Il se passa bien du temps avant que les fiancés pussent se voir un peu. À seize et dix-sept ans, de longues fiançailles sont inévitables, mais elles procurent tant de joies qu'il est relativement aisé de prendre patience.
James Taylor retourna avec entrain à son travail. La bénédiction de Dieu reposait sur lui et débordait sur d'autres. Le patron, qui avait pleine confiance en son apprenti, lui confia la charge d'une succursale dans la ville voisine. Là, James Taylor fit l'expérience, comme d'autres avant lui, que la prière et la peine, avec la foi en Jésus-Christ, mènent à tout.
Les années suivantes, il eut peu de loisirs, mais il avait un amour toujours plus grand pour l'étude, spécialement pour tout ce qui pouvait contribuer à lui faire mieux connaître la Parole de Dieu. La Bible faisait toutes ses délices, et son désir ardent était de communiquer à d'autres les richesses qu'il y avait découvertes. Tout près de la ville où il travaillait se trouvaient plusieurs villages complètement abandonnés du point de vue spirituel. Il s'y rendit dimanche après dimanche, parlant, dans ces endroits isolés, du merveilleux amour de Dieu. Beaucoup de ses auditeurs furent réveillés et bénis. Voyant cela, les autorités de l'église à laquelle il se rattachait, reconnurent que le jeune homme avait un appel pour ce ministère si nécessaire. Elles ajoutèrent donc son nom à la liste des prédicateurs de Barnsley, en tête de laquelle avait figuré son grand-père. Il n'avait que dix-neuf ans.
Pendant ce temps, sa fiancée était toujours au château de Donnington, se fortifiant et faisant une moisson d'expériences pour les jours à venir. Par de nombreuses lectures, elle gardait son esprit en éveil, et la correspondance régulière lui donna l'habitude d'écrire rapidement et avec facilité, chose qui devait prendre plus tard une valeur inattendue.
Une fois son apprentissage terminé, James Taylor retourna à Barnsley. Grâce à l'appui de son père, il loua un des meilleurs magasins de la ville. Une de ses sœurs s'occupa provisoirement du ménage, laissant à son frère tout le temps de diriger son commerce les six jours de la semaine et de prêcher le dimanche. Il était fidèle dans la prière, et le succès couronna ses efforts. Il fut connu comme un homme probe et un prédicateur très utile et apprécié. Après quelques années de labeur intense, le chemin devint clair devant ses pas. Il put rembourser les fonds avancés par son père et, avant une maison et un revenu suffisant, il estima qu'il pouvait se marier.
À cette époque, la famille Hudson était établie à Barton-on-Humber, et ce fut dans cette paisible petite ville au cachet médiéval que le mariage fut célébré le 5 avril 1831.
La jeune épouse reçut un accueil chaleureux à Barnsley. Plus on la connaissait, plus on l'aimait pour la douceur de son caractère, sa modestie, son humilité. Son mari réalisa souvent, à son foyer, la véracité de la parole des Proverbes : « Celui qui trouve une femme trouve une bonne chose et obtient la faveur de l'Éternel. »
Amélie participait avec enthousiasme aux travaux de son mari, tout en apportant à sa tâche domestique la minutie qui caractérisait tout ce qu'elle faisait. Sa classe biblique, forte de quarante à cinquante jeunes gens, subit son influence. Une des joies de leurs premières années de vie à deux fut un réveil dans leur église, amenant à la conversion plusieurs de ses élèves.
Elle aidait son mari dans la préparation de ses sermons. Ensemble, ils priaient et étudiaient. Quand le cœur de James Taylor débordait et que sa plume ne pouvait suivre ses pensées, sa femme prenait alors des notes rapides et écrivait pour lui la prédication qu'il prononçait tout en arpentant l'arrière-magasin. Il était doué et mettait beaucoup de soin à préparer ses messages. Pendant bien des années, Amélie lui prêta un appui d'une valeur inestimable, et la joie de voir des âmes sauvées par ce ministère fut leur récompense.
Comme commerçant, James Taylor acquit une excellente réputation à Barnsley. Il était scrupuleux, ponctuel dans ses paiements, généreux pour les pauvres, accueillant envers les étrangers. Son commerce était prospère. Ses concitoyens le nommèrent à un poste de confiance qu'il occupa, estimé de tous, pendant vingt-deux ans.
JAMES TAYLOR PÈRE D'HUDSON TAYLOR « Pour moi-même et pour le travail que Dieu m'a permis d'accomplir, je dois une inexprimable reconnaissance à mes chers et vénérés parents, qui sont maintenant dans leur repos, mais l'influence de leur vie demeurera à toujours. » HUDSON TAYLOR. |
Mais en premier lieu, c'est à Dieu que James Taylor cherchait à être fidèle. Il prenait la Bible au mot et il croyait que, soumise à l'épreuve de l'expérience quotidienne, elle était le plus pratique de tous les livres.
Un jour inoubliable entre tous, dans le premier hiver de leur union, fut celui où leurs yeux tombèrent sur un passage qui les impressionna fortement. C'étaient les versets du 13e chapitre de l'Exode, avec le texte correspondant du livre des Nombres :
« Sanctifie-moi tout premier-né...
Tous les premiers-nés sont à moi...
Ils seront à moi...
Mis à part pour l'Éternel. »
Ils eurent ensemble un long et sérieux entretien au sujet du bonheur qu'ils attendaient. Leurs cœurs ne reprirent rien au Seigneur. Pour eux, la question n'était pas de savoir comment donner un peu, mais comment donner beaucoup. Tout ce qu'ils avaient Lui appartenait. S'Il leur demandait leur enfant, ils le Lui donneraient. Le Lui consacrer, c'était le posséder mieux, puisque c'était le remettre à Celui qui peut dire « Il est à Moi », non seulement pour le temps, mais pour l'éternité.
Ils s'agenouillèrent alors en silence, pour consacrer à Dieu leur enfant premier-né, comme les parents hébreux de jadis. Ce fut une transaction bien définie par laquelle ils remirent leur trésor au Seigneur et demandèrent la riche influence du Saint-Esprit afin que leur enfant fût « mis à part » dès cette heure même.
La certitude que leur don était accepté descendit dans leur âme. Cette vie qui leur était si chère, ils la tinrent à la disposition d'une volonté supérieure à la leur, d'un amour plus profond que le leur.
Au printemps, alors que les collines et les vallées du Yorkshire revêtaient leur fraîche parure, le 21 mai 1832, naquit l'enfant de tant de prières. Il reçut le nom de son père et de sa mère : James Hudson Taylor.