Certains diront que l’insistance pour que les Chrétiens de divers lieux fassent monter leur prières au même moment précis, porte un caractère irrationnel, fantaisiste, comme si Dieu pouvait être moins touché par les prières d’un grand nombre de gens qui ne prient pas au même moment, que si les mêmes prient à la même heure.
A cette objection je réponds qu’il y a malentendu : nulle part dans le projet, ou dans les arguments à son appui, il n’est dit qu’on ait observé que les prières étaient plus efficaces à cette condition de simultanéité. Il est simplement supposé qu’il sera plus commode de s’entendre sur une date pour prier ensemble ; ce qui peut se faire sans impliquer ce que nous reproche l’objection.
1°) Le fait de s’accorder sur une date commune va encourager puissamment les Chrétiens à respecter leur engagement dans la prière, tandis que laissés sans indication définie ils seraient enclins à le négliger. Si, par exemple, les pasteurs d’Écosse, au lieu de la proposition qu’ils nous ont faite, avait envoyé une demande générale de prier beaucoup pour l’avancement du règne de Dieu, encore que tous les chrétiens auraient trouvé bon leur projet, comment auraient-ils eu l’assurance qu’elle ait été mise en pratique, et surtout auraient-ils pu croire à la persévérance des prières, année après année ? Combien plus un accord sur des temps communs d’union dans la prière promet-il de réalité et d’efficacité !
2°) Un autre avantage que le peuple de Dieu dispersé en divers endroits éloignés retirera en s’accordant pour prier au même moment sera de rendre visible leur union. Cette unité dans la prière est véritablement belle aux yeux de Christ, belle et agréable aux yeux des Chrétiens eux-mêmes. Ceci apparaît particulièrement évident lors des jeûnes publics et des fêtes d’actions de grâce ; d’ailleurs le fait que Dieu est institué le culte hebdomadaire local, où les Chrétiens doivent se réunir et communier ensemble, corrobore cet aspect important de la visibilité de leur union.
A ceux qui désapprouvent la proposition du Mémoire de déterminer certains jours où tous les Chrétiens dans le monde prieront au même moment, je demanderai s’ils ont quelque chose à objecter contre un accord visible du peuple dans la prière pour la venue du règne de Christ ? Une telle manifestation n’honorerait-elle pas grandement le nom du Seigneur ? et n’encouragerait-elle pas aussi énormément l’union des Chrétiens nominaux ? Or nous croyons, d’après la Parole de Dieu, que le grand Réveil religieux final qu’elle prophétise, sera précédé d’une union visible de son peuple dans des prières extraordinaires pour que soit répandue cette grâce. Mais comment cela sera-t-il possible sans une entente générale des chrétiens pour prier ensemble à des temps définis, et sans un appel en conséquence ? Aussi je pense que chaque assemblée devrait considérer que celui qui s’oppose à la proposition du Mémoire, s’oppose en réalité à la possibilité de ce que l’Écriture prévoit, à savoir une union visible dans la prière extraordinaire, et l’effusion générale de l’Esprit.
3°) Quoiqu’il ne soit pas raisonnable de penser que parce que beaucoup de gens prient en même temps ils prévaudront de ce fait davantage auprès de Dieu, néanmoins on peut vraisemblablement supposer qu’un tel mouvement exercera un impact sur l’esprit des hommes. Personne ne niera que lorsqu’un Chrétien se joint à une congrégation de frères qui prient et louent le Seigneur, il en est revigoré et encouragé. Quand bien même il serait aveugle, mais qu’il se sache au milieu d’une multitude de chrétiens unis dans l’adoration, son esprit jouirait encore d’une influence bénéfique. Car ce n’est pas seulement par les sens corporels que la prière collective nous encourage, mais par la connaissance que notre esprit a de cette union. Ainsi, un membre qui ne peut se joindre physiquement à la réunion, mais qui sait qu’en ce moment précis ses frères sont engagés dans l’adoration et la prière, sera lui-même vivifié et poussé à prier.
Il n’y a aucune sagesse à vouloir trouver des défauts à la nature humaine, telle que Dieu l’a voulue et créée. Notamment le fait que nous sommes plus affectés par les choses présentes que par celles qui sont éloignées dans le passé ou dans le futur. Par exemple, un père qui apprend qu’en cet instant précis, son cher enfant est en train de commettre une action honteuse, ou au contraire vertueuse, en sera bien plus profondément touché, que s’il considère l’épisode comme passé ou à venir. Cette particularité de l’esprit humain semble être commune à tous les êtres créés : les anges dans le ciel se réjouissent plus d’un pécheur qui se convertit maintenant que de ceux dont la conversion est ancienne. Si donc on traite de fantaisie le besoin de nous unir ensemble dans le moment présent, autant dire que les multitudes angéliques célestes partagent cette capricieuse folie.
D’autres jugeront que l’engagement religieux hors du commun, ici proposé, ressemble trop à du pharisaïsme. Mais tout exercice religieux spécial pris par une Église, comme un jour de jeûne ou de prière, n’est pourtant pas considéré comme une manifestation pharisaïque ! Et quand il s’agit d’un jour d’action de grâce publiquement décrété par un magistrat, pour tout une province, ou tout un État, les Chrétiens s’y joignent sans qu’il n’y ait là rien qui tienne du pharisaïsme.
Le Mémoire ne cherche pas à créer une caste singulière de Chrétiens adonnés à des exercices religieux extraordinaires, comme les pharisiens d’autrefois, mais au contraire à gagner le plus de Chrétiens possible à l’union dans la prière. Les personnes qui l’ont composé, ont mis en pratique depuis deux ans déjà ce qu’ils proposent ; ils se sont fait remarquer plus qu’ils ne le souhaitaient, c’est pourquoi ils ont envoyé le Mémoire à d’autres pays, dans le but évident de parvenir à un agrément général parmi tous les Chrétiens, indépendamment de toute dénomination.
[La plaidorie de Jonathan Edwards en faveur de l’effet psychologique positif engendré par la connaissance qu’une multitude de personnes prient au même moment pour la même requête ne manque pas de pertinence, et devient particulièrement parlante pour nous, qui au siècle d’internet jouissons d’une communication mondiale quasi instantanée. Quelle forme aurait prise cet appel d’union à la prière si les puritains du xviiie siècle avait eu à leur disposition un outil comme zoom ?! Et, chose remarquable, les chrétiens des réseaux sociaux prêts à liker automatiquement le portrait de Jonathan Edwards et le titre de son humble essai, n’en prieront pas davantage ensemble à la même heure selon la demande qu’il contient.]