J’en viens maintenant, en troisième lieu, à mes réponses aux objections que certains pourraient élever contre ce qui a été dit précédemment.
D’aucuns seront prêts à dire que si les Chrétiens se mettent à fixer des jours périodiques de prière, chaque semaine, chaque trimestre, année après année, dans le but que nous nous proposons, il en résultera une institution de saisons spéciales, d’origine humaine, et devant être observées religieusement devant le Dieu saint ; or ce serait justement faire là ce contre quoi d’éminents protestants se sont insurgés : ajouter au culte voulu par Dieu des inventions d’hommes, lier les consciences par des règles injustifiables, et finalement promouvoir la superstition.
Je qualifierais cette objection contre le Mémoire d’Union dans la prière qui nous a été soumis, de totalement injuste. Car en vérité, il n’y a dans la manière dont ce projet est rédigé aucune ombre d’incitation à la dérive superstitieuse ; en le lisant bien, le plus faible des chrétiens n’y trouvera rien des pratiques dénoncées par les grands théologiens protestants, comme chargeant les consciences et ajoutant aux commandements divins. — Les auteurs du Mémoire ne prétendent pas d’ailleurs exercer une quelconque autorité, ils n’imposent rien de leur propre chef, mais ils préfèrent au contraire transmettre les directions et les améliorations suggérées par d’autres.
Aucun des jours de prière, que Dieu lui-même n’a pas sanctifié, n’est indiqué comme devant être plus saint, plus honorable, plus digne de respect que les ordinaires ; ces temps sont choisis sans relation avec des personnes ou avec des choses saintes, ou avec de grands évènements providentiels, mais uniquement en fonction des circonstances, de la disponibilité par rapport aux affaires du monde, de la facilité à mémoriser la date etc. Personne n’essaie de placer des obligations morales sur les autres, ou de les inciter, en usant d’autorité ou de promesses, à se considérer eux-mêmes comme liés ; ni même de les pousser à mettre des jours à part de leur travail, qu’ils ne pourraient ensuite changer selon les circonstances. Il n’est demandé à chacun que d’agir selon son propre jugement et inclination, et que d’encourager les frères qui partagent le même sentiment de se joindre à eux dans cette union. Est-ce là édicter des règles de conscience ou de religion, ou rajouter des institutions humaines à celles de Dieu ? Y-a-t-il là une quelconque imposition d’autorité, ou de respect superstitieux de dates, ou d’occasion d’asservir la conscience d’autrui ?
Certes il peut être dangereux pour les hommes d’établir des lois relatives au culte, précisant les lieux, les temps, et l’ordre, tandis qu’aucune loi divine ne les indique. Mais à coup sûr, il n’est pas interdit ou inapproprié aux Chrétiens de s’entendre sur ces modalités, puisqu’aucun culte public ne serait possible autrement. Rien dans les Écritures n’ordonne de se réunir pour adorer Dieu en tel lieu, à tel jour, à telle heure. Nous ne sommes donc pas tenus par un règlement biblique d’organiser le culte selon un ordre précis, de chanter, de prier, de conclure suivant un séquence immuable. Et quand les Chrétiens d’une assemblée particulière s’entendent là-dessus, nul ne songe à les accuser de superstition. Pareillement si un grand nombre de congrégations, à travers tout le pays, s’accordent sur une même méthode du culte, personne n’y trouve à redire. Par contre, vouloir lier tout le monde sous une unique façon de faire serait une usurpation d’autorité, et si de plus cette organisation particulière était considérée comme sacrée, et seule acceptable par Dieu, ce serait alors de la superstition. Que des Chrétiens s’accordent pour se retrouver et s’édifier ensemble le dimanche soir, que d’autres, une fois par mois, aillent assister à une conférence publique à l’église, ce n’est pas de la superstition, bien qu’il n’y existe aucune institution pour cela. Que certains Chrétiens décident de jeûner tous ensemble le même jour, tandis que d’autres préfèrent jeûner chacun à leur tour, en quoi cela relèverait-il de la superstition ?