Comment se fait-il, ô mon Dieu, que je croie en toi, en ton Fils, à ton Évangile, et que je redoute d’en parler au monde incrédule et moqueur ? Suis-je donc plus jaloux de ma vanité que de ta gloire ? Se peut-il que j’aime mieux laisser tomber l’impie sous la condamnation, que de voir un sourire effleurer, ses lèvres à l’ouïe de mes paroles évangéliques ? Ah ! si ma foi est réelle, ma vanité l’est bien plus encore ! elle m’épouvante ! Mais si je n’ai pas de foi, pourquoi donc me bercer moi-même de vaines espérances ? pourquoi me nourrir d’un pain que je dédaigne de jeter aux autres ? Mon Dieu, mon cœur est un abîme ; vainement j’y plonge du regard, je ne puis le sonder jusqu’au fond ! Maintenant, je comprends Paul s’écriant : « Je n’ai pas honte de l’Évangile de Christ, » c’est qu’il savait cette honte naturelle à notre cœur corrompu. Je comprends Jésus disant : « Celui qui me reniera devant les hommes, sur la terre, je le renierai devant mon Père, dans les cieux ; » c’est qu’il me voyait d’avance aux prises avec cette terrible tentation. Il a voulu, par ses avertissements m’éviter ces chutes ; et, malgré ses précautions, moi, j’ai voulu tomber ! Si du moins j’étais toujours sincère avec moi-même ! mais non, je me paye de vains prétextes, je prétends que mes paroles chrétiennes, adressées à l’incrédule, seraient perdues ; je me dis qu’il ne faut pas jeter les perles devant les pourceaux ; et ainsi, je juge les hommes pires qu’ils ne sont, afin de conserver une bonne opinion de moi-même, jusque dans mon péché. Seigneur, fais-moi rougir, dès ici-bas, de tant de faiblesse, pour que je n’aie pas à en rougir là-haut ! parle à ma conscience, délie ma langue, et que je te confesse, même en présence du blasphémateur, te laissant le soin de venger ta gloire, mais ne craignant jamais de parler, moi qui tremble devant ceux qui devraient trembler !