Notre première étude nous a permis de faire plus intimement connaissance avec Marie, la mère bienheureuse de notre Seigneur.
Que de leçons de pureté, d’humilité, de confiance, de foi, d’obéissance, de renoncement et d’amour absolus, n’avons-nous pas déjà trouvées en celle que le Saint-Esprit proclame par la bouche d’Élisabeth: "Bénie entre toutes les femmes"!
Comment ne pas penser à "la femme vertueuse" des Proverbes, ou au "lis au milieu des épines" du Cantique des Cantiques?
Une jeune fille de Nazareth a reçu la visite d’un ange. Il est entré chez elle, s’est entretenu avec elle, puis l’a quittée. Marie n’a pas seulement vu un être céleste, mais dans son humble demeure elle a écouté son message et accepté la vie nouvelle qu’il lui proposait.
Aujourd’hui, bien des personnes voudraient voir un ange et seraient très honorées si un messager des cieux venait les trouver.
Hélas! Elles oublient trop peut-être que les âmes qui connaissent les prémices d’une vie céleste dans ce monde, sont celles qui cherchent avant tout les choses d’En Haut pour en faire l’objet de leurs affections. Dieu s’approche en grâce de ceux qui, humblement, viennent à Lui, et répondent à ses compassions infinies en offrant leur corps "comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu". L’âme qui refuse de se conformer aux mœurs du présent siècle et qui trouve ses possibilités, non dans les moyens et les méthodes du monde, mais dans les ressources qu’offre la vie de l’Esprit, peut toujours s’attendre à connaître des touches particulières de la grâce divine.
Les interventions surnaturelles sont réservées à celui ou à celle dont l’envoyé céleste peut dire "Le Seigneur est avec toi". Là où un cœur est réellement désireux de plaire à Dieu, le Seigneur est tout prêt à manifester sa présence.
Pour ceux qui lui appartiennent vraiment et qui Le servent en vérité, il est toujours possible d’être visité ou secouru par un ange de Dieu.
Toutefois, il faut se rappeler que Satan lui-même se déguise en ange de lumière, et que des esprits méchants régnant encore dans les lieux célestes cherchent à séduire même des élus.
Nous avons vu en effet dans notre précédent chapitre qu’Ève, la première femme, la première vierge immaculée et pleine de grâces, fut visitée au temps de ses fiançailles par un être surnaturel.
Séduite par la ruse du Serpent, Ève eut le tort d’écouter des propos qui jetaient du discrédit sur son Créateur.
Satan n’insinuait-il pas que Dieu privait sa créature de quelque chose, qu’il lui manquait une grâce? Ne lui suggéra-t-il pas qu’il suffisait de s’affranchir du commandement divin pour être comme des dieux, connaissant le bien et le mal?
Les affirmations du Serpent étaient en opposition avec la Parole qu’Adam avait entendue de Dieu — constatation qui aurait dû suffire pour détourner sa femme du séducteur, et lui démasquer son diabolique dessein.
Hélas! Ève écouta cette voix étrangère qui, en tout temps, cherche à saper l’autorité de la Parole de Dieu, à mettre l’homme en avant, à lui donner de l’importance en vue de lui faire oublier Dieu.
L’ange déchu, le Serpent ancien, voulait donner son homme à la terre. Déjà Ève se laissait couvrir par l’ombre de Satan. Éveillée à la convoitise, cette convoitise allait concevoir et enfanter le péché dans la chair qui, elle-même, donnerait naissance à cette "vaine manière de vivre" à ce "vieil homme" incapable de plaire à Dieu, et qui ne meurt en nous qu’en la mort du Christ à la Croix.
Marie, au contraire d’Ève, contrôlait dans son cœur ce que l’ange Gabriel lui disait.
Rien dans ce qu’il lui annonçait n’était en opposition avec ses connaissances des Écritures.
L’ange ne lui révélait aucune vérité nouvelle. Il se bornait à lui rappeler les textes de la Parole de Dieu, annonçant la venue du Messie.
Qu’une vierge concevrait, Marie pouvait le savoir par la lecture du prophète Ésaïe.
Ce libérateur qui devait naître, ne l’attendait-elle pas ?
Ce Fils du Très-Haut qui serait grand et s’assiérait sur le trône de David son père — ce roi dont le règne n’aurait point de fin, n’était-Il pas l’objet de son espérance?
Toutes ces vérités étaient connues de Marie. Elles faisaient partie des promesses de Dieu contenues dans cette parole qu’à l’instar du psalmiste la jeune fille serrait dans son cœur, afin de ne pas pécher contre Dieu.
Cependant, ce qui était nouveau et bouleversant pour Marie, ce qui provoquait ce trouble profond en elle, c’était d’apprendre de la bouche de l’ange que toutes ces merveilles la concernaient personnellement et allaient s’accomplir en elle que la lettre à laquelle elle croyait allait s’imprimer, s’incarner dans sa chair mortelle, devenir réalité dans sa vie, dans son corps, dans sa sensibilité.
* * *
Avant de poursuivre notre étude et de considérer l’enseignement donné par la rencontre de Marie et d’Élisabeth, puis par le Magnificat, arrêtons-nous quelques instants encore pour mieux comprendre les sentiments qui agitèrent le cœur de Marie après la visite de l’ange. Avec elle, repassons dans nos cœurs toutes les choses que le messager céleste vient de lui annoncer.
Il y a des silences, dans l’Écriture Sainte, qui parlent avec autant d’éloquence que la lettre écrite. Cet enseignement caché est révélé à celui qui médite et laisse Dieu prolonger par son Esprit les lignes de sa Parole dans son cœur. Tout attachement à la lettre doit être accompagné et suivi d’une illumination de l’Esprit.
Marie vient d’apprendre qu’elle est choisie par Dieu.
La Parole devient pour elle vivante et opérante, plus pénétrante qu’une épée à deux tranchants. Sa foi en l’Écriture va être récompensée. Ce que dit la lettre au sujet de l’Invisible, est une réalité. Jusqu’ici, Marie a cru sans voir. Maintenant, elle verra l’accomplissement des choses dites par le Seigneur.
Marie accepte de servir les desseins bienveillants de Dieu en vue du salut du monde. Mais cette acceptation ne la laisse pas intacte. L’enfant qu’elle espère va devenir présent en elle. Que dira Joseph, que pensera le monde, quand le corps de Marie trahira son secret?
Craignant Dieu, se retirant du mal, observant la loi, Marie a conservé son corps dans la chasteté.
Fiancée à Joseph, un homme juste et pieux, Marie, comme toute jeune fille, avait des projets, des plans chéris pour la terre, et, soudain, le ciel lui révèle les desseins de Dieu à son égard. Dieu a besoin d’elle. Marie doit lui appartenir avant d’être à elle-même ou à Joseph.
Il en est de même de tous ceux que Dieu appelle à Lui. L’âme qui aujourd’hui voudrait être visitée par un ange, doit savoir qu’il y a un prix à payer, et qu’une telle apparition ne nous est pas accordée pour satisfaire notre curiosité ou nous donner de l’importance.
Quelle que soit sa manifestation, la grâce de Dieu ne nous visite jamais pour combler nos désirs égoïstes, mais toujours en vue de glorifier Dieu, de nous rendre utiles aux autres, et d’opérer notre sanctification personnelle.
Quand l’appel de Dieu retentit, il doit nous trouver prêts à tout perdre: Aimables projets, désirs personnels, réputation, estime de nos amis, confiance de nos proches. Souvent nous faisons des plans pour notre avenir en demandant à Dieu de faire luire sa lumière sur nos voies et de bénir nos efforts. Cependant, sommes-nous sûrs d’être dans le chemin du Seigneur? Lui avons-nous laissé l’occasion de nous révéler sa volonté à notre égard?
Marie était fiancée à Joseph et c’était très bien mais, dans le conseil de Dieu, Marie était choisie pour donner le Sauveur au monde.
Saul de Tarse persécutait les chrétiens et croyait servir Dieu, jusqu’au jour où il apprit que Dieu l’avait mis à part dès le sein de sa mère, pour porter le nom de Jésus devant les nations, devant les rois et devant les fils d’Israël.
Qu’en est-il de nous?
Un grand lot de souffrances accompagnera toujours ceux que Dieu choisit ainsi et auxquels Il accorde une si grande faveur.
Un tel appel dépasse l’entendement humain. Aussi Marie pouvait-elle bien demander à l’ange: "Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme"?
Plus tard, Nicodème posera à Jésus une question semblable au sujet de la nouvelle naissance: "Comment cela peut-il se faire"?
Pas plus que l’incarnation, la nouvelle naissance ne peut être l’œuvre du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme. C’est l’œuvre de Dieu opérée par son Esprit.
L’enfant qui naîtrait de Marie serait donc saint, alors que tous ceux qui naissent de femmes sont pécheurs. De même, seul ce qui est né de l’Esprit est esprit.
Oui! Marie croit que rien n’est impossible à Dieu. Depuis Abraham, toute l’histoire de son peuple est là pour lui confirmer que le Dieu d’Israël est le Dieu des miracles et que rien ne s’oppose à ses pensées.
L’impossibilité n’est jamais du Côté de Dieu.
Du côté de Dieu, la voie est toujours ouverte.
L’impossibilité, les obstacles ne sont que du côté de l’homme.
Si Marie regarde à Dieu, tout ira bien, mais si elle regarde à elle-même ou aux hommes, tout l’amènera à douter et à reculer.
Elle se jugera tout d’abord indigne de l’honneur que Dieu lui fait. La visite de l’ange ne lui a pas fait oublier son insuffisance et son humble état. Sa pauvreté, sa condition modeste, sa jeunesse, son inexpérience de la vie et tant d’autres considérations raisonnables pourraient l’arrêter.
Son engagement avec Joseph sera-t-il un obstacle majeur?
En effet, que va dire le fiancé de Marie? L’angoisse peut bien étreindre son cœur, car la visite de l’ange ne lui a pas seulement apporté une promesse de vie, mais aussi un arrêt de mort.
Chaste et pure, Marie a pourtant les deux pieds sur la terre. L’ange lui a dit: "Tu deviendras enceinte"! Marie sait donc qu’elle ne pourra pas toujours garder son secret.
Si elle ne parle pas, on la questionnera.
Qui croira alors qu’elle est enceinte du Saint-Esprit?
Marie n’ignore pas la loi: Une fiancée qui se trouvera enceinte des œuvres d’un autre sera lapidée.
Si on ne la croit pas, si la loi lui est appliquée, Marie mourra dans la honte et le déshonneur.
Marie connaît Joseph. C’est un homme juste et craignant Dieu. S’il est convaincu de la culpabilité de sa fiancée, il ne l’épargnera pas.
Ainsi, c’est bien à la mort que l’a conduite son acceptation.
Sa réputation sera à jamais entachée. Elle qui s’est conservée pure en vue du mariage, c’est elle qui sera appelée: Une fille-mère, c’est elle que l’on soupçonnera. À quoi sert donc la piété?
Qui donc voudra la croire? Si Marie raisonne sur le plan humain, elle est perdue.
Il faut qu’une foi immense s’empare de son cœur, afin qu’elle puisse renoncer à la réputation que lui donnent sa vertu, son humilité, sa grâce, sa fidélité. Il faut qu’elle accepte de perdre l’estime de ses frères et la confiance de ses amis. Il faut que tous ces avantages en la chair, la fille de David les estime comme des ordures, afin de gagner Christ et d’être trouvée en Lui, non avec sa justice "qui vient de la Loi, mais avec celle qui s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi".
Marie a cru, et a serré par devers elle, les paroles de son Dieu, plus que les propos de son propre cœur.
Marie a accepté le risque de la foi. En elle, le sacrifice est déjà consommé. Pour Celui qu’elle aime, Marie est prête à mourir.
Alors, l’œuvre de Dieu commence en la Vierge. Dans l’étreinte d’un ineffable amour, Marie conçoit du Saint-Esprit, et son être qu’elle a conservé pur devient le vase que Dieu emploie pour y former le corps de son Fils, le Saint de Dieu. Il sera en elle, il s’y développera, et au temps fixé, Marie donnera le jour au Sauveur, au Fils de Dieu.
Pour que l’œuvre de Dieu se réalise en Marie, il fallait son consentement.
Il en est ainsi de toute âme que Dieu sollicite aujourd’hui encore à la vie éternelle. Pour que le Christ soit reçu et formé en nous, pour que la vie éternelle nous habite, il faut une décision de notre part, une acceptation, une réponse nette et précise à l’appel de Dieu.
"Dans ce même temps, Marie se leva et s’en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Dès qu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint-Esprit. Elle s’écria, d’une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi ? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l’enfant a tressailli d’allégresse dans mon sein. Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement".
(Luc 1.39-45).
Dès que Marie eut accepté que s’accomplisse en elle l’œuvre merveilleuse de Dieu, elle s’engagea dans le chemin qui devait la conduire vers celle que Dieu avait visitée dans sa vieillesse. Marie ne reste pas seule mais éprouve le besoin de se rendre sans retard auprès du seul être qui pourra vraiment la comprendre, Élisabeth, sa parente.
Il en est de même chaque fois qu’une âme naît à la vie nouvelle. Elle ne peut rester repliée sur elle-même, mais recherche une maison, un foyer spirituel où elle sera accueillie et comprise, où elle pourra faire ses premiers pas et accomplir un premier service, loin des regards du monde.
V. 39. — Dans ce même temps, Marie se leva et s’en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda.
La voyez-vous, cette jeune fille de Nazareth, portant son secret dans son cœur, marchant hâtivement vers les montagnes où un vieux couple attend la réalisation d’une promesse? L’incrédulité de Zacharie, qui n’a pas cru les paroles de l’ange, n’empêchera pas leur accomplissement, mais Zacharie ne pourra pas louer Dieu dans son attente. Il restera muet jusqu’à la naissance de son enfant.
Aujourd’hui encore, l’incrédulité des fidèles les empêche de louer Dieu, mais ne pourrait entraver la réalisation de ses desseins. Notre manque de foi ne saurait détourner Dieu de ses plans, mais nous prive de Le glorifier et de manifester notre joie en attendant la délivrance.
V. 40. — Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Dans la maison du sacrificateur silencieux, deux femmes se rencontrent. L’une est à l’aurore de la vie, l’autre au soir de l’existence. Ce n’est pas parce qu’elles sont parentes selon la chair qu’Élisabeth et Marie se retrouvent, mais parce que l’une et l’autre ont été visitées par Dieu. Le mobile de leur rencontre, c’est le grand événement qu’elles attendent. Et parce que Marie a cru la promesse, Jésus qu’elle espère est déjà présent en elle.
Là où des âmes rachetées par le Seigneur éprouvent le besoin de se retrouver parce qu’elles appartiennent à Christ, là aussi apparaît l’Église. Dans ce rassemblement des deux ou trois qui croient la promesse et qui espèrent en son Nom, la présence invisible de Jésus devient sensible au cœur.
V. 41. — Dès qu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint-Esprit.
La simple salutation de Marie suffit pour qu’Élisabeth éprouve en son être intime, la présence du Seigneur.
Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont Élisabeth reçut Marie. Elle ne la reçut pas comme une intruse, comme une étrangère suspecte qu’il faut d’abord examiner, ni même en parente selon la chair. Cette femme âgée et respectable accueille la jeune et insignifiante Marie comme la mère de son Seigneur, comme celle qui porte en son sein, la vie de Dieu.
Voilà le lien qui unit Élisabeth à Marie. Ni l’âge, ni les goûts, ni les paroles, ni les pensées, ni les actes de Marie n’influencent l’accueil que lui réserve sa parente.
Remplie du Saint-Esprit, Élisabeth s’écria d’une voix forte:
V. 42-44. — Tu es bénie entre les femmes et le fruit de ton sein est béni. Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi ? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappa mon oreille, l’enfant a tressailli d’allégresse dans mon sein.
Marie est bénie aux yeux d’Élisabeth, non parce qu’elle est une femme extraordinaire, mais parce que le fruit de son corps est béni. Élisabeth possède un discernement spirituel. Le Saint-Esprit la remplit et l’éclaire: Elle a reconnu les signes de la divine présence en Marie. Ce n’est pas Marie qui a fait tressaillir l’enfant d’Élisabeth. C’est Jésus en Marie, car depuis que Marie a accepté de voir s’accomplir en elle le bon plaisir de Dieu, l’identification avec le Christ a commencé. Ce n’est plus elle qui vit, mais Lui qui vit en elle.
C’est un accueil semblable à celui que reçut Marie dans la maison de Zacharie, que les âmes nouvellement nées à la vie divine devraient recevoir dans nos communautés, au sein de ceux qui ont été visités avant elles. Elles devraient trouver dans nos milieux des personnes remplies du Saint-Esprit et parlant par l’Esprit. Le contact de Marie et d’Élisabeth, c’est le vrai contact chrétien, le contact des entrailles, le contact de la vie.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de la nécessité d’établir des contacts entre chrétiens.
Ainsi, on cherche à créer des liens entre hommes qui se réclament du même Seigneur, par des contacts théologiques où chacun expose le fruit de ses recherches et de sa science religieuse, mais demeure fermement attaché à ses positions.
Il y a aussi les contacts ecclésiastiques, où par des cultes en commun on cherche à faire naître dans les cœurs les mêmes émotions, les mêmes sentiments, les mêmes goûts, pensant ainsi rapprocher les âmes vraiment pieuses.
Il y a encore les contacts créés en vue de l’évangélisation des masses, rencontres où les chrétiens ne sont pas seulement appelés à écouter la même liturgie ou à chanter les mêmes cantiques, mais à confesser ensemble — et par des actes — leur foi aux yeux du monde.
Tout cela est utile et nécessaire. Mais il faut se souvenir que ce n’est pas parce que nous avons sur toutes choses les mêmes vues que nous sommes unis en Christ. De même, ce n’est pas parce que nous partageons les mêmes goûts au sujet d’une forme de culte ou que nous vibrons de la même manière à l’ouïe des mêmes paroles, que nous sommes unis en Jésus. Enfin, ce n’est pas parce que nous travaillons ensemble au service du même Maître que nous sommes unis en Dieu, mais bien parce que nous avons en nous la même vie, la vie du Père et du Fils.
C’est cette vie qui a fait tressaillir Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, cette vie que le précurseur allait annoncer pour qu’elle croisse en tous, tandis que lui diminuerait.
Notre lien avec les âmes ne vient donc pas d’un contact intellectuel, sentimental ou pratique, mais de Jésus-Christ, présent dans nos vies par sa Parole et son Esprit.
Si, tous, nous traitons saintement le Christ dans, nos cœurs, nous n’aurons pas de peine à entrer en contact avec nos frères, et nos rencontres deviendront pour nous un privilège divin, une occasion d’édification profonde et un encouragement pour notre foi.
V. 45. — Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement.
C’est par un témoignage rendu à la foi de Marie qu’Élisabeth termine ses paroles de bienvenue. Marie est rendue bienheureuse par sa foi en la promesse de Dieu, et non par des grâces surnaturelles qu’elle aurait reçues dès avant sa naissance. Celle qui a vu la puissance et la grâce de Dieu se manifester dans la stérilité de sa nature, et la miséricorde du Seigneur éclater dans son âge avancé, est rendue capable de fortifier la foi de sa jeune parente.
Aussi, dans la communion de celle qui espère en Dieu — et qui lui confirme par le Saint-Esprit que les grandes choses promises par l’ange sont en voie d’accomplissement — Marie voit son cœur déborder, et éclate en louanges.
Aujourd’hui encore la communion des saints, la rencontre des âmes en qui habite l’espérance de la gloire, fait jaillir du plus profond de notre être un chant d’amour qui exalte la Source de tout bonheur, le Tout-Puissant qui fit pour nous de grandes choses.
Et Marie dit:
Mon âme exalte le Seigneur.
Et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur.
Parce, qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante.
Car voici, désormais, toutes les générations me diront bienheureuse.
Parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Son nom est saint.
Et sa miséricorde s’étend d’âge en âge
Sur ceux qui Le craignent.
Il a déployé la force de son bras
Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses.
Il a renversé les puissants de leurs trônes.
Et il a élevé les humbles.
Il a rassasié de biens les affamés,
Et il a renvoyé les riches à vide.
Il a secouru Israël, son serviteur, et il s’est souvenu de sa miséricorde,
Comme il l’avait dit à nos pèresv
Envers Abraham et sa postérité pour toujours.
(Luc 1.46-55).
Nous ne nous arrêterons pas longuement sur les paroles merveilleuses du Magnificat, sur la réponse de Marie à Élisabeth.
Toute âme en qui Dieu a commencé son œuvre, toute personne à laquelle il a été gratuitement donné, par rapport à Christ, non seulement de croire en Lui, mais aussi de souffrir pour Lui, peut dire pour sa personne et sa propre vie ce que proclame le cantique de Marie.
Mais, pour que la créature soit amenée à donner gloire à Dieu et à se réjouir en Lui, il faut qu’elle ait été l’objet d’une intervention de Dieu.
Livré à ses propres ressources, l’homme ne saurait donner gloire à un autre que lui-même.
Seules la révélation de la grandeur de Dieu d’une part, et la connaissance de notre propre misère d’autre part, peuvent nous amener à l’adoration libératrice.
Pour magnifier le Seigneur, se réjouir en Dieu et l’appeler "son Sauveur", il ne suffit pas de croire simplement en l’existence de Dieu. Il faut connaître le cœur du Père et aimer Dieu par-dessus toute autre chose. Il faut avoir reconnu sa souveraineté absolue et ses droits sur notre vie. Il faut avoir sondé l’abîme de notre déchéance et connu l’amour de Dieu que rien ne conditionne, sa bonté qui se manifeste dans l’état où nous sommes, quels que soient notre passé, notre présent, notre avenir. Seule la connaissance d’un Dieu de grâce est une source de joie constante pour l’esprit du chrétien.
Le cantique de Marie est donc le cantique du racheté, de celui qui appartient maintenant tout entier, esprit, âme et corps, au Dieu tout entier, Père, Fils et Saint-Esprit.
Marie ayant livré son corps au Saint-Esprit, abandonne son âme au règne du Seigneur, tandis que son esprit ne trouve plus de joie qu’en Dieu son Sauveur.
Depuis que la puissance du Très-Haut l’a couverte de son ombre, Marie est absorbée en Dieu.
Le Dieu qu’elle connaît n’est pas une force anonyme, une Idée vague, ou un impitoyable Destin, mais le Dieu personnel et vivant qui a un cœur, des yeux, un bras fort, tout-puissant.
Et si Marie parle d’elle un instant, c’est pour s’humilier et reconnaître son bas état afin de mieux parler de Lui, de rendre plus tangible la grâce dont elle est l’objet.
Elle sait que Dieu ne repousse pas sa faiblesse, qu’Il s’apprête au contraire à manifester sa puissance dans son infirmité de telle manière que toutes les générations la diront bienheureuse, parce qu’elle a trouvé pleinement suffisante la grâce de son Dieu. Ainsi, au cours des âges, tous pourront connaître la source de sa joie, le secret de sa béatitude qui pourra devenir la béatitude de quiconque croit à "l’Évangile de la gloire du Dieu bienheureux".
S’oubliant elle-même, Marie s’élève sur les plus purs sommets et peut célébrer Dieu pour tout ce qu’Il est, pour tout ce qu’Il a fait, pour ce qu’Il fait et fera encore.
Marie a quelque chose à dire sur la sainteté du Nom de Dieu, sur sa miséricorde infinie envers ceux qui Le craignent. Elle peut parler de la force de son bras, du secours qu’Il donne aux, humbles, des biens dont Il rassasie les affamés et les nécessiteux, tandis que dans sa justice, Il renvoie les riches à vide et disperse ceux qui gardent dans leur cœur des pensées orgueilleuses.
Enfin, elle peut rappeler l’aide efficace dont Israël fut l’objet de la part de Dieu, et proclamer que les promesses faites aux pères envers Abraham et sa postérité seront un jour pleinement réalisées.
Dans le Magnificat, Marie, l’esclave du Seigneur, qui, d’avance, a espéré en Christ, sert tout entière "à la louange de la gloire de sa grâce".
* * *
Au terme de cette seconde étude, comprendrons-nous le sens profond de l’histoire authentique et merveilleuse de la Vierge-mère?
À côté d’autres applications, la grande vérité qui illustre d’une façon admirable la vie de Marie est celle-ci:
Quand Dieu voulut se manifester aux hommes et se rendre visible au monde pour lui apporter le salut, Il dut revêtir un corps de chair afin d’approcher ces êtres de chair.
Ce corps, Il le forma en Marie qui se livra à Lui sans réserve. Par elle, Dieu put s’incarner en Christ et se manifester aux hommes, "réconciliant le monde avec lui-même".
Des yeux purent Le voir, des oreilles L’entendre et des mains Le toucher.
Aujourd’hui, Dieu a toujours besoin des hommes. Ce n’est pas seulement sur la partie invisible de leur être qu’Il désire régner. Il aspire à la domination de l’homme tout entier, c’est-à-dire à soumettre à son pouvoir notre corps — partie visible et sensible de notre être — pour faire de nos membres des "instruments de justice".
Marie est un tableau vivant éclairant d’un pur reflet tout l’enseignement du Christ et des apôtres sur le miracle de la nouvelle naissance, sans laquelle nul ne peut voir le royaume de Dieu.
En effet, toute nouvelle naissance est un miracle aussi grand que la conception miraculeuse, de sorte que tous ceux qui nient la naissance virginale ne peuvent croire non plus à une naissance d’En haut pour l’homme de chair.
Or, Jésus a affirmé clairement que l’homme devait renaître pour entrer dans Son royaume.
De même, Paul nous montre comment Christ doit être formé en nous, comment Il doit croître, grandir et manifester sa vie dans notre chair mortelle.
Christ en nous est tout d’abord enfant, adolescent, puis homme fait.
Ce qui s’est passé un jour en Marie doit se refléter spirituellement dans notre propre vie.
Marie, appelée par Dieu, ne s’est pas refusée et n’a rien refusé à son Dieu Sauveur. Se livrant à Lui sans réserve, elle vit le Dieu tout-puissant prendre possession de son être tout entier.
Il en sera de même aujourd’hui où la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. Quiconque accepte cette grâce et répond à l’amour de Dieu en gardant ses commandements, verra s’accomplir la merveilleuse promesse du Seigneur "Nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui".
Par Marie, le salut qui est Jésus, allait entrer dans le monde. Mais, avant, il devait être formé en elle.
"Tu concevras", c’est l’œuvre de Dieu en Marie. "Tu enfanteras", c’est l’œuvre de Dieu par Marie, pour le monde.
Quand la parole de Dieu est reçue, le Saint-Esprit féconde dans notre cœur cette semence incorruptible, et celle-ci donne naissance à "Christ en nous, l’espérance de la gloire".
La chair mortelle du chrétien devient dès lors le terrain de la manifestation de la vie de Jésus, de la puissance du Saint-Esprit dans un vase de terre.
Désormais, le croyant est appelé à "revêtir l’homme nouveau" qui n’est pas le fruit des efforts de la chair — d’une chair qui tendrait à s’améliorer — mais une création nouvelle "qui se renouvelle dans la connaissance selon l’image de Celui qui l’a créé". L’homme nouveau est manifesté par le Saint-Esprit dans une chair qui a été crucifiée avec ses passions et ses convoitises.
Si j’ai établi plus haut un parallèle entre Ève et Marie, nous pouvons, en terminant ce chapitre, faire un rapprochement entre Marie et nous, entre la Vierge-mère et l’âme rachetée.
Dieu, qui a voulu sauver l’humanité par l’envoi de son fils au temps de Marie, veut aujourd’hui encore faire proclamer son salut aux âmes perdues.
Sur la terre, Il a son heure, ses moyens et ses messagers pour annoncer la bonne nouvelle.
L’âme qui entend la Parole du Seigneur, l’âme qui cherche Dieu, l’âme dont la conscience est réveillée par la connaissance de la loi, l’âme qui veut plaire à Dieu et qui s’efforce de Lui être agréable est tout d’abord troublée par le message de l’Évangile — car il la prend personnellement à partie. Elle réalise soudain que c’est bien d’elle qu’il s’agit. Une question précise lui est posée. Une réponse personnelle doit être donnée. Un engagement lui est demandé.
* * *
Quel effet la prédication de l’Évangile a-t-elle eu dans nos cœurs?
Avons-nous connu le trouble, la crainte qu’un homme pécheur éprouve en présence d’un Dieu saint?
Il n’y a de salut en aucun autre qu’en Jésus-Christ, mais ce salut gratuit est bien autre chose qu’une bonne nouvelle seulement, ou que le seul pardon de nos péchés.
Le salut de Dieu, c’est quelqu’un qui va naître en nous, grandir, occuper toute la place dans la mesure où nous diminuerons.
Voilà la grâce qui nous est offerte: Être habité par Dieu. Avoir un Salut qui procure le salut.
Si la vie de Jésus ne se manifeste pas dans notre chair mortelle, nous sommes encore sans Christ et étrangers à la vie de Dieu.
La seule vie chrétienne, c’est celle de Christ en nous. Il n’y a pas une vie chrétienne pour les catholiques, une autre pour les orthodoxes et plusieurs autres pour les multiples divisions du protestantisme.
C’est à une participation à sa propre nature que Dieu nous appelle; c'est à une union intime avec Lui que nous sommes conviés.
Dieu attend notre réponse!
Ne regardons pas à nous-mêmes, mais à Celui qui a jeté les yeux sur nous, nous appelant à son royaume et à sa gloire.
Comme Marie, soumettons-Lui notre cœur et laissons-Le agir: "Je suis la servante du Seigneur; qu’il me soit fait selon ta parole".
Marie a accepté que le Christ soit formé en elle, afin qu’Il soit donné au monde.
C’est ainsi que Marie fut sauvée et qu’elle participa au salut des autres. Il peut en être de même pour nous aujourd’hui.
Dieu nous sauve pour nous associer à son œuvre de salut.
Ainsi, ceux qui honorent Marie ne sont pas toujours ceux qui parlent d’elle, mais ceux qui imitent son exemple et sa foi.