Tout le monde veut la joie. Ceux même qui délibérément, choisissent une voie de sacrifice paraissant rendre impossible toute joie présente, le font dans l'espérance d'une joie future et éternelle. Christ lui-même a souffert la Croix,et méprisé l'ignominie « En vue de la joie qui lui était réservée » (Heb. 12.2).
Il est une joie toute humaine qui peut être produite par des moyens entièrement naturels. Mais elle n'est pas ce que la Bible entend par le « fruit de l'Esprit » qui résulte de ce que nous avons reçu l'Esprit et marchons selon l'Esprit.
Certaines caractéristiques de la joie naturelle la séparent nettement de la joie spirituelle (l'expression « joie spirituelle » est employée ici pour désigner le fruit de l'Esprit).
a) en premier lieu, la joie naturelle ne dure généralement pas,et ne possède aucun élément de permanence. (Ecc 7.6). Rien ne montre mieux sa nature éphémère que la recherche fiévreuse par l'homme du monde d'un changement continuel et de moyens toujours nouveaux de se divertir.
b) Elle est toujours accompagnée d'un mélange mystérieux de tristesse (Prov. 14.13). La tonalité mineure persiste à travers la musique ; il y a un « squelette au festin » ; elle est toujours pénétrée d'un sent d'insécurité. Beaucoup de joie apparente n'est souvent qu'un effort conscient et volontaire pour étouffer les soucis et intoxiquer l'âme. « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ».
c) La forme la plus pure de la joie naturelle est sans doute celle que nous éprouvons de notre travail,et à bien des égards celle-ci, vraiment noble, est source d'une satisfaction réelle. Salomon en explora d'une manière complète toutes les possibilités et la recommande comme la plus noble des joies « sous le soleil » (Ecc 2.10,11). Mais même ici, il découvrit une vanité finale, car les œuvres les plus grandioses doivent tomber en désuétude. L'artisan doit un jour les quitter, souvent même avant qu'elles soient achevées. Leur perfection ne provoque que jalousie et amertume chez les autres. Ce sont là des « mouches » dans l'huile de la joie naturelle, qu'en font autant une source de tristesse que de satisfaction personnelle (Ecc 10.1).
Le prophète Jérémie a résumé tout cela dans sa phrase célèbre « Des citernes crevassées qui ne retiennent pas l'eau » (Jer 2.13).
Le glorieux message de l'Evangile annonce que Dieu peut donner aux hommes une joie exempte de toutes ces faiblesses, une source d'eau qui « jaillit jusque dans la vie éternelle. »
La joie spirituelle diffère de la joie naturelle en ce qu'elle jaillit d'une source pure. Le cœur droit devant Dieu devient logiquement capable d'une joie pure et éternelle.
a) La joie du salut — du pardon des péchés, est la première qui soit partie intégrante du fruit de l'Esprit. Elle est essentiellement un sentiment de délivrance d'un fardeau intolérable,d'une recherche récompensée, d'une aspiration assouvie De cette catégorie sont la joie du geôlier de Philippes, de l'eunuque éthiopien, du marchand de perles. (Actes 16.34-8.39 ; Matt. 13.36). Un tel sentiment, quoique éternel et pur, tend à devenir égoïste. Le fruit de l'Esprit, dans ce premier état, n'est pas encore parvenu à maturité, et doit croître dans :
b)La joie du salut des autres. — Il n'est rien qui ajoute plus à toute joie véritable et ne la purifie mieux que de la partager avec d'autres. Quand le sujet n'en est rien moins que le salut, la joie produite est des plus grandes que l'on puisse imaginer. Lorsque Paul et Barnabas racontèrent dans les assemblées la conversion des païens, ils causèrent une « grande joie » à tous les frères. (Actes 15.3). Ceux qui ont conduit, ne fût-ce qu'une âme, au Sauveur, savent combien est profonde la joie éprouvée. Ce même élément entre dans tout le plaisir pur que les enfants de Dieu, Ses rachetés, ressentent aux progrès de Son œuvre en tous lieux.
c) Il est cependant une chose plus profonde encore. La joie de servir est meilleure que celle d'une bénédiction strictement personnelle, mais, dans notre rédemption, la joie dernière est une joie pure en Dieu Lui-même. Les âmes arrivées à un développement complet l'ont éprouvée dans tous les âges, et en tous lieux dans l'Eglise. C'est le fruit de l'Esprit parvenu à une entière maturité. Le vieux prophète Habakuk décrit, dans un passage remarquable, une scène de désolation complète de la nature, puis termine avec ce cri de triomphe « Toutefois, je veux me réjouir en l'Eternel, je veux me réjouir dans le Dieu de mon Salut » (Hab 3.18) « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur », dit Paul (Phil. 4.4). Une telle joie devient indépendante de toutes les circonstances du dehors et même des bénédictions intérieures. Elle se réjouit de la possession sûre et certaine de Celui qui bénit ; l'essence même de l'éternelle et ineffable joie du ciel, elle partage l'extase des êtres glorifiés qui entourent Son trône. La rivière de joie de notre salut, le fleuve de joie de notre service, se sont élargis et sont devenus la joie finale dans l'Océan infini.
Et parce qu'elle est en Dieu Lui-même, elle est une « joie éternelle » (Esaïe 35.10), car sa Source ne peut jamais tarir. C'est la réponse victorieuse à tout ce que la joie humaine a d'insuffisant et d'incomplet.
Les fruits les meilleurs ne sont dus qu'à des soins diligents, et le Maître apporte un labeur patient au perfectionnement du fruit de l'Esprit chez Son peuple.
Pour établir la réalité de notre joie nouvelle de salut dans la délivrance du péché et nous apprendre à en trouver la source en Lui seul, il permet sou vent des circonstances assez pénibles pour nous montrer qu'il n'en existe aucune hors de Lui. Des malheurs nous accablent de tous côtés, mais la joie demeure. Ce fruit de l'Esprit est indépendant des circonstances extérieures. L'exemple classique est celui de Paul et de Silas en prison, le corps meurtri par une souffrance physique injustement infligée, chantant à minuit les louanges de Dieu ! Il valait vraiment la peine de découvrir que l'on pouvait chanter dans de pareilles circonstances !
La joie chrétienne est souvent incompréhensible à l'homme naturel. « Attristés mais toujours joyeux » l'exprime bien. Parfois même cette joie des chrétiens irrite ceux qui ne la connaissent pas. « Vous ne devriez pas être heureux ! » fut un jour la protestation indignée de l'un de mes amis, lorsque la joie irrésistible du salut persistait à déborder des lèvres en dépit d'une tristesse sincère.
Mais il est une leçon plus profonde encore que nous devons apprendre. Le Maître enlèvera même la joie débordante des sentiments spirituels afin d'amener l'âme à n'éprouver qu'une joie pure en Lui-même. Cette leçon doit être apprise par tous ceux qui ont reçu le baptême du Saint-Esprit. Le changement qui s'opère alors est, au début, une source d'anxiété pénible, surtout si aucun ami ou pasteur avisé n'est présent pour conseiller et instruire.
Notre expérience de Pentecôte est généralement, dans les premiers temps, source d'une grande joie dans le glorieux bonheur qu'elle nous apporte. C'est la cause première du « parler en langues » parce que l'exaltation de notre esprit ne peut trouver d'autre moyen de s'exprimer. Mais la tendance inévitable subsiste de faire un usage égoïste de l'exaltation spirituelle et des transports joyeux, et ne plus regarder qu'à nous-mêmes. L'âme vit des sentiments qu'elle éprouve, même s'ils résultent de la plénitude du Saint-Esprit en nous.
Il y aura dorme dans les plans infiniment sages de Dieu, un temps d'épreuve, où les manifestations sensibles de la présence et de la puissance du Saint-Esprit seront beaucoup diminuées, afin de rétablir le principe invariable de la foi dans la vie qui plaît à Dieu. La joie du Saint-Esprit semble pour un temps obscurcie par un nuage, mais c'est seulement pour être transformée en une joie pure en Dieu Lui-même, indépendante de tous sentiments ou manifestations, et heureuse dans la connaissance certaine, l'assurance de la loi que le Consolateur est venu demeurer avec nous pour toujours.
Une des erreurs les plus graves et les plus fâcheuses que nous puissions commettre dans une vie remplie de l'Esprit, est de toujours insister sur les signes extérieurs de la joie sous forme de manifestations continuelles, alors que le Seigneur, dans Son amour, cherche à nous séparer d'un attachement égoïste à ces choses pour elles-mêmes. Cette erreur devient mortelle si les manifestations sont d'abord forcées, et finalement imitées par la chair. Et, chose triste entre toutes, l'aspiration du cœur n'est jamais satisfaite, car de semblables travestissements des opérations du Saint-Esprit cessent de donner la moindre joie.
Malheureusement, non seulement des personnes isolées, mais aussi des assemblées, font la même grave erreur. Nous avons été dans des assemblées où l'œuvre du Saint-Esprit n'était pas de produire une joie émotionnelle — (les fidèles avaient sans doute besoin d'autre chose à ce moment là), mais les saints eux-mêmes voulaient avoir tous les anciens « transports » d'allégresse, ou bien croyaient que leur « témoignage » en nécessitait au moins une imitation. Le résultat c'est qu'on voyait des efforts pour fabriquer une joie apparente, dont on pourrait sourire si elle n'était pas triste. Le but semble parfois atteint en apparence, mais la chose est entièrement psychique, elle n'est qu'un travestissement de la joie du Saint-Esprit ; celle-ci jaillit du dedans de nous.
Il est bon de remarquer, puisque tout fruit de l'Esprit est une manifestation de la vie de Christ dans le croyant, que le Seigneur a formellement promis à ses disciples de leur donner sa propre joie (Jean 15.11-17.13). Cette joie semble composée de trois éléments essentiels :
a) L'accomplissement de la volonté de Son Père (Jean 4.34)
b) La recherche des « brebis perdues » (Luc 15.5)
c) La joie dans la sagesse et l'amour de Son Père (Luc 10.21).
Il nous est facile de voir comment les trois sources de la joie de notre Seigneur sur cette terre correspondent aux phases déjà étudiées de notre propre joie, fruit de son Esprit.
a) Notre joie première de délivrance du péché. Christ, était sans péché ; mais le péché est essentiellement une rébellion contre la Volonté manifestement connue de Dieu. Nos premiers pas dans l'obéissance librement consentie marquent notre première délivrance de la puissance et de la condamnation du péché, et nous ramène à la joie pure de Christ dans l'obéissance parfaite à Son Père en toutes choses.
b) Notre joie de servir, de participe à l'œuvre de Celui qui est venu « chercher et sauver ce qui était perdu », de « partager le travail qui fait venir son Règne ».
c) Notre joie finale et complète lorsque nous recevons pour nos âmes la révélation de l'amour et de la sagesse de Dieu par son Esprit, et L'aimons pour Lui-même.