Dallas Willard écrit : « Le processus de la formation spirituelle en Christ consiste à remplacer peu à peu… les images et les idées destructrices par les images et les idées qui étaient celles de Jésus lui-même… La formation spirituelle en Christ vise à un échange intégral de nos idées et images contre les siennes. »
Quand j'étais en première année de faculté, la rumeur courut qu'une femme prêchait quotidiennement « l'enfer et la damnation » sur le campus d'une université voisine. J'étudiais la théologie et espérais devenir pasteur un jour, aussi étais-je très intrigué par toute l'agitation autour de cette prédicatrice. Des étudiants venaient l'écouter par centaines – non pas parce qu'ils étaient touchés par ses messages, mais pour se moquer d'elle. Chaque jour de la semaine, à 10h 50 précises, « la petite prophétesse », comme ils l'appelaient, se juchait sur un banc au milieu du campus et prêchait – ou plutôt sermonnait les auditeurs – pendant une vingtaine de minutes. La foule était plus nombreuse de semaine en semaine. Je décidai d'aller vois cela de mes propres yeux.
J'arrivai environ dix minutes en avance. Les abords du fameux banc étaient déjà noirs de monde. À 10h 50 précises, cette petite femme d'apparence quelconque, vêtue d'une robe démodée couleur blanc cassé – qui semblait sortir tout droit d'un album photo des années 1980 – grimpa sur le banc. Elle resta quelques instants dos à la foule, la tête baissée comme si elle priait. Dès qu'elle se retourna, des acclamations (ou étaient-ce des moqueries ?) montèrent du public. Elle leva les deux mains pour réclamer le silence, puis, brandissant sa vieille Bible King James, commença son sermon (ou devrais-je dire : ses invectives ?).
« Les yeux de l'Éternel sont sur vous tous, pécheurs ! Ne pensez pas que Dieu ne voit pas tout ce que vous faites. Il m'a conduite sur ce campus parce qu'il en a assez de vos voies mauvaises. Il connaît toutes vos fornications, vos excès de boisson, vos mensonges et vos tricheries, et voici la parole qu'il vous adresse : ‘Vous serez tous jetés dans…’ ». La foule des étudiants compléta d'une même voix : « … l'étang de feu ! » La petite femme poursuivit, insensible aux moqueries. Peu à peu son sermon se fit plus spécifique et elle nomma des péchés précis. À la fin de chaque litanie, les étudiants criaient avec elle : « … et vous serez tous jetés dans l'étang de feu ! »
Je m'adossai au mur froid du bâtiment universitaire et contemplai cette scène surréaliste. En tant que chrétien, j'étais persuadé que tout ce qu'elle dénonçait était effectivement un péché. Contrairement aux étudiants autour de moi, qui se moquaient effrontément d'elle et de son message, je savais qu'elle avait en partie raison. Cette « petite prophétesse » avait un récit très clair : « Dieu est en colère contre vous à cause de votre péché, et vous allez brûler en enfer, tous autant que vous êtes. » Mais pas une seule fois elle ne mentionna l'amour de Dieu. La notion de grâce était absente de son discours. Pendant la demi-heure que dura son sermon, elle ne cita jamais le nom de Jésus. Elle dénonçait le péché, mais uniquement par rapport au châtiment qu'il entraînait pour le pécheur, et jamais pour les dommages qu'il causait à l'âme. Non seulement son récit était incomplet, mais elle ne mentionnait rien qui pût aider une personne à changer, sinon la culpabilité et la peur, qui ne sont pas des motivations efficaces et durables.
D'où cette femme tenait-elle son récit sur Dieu ? Et que dirait Jésus à cette petite prophétesse ?
Bien que le récit de cette femme soit extrême, il n'est pas rare, même s'il n'est pas souvent exprimé dans un langage aussi fort ni d'une façon aussi tranchée. Son récit dominant est celui du mérite et il est profondément ancré dans notre culture et dans non nombre de nos églises. On pourrait le formuler ainsi : l'amour et le pardon récompensent une certaine performance. L'amour, l'acceptation et le pardon de Dieu doivent être mérités par une vie juste. Ce que Dieu attend de nous, c'est que nous refusions le péché et fassions le bien. Ce récit, comme tous ses semblables, se fonde sur une demi-vérité. Il est vrai que Dieu ne veut pas que nous péchions, comme il désire que nous fassions le bien. Mais s'il en est ainsi, c'est uniquement parce que le péché nous fait du mal et que les actes de bonté sont bénéfiques à la fois pour nous-mêmes et pour leurs destinataires.
Le récit culturel du mérite. Ce récit s'enracine dans notre culture, où tout se mérite, se gagne. Nous apprenons dès notre plus jeune âge que l'amour de nos parents est conditionné par notre bonne conduite ; que les notes à l'école sont attribuées en fonction de nos performances ; que la beauté physique appelle la sympathie et qu'au contraire, l'échec entraîne le rejet, la solitude et l'isolement. Lorsque chaque personne, dans chaque situation chaque jour de sa vie, vous traite sur la base de votre apparence, de votre comportement et de vos performances, il est difficile de ne pas projeter ce même type de réaction sur Dieu. Après tout, Dieu est encore plus grand que nos parents, plus clairvoyant que nos figures d'autorité et il nous connaît mieux que nos meilleurs amis.
Par conséquent, le Dieu qui voit tout et sait tout n'ignore aucune de nos mauvaises pensées ou actions. S'il était notre père ou notre mère, il nous refuserait son amour, exactement comme le faisait nos parents lorsque nous étions méchants et qu'ils nous envoyaient au lit sans manger. S'il était notre maître d'école, il nous mettrait un zéro sur vingt avec la mention « Peut mieux faire ». S'il était notre juge, le verdict serait : « Coupable ! ». La culpabilité, la peur, la honte et le désir d'acceptation deviennent les principaux facteurs de motivation dans notre culture de la performance.
Le récit biblique (mal compris) du mérite. En plus de notre monde et de notre culture, la Bible elle-même semble appuyer le récit du mérite. Les Israélites sont punis et envoyés en esclavage à cause de leur désobéissance. L'enfant illégitime de David meurt, probablement pense-t-on parce qu'il a été conçu dans un acte d'adultère. Il existe cependant un récit plus vaste qui devrait guider notre compréhension de ces épisodes. L'Éternel choisit les Israélites sans raison apparente, il les délivre de l'esclavage en Égypte et les conduit dans un pays où coulent le lait et le miel, alors même qu'ils n'ont rien fait pour mériter tout cela. David, qui aurait dû payer de sa propre vie son adultère et son meurtre, devient « un homme selon le cœur de Dieu ». Il a un autre fils, Salomon, de la même femme avec laquelle il a commis l'adultère et ce fils reçoit sagesse, puissance et richesses. Dire que le péché a des conséquences et affirmer que Dieu nous rejette totalement à cause de notre péché sont deux choses bien différentes.
Même s'il est possible de trouver quelques « récits du mérite » dans des passages bien particuliers de la Bible, il n'y a pas là suffisamment de matière à justifier la peur et la culpabilité. Le récit biblique global parle au contraire de grâce et de générosité. Après la chute, l'Éternel se penche vers Adam et Ève et leur confectionne des habits de peau. Plus tard, il choisit une bande de nomades pleurnicheurs et infidèles qui se tournent constamment vers d'autres dieux, et il ne cesse jamais de les secourir. Le psalmiste proclame cette vérité profonde sur l'Éternel : « Sa bienveillance dure à toujours ! » Le mot hébreu traduit par « bienveillance », hesed, revient à 147 reprises dans les Psaumes, chaque fois pour décrire la nature de Dieu. « Célébrez le Dieu des cieux, car sa bienveillance dure à toujours ! » (Psaume 136.26).
On a coutume de dire que toutes les comédies musicales se ramènent à cette intrigue très simple : un garçon rencontre une fille, ils se quittent, puis ils se retrouvent. Qu'adviendrait-il si nous prenions uniquement la scène centrale et essayions d'expliquer toute l'histoire à l'aide de ce seul épisode ? Notre compréhension serait limitée et déformée. La même chose est vraie lorsque nous isolons une histoire biblique qui nous trouble (par exemple celle d'Ananias et de Saphira dans Actes 5.1-11) et ne considérons pas le tableau d'ensemble. Si nous sortons un verset de son contexte (« J'ai aimé Jacob et j'ai haï Ésaü », Romains 9.13) et essayons de construire notre doctrine sur Dieu là-dessus, nous commettons une faute théologique grave. Les passages isolés ne doivent en aucun cas prendre le pas sur le récit plus large. Le récit dominant de la Bible est celui de la grâce illimitée, d'un Dieu dont l'amour n'est pas affecté par le péché de l'homme et d'un Christ qui est mort pour les pécheurs (Romains 5.8). Toutes les grandes fresques littéraires comportent des récits mineurs qui ne modifient en rien l'idée maîtresse.
Le récit de la Bible est l'histoire de l'amour immuable de Dieu qui culmine dans l'incarnation, la mort et la résurrection de Christ en faveur d'un monde rebelle. C'est pourquoi il est important de lire la Bible dans son ensemble et chacune de ses parties à la lumière de Jésus. Il est intéressant de remarquer que chaque fois que Paul évoque une histoire de l'Ancien Testament, il l'interprète à la lumière de Jésus. Il ne reprend pas l'histoire d'Abraham telle quelle, mais l'incorpore dans celle de Jésus. Il met en parallèle la foi d'Abraham et notre foi en Christ qui nous est imputée à justice indépendamment de la loi (Romains 5.12-15). Les récits mineurs doivent être interprétés dans la perspective du récit principal, et le récit principal de la Bible est celui de la grâce – la grâce imméritée et sans contrepartie.
Les récits erronés que nous entendons à l'église. Le récit du mérite, enfin, s'est infiltré dans bon nombre de nos églises. On l'entend proclamer du haut de nombreuses chaires. Henri Cloud estime que si vous entrez dans certaines églises le dimanche matin, vous avez de grandes chances d'entendre le message suivant : « Dieu est bon, vous êtes mauvais, faites plus d'efforts. » Parce que le récit du mérite nous est tellement familier et parce que la culpabilité, la peur et la honte sont des outils de manipulation tellement faciles et efficaces, les prédicateurs s'en sont largement servis pour éloigner les fidèles des flammes de l'enfer et les amener vers la félicité du ciel. S'appuyant sur des récits mineurs de la Bible, leurs sermons sont calculés pour mettre les auditeurs mal à l'aise.
Un jour, en zappant d'une chaîne de télévision à l'autre, je tombai sur un prédicateur qui lisait Hébreux 6. J'avais étudié ce texte cette même semaine et j'étais curieux de connaître l'interprétation qu'il en donnait. Le passage était le suivant :
« Quant à ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste et sont devenus participants à l'Esprit Saint, qui ont goûté la bonne parole de Dieu et les puissances du siècle à venir, et qui sont tombés, il est impossible de les ramener à une nouvelle repentance. Car ils crucifient de nouveau, pour leur part, le Fils de Dieu et le déshonorent publiquement » (Hébreux 6.4-6). |
Le prédicateur retira ses lunettes et s'appuya sur sa chaire. La caméra effectua un gros plan sur son visage, qui virait au rouge. Fixant des yeux l'objectif, l'homme demanda d'une voix basse et tremblante : « Est-ce de vous qu'il est question dans ce passage ? » Il fit une pause, tandis que ses yeux lançaient des éclairs, puis il reprit plus fort et avec colère : « Êtes-vous un de ces chrétiens qui a donné sa vie à Jésus, qui a goûté la bonté de Dieu, pour ensuite fouler aux pieds le sang de Jésus par vos péchés ? » Il passa les dix minutes suivantes à fulminer contre les chrétiens qui commettaient des péchés. Apparemment, lui-même avait cessé de pécher depuis quelque temps déjà, mais il semblait dire que Jésus et son Père étaient vraiment furieux contre vous si vous péchiez après votre conversion.
Son interprétation de ce texte biblique ne tient aucunement compte du contexte. L'épître aux Hébreux traite de la difficulté des certains chrétiens issus du judaïsme à accepter la toute suffisance du sacrifice de Jésus. Ceux-ci continuaient vraisemblablement à aller au temple, à offrir des sacrifices d'animaux et à observer des rituels juifs pour être sûrs que leurs péchés étaient pardonnés et qu'ils étaient en règle avec Dieu. Aussi, quand le texte parle de ceux « qui sont tombés » (Hébreux 6.6), il ne fait pas référence à des voleurs, des menteurs ou des ivrognes ! Les chrétiens dont il est question ici se rendaient en cachette au temple pour sacrifier un agneau et augmenter ainsi leurs chances de pardon. Ils crucifiaient le Fils de Dieu en niant l'efficacité de la croix, comme si Jésus devait répéter la crucifixion.
Alors comment ce prédicateur a-t-il pu se méprendre à ce point sur le sens de ce passage ? Nos esprits sont tellement habitués au récit du mérite que nous le voyons même là où il n'existe pas. Nous lisons des mots comme « tombés » et faisons automatiquement le lien avec le péché.
À l'écran, la fureur du pasteur était à son comble. Il pointa le doigt vers la caméra et cria : « Si vous faites partie de ces gens qui croient qu'ils sont chrétiens mais qui continuent à pécher, vous crachez à la face de Jésus, et vous n'échapperez pas aux flammes de l'enfer qui vous attendent. »
Tous les membres de la chorale assis derrière lui s'absorbèrent dans leur Bible ou se mirent à griffonner des notes sur un carnet, évitant adroitement de regarder la caméra. Je fus frappé par la tristesse qui se lisait sur leurs visages. Et j'étais profondément troublé d'avoir entendu un sermon qui était totalement à l'opposé de l'enseignement de Jésus.
Ce que je vais vous demander à présent est très difficile : j'aimerais que vous oubliiez tout ce que vous pensez connaître de Dieu. Vous me direz que c'est impossible et vous aurez probablement raison. Essayez quand même d'imaginer que vous ne savez absolument rien sur lui. Laissez simplement Jésus vous présenter la Dieu que lui connaît et recevez son récit sans idées préconçues.
« Car le royaume est semblable à un maître de maison qui sortit dès le matin, afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d'accord avec les ouvriers pour un denier par jour et les envoya dans sa vigne. Il sortit vers la troisième heure, en vit d'autres qui étaient sur la place sans rien faire et leur dit : Allez, vous aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste. Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers la sixième, puis vers la neuvième heure, et il fit de même. Vers la onzième heure il sortit encore, en trouva d'autres qui se tenaient encore là et leur dit : Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans rien faire ? Ils lui répondirent : C'est que personne ne nous a embauchés. Allez vous aussi, dans la vigne, leur dit-il. Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers et paie-leur le salaire, en allant des derniers aux premiers. Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier. Les premiers vinrent ensuite pensant recevoir davantage, mais ils reçurent eux aussi, chacun un denier. En le recevant, ils murmurèrent contre le maître de la maison et dirent : Ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites à l'égal de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur. Il répondit à l'un d'eux : Mon ami ! Je ne te fais pas tort, n'as-tu pas été d'accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t'en. Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu'à toi. Ne m'est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou vois-tu de mauvais œil que je sois bon ? » (Matthieu 20.1-15). |
Une parabole de la générosité. Cette parabole évoque une situation que les auditeurs de Jésus connaissent bien. Les chômeurs étaient nombreux à l'époque, peut-être jusqu'à dix-huit mille à Jérusalem et ses environs. Chaque jour, les hommes allaient dans les champs à la recherche d'un travail. Si personne ne les embauchait, ils se rendaient sur la place et bavardaient ensemble, sans toutefois perdre espoir d'arriver à louer leurs services.
Dans la parabole de Jésus, un maître de maison embauche un groupe d'ouvriers de bon matin, vers six heures. Ceux-ci acceptent de travailler pour un denier, c'est-à-dire le salaire habituel d'une journée de travail. Voyant qu'il y a beaucoup à faire et que le temps presse, le propriétaire embauche un autre groupe qui commence vers neuf heures. Il fait de même à midi, à trois heures de l'après-midi et enfin à cinq heures. À la fin de la journée, il appelle tous les ouvriers pour les payer. Certains ont travaillé douze ou treize heures, d'autres seulement une heure ou deux. Et voici la partie choquante de la parabole : il reçoivent tous la même somme, soit une journée de salaire ! Devant cette injustice flagrante, les ouvriers qui étaient dans la vigne depuis le matin protestent. Le maître répond à l'un d'eux : « Mon ami, je ne te fais aucun tort. N'étais-tu pas d'accord avec moi pour recevoir le salaire journalier habituel ? » Et il conclut par cette autre question : « Ma générosité te rendrait-elle jaloux ? » (Matthieu 20.15, PAROLE VIVANTE).
Le théologien Joachim Jeremias souligne que les rabbins juifs racontaient une parabole analogue, mais avec une chute totalement différente. Dans la parabole des rabbins, le maître explique que les derniers embauchés ont reçu le même salaire parce qu'ils l'ont mérité – ils ont travaillé plus dur et accompli davantage en une heure ou deux que les autres durant toute la journée. La parabole de Jésus est totalement à l'opposé : elle n'évoque aucune considération de mérite, de justice ou d'équité. Jeremias conclut :
« Dans la parabole de Jésus, les ouvriers qui sont embauchés ne font rien qui justifie un salaire d'une journée ; ils le doivent entièrement à la générosité de leur employeur. C'est dans ce détail apparemment insignifiant que réside la différence entre les deux mondes : le monde du mérite et celui de la grâce ; la loi opposée à l'Évangile… Voulez-vous murmurer contre la générosité de Dieu ? Elle est au cœur même de l'Évangile tel que nous le présente Jésus. » |
Si vous ne connaissiez Dieu qu'au travers de cette histoire, qu'en concluriez-vous ? Je dirais pour ma part que son attitude est totalement différente de ce que j'observe autour de moi. Dans notre monde, la parabole des rabbins juifs satisfait la logique. Les derniers ouvriers ont travaillé plus dur et ils ont reçu ce qu'ils méritaient. Mais ce qui me frappe dans la parabole de Jésus, c'est la largesse de Dieu. Les ouvriers de la dernière heure ne méritaient pas une journée de salaire ! Le Dieu que Jésus révèle prend le contre-pied de notre façon de penser. Brennan Manning le formule ainsi : « Jésus revèle un Dieu qui ne réclame pas mais qui donne ; qui n'opprime pas mais qui relève ; qui ne blesse pas mais qui guérit ; qui ne condamne pas mais qui pardonne. » Nous vivons dans un monde où les gens réclament, oppriment, blessent et condamnent, un monde où tout doit se mériter. Aussi, nous projetons cette même attitude sur Dieu. L'image d'un Dieu exigeant, oppressif, accusateur et cruel à tôt fait de s'installer dans notre esprit. Le Dieu que Jésus connaît est parfaitement généreux.
La générosité est le fait soit d'une personne qui vit dans l'abondance, soit de quelqu'un qui est sensible aux besoin des autres. Si j'ai trois cents tomates, il est facile pour moi d'en offrir quelques dizaines. J'en ai plus qu'il me faut et je donne de mon surplus. Le dictionnaire définit ainsi l'adjectif généreux : « qui donne libéralement, qui partage volontiers, abondant, copieux, fécond, prolixe ». Mais je peux aussi être généreux si je n'ai pas beaucoup. Je peux ne posséder qu'une seule tomate, mais lorsque je vois une pauvre femme qui n'en a aucune, je peux être touché au point de lui donner la mienne. La générosité découle donc soit de l'abondance, soit de la compassion. L'une et l'autre des conditions s'appliquent à Dieu. Il est généreux parce qu'il vit dans une situation d'abondance – ses richesses sont inépuisables – et il est ému de compassion en voyant notre besoin.
L'amour et le pardon, l'acceptation et la bonté ne sont pas des denrées qui s'épuisent quand on les donne. Lorsque nous offrons notre pardon, nous n'en avons pas besoin nous-mêmes. Et notre capacité à pardonner ne diminue pas à chaque pardon que nous accordons. Alors pourquoi sommes-nous si rarement généreux ? Notre vie est caractérisée par la pénurie. Nous n'avons jamais reçu assez d'amour de nos parents, assez de jouets à notre anniversaire, assez de soutien de la part de nos amis. Notre compte en banque est limité et nous dépensons souvent notre argent avant même de l'avoir gagné. Vivant dans une situation de pénurie, nous pensons devoir protéger ce que nous avons. Si nous le donnons à autrui, nous pourrions nous retrouver dans l'embarras.
Je n'arrête pas de m'étonner de notre mesquinerie et de notre manque de cœur dans les affaires de l'Église. J'ai déjeuné dernièrement avec un pasteur qui m'a confié que le projet de construction d'une nouvelle église à quelques kilomètres seulement de la sienne le contrariait profondément. Il m'a dit : « Comment osent-ils seulement ? Ne comprennent-ils donc pas qu'il vont me voler certains de mes fidèles ? » Sa réaction dénotait une situation de pénurie. Il était jaloux à l'avance de leur succès et craignait qu'ils ne lui portent ombrage. Il était incapable de voir que la réussite de cette nouvelle église serait aussi la sienne, parce que nous sommes tous dans le même bateau. L'Église est souvent un endroit où la générosité fait cruellement défaut et où l'on entend des discours comme : « Toutes les autres communautés ont tort. Nous sommes les seuls à être dans le vrai. Notre église doit prospérer. Que nous importe si la leur végète ? »
Notre Dieu est intrinsèquement généreux. Tout ce que nous possédons est un cadeau de sa main. Si nous sommes sur terre, c'est grâce à lui. Nous respirons un air que nous ne méritons pas. Le soleil brille abondamment et réchauffe notre planète. La pluie, que nous ne méritons pas davantage, abreuve la terre et nous donne des fruits et des semences. Tout cela est de la manne, la provision d'un Dieu prodigue et aimant. Nous n'avons jamais pu et ne pourrons jamais dire à Dieu : « Tu me le dois. Je le mérite. » Nous ne méritons rien de ce que nous avons reçu. Nous n'avons rien acquis par nos efforts. Pourtant Dieu continue à donner. La raison en est qu'il ne s'intéresse pas à ce que nous pouvons faire pour lui. Il désire quelque chose de bien plus important que nos bonnes œuvres.
Dans notre marche avec Dieu, nous sommes confrontés tôt ou tard à cette question essentielle : « Qu'est-ce que Dieu veut de moi ? » Jésus a dit très clairement que le plus grand commandement était d'aimer Dieu de toutes ses forces. Si nous lui demandions ce que Dieu attend de nous, je suis convaincu qu'il nous répondrait : « Dieu veut que vous le connaissiez et que vous l'aimiez » Son récit nous présente un Dieu aimant et miséricordieux, qui désire aimer et être aimé. Ces attributs n'enlèvent rien au fait qu'il voue une haine implacable au péché. Dieu déteste le péché parce qu'il fait du mal à ses enfants. Mais il aime passionnément ses enfants.
Le Grand Cathéchisme de Westminster, rédigé en 1648, débute ainsi :
« Question : Quel est le but principal de la vie de l'homme ?
Réponse : Le but principal de la vie de l'homme est de glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éternel. » |
J'aime beaucoup cette notion de « trouver en lui son bonheur éternel ». Pensez-vous que Dieu veut que vous trouviez en lui votre bonheur ? Pour ma part, je suis persuadé que c'est mon désir le plus cher. Julienne de Norwich a écrit : « Le plus grand bonheur que l'âme puisse faire à Dieu est de vivre dans la joie à cause de la connaissance de son amour. » Cette affirmation m'a choqué quand je l'ai lue pour la première fois. Le plus grand bonheur que nous puissions faire à Dieu ? N'est-ce pas de mourir pour lui sur le champ de mission ? Or, Julienne propose un récit différent : « Ce que Dieu désire le plus, c'est de vous voir sourire parce que vous savez combien il vous aime. » Mon récit du champ de mission ne présente pas un Dieu que je serais naturellement porté à aimer. Le Dieu que connaissait Julienne me parle d'un Dieu que je ne peux pas m'empêcher d'aimer, un Dieu qui trouve en moi son bonheur.
Dans son livre Amazing Grace, Kathleen Norris raconte comment elle a découvert Dieu dans le visage d'un enfant.
« Le printemps dernier, je me trouvais un matin à l'aéroport quand je remarquai un couple avec un très jeune enfant qui attendait devant la porte d'embarquement. Le bébé regardait les autres gens avec une grande intensité et, chaque fois qu'il reconnaissait un visage humain, quel qu'il fût, quel que fût son aspect – vieux, beau ou non, joyeux ou ennuyé –, il répondait par des manifestations de plaisir.
C'était une scène absolument magnifique ! Notre vilaine porte d'embarquement était devenue la porte du ciel. Je regardais l'enfant jouer avec tous ceux qui voulaient bien en prendre le temps. Comme Jacob dans le désert, je fus frappée de la même admiration, mêlée de respect, parce que je réalisais alors que Dieu nous regarde exactement de la même manière, recherchant sur notre visage ce qui fera son bonheur, admirant les créatures qu'il a appelées à la vie, qu'il a déclarées bonnes avec l'ensemble de sa Création… Je pense que seulement Dieu, ainsi que les enfants qui se savent ‘bien-aimés’, peuvent voir de cette façon. » |
Et si Dieu n'était pas fâché contre nous ? Si, comme le bébé de ce récit, il nous regardait avec « des manifestations de plaisir », sans tenir compte de notre apparence, de ce que nous ressentons ou encore de ce que nous avons fait ou manqué de faire ?
La seule réponse possible à un tel regard d'amour serait de lui manifester notre plaisir en retour. Si Dieu trouve son bonheur en moi – indépendamment de ma performance – je ne peux que l'aimer à mon tour. Et j'accomplis ainsi le plus grand commandement. Le récit de « la petite prophétesse » ne me pousse pas à aimer Dieu, il ne suscite en moi que de la crainte. Et du fait qu'il joue sur les leviers de la culpabilité et de la peur, il ne produit pas de changement réel. En revanche, le récit qui présente un Dieu qui nous aime et qui veut que nous l'aimions en retour est une incitation authentique et durable à changer.
Deux des versets les plus importants de la Bible, à mon sens, se trouvent dans 1 Jean 4.10-11. Ils sont responsables de ma propre transformation par le renouvellement de mon esprit.
« Et cet amour consiste non pas en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu'il nous a aimés et qu'il a donné son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a tant aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. » |
Ces versets sont devenus le fondement de mon récit dominant sur Dieu. Ce n'est pas notre amour pour Dieu qui détermine son attitude à notre égard. Dieu nous a aimé le premier, et le don de son Fils pour nous réconcilier avec lui en est la preuve. Et cet amour me pousse à aimer Dieu et les autres en retour. Dieu nous a aimés le premier et il ne cessera jamais de nous aimer. Ce que Dieu désire avant tout de nous, ce n'est pas que notre comportement moral s'améliore (cela viendra par la suite), mais que nous l'aimions parce qu'il nous a aimés le premier.
A. W. Tozer, le célèbre pasteur, enseignant et auteur (1897-1963) a écrit :
« Ce qui nous vient à l'esprit lorsque nous pensons à Dieu est la chose la plus importante à notre sujet… Si nous étions en mesure d'obtenir de tout homme une réponse complète à la question : ‘Que vous vient-il à l'esprit en pensant à Dieu ?’, nous pourrions prédire avec certitude l'avenir spirituel de cet individu. » |
Cette affirmation ne manque pas d'audace : la chose la plus importante concernant une personne est ce qu'elle pense de Dieu. Après mûre réflexion, je crois que Tozer a parfaitement raison. Nos pensées sur Dieu déterminent non seulement qui nous sommes, mais aussi comment nous vivons. Nous sommes effectivement capables de prédire « l'avenir spirituel » d'un individu simplement en sachant ce qu'il pense de Dieu.
Ce que nous pensons de Dieu – comment nous le voyons – définit notre relation avec lui. Si nous nous imaginons un Dieu sévère et exigeant, il y a de fortes chances que nous tremblions de peur devant lui et gardions nos distances. Si nous voyons Dieu comme une force vague et impersonnelle dans l'univers, nous aurons probablement une relation vague et impersonnelle avec lui. C'est pourquoi il est absolument essentiel que notre conception de Dieu soit juste. Elle déterminera tout ce que nous ferons. Si nous avons une piètre, voire une fausse opinion de lui, nous nous rendons coupables en réalité d'une forme d'idolâtrie, car nous adorons un faux dieu.
Lorsque j'ai découvert le Dieu révélé par Jésus, je me suis spontanément et irrémédiablement épris de lui. Mieux je comprends la nature et l'œuvre du Dieu trinitaire, et plus je suis fasciné par la vérité, la bonté et la beauté du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Mon but est de tourner votre regard vers le Dieu que Jésus révèle. Son Dieu est bon et merveilleux, aimant et digne de confiance, il se donne et il pardonne, il est puissant, il prend soin de nous et il veut notre bien. J'espère que lorsque vous arriverez à la fin de ce livre, vous serez épris du Dieu que Jésus connaît, et que vous vous réveillerez chaque matin heureux de vivre une nouvelle journée avec ce Dieu bon, merveilleux et généreux.
Le Psaume 23 est une magnifique expression du royaume de Dieu. Il nous présente un Dieu qui est à nos côtés, qui prend soin de nous, pourvoit à nos besoins et nous bénit, même dans les situations difficiles.
Le Dieu du Psaume 23 est généreux. Grâce à ses bontés, aux soins dont il nous entoure et à sa protection, nous ne manquons de rien. Il nous invite à nous reposer, à être renouvelés et restaurés. Il nous conduit et nous guide, y compris dans les ténèbres. Et parce qu'il est avec nous, nous pouvons vivre sans peur. Dieu dresse même une « table » devant nous en face de ceux qui voudraient nous faire du mal. Non seulement il satisfait à nos besoins, mais il nous donne beaucoup plus, à tel point que notre coupe déborde. Quand nous marchons avec notre divin Berger, toute notre vie (même les épreuves et les souffrances) nous apparaît comme un bonheur et une grâce.
Ce psaume est lu pratiquement à tous les ensevelissements chrétiens, parce qu'il apporte un message de réconfort, particulièrement le verset qui parle de traverser la vallée de l'ombre de la mort sans craindre aucun mal. Mais ce Psaume n'est pas réservé aux funérailles. Il est destiné avant tout à soutenir le croyant dans sa vie de tous les jours. Emportez ce Psaume avec vous tout au long de cette semaine et récitez-le aussi souvent que possible.
« L'Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien.
Il me fait reposer dans de verts pâturages, Il me dirige près des eaux paisibles, Il restaure mon âme, Il me conduit dans les sentiers de la justice, À cause de son nom. Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : Ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort. Tu dresses devant moi une table, En face de mes adversaires ; Tu oins d'huile ma tête, Et ma coupe déborde. Oui, le bonheur et la grâce m'accompagneront Tous les jours de ma vie, Et je reviendrai dans la maison de l'Éternel Pour la durée de mes jours. » |
Récitez ce Psaume chaque soir avant de vous endormir et à nouveau le matin au réveil. Essayez de méditer lentement chaque mot avant de poser un pied à terre. Ce Psaume deviendra comme une seconde nature pour vous, aussi naturel que la respiration. Vous vous surprendrez à le prier à vos moments perdus.
Ce Psaume présente un Dieu excessivement généreux. En laissant ces images pénétrer en vous, vous gravez la vérité de ce récit dans votre âme, la laissant façonner peu à peu votre esprit et votre corps.