Avant d’étudier comment la responsabilité est conciliable avec le déterminisme religieux de Calvin, nous croyons utile de préciser la notion de la responsabilité, afin d’éviter toute équivoque. L’homme, bien que déterminé, est responsable, c’est-à-dire que son péché, sa nature viciée et asservie au mal le rend digne de blâme et de mépris, de condamnation et de châtiment.
En d’autres termes, il y a un rapport de convenance entre les actes auxquels son instinct pervers le mène et les suites douloureuses qui en sont la conséquence. La condamnation qui atteint le pécheur est juste ; elle lui est due, et le sentiment de réprobation, que provoquent ses penchants et ses actes, est légitime. Telle est la responsabilité que Calvin a voulu concilier avec son système. La ratification de cette sanction par la conscience de celui qui la subit suppose, non seulement le devoir, la loi imposée d’en haut, elle suppose encore le sentiment de l’obligation, le devoir reconnu comme tel par l’agent moral.
Or, le spiritualisme contemporain, comme l’ancien Pélagianisme, affirme que là où le pouvoir n’existe pas, le devoir, ou tout au moins le sentiment de l’obligation, ne saurait existerd. Cet a priori repose, croyons-nous sur l’ambiguïté et le vague des mots devoir et pouvoir. Les deux chapitres qui suivent exposeront le sens qu’attachait Calvin, et nous croyons que de cette simple exposition se dégagera la démonstration de sa thèse qu’on peut résumer dans cette phrase : déterminisme absolu et responsabilité complète.
d – M. Fonsegrive fait exception à cet accord unanime. Il reconnaît avec la plus grande loyauté que le devoir peut très bien subsister dans le déterminisme et il s’efforce même de le prouver. Seulement il croit que la notion de responsabilité est décidément réfractaire et qu’elle ne peut demeurer intacte que si l’on admet le libre arbitre. Essai sur le libre arbitre, sa théorie et son histoire par George L. Fonsegrive. 2e partie. Livre I, ch. VI.