Lorsque Jésus fut arrivé sur le territoire de Césarée de Philippe, il interrogeait ses disciples en disant : Qui disent les gens qu’est le Fils de l’homme ? Et ils lui dirent : Ceux-ci Jean-Baptiste, ceux-là Elie, et d’autres Jérémie ou l’un des prophètes. Il leur dit : Mais vous, qui dites-vous que je suis ? Or, Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et Jésus lui répliqua : Heureux es-tu Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux…
Alors il prescrivit aux disciples de ne dire à personne : C’est lui qui est le Christ. Dès lors Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait se rendre à Jérusalem, et beaucoup souffrir de la part des anciens et des grands-prêtres et des scribes, et être mis à mort, et ressusciter le troisième jour. Et Pierre l’ayant pris à part commença à le reprendre disant : Miséricorde te soit faite, Seigneur ; certainement cela ne t’arrivera point ! Mais lui s’étant retourné dit à Pierre : Va-t’en arrière de moi, Satan, tu m’es une pierre d’achoppement, car tu ne penses pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes !
Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même et qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ; car celui qui voudra sauver sa vie, la perdra, mais celui qui aura perdu sa vie à cause de moi, la trouvera… Car le Fils de l’homme doit venir entouré de la gloire de son Père avec ses anges, et c’est alors qu’il rendra à chacun selon sa conduite. (Matthieu 16.13-27)
Le même récit se retrouve presque identique Marc 8.27-38, sauf les v. 17-19 que Matthieu est seul à transmettre. Dans Luc 9.18-26 le récit est sensiblement abrégé, bien qu’il renferme un nouveau détail sur ce que Jésus venait de faire lorsqu’il eut avec ses disciples la conversation rapportée : et il advint, pendant qu’il priait à l’écart, que les disciples se réunirent à lui et il les interrogea en disant : Qui dit la foule que je suis ? — Ce détail a son importance, nous voyons Jésus prier avant tous les moments saillants de son ministère, et certes le moment auquel il prononça cette quatrième prédiction de sa résurrection, rentre bien dans cette catégorie. Nous sommes en plein dans ce qu’on a appelé : la crise de la foi en Galilée.
Au double point de vue de la chronologie et du caractère même des événements, nous atteignons le milieu du ministère actif du Seigneur. Une première période se termine et une seconde commence.
Jean-Baptiste venait d’être mis à mort par Hérode-Antipas (Matthieu 14.6-12 ; Marc 6.21-29), et celui-ci entendant parler de Jésus commençait à se préoccuper de lui, en l’associant au souvenir du Précurseur (Matthieu 14.1-2 ; Marc 6.14-16 ; Luc 9.7-9) — A cette nouvelle Jésus avait quitté la Galilée, sur laquelle dominait Hérode, et s’était réfugié sur la côte orientale du lac de Génézareth (Matthieu 14.13) ; c’est là qu’il avait accompli la première multiplication des pains. La multitude qui l’avait suivi, avait alors voulu l’enlever pour le faire roi, et Jésus avait dû aussitôt se soustraire à cet enthousiasme charnel en se retirant momentanément dans la plus complète solitude, après avoir forcé ses disciples à se rembarquer (Jean 6.14-15 ; Matthieu 14.22-23 ; Marc 6.45-46). Le lendemain, lorsque Jésus avait été retrouvé par la multitude à Capernaüm et qu’il avait déclaré dans la synagogue qu’il était lui-même le pain descendu du ciel, que sa chair était véritablement une nourriture, ces paroles avaient semblé trop dures à plusieursa de ses disciples, et dès lors ils l’avaient quitté (Jean 6.66) — Des scribes et des pharisiens étaient venus de Jérusalem pour l’interroger sur la conduite que tenaient ses disciples en n’observant pas les traditions pharisaïques sur les ablutions, et Jésus ne s’était pas borné à défendre ses disciples en posant le grand principe que ce qui souille l’homme vient du cœur, il avait commencé par prendre l’offensive en disant aux Pharisiens : Pourquoi vous-mêmes transgressez-vous le commandement de Dieu par votre tradition ? (Matthieu 15.1-20 ; Marc 7.1-23) — Puis il avait de nouveau quitté la Galilée et s’était retiré au nord-ouest sur le territoire de Tyr et de Sidon (Matthieu 15.21 ; Marc 7.24) — Peu après il s’était rendu dans une tout autre direction, au milieu de la Décapole, au delà du lac de Génézareth, et c’est là qu’il avait accompli la seconde multiplication des pains. Il avait ensuite repassé le lac et avait reparu dans la Galilée, mais pour la quitter aussitôt, après avoir répondu à la nouvelle demande d’un signe adressée par les Pharisiens, dont nous avons déjà parlé, et avoir dit à ses disciples, en retraversant le lac, cette parole si sévère à l’égard d’Hérode et des pharisiens : Ayez soin d’être en garde contre le levain des pharisiens et contre le levain d’Hérode (Marc 8.15 ; comp. Matthieu 16.6) — Il s’était dirigé vers Bethsaïde-Julias, au delà du Jourdain et au nord du lac de Génézareth, puis encore plus au nord, vers Césarée de Philippe, au pied de l’Hermon.
a – Ou « à beaucoup ». Le mot grec a les deux significations.
Il était passé sans retour, le temps où Jésus rayonnait de Capernaüm dans toutes les localités de la Galilée, enseignant paisiblement dans le plus grand nombre des synagogues. Maintenant il devait être errant, souvent même sur terre païenne, pour ne pas précipiter le terrible dénouement dont l’heure n’était pas encore venue ; il devait se mettre en garde, et contre Hérode, tétrarque de la Galilée, et contre les pharisiens de Jérusalem ; il devait encore éviter d’exciter la multitude qui n’était que trop disposée à s’attacher à lui avec un zèle tout charnel ; le nombre de ses disciples eux-mêmes avait sensiblement diminué.
Quant à l’entretien cité, il est parfaitement clair et nous n’avons à y relever que ce qui concerne le sujet particulier de cette étude. Aux progrès de l’opposition des adversaires et à la diminution des disciples correspond un progrès de la foi chez ceux qui restent fidèles, progrès bien marqué par la réponse si nette et si ferme de l’apôtre Pierre : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! — Mais si ferme que fût cette foi, elle était encore peu éclairée, comme le prouvent les v. 22-23. Déjà cependant elle était assez formée pour que Jésus pût commencer à annoncer ouvertement à ses disciples, non seulement les souffrances et la mort ignominieuse qui l’attendaient à Jérusalem, mais aussi sa résurrection, v. 21 : Dès lors il commença à montrer à ses disciples — (Marc 8.34 : et il commença à leur enseigner) — qu’il lui fallait se rendre à Jérusalem, et beaucoup souffrir de la part des anciens et des grands-prêtres et des scribes, et être mis à mort et ressusciter le troisième jour. — Cette résurrection elle-même ne devait être que le prélude d’un événement tout autrement glorieux : après avoir parlé de la nécessité où se trouvait le disciple de suivre son Maître dans le renoncement et la souffrance, Jésus ajouta, v. 27 : Car le Fils de l’homme doit venir entouré de la gloire de son Père avec ses anges, et c’est alors qu’il rendra à chacun selon ses œuvres.