Je lui ai donné du temps pour se repentir.
Que diriez-vous d’un analphabète qui oserait tenir tête à un docteur ès sciences au sujet des théories d’Einstein ? Il se couvrirait de ridicule. Bien plus stupides sont les gens qui entrent en contestation avec Dieu et prétendent lui donner des leçons. La Bible ne les ménage pas. Elle les taxe de fous. D’ailleurs, ces bavards ne nous apprennent rien lorsqu’ils déclarent, outrés : « Ah, parlons-en de votre Dieu ! Notre planète est une vraie jungle ! Et le ciel ne semble guère s’en émouvoir, car les méchants triomphent sans qu’ils soient inquiétés. Aux fripouilles le succès et l’abondance ; aux honnêtes gens la médiocrité et le malheur. Toujours les mêmes qui trinquent ! »
Ces propos ne datent pas d’hier puisque le psalmiste les tenait déjà : Les méchants dans leur orgueil poursuivent les malheureux… Les voies du méchant réussissent en tout temps. Il tue l’innocent dans les lieux écartés. Il dit en son cœur : Dieu oublie ! Il cache sa face, il ne regarde jamais !… Tu ne punis pas… (Psaumes 10.2, 5, 8, 11, 13 ; lire le Psaume 73).
Si vous interrogez ces raisonneurs :
— Mais alors, que devrait faire un Dieu de justice face à tant de désordres et de souffrances ?
La réponse tombe, invariable :
— Eh bien ! Frapper les méchants et récompenser les bons. Séance tenante ! Ce serait la plus élémentaire des justices.
Raisonner ainsi est pure folie. Soyons heureux au contraire que le Seigneur reste sourd aux suggestions de ces « braves gens » qui, à n’en pas douter, se rangent dans la catégorie des bons dignes des faveurs du ciel. Qu’ils se connaissent peu ! Où serions-nous si le Maître jugeait sans retard ses créatures et leur infligeait le châtiment qu’elles méritent ? Pensez ici à la fin tragique d’Ananias et de Saphira, qui furent l’un et l’autre foudroyés pour une simple entorse à la vérité (Actes 5.1-11). Et qui peut se targuer de n’avoir jamais menti ? Si le Dieu de sainteté frappait tous les menteurs comme il le fit jadis à Jérusalem, il n’y aurait âme qui vive sur notre planète. C’est pourquoi, bénissons le Seigneur de ce qu’il n’intervient pas comme d’aucuns le souhaitent. Et surtout, ne l’accusons pas de se boucher les yeux et les oreilles. S’il tarde et reste muet, c’est qu’il est déterminé à nous sauver. Il veut accorder à chacune de ses créatures le temps de se repentir (Apocalypse 2.21). Aussi dois-je me persuader que chaque journée qu’il m’est donné de vivre ici-bas est une grâce, un don de Dieu des plus précieux qu’il importe de mettre à profit.
En effet, le Dieu souverain dispose du temps. Il tient mes temps dans sa main (Psaumes 31.16). Il a, de toute éternité, fixé la durée de mon passage sur la terre : Quand je n’étais qu’une masse informe… sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui étaient fixés, avant qu’aucun d’eux existe (Psaumes 139.16). Maître absolu du temps, c’est lui qui fait mourir et vivre (Deutéronome 32.39) et peut, à son gré, allonger ou raccourcir la durée de la vie comme ce fut le cas du roi Ézéchias qu’il gratifia de quinze années supplémentaires (2 Rois 20.6). De même, il a le pouvoir de l’interrompre, comme il le fit pour Ananias et Saphira.
Mon cœur bat-il encore aujourd’hui ? Merci à Dieu pour ce temps de grâce ; ne le gaspillons pas. Il est accordé à l’homme dans un triple but :
1. Celui de donner à toute créature le temps de se repentir. Le Dieu sauveur tarde à juger parce qu’il ne veut pas surprendre l’homme dans sa révolte et ses reniements. Le Seigneur ne retarde pas l’accomplissement de sa promesse comme quelques-uns le pensent. Il use de patience envers vous, il ne veut pas qu’aucun périsse, mais il veut que tous arrivent à la repentance (2 Pierre 3.9). Je lui ai donné du temps pour se repentir, déclare le chef de l’Église à l’ange de l’assemblée de Thyatire (Apocalypse 2.21).
La décrépitude, ce « clignotant impitoyable » (1), ne devrait-elle pas alerter les personnes âgées et leur rappeler que l’heure du face à face va bientôt sonner pour elles ? Oublieraient-elles qu’il est terrible de tomber dans les mains du Dieu vivant (Hébreux 10.31) ? Hélas ! La vieillesse est l’époque de la vie où le cœur, endurci par des refus réitérés de se repentir, n’éprouve guère le désir de se tourner vers Dieu. C’est la raison pour laquelle l’Ecclésiaste supplie ainsi les jeunes : Souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours du malheur viennent et que les années soient proches, dont tu diras : Je n’y trouve aucun agrément (Ecclésiaste 12.1).
(1) L’expression est de J.-Louis Servant-Schreiber (L’Art du Temps).
2. Dieu accorde du temps afin que nous portions beaucoup de fruits à sa gloire. C’est ce qui ressort de la parabole du figuier stérile : Laisse-le encore cette année… Peut-être à l’avenir produira-t-il du fruit ? (Luc 13.6-9). Dans son commentaire du chapitre 15 de Jean, Frédéric Godet écrit : « Par fruit, Jésus désigne la production et le développement de vie spirituelle par la force du Christ vivant en nous. Les branches sont émondées pour supprimer les jets inutiles, c’est-à-dire les fruits de la vie propre qui paralyseraient l’action du Saint-Esprit. C’est la Parole de Dieu (v. 3) qui a proprement mission d’émonder ces jets. Et si ce moyen n’est pas employé ou ne suffit pas, Dieu fait usage d’autres instruments plus douloureux (les épreuves) qui, semblables à une serpe bien aiguisée, tranchent dans le vif des affections naturelles (1 Corinthiens 11.30-32). De cette manière, tout l’être du disciple finit par être mis au service de la production du divin fruit… « Demeurez en moi » exprime l’acte constant par lequel le chrétien écarte tout ce qu’il pourrait tirer de sa sagesse, de sa force, de son mérite propre, pour puiser tout en Christ ». Avant d’aborder le troisième point, il est bon de se souvenir que ce que nous sommes importe plus que ce que nous faisons.
3. Du temps m’est accordé pour que je serve le Dieu vivant et accomplisse les œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance afin que je les pratique (Éphésiens 2.10). Livingstone, l’explorateur en perpétuel danger au cœur de l’Afrique, tenait sans doute à rassurer les siens lorsqu’il écrivait : « Je suis immortel tant que ma tâche n’est pas terminée »… leur laissant entendre que la mort ne surviendrait pas aussi longtemps qu’il n’aurait pas accompli toute son œuvre. Ce n’est pas faux. Si l’apôtre Paul reste confiant quoiqu’il soit à la veille d’un jugement qui décidera de son sort – la vie ou la mort – c’est qu’il est conscient d’avoir encore des devoirs à remplir auprès de ses amis de Philippes : J’en suis persuadé, je le sais : je resterai et je séjournerai auprès de vous tous…, pour votre joie dans la foi (Philippiens 1.25). Plus tard il changera de langage. Prévoyant sa fin, il écrira à son jeune ami Timothée : Le moment de mon départ approche… J’ai achevé la course (2 Timothée 4.6-7). Autrement dit : J’ai terminé ma tâche, le moment est donc venu de quitter ce monde. Peu de temps avant de réintégrer sa gloire, Jésus avait déjà tenu des propos analogues : Père, l’heure est venue… J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même… (Jean 17.1-5).
Oui, le temps est à Dieu. Il est trop précieux pour le vilipender inconsidérément sans me soucier vraiment de son règne. Au contraire, je veux le servir avec zèle et joie.
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