Dieu alors jugea bon de mettre à part, du reste de l’humanité, l’homme duquel Christ devait descendre, afin que son Église pût être préservée, dans sa famille et dans sa postérité, jusqu’à ce moment-là. Il appelle Abraham hors de son pays et de sa parenté pour aller dans un pays éloigné que Dieu devait lui montrer. Il le conduisit d’abord d’Ur, des Chaldéens, à Caran, et de là dans le pays de Canaan.
Il a déjà été observé que la corruption du monde, par l’idolâtrie, était devenue générale à cette époque ; l’humanité fut presque entièrement envahie par elle. C’est pourquoi Dieu jugea nécessaire, afin de préserver la vraie religion dans le monde, qu’une famille fût séparée de toutes les autres, de peur que l’Église entière ne fût entraînée dans l’apostasie ; car le pays même d’Abraham et sa parenté, presque en majorité, avaient apostasié ; et, sans quelque intervention extraordinaire de la Providence, la vraie religion semblait être destinée à disparaître complètement dans une génération ou deux. C’est pourquoi Dieu appela Abraham, dans la famille de qui il se proposait de conserver la vraie religion, hors de son pays et du milieu de ses parents, pour le conduire dans un pays éloigné, où ses descendants pussent former une nation séparée des autres. Par ce moyen, la vraie religion pourrait être préservée dans son sein, tandis, que l’humanité serait enfoncée dans le paganisme.
Le pays des Chaldéens, d’où Abraham fut appelé, comprenait les environs de Babel ; Babel (ou Babylone) était la capitale de la Chaldée. Des savants supposent que ce fut dans ce pays que l’idolâtrie prit naissance ; que Babel et la Chaldée ont été les principaux sièges du culte des idoles, qui de là se serait répandu chez les autres nations. C’est pourquoi le pays des Chaldéens est appelé, dans les Écritures, un pays d’images taillées. « L’épée est sur les Chaldéens, dit l’Éternel, et sur les habitants de Babylone, sur ses principaux et sur ses sages. La sécheresse sera sur ses eaux, et elles tariront, parce que c’est un pays d’images taillées, et ils agiront en insensés à l’égard de leurs dieux qui les épouvantent (Jérémie 50.35, 38). » Dieu appelle Abraham hors de ce pays idolâtre, pour le conduire très loin ; et, lorsqu’il est arrivé dans ce pays lointain, il ne lui donne pas d’héritage ni de quoi poser le pied ; mais il y demeure comme un étranger et un voyageur, afin que lui et sa famille puissent rester séparés de tout le reste du monde.
Ce fut là quelque chose de nouveau : Dieu, précédemment, n’avait jamais eu recours à cette méthode. Jusqu’alors l’Église n’avait pas été séparée du monde de cette manière-là, ses membres avaient toujours habité dans son sein, ce qui avait eu souvent de très fâcheuses conséquences. Avant le déluge, les suites de cette habitation du peuple de Dieu au milieu du monde, sans qu’il y eût de muraille de séparation remarquable, avaient eu pour résultat l’union par le mariage des fils de l’Église et des autres ; de sorte que presque tous furent atteints par la corruption, et l’Église réduite à peu près à rien. Le moyen auquel Dieu eut recours pour la protéger fut de détruire les méchants par le déluge et de la sauver dans l’arche ; mais, à l’époque dont nous parlons, Dieu eut recours à un autre moyen : il ne détruisit pas les méchants, il ne sauva pas Abraham, sa femme et Lot, mais il les appela dans un pays étranger, pour y vivre séparés du reste du monde.
Ce fait nouveau occupe une grande place dans le développement de l’œuvre de la rédemption. Cela se passa environ vers le milieu de la période séparant la chute de la venue de Christ, environ deux mille ans avant l’apparition du grand Rédempteur. La vocation d’Abraham, un des ancêtres de Christ, assura la préservation de l’Église dans le monde jusqu’au moment de sa venue ; car, comme le monde était tombé dans l’idolâtrie, il était devenu nécessaire que la semence de la femme en fût séparée.
Et, de plus, il était indispensable qu’il y eût une nation particulière mise à part du reste du monde, afin de recevoir les types et les prophéties de Christ, qui allaient être donnés pour préparer la voie à sa venue, afin que les oracles de Dieu pussent leur être confiés ; pour que, par ce moyen-là, l’histoire des grandes œuvres de Dieu, dans sa création et dans sa Providence, pût être conservée, que Christ pût naître dans cette nation ; de sorte que, de ce point, la lumière de l’Évangile pût reluire sur le reste de ce monde. Ces fins n’auraient pas pu être atteintes, si le peuple de Dieu, durant ces deux mille ans, était resté mêlé au monde païen.
De sorte qu’on peut regarder la vocation d’Abraham comme une espèce de nouvelle fondation pour l’Église visible, destinée à la placer dans une position plus régulière et plus distincte. Cette fondation ayant été posée en Abraham, il est représenté dans l’Écriture comme le père de toute l’Église, le père de tous les croyants ; comme une racine d’où sortit l’Église visible, semblable à un arbre distinct de tous les autres. Christ fut la branche juste de cet arbre ; après sa venue, les branches naturelles en furent retranchées, pour faire place aux Gentils, qui furent entés sur le tronc ancien. — De sorte qu’Abraham reste toujours, par le moyen de Christ, le père, la racine de l’Église. C’est toujours ce même arbre qui, si petit aux jours d’Abraham, a aujourd’hui répandu ses branches sur une grande portion du monde, qui le couvrira entièrement au temps convenable, pour être transporté, à la fin du monde, de cette terre dans le paradis de Dieu.
Tout cela fut accompagné d’une révélation plus spéciale et plus complète qu’auparavant, en même temps que d’une confirmation de l’alliance de grâce. Il y avait eu déjà deux proclamations ou confirmations spéciales et solennelles de cette alliance ; l’une avait été faite à nos premiers parents, immédiatement après la chute ; l’autre à Noé et à sa famille, bientôt après le déluge ; maintenant, une troisième a lieu à l’occasion de la vocation ’d’Abraham. — Il fut alors révélé à Abraham, non seulement que Christ viendrait, mais qu’il naîtrait de sa postérité, et Dieu promit que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui ; et Dieu réitéra sa promesse. La première fut faite quand il appela Abraham pour la première fois. « Et je te ferai devenir une grande nation et te bénirai, et je rendrai ton nom grand, et tu seras béni (Genèse 12.2). »
Cette même promesse fut renouvelée au patriarche après son arrivée dans le pays de Canaan (Genèse 13.14) ; quand il fut de retour de la défaite des rois (Genèse 15.5-6) ; et, pour la quatrième fois, après qu’il eut offert Isaac en sacrifice (Genèse 22.16-18).
En renouvelant l’alliance de grâce avec Abraham, Dieu révéla plus clairement qu’auparavant certains détails : non seulement que Christ descendrait de la race d’Abraham, mais aussi la vocation des Gentils, que toutes les nations de la terre entreraient dans l’Église, que toutes les familles de la terre seraient bénies ; et, de plus, il fut clairement révélé que la foi serait la condition de l’alliance de grâce (Genèse 15.5-6) ; et il est remarqué, dans le Nouveau Testament, que, pour cette raison, Abraham fut appelé le père des croyants.
En même temps que l’alliance de grâce était plus complètement révélée, elle était confirmée par de nouveaux signes et accompagnée d’autres garanties, comme, par exemple, la circoncision, qui était un sceau de l’alliance de grâce, ainsi qu’on le voit par son institution (Gen. ch. 17). Elle est présentée comme un sceau de cette alliance par laquelle Dieu promit de faire d’Abraham le père de plusieurs nations ; et il nous est expressément enseigné que ce fut un sceau de la justice de foi. Parlant d’Abraham, l’Apôtre dit : « Il reçut le signe de la circoncision pour un sceau de la justice de la foi. »
La famille d’Abraham et sa postérité devaient rester séparées du reste du monde jusqu’à la venue de Christ ; et ce sacrement était le principal mur de séparation. En outre, Dieu donna à Abraham une garantie remarquable de l’accomplissement de la promesse qu’il lui avait faite, en le faisant triompher de Kédor-Lahomer et des rois qui étaient avec lui. Kédor-Lahomer paraît avoir régné sur une grande partie du monde de ce temps-là ; et, quoiqu’il eût son siège à Elam, peut-être à un millier de milles du pays de Canaan, cependant son empire s’étendait sur quelques portions du pays de Canaan, comme on le voit par Genèse 14.4-7. Des savants ont supposé qu’il’était roi de l’empire d’Assyrie de ces jours-là, qui avait commencé à Babylone, sous Nimrod. Et, comme les rois de ce temps-là tenaient à honneur de bâtir des villes pour en faire le siège de leur empire (Genèse 10.10-12), on a supposé qu’il s’était éloigné, avait bâti une ville en Elam et en avait fait son siège ; et que les autres rois qui vinrent avec lui étaient ses députés dans les diverses villes et pays où ils régnaient ; et pourtant, il eut beau avoir un grand empire et venir avec une grande armée, Abraham n’ayant avec lui que les serviteurs nés dans sa maison, les conquit et les soumit. Ainsi, il reçut de Dieu une garantie de ce qui lui avait été promis, savoir que Christ, sa semence, devait remporter la victoire sur les nations de la terre, ce qui le mettrait en possession des portes de ses ennemis. Il en est parlé clairement dans le 41e chapitre d’Esaïe, où est prédite la victoire glorieuse que, dans l’avenir, l’Église doit remporter sur les nations du monde. — Il est parlé de cette victoire d’Abraham comme d’une garantie et d’un gage de la victoire de l’Église (Ésaïe 41.2-3).
Abraham reçut une autre confirmation très remarquable de l’alliance de grâce, lorsque, à son retour de la défaite des rois, Melchisédec, roi de Salem, sacrificateur du Dieu très Haut, ce grand type de Christ, vint à sa rencontre, le bénit et lui apporta du pain et du vin. Le pain et le vin représentaient les mêmes bénédictions de l’alliance de grâce qui sont représentées dans la sainte scène ; et le fait de la venue de Melchisédec à sa rencontre avec un pareil sceau de l’alliance de grâce, à l’occasion de cette victoire, montre que c’était une garantie que Dieu accomplirait cette même alliance (Genèse 14.19-20).
La vision qu’il eut, pendant un profond sommeil, du four fumant et du brandon de feu qui passa entre les parties du sacrifice, fut une autre confirmation de l’alliance de grâce. Le sacrifice figurait celui de Christ ; le four fumant, qui passa d’abord entre les parties du sacrifice, figurait les souffrances de Christ ; mais le brandon qui suivit, et qui brille d’un grand éclat, figure la gloire qui suivit les souffrances de Christ, dont elle fut le fruit.
Dieu donna à Abraham une autre garantie bien remarquable de l’accomplissement de son alliance de grâce, en lui accordant dans sa vieillesse cet enfant duquel Christ devait descendre (Hébreux 11.11-12 ; Romains 4.18), et en sauvant Isaac, alors qu’il était attaché sur le bois du sacrifice pour être mis à mort. Ainsi fut confirmée la foi d’Abraham en la promesse que Dieu lui avait faite, touchant Christ, qu’il serait de la postérité d’Isaac ; ce fait fut aussi une représentation de la résurrection de Christ (Hébreux 11.17-19). Et, parce que la chose eut lieu comme une confirmation de l’alliance de grâce, Dieu renouvela en cette occasion son alliance avec Abraham (Genèse 24.15).
Ainsi on voit comment l’alliance de grâce fut plus complètement révélée et confirmée du temps d’Abraham que précédemment. Par ce moyen, Abraham semble avoir eu une vue plus claire de Christ, le grand Rédempteur, et des choses à venir qu’il devait accomplir. C’est pourquoi Christ nous déclare : « Abraham, votre père, a tressailli de joie de voir cette mienne journée ; il l’a vue, et s’en est réjoui (Jean 8.56). » C’est ainsi que Dieu se plut à faire faire un grand, pas à cette œuvre, dans laquelle il était engagé depuis le commencement du monde.
Ensuite, Dieu préserva les patriarches, pendant très longtemps, contre les méchants habitants de Canaan et contre tous leurs autres ennemis. Les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, étaient ceux dont Christ devait descendre ; ils furent alors séparés du monde, afin que l’Église pût être conservée en leur personne. Par conséquent, en les préservant, il poursuivit son grand plan de rédemption. Il les préserva et empêcha les habitants du pays où ils séjournaient de les détruire : ce fut là une remarquable dispensation de la Providence ; car les habitants du pays qui devinrent par la suite plus méchants l’étaient déjà beaucoup. On le voit par Genèse 15.16 : « Et en la quatrième génération ils retourneront ici ; car l’iniquité des Amorrhéens n’est pas encore venue à son comble ; » ce qui revient à dire : Quoique très grande, elle n’est pas encore à son comble. On peut se former une idée de leur iniquité, par la grande aversion qu’Abraham et Isaac ont à ce que leurs fils épousent des filles du pays. Abraham, dans sa vieillesse, n’est pas tranquille avant d’avoir fait jurer à son serviteur qu’il ne prendra pas de femme pour son fils d’entre les filles du pays. Et Isaac et Rébecca sont heureux d’envoyer Jacob aussi loin que Paddan-Aram pour prendre une femme. Et quand Esaü épouse quelques filles du pays, il nous est dit qu’elles furent « en amertume d’esprit à Isaac et à Rébecca. »
Nous avons une autre preuve de leur grande méchanceté dans Sodome et Gomorrhe ; Adma et Tséboïm, quelques-unes des villes de Canaan, probablement d’entre les plus méchantes, et renfermant vraisemblablement les ennemis les plus implacables de ces saints hommes, selon ce qui avait été dit au commencement : « Je mettrai inimitié entre toi et la femme, et entre ta semence et sa semence. » Leur vie sainte était une condamnation continuelle de la méchanceté qui prévalait autour d’eux. Ils doivent leur avoir reproché souvent leur iniquité comme nous voyons que Lot fit à Sodome. Il nous est dit qu’il affligeait tous les jours son âme juste, à cause de leurs méchantes actions, et il fut pour eux un prédicateur de la justice.
Ils étaient d’autant plus exposés à leurs attaques, qu’ils étaient étrangers et voyageurs dans le pays sans posséder aucun héritage. On est plus disposé à trouver à redire aux étrangers, et à être irrité par ce qu’il peut y avoir en eux d’offensant, comme ce fut le cas avec Lot à Sodome. Il leur reproche leur iniquité avec tous les égards possibles, et, là-dessus, ils s’écrient : Cet homme seul est venu pour habiter ici ; et il voudra nous gouverner ? Et ils le menacent de ce qu’ils se proposent de lui faire.
Mais Dieu préserva miraculeusement, au milieu d’eux, Abraham et Lot, Isaac et Jacob, et leurs familles, bien qu’ils fussent très peu nombreux et qu’ils eussent pu être promptement détruits. Ce fait est représenté comme un exemple admirable de la miséricorde de Dieu envers son Église. « Encore qu’ils fussent un petit nombre de gens, et qu’ils y séjournassent peu de temps comme étrangers. Car ils allaient de nation en nation, et d’un royaume vers un autre peuple. Il ne souffrit qu’aucun les opprimât ; et il a même châtié des rois pour l’amour d’eux ; disant : Ne touchez pas à mes oints, et ne faites point de mal à mes prophètes (Psaumes 105.12-15). »
Cette préservation fut à quelques égards très remarquable, quand le peuple du pays fut très irrité et provoqué, comme par la conduite de Siméon et de Lévi à l’égard des habitants de Sichem (Genèse 34.30). Dieu sauva miraculeusement Jacob et sa famille, en retenant ces hommes irrités par une frayeur inaccoutumée qui s’empara d’eux. « Puis ils partirent ; et la frayeur de Dieu fut sur les villes des environs, tellement qu’ils ne poursuivirent point les enfants de Jacob (Genèse 35.5). »
Et Dieu les préserva non seulement des Cananéens, mais aussi de tous les autres qui se proposaient de leur nuire. Il sauva Jacob et ceux qui l’accompagnaient, lorsqu’il fut poursuivi par Laban, plein de colère et disposé à le surprendre comme un ennemi. Dieu le rencontra, le réprimanda et lui dit : « Prends garde de ne rien dire à Jacob, ni en bien ni en mal. » Il le délivre aussi admirablement de son frère Esaü, qui venait à sa rencontre avec une armée, dans l’intention bien arrêtée de le mettre à mort. Comme Dieu, en réponse à sa prière, quand il combattit avec Christ à Péniel, changea admirablement le cœur d’Esaü, de sorte que, au lieu de le rencontrer comme un ennemi portant avec lui le carnage et la destruction, il l’aborda en ami et en frère, ne lui faisant aucun mal.
Ainsi, au milieu des ennemis et des dangers, fut préservée cette poignée d’hommes, cette petite racine sur laquelle reposait la bénédiction du Rédempteur. C’était quelque chose assez semblable à la préservation de l’arche, au milieu des tempêtes du déluge.
Le fait qui doit maintenant attirer notre attention, c’est la terrible destruction de Sodome et de Gomorrhe, et des villes environnantes. Il concourut de deux manières à l’avancement de la grande œuvre :
Premièrement, cela contribua puissamment à empêcher les habitants du pays de faire du mal aux étrangers que Dieu avait transportés pour séjourner au milieu d’eux. Lot était un de ces étrangers ; il vint dans le pays avec Abraham, et Sodome fut détruite pour avoir manqué de respect à Lot, le prédicateur de la justice. Ils attirèrent sur eux la destruction, en faisant une insulte abominable à Lot et aux étrangers qui étaient venus dans sa demeure, à ces anges qu’ils prirent probablement pour d’anciennes connaissances de Lot, venues pour le visiter. Ils assiégèrent de la manière la plus outrageante la maison de Lot, se disposant à commettre un crime affreux sur ces étrangers, et menaçant de faire encore pire à Lot ; mais, sur ces entrefaites, Dieu les frappa d’éblouissement, et le matin suivant, la ville et le pays environnant furent engloutis par un terrible orage de feu et de soufre. Cette terrible destruction eut lieu sous les yeux des autres habitants du pays, et sans doute qu’elle frappa leur esprit de crainte et de terreur, et leur fit craindre de faire du mal aux étrangers. Ce fut probablement un des moyens les plus puissants pour les retenir et pour sauver les patriarches.
Quand on dit que les habitants du pays ne poursuivirent pas Jacob, bien que provoqués par la mort des gens de Sichem, parce que la terreur de l’Éternel était sur eux, il est probablement question de cette crainte-là. Se rappelant la terrible destruction de Sodome et des villes de la plaine, qui vint sur elles pour avoir maltraité Lot, ils n’osèrent pas faire du mal à Jacob et à sa famille.
Cette terrible destruction contribua encore à l’avancement de la rédemption d’une autre manière : par ce moyen, Dieu mit en évidence les terreurs de sa loi, pour faire sentir aux hommes qu’ils avaient besoin de miséricorde. L’œuvre de la rédemption ne se développa jamais qu’à la faveur de ce sentiment. Dès le commencement, la loi est employée comme un pédagogue pour amener à Christ.
Mais, sous l’ancienne alliance, une manifestation extraordinaire, visible, saisissable de la colère de Dieu contre le péché, était plus nécessaire que sous la nouvelle ; car, depuis Christ, la vie à venir, les souffrances éternelles de l’enfer ont été plus clairement révélées, et les souffrances de Christ ont admirablement mis en évidence tout ce que la justice de Dieu a de redoutable. C’est pourquoi les révélations de Dieu, dans ces jours-là, étaient toujours accompagnées de circonstances de nature à effrayer. Ainsi, quand Dieu apparut sur le mont Sinaï pour donner la loi, ce fut avec des tonnerres et des éclairs, du milieu d’un nuage obscur, et avec une voix éclatante de tempête. Pour plusieurs raisons, une manifestation extérieure et effrayante de la colère de Dieu contre le péché était particulièrement nécessaire avant que la loi fût donnée ; et, avant le déluge, les terreurs de la loi, qui s’étaient transmises traditionnellement depuis Adam, avaient concouru au même but. Adam lui-même vécut neuf cent trente ans pour proclamer les terribles menaces que Dieu avait faites en traitant alliance avec lui, les effrayantes conséquences de la chute ; et des hommes qui avaient vécu avec Adam vécurent jusqu’au déluge. La destruction du monde, par le déluge, eut pour effet de mettre en évidence les terreurs de la loi et de manifester la colère de Dieu contre le péché, pour faire sentir l’absolue nécessité de la rédemption ; et il y avait encore, du temps d’Abraham, des hommes qui avaient vu le déluge.
Toutefois, à cette époque, il était en grande partie oublié ; aussi Dieu jugea bon de manifester de nouveau, d’une manière surprenante, sa colère contre le péché, en détruisant ces villes. Ce fut là la plus frappante image de l’enfer qu’il y eût jamais ; aussi l’Apôtre dit-il qu’elles reçurent la punition du feu éternel. Dieu fit pleuvoir sur elles du feu et du soufre, probablement au moyen de la foudre. Les fleuves de soufre consumèrent ces villes, si bien que les habitants périrent dans les flammes de la colère divine. Ce fut là une manifestation de la terrible colère de Dieu contre l’impiété et l’injustice des hommes, qui contribua à montrer la nécessité de la rédemption, et concourut à l’avancement de cette œuvre.
Dieu renouvela encore son alliance de grâce avec Isaac et Jacob ; avec Isaac, en ces mots : « Demeure dans ce pays-là, je serai avec toi et je te bénirai ; car je te donnerai, et à ta postérité, tous ces pays-ci, et je ratifierai le serment que j’ai fait à ton père Abraham. Je multiplierai ta postérité comme les étoiles des cieux, et je donnerai ces pays-là à ta postérité, et toutes les nations de la terre seront bénies en ta semence (Genèse 26.3-4). » Et ensuite avec Jacob, quand Isaac, agissant et parlant sous l’inspiration divine, le bénit, lui et sa postérité. « Que les peuples te servent, et que les nations se prosternent devant toi ! Sois le maître de tes frères, et que les fils de ta mère se prosternent devant toi ! Quiconque te maudira soit maudit, et quiconque te bénira soit béni (Genèse 27.29). » Par conséquent, Esaü, en perdant cette bénédiction, perdit aussi les privilèges de l’alliance de grâce.
Cette alliance fut aussi confirmée à Jacob, à Béthel, dans la vision de l’échelle s’élevant jusqu’aux cieux, symbole du salut par Christ. La pierre sur laquelle Jacob s’endormit était un type de Christ, le rocher de Jacob, sur lequel repose l’Israël spirituel ; cela est évident, parce qu’elle fut ointe et qu’on s’en servit comme d’un autel ; et nous savons que Christ est l’oint de Dieu, et le seul véritable autel. Pendant que Jacob est là, reposant sur cette pierre et contemplant l’échelle dans sa vision, l’Éternel se montre à lui, comme le Dieu de l’alliance, et renouvelle son alliance avec lui. « Et ta postérité sera comme la poussière de la terre, et tu t’étendras à l’occident, à l’orient, au septentrion et au midi, et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta semence (Genèse 28.14). »
Jacob obtint une autre confirmation remarquable de cette alliance à Péniel, où il combattit avec Dieu et resta vainqueur. Christ lui apparut sous la forme de cette nature qu’il devait prendre plus tard pour l’unir personnellement à sa nature divine ; et Dieu renouvela encore son alliance avec lui, lorsque, après avoir quitté Paddan-Aram, il fut venu à Béthel, où il eut la vision de l’échelle (Genèse 35.10).
Ainsi, dans ce temps-là, l’alliance de grâce fut renouvelée plus souvent qu’auparavant. La lumière de l’Évangile commença à devenir toujours plus éclatante, à mesure que l’époque de la venue de Christ s’approchait.
Je ferai observer encore que Dieu, par le moyen de Joseph, sauva de la famine, d’une manière très remarquable, la famille de laquelle Christ devait sortir. A l’approche d’une famine de sept ans, Dieu, par une dispensation admirable de sa Providence, envoie Joseph en Egypte, pour préparer de quoi vivre à Jacob et à sa famille, afin de sauver la sainte semence, qui, sans cela, aurait péri. C’est dans ce but que Joseph fut envoyé en Egypte, comme il le remarque : « Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l’a pensé en bien, pour faire, selon que ce jour-ci le montre, afin de faire vivre un grand peuple (Genèse 50.20). » Combien de fois cette sainte racine, de laquelle devait sortir, dans l’avenir, une branche juste, le Rédempteur glorieux, n’a-t-elle pas été en danger d’être détruite ! Mais Dieu l’a toujours conservée.
Cette préservation de la maison d’Israël, par le moyen de Joseph, ressemble, à plusieurs égards, au salut par Christ. Les enfants d’Israël échappèrent à la mort par le moyen de Joseph, leur parent et leur frère ; Celui qui sauve les âmes de l’Israël spirituel, de la famine spirituelle, est aussi leur plus proche parent et n’a pas honte de les appeler frères. Joseph était un frère qu’ils avaient haï, vendu et comme tué ; car ils avaient eu l’intention de le faire. Par nature, nous haïssons Christ ; et, par la méchanceté de notre vie, nous l’avons vendu pour les vanités de ce monde ; par nos péchés, nous l’avons mis à mort. Joseph fut d’abord humilié ; il fut esclave ; Christ apparut sous la forme d’un serviteur ; il fut jeté ensuite en prison ; Christ fut déposé dans le tombeau. Quand il sortit de la prison, il fut élevé à une très haute position, placé à la main droite du roi, comme son député, pour régner sur tout son royaume, procurer de la nourriture et sauver la vie de ses sujets. Christ, de même, fut élevé à la droite de Dieu, pour être le Prince et le Sauveur de ses frères ; il reçut des dons pour les hommes, même pour les rebelles qui l’avaient haï et vendu.
Il y eut ensuite, dans la bénédiction de Jacob pour son fils Juda, une prophétie touchant Christ, plus remarquable que toutes les précédentes, puisqu’elle montrait de quelle tribu il devait naître. Quand Dieu appela Abraham, il lui révéla que le Christ serait de sa postérité. Avant cela, nous n’avons aucune révélation disant que la généalogie de Christ dût être renfermée dans des limites plus étroites que la postérité de Noé en général. Après cela, les déclarations deviennent encore plus positives ; car, bien qu’Abraham eut plusieurs fils, il est révélé que le Christ serait de la postérité d’Isaac ; et ces déterminations deviennent encore plus positives ; car, quand Isaac eut deux fils, il fut révélé que le Christ serait de la postérité d’Israël. Et maintenant, bien qu’Israël eût douze fils, il fut révélé que Christ serait de la postérité de Juda. Christ est le lion de la tribu de Juda. C’est surtout en vue de ses grandes œuvres, qu’il est dit : « Juda, quant à toi, tes frères te loueront : ta main sera sur le collet de tes ennemis ; les fils de ton père se prosterneront devant toi. Juda est un faon de lion : mon fils, tu es revenu de déchirer ; il s’est courbé, et s’est couché comme un lion qui est en sa force, et comme un vieux lion : qui le réveillera (Genèse 49.8-9) ? » De plus, cette prédiction est encore plus circonstanciée. pour ce qui est de la venue de Christ. « Le sceptre ne se départira point de Juda, ni le législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que le Scilo vienne ; et à lui appartient l’assemblée des peuples. » La prophétie de la vocation des Gentils, par suite de la venue de Christ, semble être plus claire que celles qui ont précédé, à en juger par cette expression : « A lui appartient l’assemblée des peuples. » Nous voyons comment cette lumière évangélique, qui commença à poindre immédiatement après la chute de l’homme, va toujours augmentant en clarté.
Dieu poursuivit son œuvre de rédemption pendant cette période, en préservant admirablement les enfants d’Israël en Egypte, alors que toute la puissance égyptienne était mise en jeu pour les détruire complètement. Ils semblaient être entièrement au pouvoir des Egyptiens ; ils étaient leurs esclaves, ils étaient soumis au gouvernement de Pharaon, qui avait résolu de les affaiblir par un rude esclavage ; et quand il vit que cela ne réussissait pas, il résolut de détruire leur race, en ordonnant que chaque enfant mâle serait jeté dans le Nil. Mais, en dépit de tout ce que Pharaon put faire, Dieu les sauva miraculeusement ; non seulement cela, mais il augmenta beaucoup leur nombre, de sorte que, au lieu d’être détruits, ils se multiplièrent beaucoup.
Et ici, remarquons que Dieu sauva non seulement la nation, mais l’Église invisible renfermée dans son sein, au moment où elle était en danger d’être absorbée par l’idolâtrie égyptienne. Les enfants d’Israël séjournèrent longtemps parmi les Egyptiens et furent leurs esclaves ; de sorte que, privés de cérémonies religieuses entre eux, hors d’état d’avoir un culte public ou des instructions, qui auraient pu conserver la vraie religion intacte, sans parole écrite, peu à peu, ils oublièrent en grande partie la vraie religion, pour s’abandonner à l’idolâtrie des Egyptiens. La plus grande partie du peuple s’adonna au culte de leurs dieux (Ézéchiel 20.6-8 ; 23.8).
Pour la troisième fois, l’Église de Dieu fut presque envahie et détruite par le monde méchant : une première fois avant le déluge, une seconde avant la vocation d’Abraham ; et maintenant en Egypte. Dieu, pourtant, ne permit pas que son Église fût complètement détruite ; il la préserva encore ; comme il avait sauvé l’arche dans le déluge, il sauva Moïse au milieu des eaux, dans une barque de joncs, alors qu’il courait le plus grand danger d’être englouti. Quelques-uns conservèrent la vraie religion, et Dieu eut toujours un peuple parmi eux, même dans ces malheureux jours de corruption et de ténèbres. Les parents de Moïse étaient de fidèles serviteurs de Dieu, comme nous le voyons par Hébreux 11.23 : « Par la foi Moïse, étant né, fut caché trois mois par ses père et mère, parce que c’était un très bel enfant ; et ils ne craignirent point l’édit du roi. »
Je viens de montrer comment Dieu a poursuivi son œuvre de la vocation d’Abraham à Moïse ; nous avons vu que plusieurs grandes choses ont été faites pour avancer cette œuvre, et qu’elle a fait des progrès plus marqués que dans les époques, précédentes.