L’idéal que nous nous proposons est de faire assister nos lecteurs au développement historique de la religion renfermée dans les livres canoniques de l’A. T. Tandis que la Dogmatique cherche à exposer systématiquement les vérités révélées dans la Bible, la Théologie biblique suit la révélation dans son développement progressif et l’étudie sous les formes diverses qu’elle a successivement revêtues ; elle s’efforce de signaler les phases par lesquelles a passé la révélation de l’ancienne alliance avant d’arriver à son accomplissement en Christ, les formes diverses qu’ont affectées, avant l’apparition du Seigneur, les rapports de l’homme avec Dieu. Or la révélation de l’ancienne alliance n’a pas consisté en discours seulement, en doctrines ou en prophéties, — mais aussi en faits et en institutions. Elle a développé chez les Israélites toute une vie à part ; elle a produit chez eux une connaissance religieuse qui augmentait à mesure qu’il plaisait à Dieu de se manifester plus complètement. C’est pourquoi la Théologie de l’A. T. ne peut pas s’en tenir à l’étude des enseignements didactiques que renferme l’A. T. ; il faut absolument qu’elle s’occupe aussi de l’histoire du Royaume de Dieu pendant l’ancienne alliance, qu’elle expose tout ce qui a été révélé à Israël de tant de manières diverses et pendant une si longue série de siècles.
Ce n’est pas ainsi que l’on comprend ordinairement notre discipline. Le plus souvent on veut qu’elle se borne à exposer le contenu didactique de l’A. T. Soit ! mais les vérités que l’A. T. révèle sous une forme purement didactique sont bien peu nombreuses ; pourquoi se condamner à quelque chose d’aussi fragmentaire que ce qui résulterait d’une étude de la Bible dont on exclurait l’histoire et les institutions théocratiques ? Steudel qui, dans son Cours sur la Théologie de l’A. T., 1840, s’en tient à la dogmatique de l’ancienne alliance, a fait pourtant un aveu significatif : « On se ferait, dit-il, une idée bien imparfaite de la révélation de l’ancienne alliance, si on ne la considérait que dans sa partie doctrinale. Ce sont des faits, et des faits très concrets, qui ont peut-être le plus contribué à former le sentiment religieux des Israélites. Ce n’est pas la conscience qui a amené les événements ; ce sont les événements qui ont développé la conscience du peuple de Dieu, et il y a tel fait dont l’importance religieuse ne se trouve indiquée dans la Bible que bien des siècles après le moment où il a eu lieu, et où il a commencé à exercer sa bienfaisante influence sur les esprits et sur les cœurs. » Après avoir ainsi parlé, Steudel pense assez faire en traitant de l’histoire de la révélation dans l’introduction de son ouvrage. Mais cela ne suffit pas : on ne peut de cette façon mettre convenablement en lumière le rapport intime que soutiennent ensemble les vérités révélées et l’histoire, ni signaler d’une manière satisfaisante le parallélisme qu’il y a entre le développement des connaissances religieuses des Israélites et le développement de leurs destinées historiques. C’est pour cela que nous donnerons à l’histoire du règne de Dieu dans l’ancienne alliance droit de cité dans le corps même de notre étude.
On a critiqué le nom de « Théologie de l’A. T. » On a dit qu’il est trop vague et qu’on aurait le droit de faire rentrer dans un cours ainsi intitulé toutes les branches de la Théologie qui se rapportent à l’A. T., comme par exemple l’Introduction, l’Herméneutique, etc. Cela est vrai. Mais ce nom vaut mieux pourtant que celui de Dogmatique ou même d’Histoire des dogmes de l’A. T., qu’ont adoptés De Wette et Rosenkranz. On ne trouve dans l’A. T. que peu de dogmes proprement dits. En dehors du Pentateuque, il est assez rare d’y rencontrer de ces grandes sentences, telles que par exemple Deut.6.4 : « l’Éternel notre Dieu est le seul Éternel, » — dont la place est toute marquée dans une confession de foi, et qui veulent absolument être crues. Les livres prophétiques et les hagiographes renferment des aperçus nouveaux ; on sent en les lisant que la connaissance religieuse s’est développée depuis Moïse ; mais, somme toute, peu de dogmes. L’A. T. annonce le Messie ; il parle de son règne éternel, de la résurrection des morts, etc. ; mais ce ne seront là des articles de foi que plus tard, dans l’économie des accomplissements ; jusqu’alors ce seront des objets d’espérance plutôt que de foi. Encore moins pourrait-on tirer des dogmes de ces portions de l’A. T., telles que certains Psaumes et le livre de Job, où l’on voit la conscience israélite chercher vainement la solution du grand problème de la vie. Il faut en prendre son parti, et laisser à ce qui est imparfait et infirme dans l’A. T., son caractère d’infirmité et d’imperfection. On y trouve des croyances en germe, des aspirations ; il faut savoir s’en contenter, tout en reconnaissant que la révélation préparatoire a le grand mérite d’annoncer clairement une révélation plus complète.
Toute autre, cela se comprend, est la valeur de l’A. T. aux yeux du Judaïsme postérieur. Moïse Maïmonides, par exemple, y voit un tout complet, auquel il ne manque absolument rien. L’A. T. est pour lui ce qu’est le Coran pour tout bon Mahométan. — On nous saura peut-être gré de citer ici les treize articles fondamentaux dans lesquels il résume tout l’A. T :
- C’est Dieu qui a tout créé.
- Il n’y a qu’un seul Dieu.
- Il est esprit, il n’a pas de corps.
- Il est éternel.
- Il est digne de toute adoration.
- Il a envoyé des prophètes aux hommes.
- Moïse est le plus grand de tous ces prophètes.
- La loi a été donnée par révélation céleste.
- Cette loi ne sera jamais abrogée (Lex perpetua).
- Dieu possède la toute-science. Il sait en particulier tout ce que font les hommes.
- Il rendra à chacun selon ses œuvres.
- Il viendra un Messie.
- Il y aura une résurrection des morts.
Cependant une chose remarquable, c’est que la Théologie judaïque s’est toujours efforcée de faire remonter jusqu’au Pentateuque, de peur qu’elles ne manquassent d’autorité, les grandes doctrines du Messie et de la résurrection, qui cependant sont presqu’exclusivement le produit de la prophétie.