Puisque nous avons démontré que l’abrogation de la circoncision charnelle et de la loi ancienne a eu lieu dans son temps, il nous reste encore à prouver que l’observance du sabbat n’a été aussi que temporaire. Les Juifs nous disent que, « dès l’origine, Dieu sanctifia le septième jour, en se reposant ce jour-là des œuvres de la création. » De là vient, ajoutent-ils, que Moïse dit au peuple : « Souvenez-vous du jour du sabbat pour le sanctifier. Tu ne feras ce jour-là aucune œuvre servile, » excepté ce qui concerne le salut de l’âme. Nous en concluons que nous devons célébrer le sabbat, en nous interdisant toute œuvre servile, non pas seulement le septième jour, mais dans tous les temps. Il s’agit maintenant de chercher quelle espèce de sabbat Dieu nous ordonnait de garder. Les Écritures, en effet, nous parlent d’un sabbat éternel et d’un sabbat temporaire. Le prophète Isaïe dit : « Mon âme hait vos sabbats. » Et ailleurs : « Vous avez profané mes sabbats. » Nous reconnaissons par-là que le sabbat temporaire appartient à l’homme, tandis que le sabbat éternel remonte à Dieu. C’est de ce dernier sabbat qu’il a dit d’avance par la bouche d’Isaïe : « De mois en mois, de sabbat en sabbat, toute chair viendra et m’adorera dans Jérusalem, dit le Seigneur. » Cette merveille s’est accomplie à l’avènement de Jésus-Christ, lorsque toute chair, c’est-à-dire toute nation, est venue adorer dans Jérusalem Dieu le Père par Jésus-Christ son Fils, comme il avait été annoncé par le prophète : « Voilà que les étrangers iront à toi par moi. »
Ainsi avant ce sabbat temporaire, un sabbat éternel avait été annoncé et signalé d’avance, de même qu’avant la circoncision de la chair avait été prédite la circoncision de l’esprit. Que l’on nous montre donc, ainsi que nous l’avons déjà demandé, qu’Adam observa le sabbat ; ou qu’Abel, qui offrait à Dieu une hostie sainte, lui a plu par son respect pour le sabbat ; ou qu’Enoch, qui a été miraculeusement enlevé à la terre, a honoré le sabbat ; ou que Noé, auquel échut l’honneur de construire l’arche pour sauver le genre humain du déluge, sanctifia le sabbat ; ou qu’Abraham offrit à Dieu Isaac son fils dans la célébration du sabbat ; ou bien enfin que Melchisédech admit dans son sacerdoce la loi du sabbat.
— Mais, vont nous dire les Juifs, il faut observer le sabbat depuis, que le précepte en a été donné par Moïse.
— Il est donc manifeste par-là, qu’un précepte qui devait cesser, n’était ni éternel ni spirituel, mais seulement temporaire. Enfin, il est si vrai que la célébration de cette solennité ne réside pas dans l’observance du sabbat, c’est-à-dire du septième jour, que Jésus, fils de Navé, au moment où il assiégeait la ville de Jéricho, dit au peuple, que Dieu lui avait ordonné de recommander aux prêtres de porter l’arche d’alliance pendant sept jours autour de la ville. Le dernier tour du septième jour ne sera pas plutôt achevé, ajoutait-il, que les remparts crouleront d’eux-mêmes. Ses ordres furent exécutés. A la fin du septième jour, les remparts tombèrent, ainsi qu’il avait été prédit. Il nous est prouvé manifestement par-là que le jour du sabbat se trouva compris dans le nombre de ces sept jours. En effet, quel que soit le moment où on les fait commencer, il faut nécessairement qu’ils renferment le jour du sabbat, et que ce jour-là non seulement les prêtres aient vaqué à une œuvre servile, mais qu’une cité tout entière ait été la proie d’Israël, qui la passa au fil de l’épée. Qu’ils aient accompli une œuvre servile, le fait n’est pas douteux, puisque, d’après l’injonction de Dieu, ils se livraient aux déprédations de la guerre.
Aux temps des Machabées, les Juifs combattirent vaillamment plus d’une fois le jour du sabbat, triomphèrent des ennemis étrangers, et par ces batailles livrées le jour du sabbat, rappelèrent la loi de leurs pères à son intention et à son but primitifs. Je n’imagine pas qu’ils aient défendu une autre loi que celle où il leur était prescrit de se souvenir du jour des sabbats. Preuve convaincante que les préceptes de cette nature ont été en vigueur pour un temps et à cause des nécessités du moment, mais que Dieu ne leur avait pas donné primitivement cette loi pour qu’elle fût éternellement observée.