Le temps qui précéda l’avènement de Constantin peut être appelé la période apologétique par excellence. Le christianisme attaqué de toutes parts, d’en haut, par le pouvoir politique, de flanc, par la philosophie, et d’en bas, par les plus mauvais instincts des masses populaires, que son contact avait rendues ivres de fureur et de sang, avait de plus à surmonter les discordes intestines suscitées par les hérésies, qui étaient l’invasion des éléments soit judaïques soit païens dans son propre sein. L’apologie du christianisme se fit donc à cette époque à la fois par le sang des martyrs et par la parole. Il fallut établir tout à la fois le droit légal et le droit moral des chrétiens, contestés l’un et l’autre par l’adversaire ; et les efforts des Pères pour justifier leur foi devant le monde juif ou païen, étaient, pour ainsi dire, le prolongement sur le théâtre de la discussion et dans le royaume de la pensée des drames du cirque, à l’usage des adversaires du christianisme à qui la victoire brutale ne suffisait pas. Il fallait montrer que ceux qui savaient mourir savaient aussi raisonner.
On a remarqué avec raison que tandis que le paganisme expirant était devenu d’une extrême tolérance pour toutes les autres religions des peuples vaincus, que Rome absorbait dans son vaste syncrétisme et dont elle réunissait tous les dieux dans le Panthéon, le christianisme le premier fut capable de troubler cette indifférence. La religion du Christ fut la seule, et Jésus-Christ, la seule divinité qui ait eu le don de réveiller sa jalousie endormie. C’est qu’il comprit d’instinct que sous les apparences de la plus entière passivité, cette superstitio nova annonçait et effectuait le réveil de la conscience humaine, et marquait, dès lors, une révolution religieuse et morale, dont il était impossible de prévoir la portée. Les despotes pressentirent dans la nouvelle apparition une pièce de résistance, un principe d’affranchissement qui allait créer dans l’empire une province nouvelle, où la volonté impériale ne serait plus toute puissante, et rencontrerait au sein de l’affaissement universel des limites inattendues. A la philosophie à son tour se révélait une nouvelle folie, mais qui semblait contenir dans ses flancs une sagesse avec laquelle il faudrait compter ; et les masses enfin, conjurées avec leurs sages et leurs maîtres dans une commune haine, reconnaissaient également d’instinct dans la religion du Christ une loi nouvelle et sainte, très sévère pour le cœur naturel de l’homme, implacable pour le péché ; et dans les disciples du Crucifié des juges dont la présence seule condamnait leurs débordements.
Nous partagerons les apologies du christianisme en celles qui furent dirigées contre le judaïsme et contre le paganisme, en rattachant au fur et à mesure aux unes et aux autres les hérésies qui en dérivèrent, et à l’égard desquelles l’Eglise orthodoxe devait prendre une attitude également défensive et tout aussi tranchée. Nous confondrons donc ici polémique et apologétique.
1. Apologie du christianisme contre le judaïsme.
La polémique du judaïsme contre le christianisme porta sur deux points principaux : l’autorité de l’A.T. et la personne de Christ.
Comme l’A.T. et les prophéties qui y sont contenues forment la base commune de la foi juive et de la foi chrétienne, la polémique juive visait à faire ressortir le contraste entre la forme réelle de l’apparition de Christ et les intuitions messianiques des prophètes.
Celse (IIe siècle) met dans la bouche du Juif les calomnies les plus grossières contre la personne de Jésus qu’il accuse d’être le fruit de l’adultère de Marie avec le soldat romain Panterus ; puis d’avoir fait ses miracles par des moyens magiques et des sortilèges. Comme toutes ces accusations se retrouvent dans le Talmud et dans le pamphlet juif intitulé : Toldoth de Jésus, Celse ne doit pas en avoir été l’inventeur.
Origène releva le défi dans le siècle suivant en opposant à ces raisons la pureté du caractère de Jésus et la sévérité de sa morale. Et quant aux apôtres accusés également d’imposture par son adversaire, il allègue en faveur de la véracité de leurs récits à la fois leur manque de culture et leur sincérité dans les mentions qu’ils font d’eux-mêmes.
Les raisons que Justin († 166) met dans la bouche du juif Tryphon dans son Dialogue, n’ont pas un caractère aussi frivole ; elles portent sur le désaccord des prophéties qui avaient annoncé un roi glorieux et puissant avec leur accomplissement prétendu en Jésus. En outre, la doctrine de la divinité de Christ contredisait, selon lui, le monothéisme de l’A.T., et la norme énoncée par Esaïe : Je ne laisserai pas ma gloire à un autre (Es.42.8). Enfin les chrétiens étaient accusés, comme déjà Paul, de violer les ordonnances de la Loi auxquelles le salut était attaché. Justin répond à ce dernier chef que la Loi elle-même se donnait pour une institution préparatoire, et qui entendait être dépassée ; et quant aux prophéties, il relevait l’accord de celles qui s’étaient réellement accomplies avec l’événement, en renvoyant au second retour la réalisation des oracles qui annoncent gloire et triomphes. La malédiction que Jésus avait portée, était, suivant l’apologète, en désaccord sur ce point avec l’apôtre (Gal.3.10), la haine des Juifs et du monde. Enfin Justin s’efforce d’écarter de la naissance surnaturelle de J.-C. toute apparence d’analogie avec les mythes du paganisme.
L’Epître à Diognète, qui date de la même époque, et dont l’auteur est inconnu, s’attaque également au judaïsme qu’il traite comme une superstition, δεισιδαιμονία, mais va jusqu’à envelopper dans ce qualificatif quelques-unes des institutions de l’A.T., comme les sabbats et les observances alimentaires.
Les Pères étaient servis dans leur polémique avec le judaïsme par une exégèse défectueuse et trop souvent allégorique. La typologie patristique se porta dans un intérêt apologétique aux excentricités les plus curieuses ; c’est ainsi que le cordon rouge de Raab fut interprété par Clément de Rome comme un emblème du sang de Jésus ; Justin Martyr considère les deux boucs qui figuraient dans la fête du jour des expiations comme les types de la double parousie, et les douze clochettes suspendues au vêtement du Souverain sacrificateur représentent à ses yeux les douze apôtres. Les trois espions de Jérico figurent à Irénée les trois personnes de la Trinité.
En outre, la plupart des Pères ignorant l’hébreu, étaient condamnés à faire un usage exclusif de la Version des LXX, tour à tour plus favorable et plus défavorable à leur cause que l’original. Les Juifs en contestaient l’exactitude, tandis que Justin et Tertullien accusaient les Juifs d’avoir falsifié le texte. Ce furent les incertitudes existant à l’égard de ce dernier qui engagèrent Origène à composer son grand ouvrage, malheureusement perdu, des Hexaples, où il mit en regard dans six colonnes les différents textes de l’original hébreu et des principales versions existant alors.
2. Apologie du christianisme contre le paganisme.
Les reproches adressés par les païens au christianisme peuvent être ramenés à trois catégories :
1° Ceux qui se fondaient sur des calomnies, comme l’imputation de se livrer à des excès monstrueux dans leurs assemblées, de tuer ou de manger des enfants (concubitus incesti ; epulæ thyesticæ). Ces calomnies ne tinrent pas contre l’évidence. Tertullien est le dernier apologète qui juge bon de s’y arrêter, et au IIIe siècle, elles paraissent être entièrement tombées.
Joignant l’attaque à la défense, les apologètes avaient beau jeu de signaler le caractère à la fois absurde et immoral des religions et des mythologies païennes, dont ils attribuaient l’origine à l’influence des démons. C’étaient ces esprits malfaisants qui avaient travesti les révélations primitives et pures en ces odieuses élucubrations qui ravalaient à la fois Dieu et l’homme.
2° Les reproches adressés à la religion chrétienne elle-même. L’accusation de nouveauté, tout d’abord, parut assez grave à la plupart des Pères pour les porter à faire une réplique beaucoup plus compromettante que le reproche lui-même. Ils répondirent que le christianisme n’était pas nouveau, que les éléments en étaient déjà répandus dans la révélation générale. Il y a du vrai sans doute dans l’expression de λόγος σπερμαρτικός, inventée par Justin pour désigner cette influence générale exercée par le Logos avant son incarnation dans le monde païen ; cette espèce d’irradiation sur toute l’humanité de la révélation particulière faite à Israël. Il y a beaucoup de vérité également dans cette expression de Tertullien si fréquemment citée : anima naturaliter christiana ; mais il n’aurait pas fallu pousser bien loin l’une et l’autre formule pour enlever au christianisme son caractère spécifique et surnaturel, faire de la doctrine de Jésus-Christ le simple couronnement des anciennes philosophies, et justifier le reproche inverse formulé par Celse contre le christianisme de n’apporter rien de nouveau, et de n’être qu’une répétition des philosophes grecs et de Platon.
Pour expliquer ces points de contact entre la philosophie païenne et la révélation, les Pères admettaient aussi que des rapports personnels avaient eu lieu entre les philosophes grecs et le peuple juif ; que les Grecs qui voyageaient tant pour s’instruire, avaient passé aussi chez les Israélites, et avaient pu leur emprunter les enseignements dont les échos se retrouvent dans leurs œuvres littéraires.
On reprochait également au christianisme d’exiger une foi implicite, non raisonnée, ἄλογος, qui ne pouvait dès lors trouver de faveur que chez les ignorants et auprès du populaire ; d’être dangereux pour l’Etat ; de multiplier les sectes et les opinions : toutes critiques qui contiennent, au point de vue de l’adversaire, une part incontestable de vérité, et qui d’ailleurs ont survécu aux générations qui les ont produites.
Le christianisme était encore accusé d’avoir excité la colère des dieux et attiré toute sorte de fléaux sur l’Empire ; à quoi les Pères répondaient que ces fléaux étaient les justes châtiments de l’incrédulité du monde.
Enfin et 3° plusieurs doctrines particulières du christianisme étaient en butte aux railleries et au mépris : celles surtout de la divinité de Christ et de la résurrection des corps. Malgré les nombreuses incarnations que racontait la mythologie, et qui eussent dû rendre le mystère chrétien plus acceptable, les païens trouvaient absurde qu’un Dieu fût descendu sur la terre pour devenir homme, eût vécu dans une humble condition et eût été crucifié. Preuve remarquable de l’incompatibilité foncière qui existait entre les deux principes, même sur les points où l’on pourrait supposer une affinité entre le paganisme et le christianisme. C’est que le surnaturel païen, comme l’a fait remarquer M. Adrien Navillej, n’était pas l’intervention réellement surnaturelle d’un Dieu saint dans la nature, mais la personnification des forces de la nature elle-même.
j – Revue chrétienne, octobre 1874.
Un fait bien remarquable d’ailleurs, mais qui n’est pas sans analogie dans l’histoire, est la recrudescence que le paganisme, chancelant et tout proche de la ruine à l’époque de l’avènement du christianisme, reçut au second siècle du conflit avec la nouvelle religion. On sait que le second siècle fut celui de la superstition païenne succédant à l’incrédulité et au scepticisme du premier. Ce fut comme une galvanisation subite de ce grand cadavre avant sa décomposition définitive.
Les arguments positifs en faveur de l’excellence et de la supériorité du christianisme se tiraient : 1° des caractères de supériorité et de sainteté de la doctrine chrétienne comparée aux opinions religieuses du paganisme ou de la philosophie ; 2° des effets produits par le christianisme. La rapide propagation de l’Evangile opérée sans les moyens de contrainte dont disposent les puissances terrestres ; le sang des martyrs devenant une semence de chrétiens, devaient prouver à tous qu’il y avait ici un principe supérieur aux forces humaines.
Mais il ne suffisait pas de montrer l’excellence et la supériorité relative du christianisme ; il fallait en établir l’origine divine. On se référait sur ce point à la crédibilité historique des Livres saints, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, dont les auteurs généralement simples et ignorants n’eussent pu trouver en eux-mêmes les vérités qu’ils annonçaient, en même temps que leur caractère moral garantissait la véracité de leurs récits. Tertullien renvoie même les païens aux archives de l’Empire où devaient se trouver encore les pièces du procès de Jésus.
Les miracles de Jésus et les prophéties de l’A.T. accomplies en lui, ces dernières surtout, fournissaient aux apologètes leur argument favori. Origène remarque que les miracles, à mesure qu’on s’éloigne des temps où ils ont été opérés, pouvaient perdre de leur valeur probante, et leur réalité devenir de plus en plus suspecte, tandis que les prophéties demeurent. Les païens ne niaient pas précisément les miracles de Jésus-Christ, mais ils les assimilaient aux prodiges attribués à Pythagore et à Apollonius de Tyane, en les rapportant à des influences magiques. Les Pères qui admettaient eux aussi les miracles et les oracles des démons, étaient conduits à établir les caractères des miracles de vérité en opposition aux miracles de mensonge, et Origène trouve ces caractères dans la sainteté de leur but et de leur auteur.
Il n’est pas indifférent de rappeler que les apologètes faisaient grandement fonds aussi sur les miracles et en particulier les exorcismes opérés encore de leur temps par les chrétiens, et Origène affirme avoir été témoin de manifestations de ces vertus surnaturelles.
Un genre d’arguments familier aux Pères, mais d’une bien chétive valeur, se tirait des emblèmes du christianisme que l’on prétendait retrouver dans la nature, comme nous les avons vus ailleurs tirer parti contre les Juifs des plus étranges coïncidences entre l’A. et le N.T.
Mais ces exagérations même ont pour nous une grande valeur apologétique en nous montrant à quel degré était portée la certitude des Pères à l’égard des faits du christianisme, puisqu’ils ne redoutaient pas de recourir à des raisons aussi fantastiques pour les démontrer aux autres. Le fait les possédait si complètement qu’ils s’imaginaient que toutes choses, soit dans la nature, soit dans l’histoire, soit dans l’A.T., s’y rapportaient et y convergeaient.
Ce fut l’époque d’Antonin et de Marc-Aurèle qui marqua l’épanouissement de la littérature apologétique, mais ses produits ne nous ont pas tous été conservés.
Les principaux apologètes de cette époque sont, dans l’Eglise grecque : Justin Martyr, auteur de deux Apologies dédiées à Antonin et à Marc-Aurèle (vers 150) ; son disciple Tatien, auteur d’un Λόγος πρός Ἕλληνας ; Athénagore, qui adressa à Marc-Aurèle l’écrit intitulé : Πρεσβεία περὶ Χριστι νῶν (177) ; Théophyle d’Antioche (Πρὸς Αὐτολυκον). Quadratus, évêque d’Athènes, et le philosophe Aristide présentèrent à l’empereur des défenses dont Eusèbe fait mentionk. Il ne nous reste que des fragments insignifiants de Miltiade, de Méliton de Sardes et d’Apollinaire, évêque d’Hierapolis, adressés à Marc-Aurèle.
k – Nous possédons actuellement trois textes de l’Apologie d’Aristide (laquelle fut adressée non à Adrien, comme on l’avait cru jusqu’ici, mais à Antonin-le-Pieux) : une version arménienne, une version syriaque, découverte cette année même, et une variante grecque que l’on possédait dès longtemps sans s’en douter, et qui vient d’être reconnue à la suite de la découverte de la version syriaque, dans le corps d’un traité attribué à Jean Damascène. Malheureusement, ni le texte grec ni les deux traductions ne nous rendent l’œuvre authentique qu’il faut reconstituer par le collationnement de tous les trois. (Voir l’exposé détaillé de la question critique, Literatur Zeitung, nos des 13 et 27 juin 1891, article Harnack.
Dans le IIIe siècle, l’apologétique est représenté par les deux grands docteurs d’Alexandrie : Clément, l’auteur de l’Exhortation aux Gentils : Λόγος προτρεπτικὸς πρός Ἕλληνας, du Παιδαγωγός et des Στρώματα ; et Origène, le défenseur du christianisme contre l’auteur du Λόγος ἀληθὴς, dans son grand ouvrage : Contra Celsum.
Les attaques plus sérieuses du néoplatonicien Porphyre († 304), auteur d’un ouvrage en quinze livres, dont nous ne possédons plus que des fragments, intitulé : Λόγος φιλαλήτης πρὸς τοὺς Χριστιάνους, furent réfutées par Méthodius de Tyr et Eusèbe de Césarée.
Les principaux apologètes latins sont : Minutius Félix, auteur du dialogue intitulé : Octavius ; Tertullien, dont l’écrit : Apologeticus adversus Gentes pro Christianis (200) fut adressé, comme les apologies de Justin Martyr et d’Athénagore, aux magistrats de l’Empire. Les chrétiens y sont disculpés du reproche d’offenser la divinité (crimen laesæ majestatis). Les deux autres traités apologétiques de Tertullien sont : Ad nationes et De testimonio animæ. Cyprien démontra la vanité des idoles dans son traité : De idolorum vanitate ; et au terme de cette période, à l’époque de la persécution de Dioclétien, Arnobe (Libri septem adversus nationes), puis son disciple Lactance (Divinarum institutionum libri septem), ferment sans la couronner la série des premiers apologètes de la foi chrétienne.
Le paganisme, bien que vaincu extérieurement par la conversion de Constantin, avait encore assez de vitalité pour appeler de nouveaux travaux apologétiques, qui surgirent en effet en abondance dans les IVe et Ve siècles.
Le retour de Julien au paganisme qui coïncida avec son avènement au trône (361), et ses attaques écrites contre la religion de Jésus-Christ devaient d’ailleurs rendre bientôt à l’apologétique toute son actualité. L’empereur apostat fut en effet l’adversaire le plus sérieux et le plus dangereux du christianisme à cette époque.
Ses arguments, qui nous ont été conservés par son contradicteur posthume, Cyrille d’Alexandrie (Contra impium Julianum), se résumaient dans les suivants : l’absurdité des récits génésiaques concernant la création et l’humanité primitive ; l’inconvenance qu’il y aurait à restreindre la sollicitude divine à un seul peuple à l’exclusion de tous les autres ; l’origine judaïque et partant méprisable du christianisme, infidèle d’ailleurs à cette origine même ; la bassesse de la condition de Jésus-Christ, jugée avec plus de mépris encore par l’empereur romain.
Julien admettait d’ailleurs comme Porphyre que la doctrine de Jésus avait été altérée par l’Eglise postérieure. Il accuse non sans raison les chrétiens de s’être montrés déjà persécuteurs à l’égard des païens et des hérétiques, et cela en contradiction flagrante avec les préceptes de Jésus-Christ et de saint Paul ; il leur reproche avec tout autant de droit d’avoir voué un culte aux martyrs, et inauguré par là une idolâtrie nouvelle par les monuments qu’ils leur avaient élevés.
La réaction violente de Julien avait été amenée déjà, on peut le dire, par les infidélités commises par l’Eglise, aussitôt qu’elle s’était vue assise sur le trône du monde.
Les principaux apologètes grecs des IVe et Ve siècles sont Eusèbe de Césarée († 340), auteur des deux écrits intitulés : Προπαρασκευή εὐαγγελική et Απόδειξις εὐαγγελική; Athanase († 373) : Λόγος Καθ’ Ἑλληνων ; Grégoire de Nysse († 394) : Πρὸς ἐκ τῶν κοινῶν ἐννοίων ; Théodore de Cyrrha († 457) : Ἑλληνικῶν Ἕλληνας θεραπευτικὴ πανθημάτων.
Les désastres dont l’Empire d’Occident de plus en plus chancelant et la capitale étaient le théâtre et la victime, entre autres le sac de Rome par les barbares en l’an 400, ranimèrent les accusations articulées de tout temps contre la religion du Christ d’être la cause de tant de malheurs en attirant la colère des dieux. Orose, prêtre espagnol, et Augustin s’efforcèrent de repousser ces accusations, l’un dans son écrit : Adversus paganos historiarum libri septem (417) ; l’autre, dans son grand ouvrage : De civitate Dei (426). Augustin oppose la cité de Dieu comprenant l’universalité des adorateurs du vrai Dieu qui, après les épreuves d’ici-bas, parviendront à l’éternelle félicité, à la cité du monde, composée de tous les hommes en dehors du christianisme, qui marchent à une misère sans fin.
Les arguments généraux en faveur de la vérité et de la divinité du christianisme ne diffèrent pas dans cette période de ceux que nous avons rapportés de la précédente. Toutefois, sous l’influence prolongée de la philosophie, la notion du miracle commence à s’obscurcir en devenant subjective et relative. Augustin lui-même définit le fait surnaturel : Quidquid arduum et insolitum supra spem vel facultatem mirantis apparet. Le miracle est désigné pour lui comme n’étant pas contraire à la nature, mais contra quam est nota natura.