Pères, n’irritez pas vos enfants de peur qu’ils ne se découragent.
« Mon père était intraitable, me déclarait une chrétienne. Il avait toujours raison, même s’il était évident qu’il s’était trompé. Tout dialogue avec lui était exclu et nos larmes ne l’atteignaient pas. Parfois, il m’obligeait à lui demander pardon à genoux pour des fautes sans gravité. Son intransigeance et sa superbe me révoltaient … »
Tels étaient – dit-on – les pères d’autrefois. Par réaction sans doute, les nouvelles générations se voulant plus généreuses, ont chaviré dans un autre excès, le laxisme bon enfant aux résultats tout aussi pitoyables.
L’autoritarisme n’est pas l’autorité. L’un est pur produit de l’orgueil et de l’égoïsme ; l’autre est fruit de l’amour. L’autoritaire abuse de l’autorité que lui confère sa position de chef de famille. Le père aimant acquiert de l’autorité. C’est différent.
Mais sans remonter aux jours d’autrefois, ne serions-nous pas autoritaires à nos heures ? Je le suis lorsque je coupe la parole à mon garçon qui tente de m’éclairer :
— Un enfant ne doit pas répondre à ses parents. Compris ?
C’est vrai, à condition qu’il ait eu la possibilité de s’expliquer. Lui refuser ce droit et le punir sans l’avoir entendu équivaut à une brimade. L’enfant est une personne entière et non un objet que l’on manipule ou bouscule sans ménagement. Si répliquer est inacceptable, s’expliquer par contre est chose légitime. L’autoritaire se reconnaît aisément : il a peu d’égard pour la personne d’autrui.
Un père devrait être heureux de pouvoir dialoguer librement avec son enfant afin d’évaluer plus lucidement l’importance de sa faute, par exemple. Et s’il a visiblement dramatisé les faits, il consentira à reconnaître ses torts :
— Tu sais, hier soir, j’étais sur les nerfs lorsque je t’ai giflé. Je me suis montré injuste. Je le regrette et te prie de me pardonner cet excès. La punition que je t’ai infligée vaudra pour une autre fois. Tu me le rappelleras si j’oublie. D’accord ?
L’homme qui s’humilie acquiert estime et autorité ce qui n’est pas le cas pour celui qui ne plaide jamais coupable.
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Égoïste, le père autoritaire n’a cure de faire plaisir et c’est son propre intérêt qu’il poursuit : « Mon père était terriblement exigeant, m’avouait sa fille. Il fallait tout lâcher pour le servir. Ma mère elle-même devait se plier à sa volonté et abandonner une activité pressante pour … lui tendre un marteau ou remonter la pendule. Elle ne s’est jamais plainte mais je la voyais souffrir … ».
Tel est l’homme sans cœur. S’il surprend ses enfants en train de jouer, il ne craint pas d’interrompre une partie passionnante pour envoyer l’un d’eux poster d’urgence une lettre qu’il pouvait fort bien déposer plus tard.
Un père aimant s’y prendra autrement :
— Jacques, dira-t-il, lorsque votre partie sera achevée, file donc à la « boîte » me glisser ce mot. Mais attention, pas après six heures. Je compte sur toi.
Votre petit demande-t-il :
— Papa, puis-je aller jouer dehors avec les copains ?
La réponse d’un père autoritaire sera catégorique :
— Non, tu te salirais. Il y a trop de boue sur la place.
N’est-il pas préférable de conseiller, pour le même motif ?
— J’accepte, mais va mettre tes bottes et tes vieux pan- talons. Évite ainsi de donner de la peine à maman qui a beaucoup à faire.
Vous êtes autoritaire si vous donnez vos ordres sans ménagement, sans prendre le temps d’expliquer, de faire appel au bon sens de l’enfant, sans demander sa participation ni s’assurer qu’il a bien enregistré ou compris ce qui lui était demandé. Etes-vous brusque, cassant, devant les vôtres ?
Si votre enfant exprime un désir :
— Aujourd’hui, j’ai envie de mettre mon blouson pour aller à l’école.
Votre réponse sera peut-être sèche et définitive :
— Pas du tout. Tu feras ce qu’on te dit. Tu enfileras ton anorak, un point c’est tout. Allez, ouste !
Ne vaut-il pas mieux, dans ce cas, faire appel à son bon sens ?
— Va voir le thermomètre. S’il fait plus de dix degrés, je t’autorise à prendre ton blouson. Sinon, endosse ton anorak qui est nettement plus chaud.
— Bigre, il fait moins un. Alors pas de problème, j’opte pour l’anorak.
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Une grand-maman recevait ses petits enfants qui restèrent sur le pas de la porte sans ouvrir la bouche. Elle eut le réflexe combien naturel de les gronder :
— Et alors, on ne dit pas bonjour à sa mémée ? Petites impolies !
Néanmoins, elle se ravisa et crut plus sage d’agir autrement. Elle savait qu’on obtient davantage en prenant le temps d’expliquer les choses avec calme et douceur. Elle prit donc les deux fillettes tout près d’elle et, sans élever la voix, leur dit en gros ceci :
— Vous avez vu comment votre papa accueille sa maman lorsqu’elle vient vous voir ?
Les deux petites de secouer la tête, fort intéressées.
— Eh bien, chaque fois qu’elle lui rend visite, il va au devant d’elle, la salue gentiment et l’embrasse avec affection. Ne voudriez-vous pas imiter votre papa, faire comme lui, comme de grandes personnes ? En tous cas, ça me ferait un grand plaisir si vous veniez m’embrasser et me dire : « Bonjour, Mémée » !
Dans les jours qui suivirent, la grand-mère eut la surprise et la joie de constater que la leçon avait porté (une leçon à réviser de temps à autre cependant). Maintenant, les gamines accourent vers elle pour lui sauter au cou.
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Après lecture de ce chapitre, les mères de famille nombreuse objecteront qu’il n’est guère aisé de se contrôler lorsque la nichée, surexcitée au terme d’une journée de pluie, transforme le salon en champ de bataille, ajoutant au désordre affligeant, des dégâts matériels plus désagréables encore. « Alors, disent-elles, mues par l’exaspération plus que par l’amour, nous distribuons au petit bonheur gifles et semonces ».
C’est vrai ! Les mamans ont droit avons-nous dit, à des trésors d’indulgence aussi me garderai-je d’accuser d’autoritarisme une mère qui s’emporte en de telles circonstances. Lorsqu’elles sont à bout, les épouses font « comme elles peuvent » et avec l’énergie qui leur reste, regrettant parfois leur vivacité l’instant d’après. Pour les rassurer, nous préciserons qu’ici nous visons spécialement les pères (l’avez-vous remarqué ?). Ainsi fait la Bible (Éphésiens 6.4). Plutôt que de « planer » (il y a des maris qui passent dans le foyer sans rien voir) ou de tonitruer avec démesure en bousculant hors de propos, le chef de famille a le devoir de rétablir l’ordre et d’exercer la discipline pour libérer le plus possible la maman de cette délicate mission. Or, trop souvent l’homme se désintéresse de l’éducation de ses en- fants, prétextant que là n’est pas sa besogne.
Quoiqu’il en soit, pas d’autoritarisme à la maison mais une fermeté faite de patience et de douceur.
LES PARENTS S’INTERROGENT