Le Catholicisme à la lumière de l’Écriture Sainte

Chapitre II

L’Eglise

Au cœur de l’Evangile de Jésus-Christ nous trouvons l’Eglise. « Je bâtirai mon Eglise et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle ! » Et l’apôtre Paul déclare « Christ a aimé l’Eglise et s’est donné lui-même pour elle ! »

L’Eglise est l’œuvre du Christ, elle est l’objet de son amour, et pourtant d’ardentes controverses ont eu lieu quand on a voulu la définir.

Que voulait dire le Christ quand il a dit : « Mon Eglise » ?

Voilà ce que répond à cette question le catéchisme romain (p. 110 et suiv.).

« … Le neuvième article du Credo nous enseigne que Jésus-Christ a fondé sur la terre une société visible qui s’appelle l’Eglise catholique et que tous ceux qui font partie de cette Eglise sont en communion entre eux… »

« Les membres de l’Eglise se trouvent partie au ciel et ils forment l’Eglise triomphante, partie au purgatoire et ils forment l’Eglise souffrante, partie sur la terre et ils forment l’Eglise militante… »

« … Ces diverses parties de l’Eglise constituent une seule Eglise et un seul corps, parce qu’elles ont le même chef qui est Jésus-Christ… »

« … Le même esprit qui les anime et les unit, et la même fin qui est la félicité éternelle dont les uns jouissent déjà et que les autres attendent… »

Paragraphe 2 : De l’Eglise en particulier.

… L’Eglise catholique est la société ou la réunion de tous les baptisés qui, vivant sur la terre, professent la même foi et la même loi de Jésus-Christ, participent aux mêmes sacrements et obéissent aux pasteurs légitimes, principalement au Pontife Romain…

On peut distinguer la véritable Eglise de Jésus-Christ de tant de sociétés ou sectes fondées par les hommes et qui se disent chrétiennes à quatre marques : elle est Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

I. Comment reconnaître la véritable Eglise ?

Voilà ce qu’enseigne Mgr Bartmann à ce sujet :

L’essence de l’Eglise est constituée par des propriétés sur lesquelles les théologiens diffèrent, non par suite d’une incertitude intérieure et objective, mais plutôt pour des raisons de méthode. Ces propriétés sont précisées par le Symbole de Nicée-Constantinople : « Je crois à l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique ». On donne ces propriétés comme des notes ou marques permettant de connaître visiblement quelle est la véritable église (par exemple l’encyclique de Pie IX du 16 septembre 1864). Presque unanimement on donne ces quatre, mais Bellarmin en compte quinze, qu’il est facile d’ailleurs de ramener à quatre. (PTD II. 199).

Nous allons donc examiner successivement ces quatre notes ou marques.

1. L’Unité.

DOCTRINE CATHOLIQUE

… Je dis que la véritable Eglise est UNE parce que ses fils, à quelque temps et à quelque lieu qu’ils appartiennent, sont unis entre eux dans la même foi, le même culte, la même loi et la participation aux mêmes sacrements, sous un même chef visible, le Pontife Romain.

PTD (IT, 206) précise qu’on distingue une unité de foi, une unité de culte et de sacrements et une unité de communauté ecclésiastique.

EXAMEN BIBLIQUE

Jésus, il est vrai, veut que ses disciples soient Un (Jean 17.21). L’unité est un critère valable, mais quelle en est la nature ? Dans la vie courante, nous constatons des qualités très différentes d’unité entre, par exemple, un régiment qui défile, un parti politique ou une famille réunie autour d’une table.

L’unité dont parle l’Eglise catholique est formelle, et comme extérieure, elle se trouve au piveau de la doctrine (la foi), du culte, de la loi, des sacrements, de la hiérarchie. Or l’unité dont parle Jésus est d’abord interne et spirituelle, elle est semblable à celle qui unit le Père et le Fils. Elle se situe d’abord à l’intérieur, et dépend de notre relation personnelle avec Dieu. C’est en étant unis avec le Christ que deux hommes se trouvent unis ensemble : l’unité est d’abord une communion. La Bible dit que notre communion réciproque dépend de notre communion avec Dieu (1 Jean 1.3).

Dans ce sens-là tous ceux qui sont spirituellement en communion avec le Christ — et qui constituent l’église véritable, comme nous le verrons — sont UN, ipso facto. Certes, cette unité intérieure doit se manifester à l’extérieur par des signes visibles, mais ces signes ne constituent pas l’unité, ils ne sont que l’ombre de la réalité. Une certaine diversité extérieure peut même recouvrir une unité véritable, comme c’est le cas pour les enfants d’un même père.

L’unité simplement formelle et juridique peut se trouver dans beaucoup de sociétés. Le parti communiste, par exemple, présente à l’observateur un aspect monolithique comparable au catholicisme : est-ce une preuve qu’il est l’église de Jésus-Christ ?

D’ailleurs l’unité formelle du catholicisme n’est pas historiquement démontrée : les théologiens catholiques admettent volontiers une considérable évolution, depuis les premiers siècles, de la doctrine, du culte, des sacrements et de la papauté. C’est un ancien pasteur anglican Newmann qui trouva la théorie de la « germination des dogmes », d’après laquelle l’évolution indéniable des dogmes et du culte proviendrait d’une maturation lente, sans déviation, de germes imperceptibles mais présents, dès le début du christianisme.

En fait, les dogmes n’ont pas « évolué » harmonieusement dans le cadre de l’Eglise romaine. Les Conciles et les Papes se sont maintes fois contredits. Par exemple, le Concile de Laodicée rejette les Apocryphes, puis un Concile de Carthage les admet, puis Grégoire le Grand confirme Laodicée, tandis que plus tard le Concile de Trente, dans un débat confus, les admet à cinq voix de majorité. La simple énumération des contradictions des papes, des conciles généraux et des Pères de l’Eglise en ce qui concerne le culte, les sacrements et la loi remplirait de nombreuses pages.

2. La Sainteté.

DOCTRINE CATHOLIQUE

Le second critère, c’est la Sainteté :

… Je dis que la véritable Eglise est SAINTE parce que Jésus-Christ, son chef invisible, est saint, que beaucoup de ses membres sont saints, que sa foi, sa loi, ses sacrements sont saints et qu’en dehors d’elle, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de véritable sainteté.

L’Église est sainte, dans son être objectif et réel, elle doit être sainte dans ses membres (PTD II, 209).

EXAMEN BIBLIQUE

La Bible appelle « saints » tous Les membres de l’Eglise (2 Corinthiens 1.1) : « Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et le frère Timothée, à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe et à tous les saints » (ou Philippiens 1.1) ; 1 Corinthiens 6.11 : « Vous avez été lavés…, sanctifiés (c’est-à-dire : faits saints). » Hébreux 9.13 : « Le sang des taureaux sanctifie… »

Le catéchisme romain a raison de dire qu’il ne peut y avoir de sainteté en dehors de l’Eglise (laquelle ?), mais la notion catholique de la sainteté est assez différente de l’enseignement biblique. Les théologiens distinguent entre la sainteté personnelle, que possèdent ceux qui ont la « grâce sanctifiante », au degré ordinaire ou au degré extraordinaire et celle qui est réelle ou objective. D’une façon particulière l’Eglise admet que la sainteté exceptionnelle se manifeste par des miracles et une vie exemplaire. Actuellement, pour être déclaré saint, il faut un décret du Pape après une longue enquête qui comprend deux procès : compliqués et coûteux. Il faut être « mort en odeur de sainteté », puis être déclaré « bienheureux », puis enfin être inscrit dans la liste des saints, le « canon » (d’où le terme de canonisation donné à cette inscription).

Dans l’Ecriture, le Saint est un homme mis à part, consacré à Dieu. D’après tous les textes du Nouveau Testament, tous les chrétiens dans ce sens-là sont des saints, et non pas seulement un certain nombre. (Il est d’ailleurs curieux de constater que les saints sont de moins en moins nombreux chez les catholiques, comme on le voit en consultant la liste des Papes).

PTD (II, 210) admet que cette note est plus difficile à reconnaître que l’unité et l’apostolicité, et qu’en dehors de l’Eglise il peut exister une sainteté ordinaire. Mais seule l’Église Romaine la posséderait au sens complet, ce qui est indémontrable.

3. La Catholicité.

DOCTRINE CATHOLIQUE

La troisième marque de l’Eglise, c’est la Catholicité :

… J’appelle la véritable Eglise CATHOLIQUE, ce qui veut dire universelle, parce qu’elle embrasse les fidèles de tous les temps et de tous les lieux, de tout âge et de toute condition, et que tous les hommes du monde sont appelés à en faire partie.

EXAMEN BIBLIQUE ET HISTORIQUE

Ce terme de catholique n’apparaît pas dans l’Ecriture, il se trouve pour la première fois employé par Ignace, et son sens a varié considérablement au cours des âges. Pour certains, la catholicité de l’Eglise exprime le fait que tous les rachetés, de tous les siècles en font partie : ainsi Augustin dit, dans ses commentaires sur les Psaumes 62 et 90 :

« L’Eglise universelle c’est l’assemblage de tous ceux qui ont cru ou qui croiront en Jésus-Christ depuis Abel jusqu’à la consommation des siècles. »

Pour d’autres il distingue les chrétiens « orthodoxes » des sectes chrétiennes refusant de se soumettre au Pontife Romain (il y en a toujours eu, par exemple : Ariens, Eglise de St-Thomas, Arméniens, Nestoriens, Cathares, Vaudois, etc…) et les théologiens ont découvert une catholicité qualitative qui est différente de la quantitative. On s’accommode donc du fait que parmi les hommes qui se nomment chrétiens Les « catholiques » sont loin d’être la majorité, à certaines époques (et aujourd’hui en particulier).

Ainsi Grégoire de Naziance (orat. 25) dit :

« Les 300 qui lapèrent l’eau, au temps de Gédéon, ne furent-ils pas plus estimables que les milliers qui l’abandonnèrent. Où sont donc ceux qui, définissant l’Eglise par la multitude, nous reprochent notre petit nombre ou notre pauvreté ? Ils ne savent donc pas que le sable, tout nombreux qu’en sont les grains, a moins de valeur que quelques pierres précieuses ?… »

Mais alors que penser de ce critère si discutable puisqu’il ne peut être prouvé de façon évidente. Le nombre se démontre, mais pas la qualité. D’ailleurs n’y a-t-il pas des chrétiens authentiques en dehors de l’Eglise Catholique ? C’est pour répondre à cette objection que les docteurs invoquent une théorie compliquée par laquelle on admet l’existence de membres de l’Eglise faisant partie de « l’âme de l’Eglise ».

Le catéchisme s’exprime ainsi (p. 116) :

« Celui qui, se trouvant hors de l’Eglise sans qu’il y ait de sa faute ou de bonne foi, aurait reçu le baptême ou en aurait le désir au moins implicite, qui chercherait en outre sincèrement la vérité et accomplirait de son mieux la volonté de Dieu, bien que séparé du corps de l’Eglise, serait uni à son âme et, par suite, dans la voie du salut… »

Cette théorie ouvre bien des portes, mais est la reconnaissance implicite de l’existence de chrétiens véritables en dehors de l’Eglise Catholique, et détruit la valeur objective de cette « note ».

4. L’Apostolicité.

DOCTRINE CATHOLIQUE

La quatrième marque de la vraie Eglise, c’est l’Apostolicité (page 114) :

« On appelle encore la véritable Eglise APOSTOLIQUE parce qu’elle remonte sans interruption jusqu’aux apôtres et parce qu’elle croit et enseigne tout ce qu’ont cru et enseigné les apôtres, et parce qu’elle est dirigée et gouvernée par leurs légitimes successeurs. »

EXAMEN BIBLIQUE ET HISTORIQUE

Les catholiques affirment ainsi qu’ils sont dirigés par les successeurs légitimes des apôtres. Nulle autre église à leurs yeux ne peut en dire autant. Pourtant l’Eglise Grecque, l’Eglise Anglicane, les Vieux Catholiques, et d’autres encore revendiquent pour eux aussi la succession apostolique.

1° Y a-t-il une telle succession dans l’Ecriture ?

Le sacerdoce de Jésus, en tout cas n’est pas transmissible : Hébreux 7.23-25 : « De plus, il y a eu des sacrificateurs en grand nombre, parce que la mort les empêchait d’être permanents. Mais lui, parce qu’Il demeure éternellement, possède un sacerdoce qui n’est pas transmissible. »

Nul texte ne dit que les Douze doivent avoir des successeurs particuliers. Leur position paraît : unique et intransmissible, car elle dépend principalement du fait qu’ils ont été témoins oculaires du ministère de Jésus (Actes 1.21-22), ce qui, par définition, ne peut être transmis.

2° En supposant que cette succession soit biblique, est-elle prouvée dans le cas de l’Eglise Romaine ?

Non, car la chaîne des successeurs des apôtres a souvent été brisée par l’immoralité ou l’hérésie.

L’histoire nous montre, pendant plusieurs siècles, des factions rivales se disputer âprement le trône pontifical dans une atmosphère d’intrigues, de complots et de crimes. Voilà ce qu’en dit un historien catholique éminent, le professeur Karl Bihlmeyer, sous le sceau de l’imprimatur 1 (II, 60-61) : « Au milieu des luttes violentes que se livraient les factions politiques d’Italie, la Papauté, abandonnée par ses protecteurs naturels, les Empereurs, sombra dans l’impuissance et devint le jouet des familles patriciennes romaines, qui sans scrupule placèrent sur le siège de Pierre des membres ou des partisans de leurs clans… » « Les papes Léon V (903) et Christophore (903-904) moururent en prison après un court pontificat. Serge III (904-911) dut sa nomination à une puissante faction romaine, dirigée par Théophylacte, sa femme Théodora et ses filles Marozia et Théodora la Jeune. Ces femmes exceptionnelles, mais immorales, exercèrent pendant plusieurs décennies une influence prépondérante sur Rome et la Papauté… »

1 Dr Karl Bihlmeyer. Kirchengeschichte. 3 vol. Paderborn. 1940.

« Après les pontificats d’Anastase III (911-913) et de Landon (913-914) l’archevêque de Ravenne, sous l’influence de la « sénatoresse » Théodora l’Aînée, fut nommé pape sous le nom de Jean X (914-928)… » mais finalement, il fut déposé par le deuxième mari de Marozia et mourut en prison. « Après Léon VI (928) et Etienne VII (929-931) Marozia : « Sénatoresse et Patricienne » plaça sur le trône pontifical son fils Jean (que l’on savait être le fruit de ses rapports avec Serge III) sous le nom de Jean XI (931-935) et gouverna par son truchement…  »

Alberic II, sénateur et Prince des Romains, demi-frère du pape Jean XI, prit en main le gouvernement civil, et laissa le gouvernement religieux à Jean XI et à ses successeurs.

Mais à sa mort, en 954, « il fit promettre aux Romains de nommer pape son fils Octavien, âgé de dix-sept ans. C’est ce qui se produisit en décembre 985. Sous le nom de Jean XII (955-964) ce jeune prince notoirement privé de toute valeur morale, réunit dans sa personne l’autorité civile et l’autorité religieuse de Rome. C’est à son exemple que les papes ont pris l’habitude de changer de nom au moment de leur élection… »

(II, p. 68) : « Le comte Albéric de Tusculum, descendant du sénateur Théophylacte et de Théodora l’Aînée, parvint à faire donner le pontificat à ses deux frères et à un fils, tous laïcs. « Ces papes furent Benoit VIII (1012-1024), Jean XIX (1024-32) et Benoit IX (1032-44) âgé de dix-huit ans lors de sa nomination. L’historien catholique raconte ainsi son pontificat (p. 69) : « Frivole et sans aucun scrupule, il dépassa en immoralité Jean XII lui-même. Ses actes éhontés produisirent une révolte en 1044. Il fut remplacé — non sans compensation pécuniaire — par le Bienheureux Jean de Sabina, Silvestre III (1045). Mais Benoit le déposa après sept semaines, et fut contraint par l’opposition des Romains de vendre au printemps 1045, pour une somme de 1000 livres d’argent, sa dignité pontificale, à son parrain, l’archiprêtre romain Jean Gratianus, qui devint Grégoire VI (1045-1046)… »

La chronique scandaleuse des papes remplirait, hélas ! des volumes, et ces faits ne sont contestés par personne. Les théologiens de l’Église soutiennent à ce propos que ces papes indignes ont tout de même été, en dépit de leurs péchés, des maillons de la chaîne des successeurs des apôtres. A-t-on le droit de séparer de cette manière office et officiant, à la lumière de la Bible ? Comment ces indignes pouvaient-ils transmettre une dignité ? Comment ces hommes scandaleux peuvent-ils être les prédécesseurs de Sa Sainteté ? Peut-on à ce point, séparer doctrine et vie ?

Sans compter que les papes n’ont pas seulement erré en matière de conduite. La théologie de certains papes est discutable, et bien des historiens admettent par exemple que Libérius (352-366) fut arien, au moins à certains moments. En tout cas Jérome l’accusa d’hérésie. Or le fait que l’hérésie est une interruption de la chaîne est reconnue par Bellarmin, le grand docteur, en ce qui concerne les églises d’Orient (De notis Ecclesiae, 8) :

« La succession a été interrompue chez elles par le fait même de l’hérésie manifeste de plusieurs de leurs évêques… »

D’autre part, l’histoire nous apprend qu’il y a eu plusieurs fois deux papes en même temps, dont chacun était reconnu par une partie de l’Eglise d’Occident, lequel était le vrai ?

Nous ne croyons pas qu’il y ait eu succession véritablement apostolique d’évêque de Rome en évêque de Rome : il n’y eut qu’une succession formelle entre eux, avec des interrègnes et des lacunes.

Nous croyons, nous, en un héritage spirituel et religieux qui s’est transmis de génération en génération de chrétien à chrétien. Cette succession unit tous les rachetés de Jésus-Christ, et tous les ministres fidèles de l’évangile, à travers les âges. Tous ceux qui sont fidèles à l’enseignement des apôtres sont « apostoliques », et eux seuls. Ceux qui désobéissent, par leur vie ou leurs paroles, aux enseignements des apôtres ne peuvent être leurs légitimes successeurs.

II. Pourquoi l’Eglise est-elle Romaine et gouvernée par l’Evêque de Rome ?

L’Eglise Catholique a pour chef l’évêque de Rome, en qui elle voit le successeur de Pierre, le vicaire du Christ sur la terre. Il est le sommet de l’immense pyramide constituée par la hiérarchie catholique. Il est un monarque absolu. Tous les prêtres tiennent de lui leurs pouvoirs et doivent lui rendre compte de tous leurs actes.

L’évêque de Rome, appelé pape, c’est-à-dire le Père, dispose d’une merveilleuse organisation pour exercer S0n gouvernement spirituel et temporel.

Il a sous ses ordres d’abord la Curie Romaine, dont les membres occupent l’immense palais du Vatican. Elle comprend à l’heure actuelle onze Congrégations, qui sont comparables aux ministères des Etats laïcs, trois Tribunaux, cinq Commissions pontificales, et six Offices. Les bureaux de la Curie surveillent très étroitement tout ce qui se passe dans le monde catholique, et en dehors.

Le pape est ensuite assisté par le Sacré Collège des cardinaux, qui sont nommés par lui. Ce Collège n’a pas de pouvoirs propres en dehors de l’élection du pape, en conclave.

Le Souverain Pontife nomme et révoque les évêques, et ratifie l’élection des chefs des grands Ordres monastiques. Il est, d’après le canon 1518, l’administrateur de tous les biens ecclésiastiques. En fait, il dispose souverainement des immenses richesses accumulées au cours des siècles par l’Eglise. Il ne doit de comptes à personne, sur la terre.

Tous les fidèles lui doivent une obéissance inconditionnelle.

Son autorité souveraine s’étend à la doctrine, car son jugement est infaillible quand il définit un dogme.

Voilà d’ailleurs quelques articles du catéchisme romain (p. 114-120, 121) précisant les attributions de l’évêque de Rome.

« On appelle encore la véritable Eglise Eglise romaine, parce que les quatre caractères de l’unité, de la sainteté, de la catholicité et de l’apostolicité ne se rencontrent que dans l’Eglise qui reconnaît pour chef l’Evêque de Rome, successeur de saint Pierre. »

« Le Pape, que nous appelons aussi le Souverain Pontife, ou encore le Pontife Romain, est le successeur de saint Pierre sur le Siège de Rome, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre et le chef visible de l’Eglise… »

« … Le Pontife Romain est le successeur de saint Pierre parce que saint Pierre réunit en sa personne la dignité de l’Evêque de Rome et le chef de l’Eglise, et que, par un dessein de la Providence, il établit son siège à Rome et y mourut. Aussi, celui qui est élu Evêque de Rome est aussi l’héritier de toute son autorité. »

« … Le Pontife Romain est le vicaire du Christ parce qu’il le représente Sur la terre et qu’il tient sa place dans le gouvernement de l’Eglise. »

« … Le Pontife Romain est le chef visible de l’Eglise parce qu’il la dirige visiblement avec l’autorité même de Jésus-Christ qui en est le chef invisible… »

« … La dignité du Pape est la plus grande de toutes les dignités de la terre et elle lui donne un pouvoir suprême et immédiat sur tous les pasteurs et les fidèles. »

« … Le Pape ne peut se tromper, il est infaillible dans les définitions qui regardent la foi et les mœurs… »

« … Le Pape est infaillible seulement lorsqu’en sa qualité de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, en vertu de sa suprême autorité apostolique, il définit, pour être tenue par toute l’Eglise, une doctrine concernant la foi et les mœurs… »

« … L’infaillibilité du Pape fut définie par l’Eglise, au Concile du Vatican, et si quelqu’un osait contredire cette définition, il serait hérétique et excommunié. »

Ici, nous touchons un point très épineux. La papauté reste pour beaucoup de gens incompréhensible. Tâchons d’y voir clair. L’Eglise est romaine parce que son chef est à Rome, voyons donc cette question de la papauté, sous ses différents aspects.

1. Primauté de Pierre.

Voici le dogme de la primauté :

Le Christ lui-même a conféré le pouvoir du gouvernement aux apôtres de telle sorte que l’un d’entre eux, Pierre, reçut le premier rang ou la primauté. (De foi. PTD. II. 187).

EXAMEN BIBLIQUE ET HISTORIQUE

Les théologiens catholiques invoquent généralement pour défendre ce dogme le texte « tu es Pierre », de Matthieu 16.18.

Que veut dire ce fameux « Tu es Petrus et super hanc petram ?… » Contrairement à l’avis de nombreux théologiens protestants, je crois qu’il ne s’agit pas du témoignage de Pierre (le jeu de mot sur le nom de Pierre serait alors inexpliqué, même en faisant intervenir les deux genres du mot pierre dans ce passage, en latin et en grec). Jésus, ouvrier du bâtiment, cherche une image dans sa profession : c’est la pose de la première pierre. Il s’agit d’une reconnaissance par Jésus du fait que Pierre est la première pierre de l’Eglise. C’est beaucoup, mais c’est tout. Une pierre après laquelle sont venues s’ajouter une foule d’autres. C’est l’apôtre Pierre lui-même qui insiste sur cette image. 1 Pierre 2.4-6 : « Approchez-vous de lui, PIERRE VIVANTE, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu ; et vous- mêmes, comme des PIERRES VIVANTES, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’offrir des victimes spirituelles agréables à Dieu par Jésus-Christ. Car il est dit dans l’Ecriture : Voici, je mets en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse ; et celui qui croit en elle ne sera point confus. »

Le seul fondement est Christ. 1 Corinthiens 3.11 : « Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. »

Il ne s’agit en rien d’une PRIMAUTÉ, mais d’une PRIORITÉ.

On peut aussi faire remarquer qu’un an après la déclaration faite à Pierre, les disciples se disputent pour savoir qui est le plus grand (Luc 22.24-26). Or, Jésus ne répond pas, « Mais c’est Pierre ». Il est vrai qu’il y a eu une réinstallation de cet apôtre : Jean 21.15-17 : « Pais mes brebis. » Maïs il semble difficile d’y voir la remise d’une sorte de brevet de Pape à Pierre, alors qu’il est « attristé » par ce que lui dit Jésus… C’est une réhabilitation après un crime. Pierre, désormais pardonné, peut simplement reprendre sa place parmi les apôtres.

L’Eglise du Nouveau Testament ignore la prééminence de Pierre. Les apôtres délèguent à Samarie (Actes 8.14) Pierre et Jean, et rien dans le texte n’indique une supériorité quelconque reconnue à Pierre. Lorsque Pierre est envoyé par Dieu vers le centurion Cornelius (Actes 10) nous le voyons vivement pris à partie par les fidèles de l’église de Jérusalem (Actes 11.2). Loin de se justifier en invoquant sa souveraineté, l’apôtre explique humblement comment Dieu l’a conduit par une vision. C’est alors seulement que l’église cesse de l’accuser. Lorsque le premier « concile » se réunit à Jérusalem (Actes 15), il est présidé par Jacques et non par Pierre, et le « décret du concile » (Actes 15.22-29) est signé par « les apôtres, les anciens et les frères. » sans que Pierre, pourtant présent parmi les orateurs, soit mentionné particulièrement. Dans l’épître aux Galates (2.1-10), l’apôtre Paul parle de Pierre, pour préciser qu’il était reconnu comme « l’apôtre des juifs », alors que lui-même reçut une charge identique d’« apôtre des païens ». Dans ce passage l’apôtre Paul déclare (v. 9) que Jacques, Céphas (Pierre) et Jean sont regardés comme les « colonnes » de l’église (remarquons l’ordre de ces noms qui donne à Pierre la seconde place !). Un peu plus loin (Galates 2.11-14) Paul dit avoir résisté vivement à Pierre « parce qu’il était répréhensible. » Mieux que cela, Pierre lui-même (1 Pierre 5.1-4) se déclare ancien (presbytre) parmi les anciens et dit que seul Jésus est le Prince des Pasteurs !

Quant aux Pères de l’Eglise, ils contredisent souvent l’exégèse actuelle :

Voilà, par exemple, ce que dit Cyprien (Traité sur l’Unité de l’Eglise, paragraphe 4, 2e moitié du III siècle) :

« Le Seigneur dit à Pierre : Tu es Pierre et sur cette pierre… » et, au même, il redit après sa résurrection : « Pais mes brebis », et bien qu’il ait donné aux autres apôtres, après sa résurrection un pouvoir égal, en disant : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie» (Jean 20.21), pourtant afin de créer une unité, il arrangea, par son autorité, l’origine de cette unité, en tant que commençant par un seul. Assurément, le reste des apôtres avaient les mêmes attributions que Pierre.et étaient revêtus d’une part égale d’honneur et de puissance, mais le commencement procède de l’unité. »

Jérôme affirme que la pierre, dans Matthieu 16, c’est Christ. Car Pierre était une pierre :

« Fundata enim supra firmam petram quæ est Christus » (en vérité, fondée sur le rocher solide qui est Christ) (Commentaires du Psaume LX).

2. Primauté de l’Evêque de Rome.

Voici le dogme :

L’évêque de Rome possède, en tant que successeur de saint Pierre, en sa qualité de chef suprême de l’Eglise, le magistère suprême infaillible. (De foi. PTD. II 178).

D’après l’ordonnance du Christ, Pierre devait perpétuellement avoir un successeur dans sa charge de pasteur suprême, et ce successeur est l’évêque de Rome. (De foi. PTD, II. 193).

EXAMEN HISTORIQUE

Il est d’abord impossible de prouver que Pierre a vraiment été le premier évêque de Rome. Certes, une très ancienne tradition dit qu’il est mort dans cette ville, sous Néron, en 66, mais ce fut aussi le cas de Paul. Rien, dans le Nouveau Testament ou dans des documents contemporains, ne dit que Pierre, apôtre des juifs, est devenu l’évêque de Rome. En 58, l’Epître aux Romains montre que Pierre n’était pas dans cette ville. En 61, quand Paul y est prisonnier, Pierre n’y est toujours pas (Actes 28). La 2e Epître à Timothée, écrite de Rome, plus tard encore, ne parle toujours pas de la présence de Pierre dans cette ville. Il y a peut-être subi le martyre, c’est tout.

D’ailleurs les historiens catholiques eux-mêmes ne savent rien des débuts de l’église de Rome, et l’on ne sait rien des dix premiers noms figurant sur la liste traditionnelle des évêques de cette ville.

Pendant trois siècles, l’évêque de Rome n’exerce aucune autorité souveraine. Il est incontestable, cependant, que les églises les plus anciennement fondées prirent au cours des âges une importance de plus en plus grande. Plusieurs d’entre elles, comme Jérusalem, disparurent rapidement. Rome, par contre, nombreuse et influente, puisqu’elle avait parmi ses membres de hauts fonctionnaires de l’Empire, et, à partir de 315, l’Empereur et sa famille, devint une des églises les plus vénérées. Son chef était revêtu, par ce fait, d’une grande autorité. Progressivement il revendiqua des prérogatives particulières et la prééminence, mais les évêques des autres grandes églises luttèrent longtemps contre ces prétentions.

D’ailleurs les Pères de l’Eglise sont loin d’être d’accord sur la primauté de l’évêque de Rome.

Mgr Bartmann dit à ce propos :

« Tertullien… voudrait, au moyen d’une interprétation artificielle… représenter la primauté de Pierre comme une primauté purement personnelle et non transmissible… »

« Cependant saint Cyprien n’est pas parvenu à une conception parfaite de l’idée de primauté… » (PTD. II. 195).

Dans une lettre à Cyprien, à la fin du IIIe siècle, l’évêque de Césarée en Cappadoce, Firmilianus, écrit à propos de l’évêque de Rome Etienne :

« Grâce à la méchanceté d’Etienne, j’ai eu la preuve de votre foi et de votre sagesse. Mais bien que ce soit grâce à lui, il ne mérite certes ni gentillesse ni remerciements, car on ne peut pas être davantage reconnaissant à Judas pour les grands bienfaits que sa perfidie et sa trahison envers le Seigneur ont donnés au monde et aux Gentils par la Passion du Sauveur. »

Il parle de son orgueil et de son audace. Il dit ailleurs dans la même épître :

« Ceux qui sont à Rome se réclament en vain de l’autorité des apôtres… »

Le quatrième Concile, à Calcédoine en 451, décide (Canon XXVIII) :

« … Avec raison, les Pères ont élargi les droits de la ville (Rome), en raison de son caractère de ville impériale. Pour cette même raison, les 150 évêques ont décidé de donner les mêmes droits au Très Saint-Siège de la Nouvelle Rome (Byzance), à juste titre, estimant que la Ville, qui est honorée par l’Empire et le Sénat et qui a les mêmes privilèges que la vieille ville impériale (Rome), doit aussi être élevée en matière ecclésiastique, pour être la seconde à côté de l’autre. »

Il est aussi très important de noter que l’évêque de Rome pendant des siècles ne fut pas choisi par l’Eglise tout entière, ou par les évêques, mais, comme tous les autres évêques, par le peuple du diocèse. Il faudrait donc admettre que pendant longtemps le gouvernement de l’Eglise Universelle dépendait de l’autorité spirituelle du peuple de Rome ! Plus tard, pendant plusieurs siècles du moyen âge, nous avons vu (p. 33) que la nomination des évêques de Rome était faite par des factions politiques ou des familles patriciennes de la ville. C’est pour porter remède à ces graves abus, incompatibles avec la doctrine de la papauté, que le Synode Général de Lyon, en 1274, décida que l’élection du pape serait faite par l’ensemble des cardinaux réunis en conclave, c’est-à-dire sous clefs, à l’abri des influences du monde…

On pourrait ajouter que si le siège de Rome garantit la validité des pouvoirs du pape, comment peut-on admettre que les papes d’Avignon ont été de vrais papes ?

3. Le pouvoir des Clefs.

La primauté de juridiction du pape découle, d’après les théologiens catholiques (PTD II. 190) du fait qu’il détient les clefs du royaume des cieux et qu’il a le pouvoir de lier et de délier. Le détenteur des clefs est le maître de toute la maison et le pouvoir de lier et de délier implique non seulement l’autorité dans la doctrine et les comman- dements, mais encore la décision judiciaire sur tout ce qui s’oppose à cette autorité positive.

La question de la primauté est donc liée à la puissance des clefs, potestas clavium. Ce pouvoir de juridiction est revendiqué par le pape jusque par ses armoiries, qui sont des clefs. Cette puissance souveraine découlerait de la promesse de Jésus à Pierre (Matthieu 16.19) : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; ce que tu lieras sur la terre sera lié dans Les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » Jésus emploie ici une image parlante. L’église est une maison, il faut y entrer. C’est à Pierre que revient l’honneur d’en ouvrir la porte. Il le fit en réalité pour les trois catégories de personnes qui devaient entrer : Juifs, Samaritains et païens, comme nous le voyons dans les paroles de Jésus au moment de son ascension : (Actes 1.8) : « Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. » C’est Pierre qui ouvre la porte aux Juifs et prosélytes à la Pentecôte (Actes 2), aux Samaritains (Actes 8.14-25) et aux païens (Actes 10). Ensuite, la porte est restée ouverte, heureusement.

4. L’infaillibilité du pape.

Le Concile du Vatican, en 1870, a défini le dogme de l’infaillibilité pontificale, qui est de foi.

L’évêque de Rome possède, en tant que successeur de saint Pierre, en sa qualité de chef suprême de l’Eglise, le magistère suprême infaillible. (PTD II. 178).

Pour comprendre cette définition, il importe d’en préciser les conditions : 1° Le Pape doit agir comme docteur de la chrétienté entière et s’adresser à l’Eglise entière ; 2° Son enseignement doit porter sur une doctrine révélée concernant la foi ou les mœurs ; 3° Il doit agir avec la volonté de donner une décision dogmatique et non un simple avertissement où seulement une instruction générale ; 4° La raison de son infaillibilité réside dans une assistance officielle particulière du Saint-Esprit qui écarte toute erreur, et non dans une inspiration où une révélation de la part de Dieu, encore moins dans la nature humaine… ; 5° Les décisions prises sont irréformables d’elles-mêmes et non par l’adhésion de l’ensemble de l’épiscopat. (PTD II. 179).

EXAMEN BIBLIQUE ET HISTORIQUE

Malgré la distinction subtile des théologiens qui admettent que les papes ont pu se tromper dans leurs publications privées, comme les Encycliques par exemple, ou leurs discours, il paraît certain que des papes se sont trom.pés même dans leurs proclamations officielles.

Les docteurs catholiques « faillibilistes », qui s’opposèrent à ce dogme au siècle dernier, invoquèrent le cas des papes Honorius I (mort en 648) et Vigile (mort en 555), qui firent cause commune avec l’hérésie monophysite. On leur répondit que « dans le premier cas il s’agit seulement d’une faute de négligence et non d’une erreur positive de doctrine ; dans le second cas, il s’agit d’une attitude incertaine et hésitante produite par la pression extérieure et non d’une déclaration ex cathedra erronée » (PTD II. 182).

Ce dogme récent n’a été admis que de justesse par les pères du Concile du Vatican, et il a créé un schisme dans l’Eglise, car des docteurs catholiques de grande valeur ont refusé de l’admettre.

A la lumière de la Bible, ce dogme est inacceptable, car le texte invoqué par le concile : Luc 22.31-34 : « toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » et qui, d’après Mgr Bartmann, est le plus probant (PTD II. 180), fait au contraire allusion à la chute prochaine de Pierre qui va renier trois fois son Maître ! C’est une preuve de la faillibilité de l’apôtre, qui dut se repentir avant de pouvoir être, par sa conversion, un témoin de la grâce de Dieu pour Les pécheurs.

On peut citer aussi Matthieu 16.23 : « Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : Arrière de moi, Satan, tu m’es en scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. » Ces paroles furent dites par Jésus juste après Le « tu es pierre… ».

5. Conclusion sur la papauté.

Pendant longtemps l’Eglise chrétienne n’a pas eu de chef universel reconnu juridiquement. Ainsi, au VIe siècle, Grégoire le Grand, évêque de Rome, reproche à l’évêque Jean de Constantinople d’avoir pris le titre d’évêque universel, non parce que c’était le titre exclusivement attaché au siège de Rome, mais parce que c’était une prétention qui lui paraissait impie :

« Par quelle audace et par quel orgueil vous efforcez-vous de vous emparer de ce titre nouveau qui peut scandaliser tous les frères ?… S’emparer de ce titre impie, c’est imiter Satan, Que direz-vous au terrible jour du Jugement à venir, vous qui aspirez à être appelé dans ce monde non seulement Pape, mais Pape universel ? » (Que dit le Christ ? page 70).

Parce que Rome était ville impériale, son évêque a pris peu à peu de l’importance. A la chute de l’Empire, l’Eglise a repris les privilèges et les droits des Empereurs. L’Eglise catholique est vraiment romaine, dans ce sens qu’elle a conservé l’essentiel de la civilisation de Rome dans ses lois et ses institutions, pour le meilleur et le pire. Le pape n’a-t-il pas pris jusqu’au titre du chef religieux païen de Rome, le Souverain Pontife (Pontifex maximus, faiseur de ponts, chef des prêtres) ? C’est dans cet héritage qu’il faut chercher l’origine de la prépondérance actuelle de l’évêque de Rome sur la chrétienté.

III. L’Eglise du Nouveau Testament.

Il est très intéressant de constater que Jésus n’a prononcé que deux fois le mot « église ».

La première fois, Matthieu 16.18 : « Je bâtirai mon Eglise », il parle du résultat de son œuvre, qu’il compare à un édifice dont il est le constructeur. Et dans les Actes des Apôtres (2.47) le texte sacré nous montre comment le Christ agit : « Le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés. » De nombreux passages dans les Epîtres apostoliques indiquent clairement que l’Eglise est le peuple de Dieu, comprenant tous ceux qui ont été sauvés par le Christ.

La seconde fois que Jésus mentionna l’Eglise, c’est dans un autre sens (Matthieu 18.15-17) : « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul, s’il écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Eglise. » Ici l’Eglise, c’est un groupe de personnes qui se connaissent et vivent, près les unes des autres. C’est une église locale. Nous en voyons plusieurs exemples dans le Nouveau Testament, ainsi nous y trouvons l’église d’Antioche, celle de Jérusalem, les églises de Galatie, etc…

Le mot église a donc, dans la bouche de Jésus, un sens large et un sens étroit. Les apôtres ont pris ce mot de la même manière ; et nous voyons qu’il y a pour eux des églises situées dans le temps et l’espace, groupes locaux dont les membres affirment être chrétiens (mais des faux frères se glissent souvent parmi eux) et l’Eglise, vue dans son aspect d’éternité, groupant les rachetés de tous les peuples et de tous les temps. On a parfois dit, pour distinguer ces deux notions, qu’il y a les églises visibles et l’Eglise invisible. Ce terme ne me paraît pas tout à fait juste, car l’Eglise Éternelle est une réalité visible sur la terre dans ses membres véritables. Il serait préférable (mais plus long) de dire l’Eglise-dont-les-membres-ne-sont-connus-avec-certitude-que-de-Dieu-seul.

C’est cette Eglise idéale, éternelle qui est appelée par les apôtres l’Epouse du Christ ou son Corps (Ephésiens 5.22-32).

Cette image est extrêmement importante pour nous faire comprendre les relations spirituelles unissant l’Eglise à Jésus-Christ, mais elle a été l’objet d’interprétations dangereuses, que nous allons examiner.

1. L’Eglise Corps de Christ.

L’Eglise Catholique affirme que cette image enseigne que l’Eglise continue sur la terre l’œuvre de Jésus-Christ, et qu’elle s’est, en quelque sorte, substituée à lui. Jésus aurait, dans son corps mystique, l’Eglise, une sorte de nouvelle humanité, « une humanité de surcroît », qui serait une véritable incarnation. Les catholiques se servent de textes comme celui de Colossiens 1.24 : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous ; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l’achève en ma chair, pour son corps », pour montrer que l’Eglise (et son chef, le Pontife) est véritablement le CORPS de Jésus-Christ, aussi réel que celui dans lequel il s’incarna, dans la crèche de Bethléem. C’est un corps dont Jésus se sert, comme il s’est servi de l’autre, pour entrer en contact avec les hommes : les toucher, leur parler, les voir. C’est le corps dans lequel il se rend visible au monde. Cette idée est magnifique ; elle semble confirmée par un grand nombre de passages de l’Écriture : « Son corps, qui est l’Eglise… » (Colossiens 1.25), etc. L’Eglise, c’est Jésus présent. C’est beau, mais est-ce vrai ?

Si ce n’est pas vrai, c’est extrêmement dangereux, car le fidèle ne s’occupera pas du Jésus qui a vécu il y a vingt siècles sur la terre, s’il a, en face de lui, un Jésus présent, en plein XXe siècle.

Il est donc.capital de voir si cette notion d’incarnation est vraiment biblique.

L’Eglise est-elle une nouvelle incarnation de Jésus-Christ ?

Pour le Nouveau Testament, l’Eglise est vraiment le corps du Christ, c’est incontestable, mais la tête de ce corps, c’est le Christ, ne l’oublions pas (voir toute l’épître aux Ephésiens). Le corps ne peut être décapité. Sa tête (Jésus-Christ) est « dans les lieux célestes » (Ephésiens 1.20-28). C’est un peu comme un nageur dont le corps est dans un autre élément que la tête. L’Eglise est sur la terre, tandis que son chef est « dans les lieux célestes » : elle ne peut avoir de vie et d’efficacité que par lui. Nous voyons par là qu’il s’agit donc d’une incarnation d’une tout autre NATURE que la première. Ce n’est pas un corps charnel, physique, matériel que Jésus prend.

En vérité, l’Eglise sur la terre est un corps sans tête visible, puisque précisément sa tête est dans les lieux célestes. L’incarnation de Jésus-Christ dans l’Eglise n’est pas comme l’autre. Ce n’est pas une descente dans la chair et le sang, car la chair et le sang de la première incarnation ont été offerts et répandus une fois pour toutes ; voilà le nœud de la question, il faut le voir. La première incarnation de la crèche à là croix a été physique, matérielle, visible ; Jésus agissait au moyen de bras, de pieds, d’un corps matériel. La seconde incarnation débute à la Pentecôte, elle est spirituelle, invisible, incontrôlable par des critères humains. Elle n’est en aucune façon charnelle, Jésus est lié à son corps par l’Esprit Saint qui agit dans les esprits et les cœurs !

C’est là que le fossé se creuse entre les catholiques et les évangéliques.

Pour les catholiques, l’Eglise est une organisation hiérarchisée, une institution visible, dont les limites sont précises à vues humaines. Le Corps du Christ de la seconde incarnation est donc visible, connaissable (nous en avons vu les critères). Il a fallu une tête à ce corps. Un corps aussi matériel ne peut vivre décapité : il a fallu un vicaire au Christ (malgré le silence des Evangiles à ce propos). Ainsi, le Pontife Romain a pris la place du Christ : quand il parle, c’est la bouche du Christ qui parle. C’est logique, mais ce n’est pas dans l’Evangile.

En outre, la thèse catholique donne à l’élément humain, dans l’Eglise, une importance dangereuse. Sa conception « physique » et visible de l’Eglise est une sorte de réhabilitation de l’Homme. Par le moyen de ce corps, Dieu se sert tout de même de l’homme qui n’est donc pas tout à fait mauvais. Cette seconde incarnation est une sorte d’exaltation de la nature humaine, dans laquelle Dieu habite, et à laquelle il délègue ses vertus. N’est-ce pas contraire à l’Ecriture ? Le Nouveau Testament tout entier nous apprend que la venue du Fils de Dieu dans une nature semblable à la notre a été la preuve de notre incapacité de nous sauver nous-mêmes. Cette chair a dû être clouée sur la Croix et détruite. L’homme n’est sauvé que s’il consent à MOURIR. Il ne vit plus dans l’Église de sa vie propre, mais de la Vie du Christ ressuscité qui lui est attribuée comme un don. C’est « par l’Esprit » qu’il vit et non plus « par la chair ». L’Eglise n’est plus l’Eglise de l’Esprit dans la mesure où elle s’appuie sur le « bras de la chair ».

Ainsi, la doctrine catholique se trouve opposée diamétralement aux affirmations de Jésus-Christ selon lesquelles « la chair ne sert de rien » (Jean 6.63).

2. Importance de la doctrine biblique de l’Eglise.

Dans tous les domaines, nous aboutirons au même principe et à la même optique. Dans le cas de la papauté par exemple, les catholiques sont logiques et nous aussi, nous qui ne voulons obéir qu’à l’Ecriture Sainte. Il faut prendre conscience de ce fait, car de nombreux protestants aujourd’hui sont peu à peu gagnés par l’idéal romain, sans comprendre où cela les mène irrémédiablement. N’oublions pas que le système catholique est le mieux échafaudé, le mieux construit en partant de cette base. Ces prémisses sont-elles bibliques ? Jésus a-t-il, oui ou non, transféré à son Église — son corps — ses vertus propres en les détachant, en quelque sorte, de lui-même ? Nous répondons : Non ! Nous affirmons sans hésiter que nous ne sommes, en vérité, que le reflet, la projection, dans ce monde, d’une réalité qu’il est lui essentiellement. Nous n’existons pas en dehors de lui.

Pour appuyer notre point de vue sur l’Ecriture, il suffit d’étudier l’argumentation de l’apôtre Paul, dans sa lettre aux Romains : la chair, le vieil homme, le corps sont opposés à l’esprit. La vie en Christ est une vie de l’Esprit. Le corps physique y participe dans la mesure où il renonce à lui-même. L’Epître aux Ephésiens insiste sur les liens spirituels qui existent entre Jésus et son épouse. Nous sommes physiquement le temple du Saint-Esprit, mais la chair ne sert de rien. L’Eglise, c’est la totalité des hommes sauvés par Jésus-Christ, régénérés et habités par l’’Esprit-Saint. Dieu seul peut savoir qui en fait partie. Insister sur l’aspect « visible » de l’Eglise, ne pas reconnaître sa seule réalité spirituelle, c’est faire le premier pas vers l’erreur. Alors l’Eglise visible au lieu d’être un lien entre l’homme et le Christ devient une sorte d’écran masquant la personne du Christ, qui n’est plus accessible directement, alors qu’il est LE chemin. Faisons attention. Tout dépend, en quelque sorte, de notre doctrine de l’Eglise. Nous l’oublions trop souvent.

Les deux positions se révèlent, par exemple, dans l’interprétation du fameux dogme : « Il est nécessaire à tous les hommes d’appartenir à l’Eglise pour obtenir le salut » (De foi, PTD II. 166) que l’on connaît sous sa forme populaire : « hors de l’Eglise, pas de salut ».

Nous sommes d’accord s’il s’agit de l’Eglise éternelle de Jésus-Christ, spirituelle et non incarnée. C’est conforme à l’enseignement biblique, et c’est logique puisque tous les rachetés de Jésus-Christ en font partie par définition. Par contre, si par Eglise on entend une société terrestre, historique, visible, incarnée, nous protestons, car nous voyons à travers les âges qu’en dehors de l’Eglise « officielle » il y a eu d’authentiques chrétiens. Les registres d’une église terrestre, si nombreuse et puissante soit-elle, ne sont pas le « livre de vie », où sont inscrits par Dieu Les noms des rachetés, qu’on ouvrira lors du jugement dernier (Apocalypse 3.5 et 20.12).

CONCLUSION

Pour conclure notre chapitre sur l’Eglise, nous citerons cette déclaration d’un théologien réformé, Charles Hodges, sur les églises évangéliques :

« Ces églises séparées demeurent dans l’unité :

  1. Parce qu’elles sont soumises au même Seigneur, animées par le même Esprit et professent la même foi ;
  2. Parce qu’elles se reconnaissent mutuellement comme des églises, tout comme chaque chrétien reconnaît un frère en la foi en tout autre chrétien, et qu’en conséquence elles admettent la validité des actes de discipline, des rites et des ministères des autres églises ;
  3. Parce qu’elles constituent un corps soumis à la juridiction d’un tribunal commun. Au début ce tribunal était les apôtres, aujourd’hui c’est la Bible et l’enseignement de l’ensemble des églises, exprimé tantôt d’une manière tantôt d’une autre. » (Eternity, juin 1958).

Nous ajouterons que ce consensus universel des églises évangéliques, fidèles à la Bible, sans se trouver dans un dogme formulé ex cathedra, se manifeste clairement de bien des manières, notamment dans des livres ou des cantiques admis par tous.

L’unité spirituelle de l’Eglise Véritable du Christ sur la terre est une réalité merveilleuse, sensible à tous les croyants évangéliques, malgré leur apparente diversité.

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