Le Réveil au Pays de Galles

II
Les Réveils antérieurs au Pays de Galles

Le Pays de Galles est une terre classique de Réveils. Un coup d’œil rapide sur les Réveils qui ont précédé le Réveil actuel, ne sera pas inutile pour bien comprendre et bien situer celui-ci.

Aucun lien profond n’a jamais uni les Gallois à l’Eglise catholique romaine dont l’intervention ne s’est jamais produite en faveur de la cause nationale. On peut en dire autant de l’Eglise anglicane, plus indifférente encore à la condition de ce malheureux peuple et plus négligente de ses devoirs que n’avait pu l’être, aux pires époques, l’Eglise romaine. Dans les temps qui précèdent le premier Réveil, les évêques anglicans, tous anglais, s’abstiennent de résider dans leur diocèse ; il leur suffit de cumuler les bénéfices. Le pauvre clergé paroissial fait très irrégulièrement son service ; il passe son temps dans les tavernes, s’adonne publiquement à l’ivrognerie et au tapage, se querelle avec les paroissiens et autres gens. L’Eglise anglicane n’est pour les gouvernements qu’une machine politique : elle n’a rien d’une force spirituelle. L’Eglise anglicane, c’est l’Eglise des maîtres parlant l’anglais et pratiquant la religion nationale de l’Angleterre. Depuis ces tristes époques, l’Eglise anglicane s’est à coup sûr améliorée, transformée. Les Réveils successifs qui ont éclaté au Pays de Galles ont eu sur elle leur répercussion. Néanmoins elle a continué de commettre, à plusieurs moments différents de l’histoire galloise, la faute de se montrer inapte à comprendre les aspirations de la nation galloise et à sympathiser avec l’idéal patriotique gallois. Et elle a fini par s’aliéner en grande partie et irrémédiablement, semble-t-il, la sympathie du peuple et par perdre sa confiance. Il est de fait en tout cas que la littérature religieuse galloise émane presque toute entière des non-conformistes. Il en est de même pour la poésie religieuse. Et les Anglicans eux-mêmes ont dû faire des emprunts musicaux aux compositeurs non-conformistes.

Le non-conformisme au Pays de Galles date de la première partie du dix-septième siècle. L’occasion de sa naissance fut l’ordre, donné par le roi en 1616 et renouvelé en 1633, de lire dans les églises le livre des Sports. Ce qu’il y avait de pasteurs pieux se refusa à obéir. Et cette résistance conduisit à la fondation d’une communauté Indépendante, en 1639, à Llavaches. Cette communauté fut la mère des Eglises libres au sud du Pays de Galles. Son premier pasteur fut William Wroth, dont la conversion s’était accomplie dans des circonstances assez dramatiques. Il était, quoique pasteur, frivole et mondain, et aimait assez à faire danser les gens au son de son violon. Il avait un ami, qui eut à subir un procès à Londres. L’ami gagna le procès, écrivit chez lui la nouvelle de son succès et invita une compagnie assez nombreuse à se réunir dans sa maison le soir même de son retour présumé pour fêter avec lui son triomphe juridique. Wroth était du nombre ; il apportait avec lui un violon tout neuf avec lequel il avait l’intention de contribuer à la gaieté générale. Toute la société était dans une joyeuse attente, se préparant à recevoir, avec de bruyantes démonstrations, le voyageur victorieux, lorsqu’un messager arriva avec la tragique nouvelle que son maître était mort en chemin. La consternation fut si grande, que Wroth jeta de côté son violon, et tomba à genoux implorant le pardon divin. Ce fut ce jour-là qu’il entendit l’appel divin, et il y obéit. On ne sait combien de temps avant 1639 ce fait s’est passé. Mais lorsqu’en 1639 la congrégation indépendante se forma, Wroth en devint le pasteur, et bientôt il mérita, par la sainteté de sa vie et les succès de son travail apostolique, d’être appelé l’Apôtre de Galles. Dans les églises indépendantes qui se formèrent ensuite autour de l’Eglise de Llavaches, comme les cellules se groupent autour d’une première cellule génératrice, les Baptistes étaient mêlés avec les Pédobaptistes. Wroth était pédobaptiste, mais il avait un collègue baptiste. Bientôt toutefois, les Baptistes préférèrent être seuls chez eux et ils se séparèrent des églises pédobaptistes qui conservèrent exclusivement le titre d’Indépendantes, tout en prenant aussi celui de Congrégationalistes. Du Sud, le mouvement non-conformiste se propagea jusque dans le Nord, mais il ne paraît pas y avoir commencé avant 1646. On comprend aisément, d’après ce qui précède, que le grand Réveil du dix-septième siècle, créateur du non-conformisme gallois, a été, en même temps qu’un Réveil de la vie religieuse, un Réveil aussi de la vie nationale, de la vie de la race. L’ardeur religieuse se réveilla la première, avivée en quelques membres du petit clergé toujours pauvre et souvent insuffisant, mais qui sortait du peuple et en avait toute l’âme. L’ardeur religieuse entraîna tout de suite l’ardeur patriotique, et lui prêta, comme elle en reçut, un puissant secours. Les Gallois se soulevèrent contre l’indifférence anglicane, contre cette Eglise politique, si peu religieuse, et dont les chefs demeuraient étrangers à leur troupeau d’esprit, de cœur et de langage. Le mouvement fut du même coup, en même temps que religieux, ecclésiastique (non-conformiste) et politique (national). Le caractère national se retrouve, plus ou moins marqué, dans tous les Réveils qui se sont succédé au Pays de Galles.

Dès le début, le Réveil du dix-huitième siècle eut la fortune de susciter de grands orateurs : jamais l’éloquence de la chaire, en Grande-Bretagne, ne s’éleva plus haut que dans les petites communautés galloises avec Howell Harris, Daniel Rowlands.

Le Réveil du dix-huitième siècle commença en plusieurs endroits simultanément, sans accord préalable. Griffith Jones de Llandowror, Harris, Rowlands, c’est-à-dire les Gallois, et les Anglais George Whitefield, John et Charles Wesley, commencèrent leurs carrières publiques comme chefs du grand Réveil de cette période à peu près vers la même époque, et les Anglais travaillèrent pendant une courte période indépendamment des Gallois. Griffith Jones fut le premier. Harris, puis Rowlands parurent ensuite. Wesley et Whitefield vinrent après. Quelque temps s’écoula avant que ces divers revivalistes fissent réciproquement connaissance les uns des autres, de manière à réaliser le fait qu’ils étaient collaborateurs dans un seul et même grand mouvement religieux.

Howell Harris, né à Trevecca, en 1714, avait été destiné dès son enfance à l’Eglise (anglicane). C’est en 1735 qu’il se convertit. « Fatigué et chargé, oppressé sous le poids de ses péchés », il sentit, en participant à la Sainte Cène le jour de la Pentecôte, le pouvoir d’une nouvelle espérance. Toute pensée d’approbation humaine et d’avancement personnel disparut de son esprit : « J’éprouvai un désir insatiable du salut des pauvres pécheurs perdus. Il se sentit si heureux qu’il ne put s’empêcher de dire, à ceux qu’il rencontra en rentrant chez lui, au sortir de l’Eglise, qu’il savait que ses péchés lui étaient pardonnes. Bientôt, il institua dans la maison de sa mère — il avait perdu son père depuis plusieurs années — un culte de famille, ce qui n’était guère l’habitude chez les Anglicans ; puis il se mit à exhorter le pauvre peuple qui arrivait pour l’entendre. Sa prédication était terrible : il prêchait tout d’abord, en effet, presque uniquement sur le péché et le jugement. Mais bientôt la grâce succéda à la loi, et ce fut l’amour du Christ crucifié qu’il présenta avec force aux pécheurs dans ses tournées missionnaires où souvent il fut persécuté, lapidé, à moitié tué. L’histoire des débuts revivalistes de Rowlands a une certaine ressemblance avec celle des débuts revivalistes de Harris : Profondément remué par un sermon de Griffith Jones, vers 1735, Rowlands avait commencé par prêcher les ouragans de la loi (the stormy Law). Là-dessus, un de ses voisins, Philip Pugh. lui conseilla affectueusement de prêcher la grâce de l’Evangile, d’appliquer le baume de Galaad aux consciences blessées de ses auditeurs. « Mais cette foi, je ne la possède pas dans sa puissance », confessa Rowlands. — « Cherchez-la et prêchez-la jusqu’à ce que vous la sentiez », lui fut-il répondu paradoxalement, mais non pas inutilement. Peu de temps après, tandis qu’il lisait à haute voix au cours du service de son Eglise — l’Eglise anglicane — ces mots de la liturgie :

« Par ton agonie et ta sueur sanglante ; par ta croix et ta passion ; par ta mort précieuse et ton ensevelissement ; par ta glorieuse résurrection et ton ascension, et par la venue du Saint-Esprit, Seigneur compatissant, délivre-nous », il se sentit tout à coup si ému, si bouleversé, qu’il fut obligé de s’arrêter, et aussitôt le Saint-Esprit descendit sur la congrégation avec une telle force que les auditeurs, comme saisis et ployés par une main invisible et irrésistible, frissonnèrent, courbèrent la tête et éclatèrent en sanglots. Dès lors, le Réveil se déchaîna et Rowlands, surnommé par des chrétiens respectables de son époque le gentleman timbré (the cracked gentleman) de Llangeitho, enflamma tout le pays. Un critique anglais, en écrivant ses impressions sur ce Réveil gallois, avait fait une allusion sarcastique aux Gallois réveillés, qu’il ne craignait pas d’appeler un peuple de sauteurs (jumpers). Ces mots soulevèrent l’indignation de Daniel Rowlands, qui répliqua dans une lettre par ces mots : « Je préfère des hommes qui sautent à des hommes qui dorment dans le service du Maître. »

Christmas Evans, un célèbre prédicateur gallois, que nous allons retrouver tout à l’heure, déclare que lorsque Rowlands prêchait, son attitude et sa physionomie se transformaient, sa voix devenait comme inspirée ; l’esprit mondain d’insouciance et de frivolité était chassé par sa seule présence ; les gens se rapprochaient de la nuée, du Christ, de Moïse et d’Elie ; l’éternité avec ses réalités s’imposait à leur vision. Ces puissantes influences se firent sentir pendant une cinquantaine d’années. Des milliers de Gallois se rassemblaient à Llangeitho de chaque comté du pays. Et un écrivain a pu dire : « Il est douteux que l’histoire nous fournisse le cas de n’importe quel autre homme qui ait attiré de si grandes foules dans le cercle immédiat de son ministère. Car Rowlands n’était pas un prédicateur itinérant : ce n’est pas lui qui allait chercher les âmes, c’étaient les âmes qui venaient se grouper autour de lui.

Comme le grand Réveil antérieur, ce Réveil affecta directement ou indirectement tout le cours de la vie nationale, et éleva l’idéal national. « Le Réveil religieux eut une répercussion infinie : il fit courir dans l’âme galloise un long frisson qui la ranima tout entière, si bien qu’elle put reprendre enfin pleine conscience de sa personnalitée. Le mouvement religieux « fut, en fait, dit le professeur Rhys, la résurrection d’un peuple. Il transforma, en les fortifiant, les qualités intellectuelles et morales de la masse du peuple gallois ; il développa dans son esprit des puissances qui sans doute existaient déjà, mais qui ne trouvaient pas à s’employer ; il amena des hommes, qui n’avaient jamais eu l’occasion de réfléchir, à se poser et à discuter des problèmes fondamentaux de la religion et de la philosophie ; et il stimula à un degré extraordinaire le sens dialectique et imaginatif d’une race naturellement vive ; il l’inclina vers l’éloquence et la fit attentive aux ressources de la languef. »

e – Firmin Roz, Sous la couronne d’Angleterre. Paris, Pion, 1905, p. 293.

fThe Welsh people, by John Rhys and David Brynmor-Jones. London, T. Fisher Unwin, 1902, ch. X.

C’est ce Réveil qui donna au Pays de Galles son hymnologie. Jusque-là la nation n’avait guère eu d’hymnes de son cru. On s’était beaucoup servi du psautier métrique d’Edmund Prys. Mais maintenant une vie nouvelle demandait des chants nouveaux. Plusieurs, parmi les plus humbles, composaient sous l’inspiration du Réveil, soit des mélodies, soit des strophes de cantiques. Il faut citer, parmi eux, un des premiers convertis de Howell Harris, William Williams de Pantycelyn ; en revenant de l’école pour retourner chez lui, il entendit prêcher Harris, qui devint son père spirituel. Les hymnes de William Williams — que l’on désigne, en général, au Pays de Galles simplement par le nom de la ferme où vivait sa famille : Pantycelyn — ont beaucoup fait pour le Réveil du dix-huitième siècle. Ils ont beaucoup fait pour le Réveil de 1905 ; car c’est de lui que vient l’un des cantiques le plus souvent chantés et que j’ai entendu retentir jusqu’au fond des mines de Pontypridd : Guide-moi, o toi grand Jéhovah, chanté sur la mélodie Bryn Calfariag. Tandis que de puissants ministres tonnaient du haut de la chaire, les hymnes de la vieille ferme de Pantycelyn touchaient et inspiraient des milliers de Gallois assemblés. Il y avait, d’ailleurs, du chant partout, en dehors même des réunions ; les hymnes nouveaux étaient pleins d’électricité divine ; ils resplendissaient brillants et rapides comme des éclairs à travers toute la Principauté. « On chantait plus en une nuit que nous ne le faisons à présent dans une année, déclarent les historiens gallois qui ont parlé de ce Réveil avant que le Réveil actuel surgît. « Des milliers de gens étaient convertis avant d’avoir entendu un sermon. »

g – On trouvera cette mélodie dans les Chants du Réveil, publiés par l’Étoile, mission populaire pour jeunes gens à Genève, Molard, 15. C’est le numéro 48 du recueil, intitulé Jésus, pain de vie. Malheureusement les auteurs de ce recueil, imbus de la théorie étrange exposée dans la note de la page 16 que « les mélodies mineures deviennent difficilement populaires », se sont permis de transcrire en majeur le Bryn Calfaria ! La mélodie, ainsi défigurée, ne signifie plus rien. Si on veut avoir une idée de son incomparable beauté, il faut la rétablir en mineur, en biffant les quatre bémols, et en opérant les autres changements nécessaires (ré naturel au lieu de ré bémol, sol dièze au lieu de sol naturel, etc.)

Il faut aussi citer David Jones, de Cayo (Carmarthen-shire), marchand de bestiaux, qui, une fois converti, employa ses dons musicaux au service de Dieu. Un dimanche matin, tandis qu’il revenait d’une expédition en Angleterre, il perçut le son d’un chant dans la vieille chapelle galloise indépendante de Troedrhiwdalar (Breconshire). Attiré par le chant harmonieux, il entra. Un message de Dieu était là pour lui ce matin. Il quitta la chapelle ayant renoncé pour toujours à sa vieille vie de vanité et de péché ; devant lui se dressait l’espoir de Jésus-Christ. Ce fut lui qui traduisit en gallois les psaumes et hymnes du docteur Watts qui étaient alors à l’apogée de leur gloire, et plusieurs de ses strophes demeurent au Pays de Galles les plus populaires et les plus familières de toutes les versions des psaumes hébreux. Mais il ne se contenta pas de faire l’office de traducteur. Il composa lui-même plusieurs hymnes d’un mérite permanent, où vibre l’esprit du grand Réveil du dix-huitième siècle. A certains moments, David Jones courut de graves dangers, car il y eut des circonstances, comme par exemple une fois à Lampeter, où des brigands, loués pour cet office, jetèrent à la rue les adorateurs attirés par David Jones, et menacèrent de lui faire un mauvais parti, mais les prières de David Jones remplirent les scélérats d’une telle crainte et d’un tel respect que tout honteux ils se dispersèrent.

C’est depuis ce Réveil du dix-huitième siècle que la nation galloise possède un héritage d’hymnes incomparablement riches et profonds, d’une musique originale et mâle, d’une poésie pleine et impressive — précieux instrument pour vivifier et ranimer la vie religieuse, pour susciter de nouveaux Réveils.

Enfin, ce Réveil du dix-huitième siècle créa au Pays de Galles une nouvelle dénomination, l’Église calviniste méthodiste. Il faut bien prendre garde que lorsqu’il s’agit du Pays de Galles, le terme méthodiste, employé seul, signifie toujours calviniste dans la doctrine et presbytérien dans l’organisation. On doit soigneusement distinguer, en ce qui concerne le Pays de Galles, les méthodistes et les wesleyens : les wesleyens, eux, sont arminiens quant à la doctrine, et quant à l’organisation ils reproduisent celle de Wesley. Le Réveil du dix-huitième siècle fut calviniste et presbytérien.

Le dix-neuvième siècle a vu se produire dans l’organisation intérieure du méthodisme gallois, une modification importante qui a achevé de le séparer de l’organisation wesleyenne. Au début, les préoccupations missionnaires l’emportaient sur les préoccupations proprement pastorales. Un ministre consacré appartenait à la dénomination entière ; il n’avait pas d’église particulière sous sa direction. Pendant toute l’année il allait de lieu en lieu. Il prêchait presque chaque fois dans un nouvel endroit. La charge proprement dite de pasteur s’est formée et développée peu à peu — non sans rencontrer même tout d’abord des oppositions. Le docteur Louis Edwards insistait pour l’établissement de pasteurs proprement dits, tandis que ses adversaires objectaient que l’introduction générale de la charge pastorale régulière porterait atteinte à l’ancien système d’itinérance. « Mais, répliquait Edwards, ce système a achevé de rendre les services qu’il pouvait rendre ; il a été excellent en son temps ; il faut le changer maintenant ». Et ses idées ont généralement prévalu. Le nombre des Églises sans pasteurs a diminué rapidement. Les Églises méthodistes galloises sont maintenant pourvues de pasteurs réguliers, établis, qui ne pratiquent point l’itinérance. Comme Wesley ne savait pas le gallois et ne pouvait prêcher qu’en anglais, il n’a guère eu d’influence que sur les localités du Pays de Galles où l’élément anglais prédomine. Et même son influence personnelle n’y a pas été des plus considérables et des plus durables, car le wesleyanisme gallois ne remonte véritablement, d’après M. Elvet Lewish, qu’à 1800. Il a été fondé par Edward Jones. Il s’est alors présenté comme un soulagement à beaucoup d’âmes pieuses opprimées par les doctrines rigides de prédestination et d’élection professées par les Indépendants, les Baptistes et les Méthodistes. La théologie de Wesley a fait retentir une note plus libre, plus souple, plus missionnaire, qui a séduit beaucoup d’âmes, et certainement les progrès du wesleyanisme au Pays de Galles doivent être envisagés comme une réaction contre le calvinisme strict. Le wesleyanisme, toutefois, s’est répandu davantage dans le nord du Pays de Galles que dans le sud. Cependant, malgré ses progrès, il reste une petite minorité, comparé aux autres dénominations non-conformistes. M. Elvet Lewis explique ce fait en disant que les dénominations indépendantes, baptistes, méthodistes, ont été formées sous l’influence d’évangélistes indigènes, authentiqueraient gallois, tandis que le wesleyanisme a été une importation anglaise. Or, ce qui réussit, au Pays de Galles, c’est toujours et uniquement ce qui est d’origine galloise ou du moins ce qui a traversé l’âme et l’esprit de puissantes individualités galloises avant de se répandre sur la nation. Le wesleyanisme n’a pas eu ses Harris et ses Rowlands.

hNon conformity in Wales, by H. Elvet Lewis. London, 1904. (National Council of Evangelical Free Churches.)

Il convient de dire que si le méthodisme gallois a été tout de suite et est resté presbytérien dans son organisation, cependant le wesleyanisme a eu une influence indirecte sur toutes les dénominations galloises et leur a fait adopter à toutes, plus ou moins complètement, un trait spécial de son organisation, à savoir ce que les méthodistes anglais appellent « société ou meeting d’expérience ». Toutes les dénominations galloises — j’entends toutes les dénominations non-conformistes, car l’Eglise anglicane n’a pas adopté cet usage — toutes les dénominations non-conformistes du Pays de Galles ont adopté cet usage.

Au commencement du dix-neuvième siècle, un autre Réveil eut lieu. John Elias, avec ses sermons théologiques, Christmas Evans avec ses sermons poétiques, Williams of Wern avec ses sermons philosophiques, parcoururent le pays, et le soulevèrent jusque dans ses plus intimes profondeurs. Le résultat fut de nourrir l’intelligence, d’infuser une nouvelle vie dans l’arbre de la connaissance. Tandis que le Réveil de Harris et Rowlands avait donné aux Gallois leur hymnologie, le Réveil d’Elias, d’Evans, de Williams of Wern leur donna leur théologie. Sous l’influence de ce Réveil, un très grand nombre d’ouvrages religieux et théologiques anglais, spécialement des ouvrages puritains, furent traduits en gallois. Et ils devinrent aussitôt le sujet des discussions dans les Ecoles du Dimanche et dans les réunions les soirs de semaine. Le puritanisme entra pour ainsi dire dans le sang des Gallois ; il colore encore leurs pensées. De là leur aversion pour les rites et cérémonies. J’ai assisté à des réunions et à des cultes le Vendredi-Saint et le Dimanche de Pâques : point de sainte Cène, rien de spécial, le culte ou la réunion se passait comme d’habitude. Et cependant il serait peut-être excessif de donner les revivalistes en chef eux-mêmes pour des puritains absolus. Christmas Evans, qui appartenait à l’Eglise baptiste, raconte dans son journal qu’un jour après avoir passé trois heures en prière dans un bois, accablé de tristesse, « comme une douce sensation de l’amour de Dieu et de son pardon, s’insinua en moi. Comme le soleil approchait du couchant, je retournai vers la route, montai à cheval, allai là où j’étais attendu. Le lendemain, je prêchai avec un tel pouvoir à une vaste assemblée sur le penchant d’une colline, qu’un Réveil éclata et se répandit sur tout le pays ». C’est la prédication de l’amour plutôt que celle de la loi. Aussi bien si le wesleyanisme ne réussissait pas à fonder une dénomination bien considérable comme volume, ses doctrines ne laissaient pas de se répandre et d’entamer le vieux calvinisme, le vieux puritanisme. De grands prédicateurs dans les Eglises Indépendantes, tels que Williams of Wern, — virent des chaires se fermer pour eux, parce qu’ils professaient ce qu’on appelait alors non pas la « nouvelle école ou « la théologie nouvelle », mais « le nouveau système ». Le « nouveau système » était tout simplement un calvinisme plus doux que celui qui avait prévalu jusque-là.

En 1859, éclata un autre Réveil. Un jeune ministre Wesleyen, Humphrey Jones, enflammé par le Réveil américain, traversa l’Océan pour apporter le feu du Réveil dans sa propre patrie. Il tint partout des réunions de prière et des services de prédication. Mais sa santé ne put supporter cette fatigue et cette tension nerveuse ; au bout de trois ou quatre mois, son système nerveux se brisa (broke down), et il lui fut désormais impossible de remonter en chaire et de faire face à une congrégation. Toutefois, il n’avait pas travaillé en vain ; car avant la ruine de sa santé, il avait communiqué le feu qui l’animait à un de ses voisins, le Rév. David Morgan, ministre calviniste méthodiste, qui, lui, jouissait d’une santé et d’une vigueur physique admirables. Morgan parcourut le pays depuis Holyhead jusqu’à Cardiff, parlant comme un prophète inspiré, et cette mission unique dura trois ans. Tout le pays était soulevé. On assure que cent mille convertis furent alors ajoutés aux églises. Le nombre des lieux de culte fut doublé, des milliers d’écoles furent bâties, et trois collèges nationaux furent établis. Si le premier Réveil a donné aux Gallois leur hymnologie, et le second leur théologie, le troisième leur a donné leur système d’éducation. Chaque Réveil, comme les inondations du Nil, laisse un riche dépôt derrière lui pour féconder la nation.

Il y a eu, semble-t-il, une grande ressemblance entre le Réveil de 1859 et le Réveil actuel. Les traits principaux du Réveil de 1859, d’après la première brochure publiée par le Western Mail, ont été : les prières spontanées des laïques, l’alliance évangélique entre les églises, le zèle pour la conversion des irréligieux. Presque partout les meetings ont été conduits par les impulsions de l’Esprit — sans programme ni méthode ni chef. N’importe qui priait ou indiquait un hymne, et les meetings ne se terminaient en général que par suite de l’épuisement physique des revivalistes. Souvent les meetings étaient prolongés toute la nuit jusqu’à l’aurore. Les hommes et les femmes les plus ordinaires devenaient éloquents. La différence qui paraît subsister entre ce Réveil de 1859 et le Réveil de 1904-1905, c’est qu’en 1859 les manifestations physiques étaient bien plus marquées. Les gens tombaient souvent dans le délire, donnant essor à leurs émotions en sautant, et en criant : Hosannah ! Halleluiah ! En des centaines d’endroits, les assistants étaient emportés hors des chapelles incapables de remuer les pieds et les mains.

Le Réveil de 1859 marque une nouvelle ère dans l’histoire de la musique sacrée au Pays de Galles. L’introduction du système appelé sol-fai date de cette époque, et aussi l’usage des singing festivals (fêtes de chant).

i – Notation musicale avec des lettres.

Il semble bien qu’il y a eu, en 1871, un Réveil partiel pendant la mission du Rév. Robert Aitken, à Newport, mais ce Réveil ne saurait être comparé, comme extension et intensité, soit au Réveil de 1859, soit à celui de 1904-1905 dont nous avons à nous occuper spécialement.

Je voudrais toutefois, avant d’aborder proprement le Réveil actuel, raconter ce qu’il m’a été donné de voir des deux institutions que les Réveils passés ont laissées après eux et qui ont été, avec les réunions et les cercles de prières, des instruments si précieux pour la préparation du présent Réveil, je veux parler des Ecoles du Dimanche et des fêtes de chant.

Le jour de Pâques, je suis allé d’abord visiter l’école du Dimanche du vicaire anglican de Rhos, aux National Schools. Il me promène de groupe en groupe en me faisant répéter comme un perroquet les quelques mots de gallois que j’ai attrapés : « Dyma GariadDiolch iddoBendi-geddigArglwydd, achub. Et les vieillards comme les enfants me regardent un peu comme une bête curieuse. Puis le fils du vicaire me conduit successivement dans d’autres écoles du Dimanche non-conformistes : celle de Capel Mawr (la grande chapelle), celle de Bethléem. C’est quelque chose d’impressionnant de voir tous ces groupes qui embrassent tous les âges de la vie, depuis les enfants tout petits auxquels on apprend les lettres jusqu’aux adultes et aux vieillards. Dans un groupe qui a pour monitrice la femme du vicaire, on me montre un jeune homme qui s’est marié la veille ; son attachement pour l’école du Dimanche est tel qu’il n’a pas voulu la manquer, même le lendemain de ses noces ! A Bethléem, à Capel Mawr, les adultes sont installés dans la chapelle même, et les petits groupes occupent non seulement le bas de la chapelle, le corps de l’édifice, mais encore les galeries ; les enfants, eux, sont dans des salles à côté. Tandis que, dans la chapelle, les adultes font relativement peu de bruit, dans les salles enfantines c’est un grand vacarme. On m’explique qu’on a pour système d’instruire les enfants surtout en leur faisant répéter à voix haute ce que le maître leur dit. Ils ne se font pas faute de crier. Dans un groupe, il y a de tout petits enfants et avec eux un grand jeune homme que je suis étonné de voir en telle compagnie ; on me dit que c’est un idiot. Un ministre qui nous accompagne pose quelques questions aux enfants au sujet de David. Il demande comment on s’y prend pour lancer une pierre avec une fronde. Les petits enfants hésitent. L’idiot fait un geste caractéristique qui prouve qu’il est familiarisé avec ce genre de sport. « Qui de vous aimerait être un berger ? » demande le ministre. Une petite main se lève. « Eh bien ! pourquoi voudrais-tu être un berger ? » Le petit hésite à répondre. Le ministre se penche à son oreille et reçoit enfin cette réponse : « … pour faire de l’argent ! » (to make money).

D’après ce que j’ai vu, il semble que, dans ces écoles du Dimanche, tout se passe dans les groupes, et qu’il n’y a pas proprement d’instruction générale. Quand les groupes sont terminés, un trésorier lit le montant de la collecte, des collectes. On chante, on termine par la prière.

Pendant que je visitais ces écoles du Dimanche, je rencontrai dans ma tournée un Anglais dont j’avais déjà fait la connaissance la veille, Mr. Gregory Wilkinson, l’auteur de la brochure : Retournons à Pentecôte (Back to Pentecost). Observateur rigide du Sabbat, Mr. Wilkinson m’exprime son étonnement et son mécontentement au sujet des groupes enfantins : « Avez-vous vu ? me dit-il en grondant. On apprend à lire aux petits enfants ! Franchement, est-ce qu’ils n’ont pas toute la semaine pour cela ? » C’est que Mr. Wilkinson n’était pas au courant de l’histoire religieuse galloise. Il ignorait l’origine des écoles du Dimanche au Pays de Galles. A coup sûr, cette origine — et ces débuts — sont assez curieux. Les écoles du Dimanche sont nées du besoin profondément senti d’instruire le peuple ignorant, et en particulier de lui apprendre à lire pour qu’il fût en état de lire la Bible — de lui apprendre à lire en gallois afin qu’il pût lire la Bible galloise. Tout d’abord, Griffith Jones, puis Thomas Charles envoyèrent en mission itinérante des instructeurs qui séjournaient dans une localité le temps nécessaire pour apprendre à lire à toutes les personnes de bonne volonté, les enseignant soit les jours de semaine, soit le dimanche lorsque les illettrés se trouvaient dans l’impossibilité de suivre l’école la semaine ; quand la retraite était terminée dans un endroit, les instructeurs émigraient dans un autre. Ces écoles circulantes firent place dans la suite à des écoles régulières organisées en chaque localité et tenues seulement le dimanche. C’est Thomas Charles qui consacra en quelque sorte l’institution des écoles du Dimanche ainsi comprise en fondant, en 1807-1808, les Associations des écoles (Cymanfaoed Ysgolion). Le but resta toujours avant tout : l’instruction, non pas pour elle-même à coup sûr, l’instruction pour l’édification, mais enfin l’instruction. Et cela d’autant plus que dans les écoles instituées enfin par le gouvernement et fonctionnant durant la semaine, on apprenait, jusqu’à ces derniers temps, à lire l’anglais exclusivementj. Les écoles du Dimanche sont donc restées jusqu’à ce jour — et cela dans toutes les dénominations, puisqu’elles ont pénétré même dans l’Eglise anglicane — des écoles où on apprend à lire le gallois : toujours, comme on voit, le mélange indissoluble de l’élément religieux et de l’élément national. Et pour ceux qui savent déjà lire le gallois, pour les adultes, l’école du Dimanche reste l’école où on s’instruit tout ensemble dans la langue et la littérature galloises et dans la théologie ; le lecteur peut maintenant comprendre ce qui l’a étonné peut-être précédemment, notre assertion qu’à la suite du Réveil d’Elias, de Christmas Evans, des ouvrages théologiques étaient devenus le sujet de discussionsk dans les écoles du Dimanche : il s’agit, bien entendu, des classes d’adultes. Oui, on y fait de la théologie, en se servant d’ouvrages anglais, mais traduits en gallois.

j – Depuis peu, l’enseignement du gallois dans les écoles élémentaires publiques est autorisé comme enseignement facultatif. Mais il est probable, à ce que disent MM. Rhys et Brynmor-Jones, que les Gallois préféreront faire instruire leurs enfants en anglais par les écoles de semaine, et en gallois par les écoles du Dimanche.

k – Dans les classes d’adultes, le moniteur fait rarement une leçon ; il préside, il conduit, il oriente, il insiste sur les applications pratiques ; mais chacun dit son mot : tout le groupe participe spontanément à l’entretien.

Voilà qui forme des générations instruites des choses de Dieu, toutes prêtes à être réveillées quand le souffle d’en haut viendra passer sur cette éducation religieuse, profonde et ininterrompue ! Au reste, la prédication galloise a toujours été très évangélique, et les Gallois sont en général, en dehors des temps de Réveil, l’un des peuples les plus amateurs de prédication qu’il y ait au monde. Il n’est pas rare, dans les grandes occasions, de les voir absorber avec un plaisir évident deux ou trois prédications séparées par un chant, alors qu’une seule aurait été jugée plus que suffisante en d’autres pays. Quand on rapproche l’amour habituel des Gallois en temps ordinaire pour la prédication de leur façon de comprendre les Écoles du Dimanche, on s’explique aisément que la doctrine ne joue pas un très grand rôle dans le Réveil gallois, c’est que la doctrine, ils l’ont déjà, ils en sont tout imbibés, saturés ; ce qu’ils réclament et recherchent, l’élément nouveau et fécond, c’est le feu, c’est la vie, c’est l’Esprit.

Après l’École du Dimanche, la fête de chant (singing festival).

J’ai assisté à Pontypridd, le mardi après Pâques, à l’une de ces fêtes de chant. C’était à 5 h 30 dans une église congrégationaliste. Il y avait eu, paraît-il, à 2 heures, une autre réunion du même genre dans la même église. Le spectacle présenté par la chapelle et son contenu est très particulier. Le bas, le corps (body) de l’Église est garni par les chanteurs, qui sont surtout des jeunes gens des deux sexes. La réunion a pour président un pasteur qui se met au bas de la chaire dans le Set Fawr (en gallois — les Anglais disent : Big Seat — et cela signifie littéralement : gros siège, place importante ; c’est ainsi qu’on désigne ce que nous appellerions en France le parquet, ou le banc des anciens). Le chef d’orchestre, lui, s’installe dans la chaire même. Après une lecture de la Bible et une prière faite par un laïque, le pasteur président, dans son allocution, fait allusion au Réveil. Il dit que, pendant la lecture de la Bible qui vient d’être faite, il a observé attentivement la physionomie des jeunes gens dans les galeries, et qu’il a été frappé de voir qu’il n’en était pas cette année comme les autres années. Jadis, les jeunes écoutaient la lecture de la Bible comme une corvée, ils avaient hâte que cette partie du programme fut déblayée, pressés qu’ils étaient de passer tout de suite à l’affaire capitale de la journée : le chant. Eh bien ! aujourd’hui on a écouté avec le plus profond respect et l’attention la plus soutenue la lecture biblique : c’est là un fruit du Réveil. Dans la même allocution, je note cette autre remarque intéressante : ce Réveil a été caractérisé avec raison comme un Réveil musical, un Réveil du chant et par le chant (a singing Revival) ; mais les jeunes gens ne doivent pas être ingrats. Si un Réveil de chant a été possible, c’est qu’on avait beaucoup cultivé, pratiqué le chant. Grâce à cette éducation musicale, à cet entraînement musical, le Réveil a été possible ; tout était prêt pour cela. En conduisant l’un de ces festivals, un musicien éminent, Joseph Parry, avait prophétisé, peu avant sa mort, que le prochain Réveil serait un Réveil chantant.

Le programme alors se déroule, hymne après hymne. La plus grande partie des morceaux chantés consiste en chœurs exécutés par les jeunes gens des galeries. Je regrette un peu que ce soient, en général, des hymnes de musique plutôt anglaise ou américaine que galloise. Au reste, on parle anglais tout le temps, car Pontypridd est autant anglais que gallois. Pourtant il y a quelques chants gallois. Le chef d’orchestre interrompt brusquement un chant qui ne va pas à son gré en s’écriant :

« Arrêtez ! ce n’est pas ça ! Vous chantez cet air comme un air d’enterrement ! C’est bien vrai qu’il est en mineur. Il faut bien qu’il soit en mineur, puisqu’il est gallois. Vous savez bien le dicton qui prétend qu’un Gallois est incapable de dire Amen autrement qu’en mineur, les deux syllabes A-men formant tierce mineure. Mais mineur n’est pas synonyme de triste. Le chant que nous chantons est un chant joyeux. Les Anglais, en général, sont incapables de comprendre ça. Ils ne comprennent pas que les Gallois emploient aussi le mineur pour exprimer la joie. Et cependant rien n’est plus certain. Le mineur peut exprimer la joie aussi bien que la tristesse. »

Et le voilà qui se met, en chantant lui-même tout seul, à montrer les diverses façons, triste ou joyeuse, de chanter la même phrase mineure. Je dois avouer qu’il ne m’a pas entièrement convaincu, et que je préfère encore, au point de vue musical et psychologique, la thèse du vicaire de Rhos, le Rév. Pritchard, qui me disait : « Avez-vous remarqué que tous les chants gallois sont en mineur ? C’est le propre des nations qui ont été conquises. Il y aurait bien quelque chose à redire à l’assertion ; ce ne sont pas seulement les nations conquises qui ont produit des chants en mineur ; il serait plus vrai de dire qu’en général tous les chants populaires sont en mineur : il est vrai qu’on aurait toujours la ressource de soutenir que toutes les nations ont été une fois ou l’autre conquises, ou contiennent des éléments issus de peuplades ou tribus conquises… Ce qui demeure, c’est que, dans les chants gallois, même chantés le plus joyeusement possible, il reste une trace ou une teinte indélébile de mélancolie profonde et pénétrante. Au reste, la cantilène en mineur qui est si fréquente dans les prédications comme dans les prières, et qui s’épanouit dans le hwyl (dont il sera question dans un autre chapitre) donne une physionomie très particulière à tous les services gallois.

Mais le festival ne compte pas rien que des chœurs. Il y a aussi un solo, chanté par une jeune fille qui, pour ce faire, monte dans la chaire, le corsage garni de narcisses et de fougères : le chef d’orchestre se recule pour lui faire place. Et elle chante fort bien l’un des airs favoris d’Alexander (Mission Torrey), le chant de la Gloire, the Glory Song. Puis, il y a un quatuor. Deux couples de jeunes gens et jeunes filles chantent ensemble. Et quand ils ont fini, le président les remercie. — D’ailleurs, chaque morceau est suivi d’un remerciement, même les chœurs dont l’exécution est invariablement accompagnée d’un : Merci beaucoup prononcé à voix haute et claire par le chef d’orchestre. — Mais cette fois, le quatuor est remercié par le président qui dit :

« Je suis heureux d’avoir entendu ces nouveaux convertis, fruits de notre Réveil. On demande parfois : que faut-il faire et que pouvons-nous faire des nouveaux convertis ? Eh bien ! employez-les au chant. Ce sera déjà quelque chose. Je ne veux pas dire du mal du chant pour compétition (allusion aux espèces de jeux floraux si répandus au Pays de Galles et appelés eisteddfodau), mais il est bon aussi de s’exercer au chant pour le sanctuaire. »

En réponse à mes interrogations, on m’apprend que cette réunion est une réunion de membres appartenant à diverses Eglises (united meeting). La jeunesse de diverses Eglises est ainsi rassemblée pour ces festivals qui comportent deux ou trois séances dans la journée, et qui ont lieu le Lundi de Pâques, et se prolongent souvent le Mardi. On y chante des hymnes choisis d’avance et étudiés pendant l’année. La fête générale a lieu une fois l’an. L’habitude de ces festivals, et le fait que dans les écoles on enseigne à fond la musique (notation dite solfa) et les paroles des hymnes, expliquent toute cette floraison de chants spontanés, sans indications officielles, sans livres, dans le Réveil.

D’ailleurs, ce n’est pas seulement pendant les vacances de Pâques que de grandes fêtes musicales ont lieu. Vers la fin d’octobre, il y a eu à Mountain Ash, pas très loin de Cardiff, une grande fête à laquelle ont pris part comme chanteurs dix mille membres de deux cents églises méthodistes différentes et à laquelle assistaient quatre mille auditeurs. Parmi ces auditeurs, se trouvaient Evan Roberts et Miss Annie Davies : lorsqu’ils se sont levés à la fin, il a suffi d’un chant de Miss Annie Davies et de quelques mots d’Evan Roberts pour faire jaillir de l’auditoire tout entier des prières et transformer le concert spirituel en une scène revivaliste enthousiaste et émue.

Instruction (écoles du Dimanche et prédication), chant (fêtes de chant et éducation musicale), prière (réunions de prière, prières individuelles, cercles de prières) : nous avons là, les trois puissants facteurs qui, rattachés eux-mêmes aux Réveils passés, ont préparé et finalement provoqué l’explosion du Réveil actuel.

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