophétiques qu’il avait dites concernant la mort rédemptrice de Jésus (Jean 11.51). Pierre se dérobait encore devant cette grande vérité qu’il avait proclamée sans la comprendre tout à fait : “je répandrai de mon Esprit sur toute chair”, c’est-à-dire sur les Juifs et les non-Juifs. Le triste épisode de Galates 2.11-14, où il “s’esquiva et se tint à l’écart des Paiens”, est là pour nous le rappeler si c’était encore nécessaire. Pour l’envoyer chez Corneille, le centenier étranger, Dieu dut vaincre la résistance de son incrédulité car, comme il le dit si bien en Actes 10.28, “…il est défendu à un Juif de se lier à un étranger et d’entrer chez lui”. Cela nous est rappelé longuement aux chapitres 10 et 11 du livre des Actes. Quelle était la signification de cette nappe descendant du ciel et pleine d’animaux impurs d’après la loi de Moïse et que Pierre n’aurait jamais touchés ? Cela représentait tout ce qui n’était pas Juif, c’est-à-dire tous les peuples aux langues étrangères. On ne s’imagine pas un seul instant que ce signe dut convaincre quelqu’un d’autre qu’un Juif, car eux seuls devaient être amenés à quitter cette incrédulité spécifique et à ne plus considérer comme impurs des gens et leurs langues que Dieu tenait pour purs au point de les parler par son Saint-Esprit Le don des langues avait exactement la même signification. Pierre, à cause de son judaïsme, avait cette tendance naturel vainement héritée de ses pères (1 Pierre 1.18), à ne pas croire à la vocation des païens, aussi avait-il besoin de cette vision-signe. De même les autres Juifs (déjà sauvés ou qui allaient entrer dans cette nouvelle alliance) avaient également besoin d’un signe qui disait la même chose. Ce signe en langues étrangères, comme la triple vision de Pierre, leur apprenait que le salut était pour “quiconque”, pour “toute chair”, pour “toute langue”. Si nous avons bien dit que la vision de Pierre et le parler en langues étaient une même chose, il faut comprendre que si la marchandise est la même, l’emballage est différent. Tenant compte de ces différences de présentation, on découvre à ces deux signes des points forcément communs, qui ne se rencontrent chez aucun des autres dons de l’Esprit.
(4) La fin des langues : sujet traité au chapitre 8.
Fondés sur le roc inamovible des Écritures, nous concluons par cette parole incontournable que le Saint-Esprit a fait écrire à l’apôtre Paul : “C’est par des hommes d’une autre langue et par des lèvres d’étrangers que je parlerai à CE PEUPLE !”, Et quel était CE PEUPLE à qui le parler en langues était destiné ? Poser la question, c’est donner la réponse. En outre, dans le Nouveau Testament, l’expression CE PEUPLE se rencontre douze fois et, sans exception, cela désigne Israël et Israël seul.
Au risque de se répéter, il faut redire que le BUT du parler en langues est lumineusement expliqué dans le récit même de la Pentecôte, et plus précisément dans ce texte déterminant : “Je répandrai de mon Esprit sur toute chair et quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé”. Quiconque… toute chair… voilà le but ! Dire à ces Juifs irréductibles venus de partout, que l’Évangile était aussi pour les gens de partout. Ceci permettra à Paul de conclure que les langues sont un signe, non pas pour les croyants mais pour les incroyants. Paul, conduit par le Saint-Esprit révèle avec exactitude l’identité de ces incroyants et il les nomme : les Juifs. “C’est par des lèvres d’étrangers que je parlerai à CE PEUPLE”.
Certains demanderont : “si le signe n’était que pour les Juifs, pourquoi les païens de la maison de Corneille ont-ils aussi parlé en langues ?” Dans l’Amérique d’autrefois, où il n’était pas encore de rigueur de porter l’uniforme de police, le représentant de la loi portait au moins un signe distinctif épinglé sur la poitrine, la fameuse étoile de shérif. Cet insigne accréditait auprès de la population et surtout des voyous du coin, que l’autorité dont il faisait usage n’était pas usurpée mais parfaitement légale. De même, Corneille, par un signe-insigne irréfutable, divinement “épinglé” dans son langage, accréditait à la face d’un Israël encore incrédule sur ce point capital de doctrine, que le païen qu’il était entrait de plein droit dans l’Église, au même titre que les Juifs convertis. Si Corneille a parlé en langues, c’était pour que Pierre puisse rapporter aux apôtres Juifs, qui n’accordaient pas encore ce droit aux païens, que “…le Saint-Esprit descendit sur eux comme sur nous au commencement… Après avoir entendu cela ils se calmèrent”. (Actes 11.15, 18) Ce dernier verbe démontre à quel point la prédication de la grâce aux nations les avait mis en ébullition. C’était pour “ce peuple” le signe que leur Dieu acceptait les langues étrangères au même titre que les purs enfants d’Israël. Ils durent en convenir par cette exclamation, d’abord étonnée puis émerveillée : “Dieu a donc accordé la repentance aussi aux païens pour qu’ils aient la vie !”. Corneille était le porteur du signe, mais le signe était pour “ce peuple”, à commencer par les apôtres eux-mêmes.
L’épisode d’Éphèse (Actes 19.1-7) où douze hommes parlent soudainement en langues reste dans la même ligne. Ces Juifs, disciples de Jean-Baptiste et baptisés par lui du baptême de la repentance qui était pour ce peuple, étaient à Éphèse qui est la Turquie d’Asie d’aujourd’hui. Grands voyageurs devant l’Eternel comme beaucoup d’autres Juifs, ils vivaient en communautés ou en muni-colonies, gardant farouchement leur identité culturelle juive au sein des populations païennes qu’ils côtoyaient. Or, l’Évangile avait commencé de pénétrer ces masses païennes et des Églises s’y constituaient déjà. Face à leur refus naturel d’y croire, le Saint-Esprit par son baptême unissait ces “Juifs et ces Grecs en un seul corps” (1 Corinthiens 12.13), tellement que les langues de ces gens s’emparaient miraculeusement de la leur pour louer le Dieu d’Israël qui devenait aussi, à leurs yeux de Juifs, le Dieu des nations. Ces douze hommes, gens de CE PEUPLE, avaient besoin du signe des langues pour être édifiés quant à la dimension mondiale que leur Yahvé donnait maintenant à son salut.
Plus d’une fois, j’ai constaté à quel point l’intelligence spirituelle de certains chrétiens était obscurcie sur ce point de doctrine. Récemment, j’ai fait l’expérience suivante : à trois amis nouvellement convertis et d’un assez bas niveau d’instruction, j’ai lu deux fois lentement le récit de la vision de Pierre. J’ai refait la même chose avec trois enfants qui avaient, l’un huit ans et les deux autres neuf ans. Je leur ai ensuite demandé ce qu’ils avaient compris. Avec quelques hésitations bien excusables, ils m’ont donné la réponse correcte ainsi résumée : “Pierre a compris qu’il pouvait aller parler du salut aux étrangers”. Or, il faut relever que dans ce récit d’Actes 10, l’expression très évocatrice de “langues d’étrangers” ne se trouve même pas, et cependant le message a été reçu cinq sur cinq par des simples. Il faut noter que dans l’expression “langues étrangères” la notion des étrangers et de leur langues se trouve écrite en toute lettre, Or, des gens, parfois des universitaires, qui se targuent d’être, plus que d’autres, conduits, éclairés et animés par l’Esprit de vérité, ces gens, dis-je, sont comme empêchés de voir dans le signe dont ils se réclament que, comme celui de Pierre, il voulait lire : à tout étranger, à toute langue, en un mot : “À toute chair !”. Cela se lit sans loupe et se comprend dans explication. Ainsi, des petits enfants inconvertis et des nouveaux convertis à l’instruction limitée, ont compris ce que la vision signalait à Pierre, mais des “baptisés dans l’Esprit” sont incapables de saisir ce que signale si simplement le signe dont ils parlent le plus !
N’est-on pas là proche de la parole du Seigneur : “Pour eux s’accomplit cette prophétie d’Ésaie : Vous entendrez de vos oreilles et vous ne comprendrez point ; vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point. Car le cœur de ce peuple est devenu insensible ; ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, DE PEUR qu’ils ne voient de leurs yeux, qu’ils n’entendent de leurs oreilles, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse” (Matthieu 13.14-15).