S’aimer

Chapitre IV

A la découverte des difficultés

Les beaux-parents

En vérité, il est rare que les beaux-parents comme tels soient occasion de difficultés. Par contre, il est fréquent que la mère de l’époux — ou encore celle de l’épouse — soit à l’origine de conflits dans le jeune foyer. Quelques exemples précis montreront les différents aspects de cette difficulté.


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Je suis mariée depuis quelques mois. Nous ne formons qu’un seul ménage avec mes beaux-parents. Mon mari, de son côté, est très gentil. Mais voilà où cela se gâte : Ma belle-mère, très différente de moi par ses goûts et sa mentalité, mais aussi par ses méthodes, ne cesse de me faire souffrir. Elle se mêle de toutes nos affaires, alors que, de son côté, elle fait tout en cachette. Cela donne des disputes. Mon mari me dit d’oublier les défauts de sa mère…

… C’est dans la maison des grands-parents maternels que s’installèrent mes parents et, quelques années après leur mariage, ils firent ménage commun avec mes grands-parents. Si l’idée était belle, le résultat fut moins heureux pour les enfants. Le grand-père était de caractère difficile, la grand-maman trop bonne et faible, la maman toujours malade. Ma grand-mère, quoique très bonne, nous promettait des tas de choses, que nous n’avions jamais ! Elle voulait vrai- ment nous faire plaisir ; elle promettait plus qu’elle ne pouvait donner. Le père, très bon, mais faible de volonté, cherchait des fuites : il était pris entre sa femme qui menait la barque et sa mère devenue veuve et qui aurait voulu avoir la même place que l’autre grand-mère dans le foyer de son fils.

Rivalité, conflits, jalousie, tous croyaient agir au mieux. Résultat : incompréhension de part et d’autre. Mon père chercha ailleurs des divertissements. Et nous, les enfants, nous avons assisté à tout cela. Toutes nos joies d’enfants furent gâtées par ces querelles mesquines qu’on ne comprenait pas, mais dont on souffrait chacun à sa manière.

Les deux belles-mères manquaient d’amour l’une pour l’autre ; elles ont encore aggravé plus d’une fois la situation. Pour nous, c’était nos deux grands-mères, on ne pouvait prendre parti pour l’une ou l’autre. Ce voisinage tout proche des deux grands-mères fut la cause de bien des conflits…


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J’aimais trop mon mari pour le diminuer aux yeux du monde et je n’ai jamais rien dit à personne. Je gardais tout pour moi et ne sortais que rarement par crainte d’extérioriser mon chagrin.

J’ai aussi beaucoup supporté avec ma belle-mère qui était jalouse et qui fut même grossière avec moi, sans raison.

Pendant deux ans nous n’ayons jamais pu sortir une fois pour notre compte, mais toujours avec ses parents ! Mon mari est allé même jusqu’à inventer des monstruosités contre moi, lors des grossièretés de ma belle-mère, pour que cette dernière ne soit pas en tort ! Jamais il n’a tenu mon parti.

Je pardonne tout à mon mari et à ma belle-mère, cependant…


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Mon mari est fils unique. Il fut orphelin de père dès l’âge de douze ans et devint le centre du monde de sa mère qui, pendant les dix à quinze dernières années de son mariage, fut trompée sans cesse par son mari. Elle reporta tout son amour sur son enfant ; c’est normal ; mais que de pièges et d’embûches cela représente pour une jeune épouse de vingt ans. J’aimais bien ma belle-mère, mais très vite cette vie à trois me pesa, Elle habitait la même maison et entrait chez nous quand elle voulait ; et parfois on ne l’entendait pas ! Avions-nous une petite querelle, elle était là et, naturellement, prenait le parti de son fils, ce qui me mettait, je l’avoue, hors de moi. Un an après mon mariage, j’attendais mon premier bébé. Ce fut un drame, mon mari se trouvait trop jeune. Ma belle-mère voulut me donner une foule de bons conseils. Cela me révolta ! N’avait-il pas le droit de venir au monde, cet enfant ? Pourquoi se marie-t-on, alors ?…

En 19… nous bâtissions une nouvelle maison. Naturellement, ma belle-mère déménagea avec nous. J’aurais tant voulu que nous soyons seuls, que nous vivions notre vie, fassions seuls nos expériences, sans toujours prendre l’avis de grand-maman. J’ai beaucoup de respect pour les personnes âgées, mais je n’admets pas qu’à presque quarante ans, nous soyons obligés de consulter ma belle-mère toutes les fois que nous devons prendre une décision. Pourquoi en allait-il ainsi ? Parce que mon mari, quoiqu’ayant un très beau salaire, demandait souvent de l’argent à grand-maman qui ne sait rien lui refuser et, de cette façon, garde une très forte autorité sur son fils…


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Chacune des lettres ci-dessus le fait entendre : le conflit entre époux se trouve lié à la place que veut garder ou prendre la mère de l’un ou de l’autre des conjoints.

Cet autoritarisme maternel est souvent le prolongement d’une attitude qui se veut généreuse, mais qui est mêlée à beaucoup de curiosité ou de présomption. Avant tout mère poule, belle-maman croit que rien ne se fera bien sans elle. Sa méthode est la seule bonne. Ce qu’elle a fait dans son propre foyer, elle veut le continuer dans le foyer de ses enfants. En fait, elle ne leur veut que du bien et ne se doute nullement de l’importunité de ses interventions.

Comment agir sans qu’il en résulte des chicanes ?


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Il appartient au fils de faire acte d’autorité. Avec douceur et ménagement, il fera comprendre à sa maman ou belle-maman que charbonnier est maître chez soi. Si la jeune épouse discerne que son mari prend ainsi fait et cause pour elle, elle saura dorénavant demeurer calme, même si belle-maman ne comprend pas et continue à intervenir. Elle se souviendra qu’il est écrit : La charité est patiente Supportez-vous Les uns les autres avec charité (1 Corinthiens 13.4 ; Ephésiens 4.2).


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Mais il peut arriver que cet autoritarisme maternel obéisse à d’autres mobiles. Les circonstances familiales peuvent avoir accentué l’attachement de la mère pour son fils ou sa fille au point que l’amour conjugal, vécu dans le jeune foyer, soit considéré par la mère comme une atteinte à l’amour filial. Sans le dire, mais en fait pourtant, belle-maman voit dans sa belle-fille une rivale venue la frustrer de ses droits. Aussi, pour les garder ou les reprendre, elle ira jusqu’à se faire intrigante… Elle s’immiscera sans cesse dans le jeune foyer, même aux heures d’intimité. Par sa présence ou ses propos, elle envenimera les moindres divergences de vues, les provoquera même, y trouvant occasion de faire sentir à son fils qu’elle le comprend mieux que sa femme ne sait le faire. Elle ira jusqu’à encourager les mauvais penchants ou les faiblesses de son enfant si, à ce prix, elle peut encore le tenir à sa merci.


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Il peut arriver aussi que belle-maman, jalouse de l’amour dont sa fille est comblée, en veuille aussi sa part, sentimentalement. Comme l’enfant se croit frustré à la venue d’un nouveau-né et se montre insupportable, elle deviendra, elle aussi, difficile de caractère. C’est qu’en fait, elle n’accepte pas de passer au second plan de l’affection de ses enfants.

Que faire dans de telles situations ?

L’ordre de Dieu est clair à qui veut l’entendre. L’homme quittera son père et sa mère. Il s’attachera à sa femme et les deux ne feront plus qu’une seule chair…

Il ne faut pas vouloir être plus sage que Dieu, et, par sentimentalisme, à tout prix, faire une place de choix aux parents. Certes, il est écrit : Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient prolongés sur la terre que l’Eternel, ton Dieu, te donne. Mais ce respect ne doit pas aller jusqu’à la transgression de la volonté divine qui subordonne l’affection respectueuse due aux parents à l’unité du couple. Si Dieu ordonne au mari de quitter le foyer paternel, de s’attacher à sa femme, c’est que le bonheur du nouveau foyer est lié à cette obéissance.


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Sa mise en pratique se heurte parfois à des difficultés d’ordre matériel, à la campagne surtout. Pourtant, si les distances à mettre entre foyer des parents et foyer des enfants facilitent ce bonheur, elles ne sont pas déterminantes. On peut vivre côte à côte et respecter la personnalité d’autrui. La mère peut prendre sur elle d’obéir à l’ordre divin et, même s’il lui en coûte, s’abstenir de toute intervention qui n’aurait pas été sollicitée. A l’heure où cette intervention serait sollicitée, elle peut se souvenir que son rôle n’est pas de prendre parti, mais de travailler à l’unité de ceux qui, séparément, se réclament d’elle et de son avis.


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Cependant, une fois de plus, c’est au conjoint masculin de prendre au sérieux son titre de chef. La prévoyance divine a connu la difficulté qui surviendrait. A l’avance, elle a voulu y parer en appelant l’homme à rompre d’une certaine manière avec sa mère et à créer l’unité avec son épouse.

Aussi, dans tout conflit avec la « belle-mère », quelle que soit la culpabilité de cette dernière, le fils peut toujours se dire qu’il en porte la responsabilité. Ou bien son attachement à sa mère est resté puéril. Ou bien il a permis à celle-ci de prendre, à son foyer, une place qu’elle n’aurait jamais dû y avoir. Ou bien il n’a pas su inspirer à son épouse l’attitude d’affectueux respect qu’elle doit à belle-maman. Ou bien enfin, il s’est permis de tenir devant sa mère des propos ou d’avoir une attitude en contradiction avec l’ordre divin. En effet, si mère et fils se souviennent que le fils marié forme une seule chair avec sa femme, tout propos au désavantage de cette dernière l’atteint, lui, en même temps. Il ne saurait donc entendre complaisamment sa mère dire du mal de sa femme ou, vice-versa, tenir lui-même à sa mère des propos qui désavantagent son épouse.


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En conclusion, il est juste de souligner qu’il appartient d’abord aux parents d’obéir à l’ordre divin. Cela est d’autant plus souhaitable qu’ils sont les aînés et, qu’en tout temps, on est en droit d’attendre davantage des parents que des enfants.

Certes, il peut arriver que les nouveaux époux aient envers leurs parents une attitude très décevante, La désinvolture et l’ingratitude des « jeunes » dépassent parfois de beaucoup les limites les plus largement comptées. Ce n’est pas sans raison qu’au cœur de l’Evangile — Luc chapitre 15 — nous est racontée l’histoire de L’enfant prodigue. Précisément, au cœur de cette histoire, l’attitude du père ressort en notes claires. Elles tiennent en deux mots : amour et pardon.

Il faut commencer par donner aux enfants ce qu’on attend d’eux en retour. Surtout à l’heure où ils sont ingrats. N’est-ce pas ainsi que Dieu agit sans cesse envers l’homme ?

Le divorce

C’est un mot affreux, c’est un mot odieux. Qui dira jamais toutes les souffrances qu’il recouvre, toutes les conséquences lamentables qu’il engendre ?

Divorce ! Ce mot n’évoque souvent qu’une rupture entre époux. En fait, il est à l’origine de misères dépassant largement le cadre conjugal.

Pour la femme d’abord !

Elle aura, dorénavant, à porter seule le poids redoutable de très nombreuses difficultés. Difficultés affectives, compliquées parfois de souvenirs obsédants, de tentations de toutes sortes, que son isolement accentue quotidiennement. La société n’a jamais eu beaucoup d’égards pour la femme seule. Il arrive même qu’on use envers la femme divorcée de libertés qui touchent au mépris ou à l’irrespect le plus inconvenant.

A tous ces fardeaux s’ajoute, dans la plupart des cas, celui de conditions matérielles d’autant plus difficiles qu’à cette femme divorcée incombe le souci d’élever un ou plusieurs enfants. Sans doute, la loi oblige-t-elle le père à participer à leur entretien. Encore faudrait-il que les pères s’acquittent de leurs obligations financières avec ponctualité. Et quand ce serait le cas, une femme avec plusieurs enfants peut-elle vraiment vivre avec ce minimum ?

D’où bientôt, en plus de tous les soucis d’éducation des enfants, la nécessité de chercher du travail. Aussi, la femme divorcée avec enfants se voit-elle contrainte à une existence qui touche à l’esclavage car, à l’atelier, au magasin, à l’usine, au bureau, elle fait le travail d’un homme. Quand elle rentre, l’attend l’habituel travail d’une mère de famille. En plus de tout cela, elle doit remplir le rôle de chef de famille et y montrer un entrain, des aptitudes, une bonne humeur que n’ont pas toujours les mères à qui rien ne manque.

Aussi, vu sous cet angle, le divorce provoqué, voulu, consenti par un homme père de famille est aussi grave qu’un crime.

Ce crime a d’autres conséquences encore. L’épouse n’est pas seule à pâtir. Qui saura décrire la souffrance des enfants de divorcés ?


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Très jeune, dès l’âge de huit ans, j’ai dû quitter le foyer paternel, celui-ci n’étant pas un foyer normal et ne pouvant me donner l’éducation et l’exemple dont un enfant a besoin. Mon enfance s’est passée d’une place à l’autre ou dans des institutions, orphelinat, maison d’éducation, etc. En quittant le foyer paternel, je traînai donc de places en places, et d’institutions en institutions, sans tirer grands profits de tous ces changements.

D’un caractère difficile et influençable, les mauvais exemples me tentaient toujours, quitte à payer chaque fois par de vains remords des actes irréfléchis et stupides.

Toutes ces faiblesses et ces défauts sont dus au manque d’un foyer, d’affection, de compréhension ; car personne mieux qu’une mère ne peut guider et influencer le caractère d’une enfant.

Aussi, différents vices se sont emparés de moi ; j’ai menti, volé, je me suis mal conduite, tout cela presque sans bien m’en rendre compte, cela étant, me semblait-il, une sorte de compensation pour tout ce qui me manquait…


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J’essaie de vous faire voir la situation par ces lignes. Jusqu’à l’âge de dix ans, j’ai vécu avec mes parents et mon frère. Mais, mon père connaissant une autre femme, notre vie de famille est devenue intenable, Tout ce que j’ai connu, ce sont scènes sur scènes, colères, disputes. Depuis petite, j’ai dû partager les soucis de famille avec ma mère. Mon père a divorcé et s’est remarié. Il ne s’est presque plus occupé de ses enfants. J’étais très sensible et j’ai beaucoup souffert de cela intérieurement, car j’ai horreur de montrer mes sentiments aux autres. Je parais plus dure que je ne suis.

Cela me fait de la peine lorsque j’entends les autres parler de leur foyer uni.

Maintenant, il y a quatre ans que ma sœur est morte assez tragiquement, par suicide. Depuis, nous sommes toujours tristes. Ma mère s’est aussi endurcie.

Donc, comme je n’ai jamais eu personne à qui me confier, je me suis fait sans le vouloir, presque inconsciemment, une image d’une personne qui remplacerait peut-être un peu mon père…


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Mes parents se sont divorcés lorsque j’avais dix-huit ans. Les torts étaient du côté de mon père qui nous a fait tant souffrir, maman et moi. Je ne dirai rien d’autre de cet homme qui a gâché toute ma vie.

Pourquoi mettre des enfants au monde ? Pour les faire souffrir ?


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A ces témoignages directs s’ajoute celui du Directeur d’un collège secondaire qui écrit :

Né de l’amour de ses parents, l’enfant ne peut supporter la moindre désharmonie entre eux, à plus forte raison la rupture. Le déchirement de sa famille l’atteint au centre de lui-même, ébranle son équilibre nerveux, sa confiance, son cœur, son esprit. Lui seul figure encore ce qui se défait autour de lui. Tout le poids de sa famille en ruine tombe sur ses petites épaules. C’est beaucoup lui demander. Il porte sa souffrance en classe. Pour rien au monde, il ne la laissera voir. Mais il est désormais profondément distrait. Inquiet, mal surveillé chez lui, il prépare sans soin ses devoirs, il mange de travers, il dort mal, il arrive en retard en classe : peu désireux de rentrer chez lui, il s’attarde au collège après les leçons. Secrètement humilié, il lie compagnie avec de moins bons que lui ; agité, nerveux, il cherche une diversion, donne le change à ses camarades en prenant des airs avantageux ou impertinents, se singularise, se fait gloire d’un certain désordre ; il crâne, passe la mesure ; les punitions arrivent et, avec elles, la mauvaise conscience. La maladie peut s’en mêler. Autant de retards et de chutes. C’est l’année manquée qu’il faudra doubler et l’amertume de l’échec. La déchéance parfois est rapide et irrémédiable : se sont les études elles-mêmes qu’il faut abandonner…

Cet enfant retrouvera difficilement l’élan vital, la sérénité dont il a faim, lui aussi, pour aimer, admirer, travailler, connaître l’enthousiasme, la sûreté autour de soi, derrière soi, qui permet l’élévation lente par les études. Un problème — son problème — se pose toujours en travers des autres. Défiance précoce, jalousie peut-être (et trop naturelle) à l’égard de condisciples apparemment plus favorisés, secrète nostalgie, solitude qui peut devenir neurasthénie, voilà les éléments de démesure et de médiocre conseil.

L’enfant dont les parents rompent est un enfant blessé, qui peut ou pourrait en mourir. Il sera, dans le cas le plus favorable, un mutilé qui aura triomphé de sa mutilation.


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On sait d’autre part qu’un très fort contingent d’enfants renvoyés devant la Chambre pénale des mineurs sortent précisément de milieux familiaux détruits par le divorce. Elevés par la « gouvernante » du père ou sa nouvelle épouse, certains d’entre eux se vengent sur la société de la rancune accumulée pendant toutes les années où ils ont été privés d’affection.

Ou bien, ils sont élevés par leurs mères seules et celles-ci sont parfois incapables de leur donner une réelle éducation. Qui leur fera grief de l’agressivité qu’elles manifestent parce que ce fils leur rappelle sans cesse le mari absent et détesté ? Qui leur reprochera de déverser sur l’enfant le trop plein de tendresse qu’elles ont dû refouler ? Qui s’étonnera de voir l’enfant passer au rang d’idole, bientôt de tyran, imposant toutes ses volontés à une mère que son désarroi affectif rend aveugle et même lâche ?


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Le divorce est un crime dont pâtit enfin le divorcé lui-même, surtout à l’heure où l’épouse a abandonné mari et enfants. Et dans le cas contraire, combien d’hommes, à cause du divorce, ont passé au rang des fourbes et des lâches ?

La dislocation du foyer entraîne des difficultés matérielles accrues avec lesquelles l’homme n’avait pas compté. Il n’avait vu que la situation critique dont le divorce apparemment le libérait. Il avait omis de regarder aux conséquences. Généralement, elles dépassent ses possibilités. Alors, lâchement, il cherche à s’y soustraire. Tout lui devient bon : chantage, fuite à l’étranger, fausses déclarations, maladies ou infirmités inventées de toutes pièces, changements incessants d’employeurs. Il est entré dans un chemin de mensonges qui font de lui un coquin, même s’il n’en porte pas le nom.

Il y a, bien sûr, tous les exemples contraires d’hommes ou de femmes divorcés qui ont pris leurs responsabilités, ont dignement élevé leurs enfants et gardé, à l’égard de leur ex-conjoint, une attitude parfaitement honorable. Mais ces exceptions ne font que confirmer la règle, et celle-ci est d’une implacable dureté pour ceux qui ont à la connaître pratiquement.


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Le Christ le savait qui disait aux Juifs, en parlant du divorce : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n’en était pas ainsi (Matthieu 19.11).

La dureté du cœur !

C’est bien elle qui a permis les lamentables situations évoquées plus haut. Elle est, hélas ! naturelle à l’homme. Il faut s’en souvenir à l’heure où l’on viendrait à s’indigner de la multiplicité des divorces et des ruines qu’ils laissent après eux.

Le divorce n’est qu’un des signes de la révolte de l’homme contre Dieu. Là est sa source profonde. Aussi faudrait-il la réconciliation de tout homme avec Dieu pour que le divorce soit banni de notre terre.


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La loi civile est réaliste. Dans les engagements que doivent prendre les époux, elle fait du mariage un contrat comprenant la possibilité d’une rupture. En effet, aussi longtemps que l’homme reste ce qu’il est de nature, il est nécessaire que l’Etat prévoie la possibilité d’une rupture entre les conjoints et, au nom de la loi, sanctionne le divorce lorsque, selon toutes les apparences, il est irrémédiable.

Dans sa sagesse, Dieu permet ainsi que la loi civile maintienne un certain ordre dans le désordre créé par l’homme endurci de cœur. Et le magistrat qui applique cette loi est serviteur de Dieu. Il a du reste toute liberté de prendre la défense du foyer, d’empêcher l’irrémédiable de se produire, de conseiller les conjoints, en un mot de chercher à les réconcilier l’un et l’autre pour leur bien mutuel et celui de leurs enfants. Nombre de magistrats s’y emploient avec réussite.


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Très souvent, un conjoint demande le divorce lorsqu’il est nerveusement à bout, excédé, aveuglé par la souffrance, impressionné défavorablement par de mauvais conseils ou une vision déformée de la réalité. Il est des parents irréfléchis ou de mauvais amis ou voisins qui s’emploient à envenimer les querelles conjugales, à grossir démesurément des défaillances sans doute graves, mais qui, avec un peu de patience, auraient pu être surmontées. Leurs propos négatifs, leur manière d’écouter complaisamment les plaintes d’un conjoint, contribuent à rendre soudain critique un état de faits qui, jusque là, n’était que malheureux. Il eut suffit parfois d’un mot d’encouragement, d’un appel à la patience ou au simple bon sens pour que, soudain, le conjoint excédé se reprenne, tienne bon et sauvegarde ainsi ce qui méritait de l’être. Car même insatisfaisantes, il est des situations moins lourdes de conséquences que le divorce par lequel on prétendait leur apporter remède.

Il est bien des divorcées qui, quelques années plus tard, pourraient écrire comme Madame X :

Dans vos courriers, il est souvent question d’époux malheureux qui demandent ce qu’ils doivent faire. Il est certes des cas pénibles. Je le sais, car je suis divorcée. Maintenant que des années ont passé, je vois les choses d’une façon plus objective et me rends compte que si j’avais été mieux conseillée, mieux éclairée aussi sur moi-même, nous n’aurions pas abouti à cela. Si mon mari avait de gros défauts, je n’étais pas sans faute non plus. Mais j’étais si jeune et inexpérimentée…


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Le Christ a dit vrai : Le divorce est avant tout un des fruits immédiats ou tardifs d’une dureté de cœur.

Que les ignorants, les endurcis y aient recours, cela n’a rien d’étonnant. Par contre, on peut s’étonner que les chrétiens l’envisagent comme un remède à une difficile situation, ou encore, à la manière des païens, en fassent usage en vue d’un remariage, à leur gré mieux assorti.

En effet, les chrétiens sont citoyens du Royaume des cieux. Mais, en attendant l’avènement du Christ, ils rendent grâce à Dieu pour les lois de leur patrie terrestre et pour les magistrats chargés de les faire observer (Romains 13.1-5). Aussi, au jour de leur mariage, dans le respect des lois, se rendent-ils devant l’officier d’état-civil. Le « oui » qu’ils prononcent, contresigné de leur propre main dans le registre ad hoc, les lie l’un à l’autre dans un contrat à vie dont l’Etat se porte garant. Ils connaissent la pleine valeur de cet engagement. Mais ils savent aussi que la sincérité d’une promesse n’est pas la garantie absolue de sa mise en pratique. C’est pourquoi, ils viennent ensuite à l’Eglise. Leur intention est claire. Connaissant la fragilité des intentions même les meilleures, ils viennent solliciter du Seigneur la grâce de tenir leurs engagements.

Leur présence, au milieu de la communauté rassemblée à l’occasion de ce mariage, n’est pas que sollicitation. Elle est aussi acte de foi et décision. Ils savent ce qu’est le mariage dans le plan rédempteur du Christ. Ils ont entendu la vocation que Dieu leur adresse. Ils veulent répondre à cette vocation. Ils souhaitent faire de leur foyer une maison où l’Esprit saint habitera (Ephésiens 2.22), de leur amour une incarnation de l’amour du Christ pour son Eglise et de la soumission de l’Eglise à Jésus-Christ. (Ephésiens 5.24 et suivants.) Cette réalisation sera l’œuvre du Christ et de leur commune soumission à Son Esprit.

Il est fidèle dans Ses desseins. Ils le croient absolument. Aussi le « oui » qu’ils prononcent devant Dieu et devant son Eglise a-t-il un tout autre contenu que celui prononcé devant le maire ou l’officier d’état civil.

Là, il s’agissait d’un contrat. Ici, c’est un engagement solennel, irrévocable, avec l’aide et à la gloire du Christ au nom duquel ils invoquent le secours et la bénédiction de Dieu pour rester fidèles l’un à l’autre « dans les bons et les mauvais jours, dans la prospérité et dans la détresse, dans la santé et dans la maladie, jusqu’à ce que la mort les sépare ».


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Le Christ n’a jamais renié l’Eglise ; même à l’heure où elle lui était infidèle. Aussi, pas plus que le Christ ne change d’Eglise, un chrétien ou une chrétienne ne saurait changer de femme ou de mari. Leur engagement devant Dieu est un engagement à vie, une résolution dans la foi en Celui par qui toutes choses sont possibles.

On peut donc s’étonner que des chrétiens, après un tel engagement, osent si facilement introduire une procédure en divorce. Non qu’il ne puisse s’élever des conflits entre époux chrétiens, voire des ruptures graves. Ce serait oublier ou nier l’existence du diable, le grand séparateur, qui s’attaque à toute unité.

Mais loin de les conduire au divorce, les conflits, les incompatibilités, la rupture même consommée, devraient d’abord amener des chrétiens — s’ils le sont vraiment — à chercher humblement et dans la repentance, la cause de leur séparation momentanée. Voilà le chemin voulu par le Christ vivant, chemin qui mène, par la reconnaissance de ses fautes, à la possibilité de se pardonner réciproquement et à la volonté de reconstruire ce que la dureté de cœur et la désobéissance avaient détruit.

Qui vit dans la foi chrétienne ne peut admettre une séparation que provisoirement et dans un sentiment d’humiliation.

Cette séparation devrait être envisagée par les conjoints divisés comme un temps donné à l’Esprit pour les conduire séparément et ensemble dans la repentance, le pardon, et la volonté de se retrouver.

En effet, il ressort des enseignements de la foi et des engagements ecclésiastiques pris devant Dieu, que le divorce ne peut en aucun cas être regardé comme une permission de songer à un nouveau mariage scellé par l’Eglise.

— La loi civile l’autorise pourtant, direz-vous !

Sans doute, puisqu’aux termes de la loi, l’état de mariage est un contrat résiliable ! Il n’y a rien à objecter aux incrédules qui ne voient la réalité que sur le plan social. Mais pour des chrétiens soumis à Jésus-Christ, c’est tout autre chose, L’enseignement du Nouveau Testament le leur montre clairement dans les pages des Evangiles et dans les Epîtres.

Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère (Marc 10.11 ; Luc 16.18).

Si une femme qui a quitté son mari en épouse un autre, elle commet adultère (Marc 10.12).

Celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère (Matthieu 5.32 ; Luc 16.18).

La femme mariée est liée par la loi à son mari, tant qu’il est vivant. Si donc, du vivant de son mari, elle devient la femme d’un autre, elle sera appelée adultère (Romains 7.2-3 ; 1 Corinthiens 7.39).

A ceux qui sont mariés, j’ordonne — non pas moi, mais le Seigneur — que la femme ne se sépare pas de son mari. Si elle est séparée, qu’elle demeure sans se marier, ou qu’elle se réconcilie avec son mari (1 Corinthiens 7.10).

Que veut-on de plus clair ?


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Il est vrai que deux textes de Matthieu semblent apporter une restriction à cette absolue clarté ! Le Christ dit en effet : Celui qui répudie sa femme sauf pour cause d’infidélité l’expose à devenir adultère. Celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère (5.32). Je vous dis que celui qui répudie sa femme sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre, commet un adultère (19.9).

En réalité, cette restriction ne fait que souligner davantage la clarté de la pensée du Christ. Dans cette double parole, la répudiation et le remariage sont nettement distingués. La répudiation n’est autorisée qu’en cas d’inconduite du conjoint ; en effet, on ne l’expose pas à devenir adultère puisqu’il l’est déjà.

Par contre, le texte souligne, dans les deux passages, un fait en parfait accord avec tous les passages cités plus haut : Le remariage est un adultère dans tous les cas où le conjoint vit encore.


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Est-ce à dire que soient à jamais condamnés ceux qui ont passé par le divorce et sont aujourd’hui remariés ?

Non ! Il faudrait être simpliste et ignorant de la vérité chrétienne pour raisonner de la sorte.

Il n’appartient, en effet, à aucun homme et surtout à aucun chrétien de condamner son prochain.

Par contre, il faut souhaiter que les porte-parole de l’Eglise annoncent plus clairement ces vérités premières.

Plusieurs d’entre eux ont accepté et acceptent encore d’invoquer la bénédiction de Dieu sur des époux dont l’un (quand ce n’est pas les deux) est un divorcé. Ils le font sous leur propre responsabilité.

En effet, à l’encontre de l’Eglise catholique romaine, de l’Eglise anglicane, d’une partie du luthéranisme et de certaines communautés de professants qui, fidèles sur ce point à l’enseignement du Christ, refusent de bénir le mariage si l’un des conjoints est divorcé, les Eglises réformées n’ont pu jusqu’ici accepter une position ferme. Un redressement s’est dessiné depuis quelques années, amené par la conscience d’une désobéissance à l’enseignement du Christ, désobéissance qui ne concerne pas seulement le remariage des divorcés, mais le mariage tout court.

Le souci d’être tout à tous et de ne faire de peine à personne, n’a-t-il pas fait accepter avec une trop grande facilité le premier engagement d’époux sans foi véritable, à qui n’étaient souvent même pas précisés le sens et la portée des promesses ? Cette absence d’un enseignement clair sur le sens profond du mariage, jointe à la fausse charité offrant une bénédiction au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, sans préparation et dans n’importe quelles conditions, sont certainement pour beaucoup dans la légèreté avec laquelle tant de mariages sont conclus et dissous.

Le redressement a commencé. Nos Eglises ont remis l’accent sur le sérieux de l’engagement « jusqu’à la mort ».

Elles prescrivent aux futurs époux de s’annoncer au moins trois semaines à l’avance, afin qu’un entretien préalable puisse avoir lieu entre eux et le pasteur officiant.

Certaines Eglises ont constitué une commission ad hoc qui examine les cas du remariage de divorcés pour donner ou refuser l’autorisation nécessaire à la cérémonie religieuse.

D’autres laissent à chaque pasteur liberté d’agir selon sa conscience.


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Il ne faut pas minimiser le sérieux apporté à ce redressement, quand même on s’est souvent arrêté à mi-chemin.

En effet, ce n’est pas faire preuve d’un authentique amour que de biaiser avec les commandements du Christ. La dureté du cœur de l’homme et tous les égarements qui en résultent, n’autorisent jamais l’Eglise à édulcorer les enseignements de la Parole. Quand la loi n’est pas prise au sérieux, la grâce n’est plus la grâce.

D’aucuns s’offusqueront et s’indigneront de cet attachement à des ordres, à leurs yeux, périmés ou trop sévères !

Savent-ils qu’ils ne sont pas les premiers à le faire ? Les disciples eux-mêmes, après avoir entendu l’enseignement de Jésus sur le mariage et son indissolubilité, s’indignaient : Si telle est La condition de l’homme à l’égard de la femme, s’écrièrent-ils — c’est-à-dire : si vraiment l’on est marié de façon définitive, sans aucune possibilité de se délier ni de « refaire sa vie » avec un autre conjoint — il vaut mieux ne pas se marier (Matthieu 19.10). La suite du Nouveau Testament montre que les disciples ont fini par comprendre.


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Plaise à Dieu que les chrétiens d’aujourd’hui parviennent aussi à cette compréhension !

En attendant ce jour, il n’est dans l’intention d’aucun serviteur de Christ de condamner qui que ce soit… ni même d’exclure toute forme de remariage.

Il est hélas ! des situations où la simple séparation ne suffit pas et où, pour des raisons d’ordre juridique, le divorce est inévitable.

Les chrétiens se doivent de porter le fardeau de ceux et de celles qui luttent parfois dans l’accablement d’une affreuse solitude. Envers les divorcés comme envers tous les éprouvés, une fraternelle et généreuse compréhension s’impose toujours.

Il est même des situations où le remariage peut être envisagé comme un signe de la miséricorde de Dieu, où la reconstitution d’un nouveau foyer dans la repentance et la foi peut être l’objet de la bénédiction d’En-haut. Il faut le dire clairement : la bénédiction de Dieu n’est pas dépendante des décisions humaines, même chrétiennes, même ecclésiastiques.

Seulement, cette possibilité ne modifie en rien le devoir de fidélité que l’Eglise doit au Seigneur et à la Parole du Christ. Au risque de s’exposer à l’incompréhension, le ministre fidèle devrait s’en tenir à cette attitude d’abstention que définissait un pasteur vaudois à l’intention des croyants :

« Si, finalement, tu venais me dire que tu te sens en droit devant Dieu de passer outre, en dépit des engagements de ton premier mariage et des enseignements du Christ ? Il ne m’appartient ni de t’absoudre, ni de te condamner. Tu veux te remarier ? Fais-le, mais sous ta seule responsabilité. Ne demande pas à l’Eglise une intervention où elle ne pourrait que se renier elle-même.

» Ton pasteur sait que des divorcés devanceront dans le royaume de Dieu bien des époux réguliers. Il continuera à prier pour toi, à te revoir, à t’accueillir à la table sainte : tu resteras son paroïssien. Mais — quelle que soit son affection pour toi — il lui est totalement impossible de prendre sur lui d’être, au nom de Jésus-Christ et de son Eglise, témoin une deuxième fois d’un engagement à vie. Si tu connais ta Bible, tu le comprendras sans peine. Un ministre de Jésus-Christ se doit de rappeler, par ses actes comme par ses paroles, que si nous sommes infidèles, Il demeure fidèle, car Il ne peut se renier Lui-même (2 Timothée 2.13).  »

La limitation des naissances

C’est un problème très délicat à traiter. Pourtant, on ne saurait l’évoquer sans, aussitôt, lui chercher une solution qui tienne compte, et de la réalité dans laquelle il s’inscrit, et de la volonté divine à laquelle il faut demeurer fidèle.

Rares sont les foyers où cette difficulté n’a pas troublé momentanément, parfois gravement, l’unité des époux.

Face à cette difficulté, il y a deux solutions à rejeter aussitôt, parce que toutes deux ennemies de l’amour conjugal et du foyer, parce que toutes deux en contradiction avec la vérité chrétienne la plus élémentaire. Ces deux solutions sont : l’une, le natalisme systématique, autrement dit la procréation sans contrôle ; l’autre, le malthusianisme, c’est-à-dire la liberté totale de limiter la conception.

A dire vrai, la plupart des gens, face à cette question, n’ont pas d’attitude arrêtée. Et pour cause ! Jusqu’à ces dernières années, sauf dans l’Eglise catholique romaine qui avait pris nette position, la question « combien d’enfants » était laissée au libre examen et à l’entière responsabilité de ceux qui la posaient. Aussi, chacun la tranchait-il selon sa jugeotte personnelle. Et cela n’était pas toujours en faveur de la famille, de l’amour, donc de l’harmonie des époux. Quant à savoir si la décision prise était en accord avec la volonté divine, beaucoup de couples eussent été fort embarrassés de répondre. Ou bien, ils ne s’étaient pas posé cette question-là, ou bien, s’ils se l’étaient posée, ils avaient décidé, sans en être certains, que Dieu était d’accord avec leur manière de trancher le problème.

Il est vrai que ce problème n’est pas facile à résoudre. Et pourtant, s’il est un domaine où la volonté divine doit nous être clairement révélée, c’est bien celui-là ! Est-il responsabilité plus grande, plus lourde de conséquences, que celle de la procréation ? Jésus-Christ est venu nous révéler la sollicitude de Dieu, Sa volonté de partager toutes nos difficultés et de nous aider à les résoudre. Comment, devant celle-là, pourrait-Il rester muet et indifférent ?

Une mise au point s’avère d’emblée très nécessaire. Sociologues, humanistes, démographes, politiciens, médecins, chacun de ces éminents personnages pourrait prendre part au débat, apporter sa vision du problème et sa manière de le résoudre. Il serait certes intéressant de les entendre. Mais leurs propos demeurent insuffisants s’ils sont le fruit de leur seule sagesse humaine. Car les propos de l’homme le mieux informé n’ont de valeur pour. un chrétien que dans la mesure où ils sont respectueux de la volonté de Dieu. Christ est la vérité. A la recherche d’une réponse et devant toute décision, le chrétien interroge d’abord Christ.

Or, il y a dans la Bible des directives assez précises pour qu’à leur lumière il soit possible de cerner ce problème et de rechercher clairement la volonté du Seigneur. Mais, avant de s’adonner à cette recherche, il faut faire certaines constatations.


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Elever une famille a coûté de tout temps peine et labeur, certes largement compensés par des joies. Mais aujourd’hui, dresser la table autour de laquelle attendent de nombreux enfants, faire la part hebdomadaire du linge et des habits indispensables — sans oublier celle des souliers — a cessé d’être pour beaucoup de couples un jeu souriant. Quand encore, à force de travail et de prière, cela le serait, le plus gros problème ne serait pas encore résolu. Car le « problème » d’innombrables foyers, c’est de donner une place à ces enfants, autrement dit : de les loger.

A moins d’avoir une maison familiale bien à soi, la chose au monde la plus difficile à trouver aujourd’hui, c’est un appartement pour famille nombreuse ! Parce qu’aujourd’hui, les propriétaires d’immeubles locatifs pensent à tout : eau chaude, chauffage général, dévaloir, ascenseur, salle de bains, etc, maïs guère aux familles avec enfants. Bien sûr, ils ne les ont pas totalement ignorées. Dans les plans de construction, on a prévu une place pour les familles, à condition que les parents soient raisonnables selon les normes des propriétaires d’immeubles et de leurs autres locataires : deux à trois enfants par foyer, au maximum !

Après quoi, si vous avez dépassé ce chiffre, vous faites partie de la catégorie des déraisonnables qui ne marchent pas avec le progrès et qui sont à reléguer dans les « immeubles subventionnés pour famille nombreuse ».

Par bonheur, les appartements de ces immeubles là sont à peu près à la mesure de votre bourse, même si la forme du bâtiment et l’épaisseur des murs ne sont pas satisfaisantes.

Les membres des familles nombreuses ont l’habitude de ne pas faire les difficiles. Trop contents d’avoir trouvé à se loger, ils sont reconnaissants d’avoir quatre murs, même s’ils laissent passer tous les propos du voisin.

Quant aux foyers avec enfants selon la norme « raisonnable », il faut encore leur recommander d’être prudents. N’auraient-ils que deux enfants, il importe qu’ils ne le disent pas trop haut, surtout à l’heure où ils passeraient d’une agence à l’autre à la recherche d’un appartement. Car, si pour le même appartement se présentait un couple sans enfant, c’est celui-là qui aurait la préférence, même s’il était accompagné de deux chiens. Pourquoi ? Parce que dans le monde organisé, civilisé que connaissent les hommes réalistes d’aujourd’hui, c’est presque un crime d’avoir de la famille. C’est en tout cas un non-sens !

Vous ne comprenez pas ? Mais, les enfants, ça gâte les tapisseries ! Et puis, dans le monde du silence où l’on vit, le monde des trams, des autos, des avions, des scooters, les enfants ça fait du bruit ! Les motos seraient encore tolérables, mais les cris d’enfants, ça, c’est insupportable ! D’où la préférence donnée aux chiens. (Ne leur en voulez pas ! Ils n’y sont pour rien.)

Voilà l’arrière fond sur lequel s’inscrit, pour d’innombrables couples, la question : combien d’enfants !

Avec une remarque complémentaire : les familles avec enfants sont parfois seules responsables des difficultés qu’elles rencontrent sur le plan logement. Leurs enfants sont si mal élevés qu’ils finissent par décourager le plus prévenant des propriétaires. La lettre ci-dessous le montre bien :

Les enfants mal élevés sont la plaie des maisons locatives et la terreur des propriétaires. Je viens d’en faire la cruelle expérience. Il y a quelques mois, j’ai donné la préférence pour un logement à une famille avec deux enfants. J’avais de très bons renseignements sur les parents, mais malgré la justesse de ceux-ci, il faut vivre avec les gens pour voir vraiment ce qu’ils sont.

Les deux bambins de trois et quatre ans ont transformé cette maison tranquille en un vrai atelier de ferblantiers, tant ils tapent sur les meubles et autres objets à percussion ! D’autre part, ils braillent et se chamaillent à longueur de journée.

Toute la maison a été troublée par ce « chambard », J’ai d’autre part des locataires qui l’habitent depuis vingt ans, une autre famille depuis quarante-cinq ans. Ces familles ont aussi le droit à la tranquillité, surtout qu’ils ont élevé convenablement une nombreuse famille dans notre maison. En conséquence, j’ai averti les coupables, et si cela ne va pas mieux, j’agirai ! Mais une autre fois, je saurai à quoi m’en tenir.

Si les jeunes ménages ne savent plus élever leurs gosses, tant pis pour eux ; qu’ils bâtissent des maisons où ils pourront tout démonter selon leur bon plaisir ; ce sera leur affaire.

Moi-même, je suis en location avec des enfants et je m’arrange pour qu’ils se conduisent convenablement ; je suis donc en droit d’exiger la pareille de mon prochain.

Ce propriétaire a parfaitement raison. Ses propos sont une graine à semer dans le cœur de tous les parents !


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Cela étant dit, comment un chrétien va-t-il résoudre le problème de la limitation des naissances ?

Il faut commencer par définir clairement les différents aspects de la vérité à l’intérieur desquels chaque cas trouvera sa solution.

Pour un chrétien, le bien, c’est ce que Dieu veut, et veut aujourd’hui. Dieu peut, dans Sa souveraineté et Son amour, vouloir aujourd’hui à l’intention de tel couple, quelque chose qu’Il ne voudra plus demain. Tel un père, Dieu connaît Ses enfants. Il aura vis-à-vis d’eux des exigences différentes, non parce qu’Il est partial, mais parce que, plein d’amour, Il adapte Ses exigences à leurs diverses possibilités, à leur nature, à leurs circonstances.

Le bien étant ainsi ce que Dieu veut, y a-t-il dans Sa Parole une volonté clairement exprimée et valable en tous temps et pour tous les couples ?

Il suffit d’ouvrir la Bible au premier chapitre du premier livre pour entendre un ordre précis. Il est dit en effet : Dieu créa l’homme à son image… il le créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : Fructifiez, multipliez… (Genèse 1.27-28).

Voilà un ordre précis. Pour tous les couples, la bénédiction divine se trouve liée à son obéissance. Mais il faut le préciser d’emblée : la foi ne fait jamais de l’homme un irresponsable, Tout chrétien aura à rendre compte (Romains 14.10 ; 2 Corinthiens 5.10) de tout ce qu’il a pensé, dit, fait, dans la pleine connaissance de la volonté divine. L’Evangile appelle l’homme à devenir un être majeur qui prend au sérieux la volonté de Dieu et l’assume personnellement devant le Seigneur et son Eglise.

Ainsi, quand Dieu dit qu’Il veut la famille, il appartient aux époux de réaliser librement cette volonté divine. Qu’on ne se méprenne pas sur la portée de cette libre obéissance. Dieu ne fait pas du couple une machine à produire des enfants. Lorsque des époux attendent famille, c’est qu’ils en ont pris la responsabilité devant Dieu. La bête, elle, est liée à son instinct. L’homme dans la dépendance de Dieu garde autorité sur lui-même et sur ses sens. Il ne pourra jamais prétendre que Dieu seul est responsable de l’enfant qui a été conçu. Car, si conception il y a, c’est que le couple, dans la liberté d’enfants de Dieu, l’a bien voulu.

Ce n’est pas sans raison que Christ est appelé l’époux de l’Eglise. Un mari selon Dieu ne fait pas de sa femme une esclave soumise à tout ce qu’il lui plaira de lui imposer. Car si, en quoi que ce soit, il privait sa femme de sa liberté personnelle, pour être vrai, son amour n’en serait pas moins tyrannique, Aux côtés d’un époux digne de ce nom, une épouse reste responsable de tout ce qu’elle pense, de tout ce qu’elle dit, de tout ce qu’elle fait, de tout ce qu’elle décide, même quand elle reconnaît en son mari son chef et se réclame de son autorité. Si elle venait à faire ce que Dieu ne veut pas, elle ne pourrait jamais dire ce que précisément Adam et Eve ont prétendu.

Quand Dieu a demandé à Adam comment et pourquoi il avait abusé de sa liberté, il a répondu, accusant lâchement sa femme : « C’est elle qui m’a offert du fruit défendu ».

Interrogée à son tour, Eve ne fut guère plus courageuse. Avec la même lâcheté, au lieu d’assumer sa propre responsabilité, elle accusa le serpent (Genèse ch. 3.11-13).

Cette attitude d’irresponsabilité personnelle est inhérente au monde de la chute. C’est dans le monde des ténèbres, de l’ignorance et du péché, dans le monde séparé de Dieu, ennemi de Christ, hostile au Saint-Esprit, c’est dans le monde de la lâcheté, de l’orgueil et du mensonge qu’on s’accuse les uns les autres, qu’on rejette sur les autres ou sur Dieu la responsabilité de ses propres actes.


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Autrement dit, si Dieu veut la famille, le couple doit prendre la responsabilité de la vouloir avec Lui. En tous temps, les époux restent pleinement responsables de tous les enfants qui naîtraient à leur foyer.

Autrement dit encore : le couple peut, dans l’obéissance à Dieu, décider pour un temps de ne pas vouloir d’enfants. Il peut décider aussi que la famille est au complet et dans l’obéissance à Dieu, d’un commun accord, prendre la responsabilité de ne plus avoir d’enfants.


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Une question précise se pose alors : comment les époux discernent-ils si leur décision est conforme à la volonté divine ?

Dieu voulant la famille, il ont à examiner si les raisons, invoquées pour refuser l’enfant momentanément ou pour toujours, sont valables lorsqu’on les confronte avec l’ensemble des vérités révélées par l’Ecriture.

L’examen de quelques cas pratiques montrera la marche à suivre.


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Les époux Z viennent de se marier. Ils ont décidé que pendant cinq ans au moins, ils éviteraient l’enfant. Ils sont sportifs et montagnards. Ils veulent demeurer libres, disposer sans entrave de tout leur temps, de leurs soirées, de leur week-end.

Que penser d’une attitude semblable ? Il n’est certes pas indispensable que toute jeune épouse se trouve, dès le premier mois de son mariage, handicapée par les malaises d’une grossesse. Cependant, les raisons invoquées pour refuser l’enfant sont inspirées par l’égoïsme le plus commun. Ces époux vivent dans l’ivresse d’un faux paradis. Leur seul intérêt est la satisfaction de leurs désirs. La volonté de Dieu est la dernière de leurs préoccupations. Leur prochaine course en montagne, telle randonnée à ski, les préoccupent bien davantage.

Un tel départ dans la vie à deux ne saurait s’accompagner de la bénédiction divine. Ces époux sont hors du chemin de Dieu. Car Il a dit: Fructifiez, multipliez, et non : Recherchez-vous vous-mêmes dans une contemplation mutuelle, dans une jouissance égoïste, évitant les responsabilités qu’elle comporte.


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Voici les époux X. Ils se sont mariés très simplement, ont débuté petitement. L’enfant aussitôt venu na pas contribué à alléger matériellement la marche du foyer. Cela n’a pas empêché Monsieur et Madame X de garder intactes leurs ambitions. Le manteau de fourrure, la 4 chevaux, et puis le frigidaire, et la machine à laver, et le poste de télévision, tout cela a pris place dans la liste des projets à réaliser sans trop tarder. Comment y parvenir ?

Madame a décidé de mettre le premier-né en pouponnière, de se chercher du travail. Aussitôt dit, aussitôt fait.

Dès lors, chez les époux X, il n’est plus question d’attendre un second enfant. Sa venue empêcherait Madame X de travailler, par conséquent entraverait les mirifiques projets du manteau, du frigidaire et de la 4 chevaux. Pour tout dire, les époux X ne pensent qu’à eux-mêmes et à leur confort. Il n’y a plus aucun rapport entre leur matérialisme envieux et le dessein de Dieu. La volonté divine — la famille — n’a même plus place en leur imagination.

En fait, ils sont en pleine idolâtrie. Certes, ils ne s’en doutent pas, quand même leur refus de l’enfant en est un signe probant. Comment la bénédiction divine pourrait-elle s’associer à tant de convoitises et de désobéissances ?


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Mais il y a une autre forme de matérialisme. Le couple Y a un train de campagne de bon rendement. A la première grossesse de Madame, Monsieur a vivement espéré que ce serait un fils. C’était une fille. Il s’en est vite consolé puisque, deux ans plus tard, ce fils attendu venait au monde. Souhait d’un roi, dit-on !

Dès lors, Monsieur et Madame Y sont entrés dans la voie du calcul. Ils ont pesé le pour, le contre. Ils ont longtemps hésité, puis ont décidé qu’ils pourraient risquer la venue d’un troisième enfant. Ils ont espéré que ce serait encore une fille. Ainsi, le fils n’aurait pas à partager le domaine. Pour le cas où ce serait un garçon, il faudrait, bien sûr, revoir la question. Mais, Monsieur Y a pris ses avances : Si c’était un garçon, eh bien ! on en ferait un instituteur !

C’est ainsi que dans ce foyer, à l’avance, on calcule, on arrange, on décide, préoccupé seulement d’une sagesse tout humaine, elle aussi très matérialiste. On dispose de l’avenir à la seule lumière de cette sagesse intéressée, sans jamais se demander si c’est bien cela que Dieu veut, s’il n’aurait pas, Lui, d’autres convenances, d’autres arrangements. Lui qui aurait voulu faire de cette famille, avec tous les enfants qui devaient y naître et qui ont été refusés, une famille où Il voulait se glorifier, une famille où Il aurait choisi plusieurs ouvriers pour semer et moissonner un autre grain que celui connu de Madame et Monsieur Y…


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X. Y. Z. Cas typiques auxquels il faudrait ajouter tous les foyers où l’enfant est refusé par peur du lendemain ! Comme si Dieu n’était pas Celui qui, au besoin, peut multiplier le pain, remplir la cruche d’huile, faire sortir l’eau du rocher, et couvrir de viande le sol du désert. Non pas que l’homme doive tenter Dieu, vouloir autant d’enfants qu’il en viendra, en laissant à Dieu la responsabilité de les vêtir et d’assurer leur pain quotidien. Toutefois, ce refus de l’enfant par peur du lendemain n’est-il pas une grave forme d’incrédulité, un reniement de la prière de la foi qui dit : Notre Père qui es aux cieux, donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, et qui croit que Dieu entend, exauce, et donne ce qui Lui est demandé ? N’a-t-il pas dit : L’or et l’argent sont à moi… Je suis avec vous tous les jours… vous ne manquerez d’aucun bien ?


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Il faut aussi le relever. S’il est des enfants qui n’auraient jamais dû naître dans les conditions qui furent les leurs, il en est tant qui n’ont pas vu le jour à cause de l’égoïsme de leur mère ou de leur père, parfois aussi à cause de leurs grands parents. Les lettres ci-dessous illustrent cette face cruelle de la réalité.


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Nous sommes mariés depuis dix ans bientôt. Mon mari est très gentil avec moi. Il ne pourrait l’être davantage.

Notre premier garçon est né après dix mois de mariage. Notre seconde quinze mois plus tard. Deux ans après, nous avons eu le troisième ; et de nouveau deux ans après, un quatrième. Enfin, il semblait que nous en resterions là, surtout que mes parents, pour le troisième et quatrième, nous avaient grondés.

Voici qu’après six ans, un nouveau souci surgit. Depuis quelques jours, je me sens très mal. La semaine passée, en réfléchissant à ce qui allait m’arriver, j’étais fortement résolue d’aller voir un médecin pour empêcher cette nouvelle grossesse. Mon mari m’a dit qu’il aimait encore mieux un enfant de plus que de me voir tomber malade ; et il n’était pas tranquille.

Moi non plus, je n’étais pas tranquille, mais je ne pouvais pas écouter la voix qui parlait dans mon cœur. Je pensais descendre à X. pour voir un médecin, mais, en moi, le Saint-Esprit travaillait et la crainte d’un châtiment m’a retenue de faire ce pas. Mon mari m’a beaucoup soutenue et encouragée. Il n’en reste pas moins un gros souci.

Demain je pars à Z. pour soigner ma mère. Si elle s’aperçoit de quelque chose, elle me fera des reproches. Mes parents ont une bonne situation mais ne peuvent comprendre que nous ayons autant d’enfants. Ils sont comme les gens du village qui, à la naissance du quatrième, disaient que nous étions des insensés, des nigauds…


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… Il y a quelques mois, cette jeune femme me faisait part de ses angoisses : elle croyait attendre son quatrième enfant, mais elle n’en était pas sûre ! Elle aurait aimé qu’on interrompe cette grossesse, disant que son mari quitterait le domicile conjugal s’ils avaient un quatrième enfant…

Elle a accouché avant-hier. Après avoir conduit sa femme à la maternité pendant la nuit, le mari, de colère, n’est pas revenu à la maison. Il ne s’est pas soucié des trois enfants qui restaient, n’est pas monté voir sa femme après son travail et n’est même pas allé la trouver aujourd’hui dimanche…


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En lisant les commentaires sur les devoirs du mari, les larmes me sont montées et j’ai été secouée de sanglots, tout comme cette fois — davantage même — où mon médecin gynécologue avait appelé mon mari pour lui parler. Médecin du corps, médecin de l’âme, vous me dites clairement que je suis normale, saine, « dans le vrai », mais déséquilibrée par les ruses de mon mari avec les lois de la nature.

— Deux enfants suffisent, n’en ayons surtout pas d’autre, disait mon mari. Et il fraudait son acte d’amour. Cela a duré des années, jusqu’à ce que mon corps s’y refuse, devenu malade, sans résistance, et que mon âme soit aussi débilitée par l’impression que la seule valeur que je puisse avoir, soit de servir la faim physique de mon mari.

Et mon mari pensait agir pour notre bien à tous. Il fut donc durement contrarié quand je me trouvai enceinte ; et encore plus quand mon médecin, loin de vouloir rien faire pour interrompre cette grossesse, me félicita et m’encouragea à porter fièrement mon enfant, malgré les craintes de mon mari.

— Quand il sera là, il l’aimera, me dit-il ; et je repris courage.

Seulement, toute l’attitude de mon mari hostile et nerveux me rendit fragile. Je fis une fausse couche.

Je sortis de la clinique, effectivement les nerfs très ébranlés, avec la promesse de mon mari d’en « recommander un autre » quand je serai devenue plus forte. Promesse donnée avec beaucoup de légèreté, car il entra dans une fureur froide quand je fus à nouveau enceinte. Il voulut à toute force interrompre ma grossesse et employa tous les moyens verbaux pour que j’y vienne de mon plein gré.

— Ton médecin est catholique ; donc, il n’a qu’un souci : c’est de mettre au monde le plus d’enfants possible. Mais ce n’est pas lui qui paie !

» Sois raisonnable : deux enfants ce n’est déjà pas mal… Nous avons assez de difficultés budgétaires et de soucis d’éducation. Ce serait bien trop, nous n’en sortirons jamais. Pense aux enfants que tu as. Ne va pas, par égoïsme, leur ravir une partie de ton attention et de nos moyens pécuniaires en en mettant un troisième au monde. »

Ses paroles me faisaient aussi mal qu’un couteau qu’on m’aurait plongé dans le cœur. Mais une voix intérieure me disait : « Il a tort… mais un nouvel enfant nous sauvera… »

Et pendant toute ma grossesse, je puisai mes forces uniquement dans la conviction que j’étais « dans le vrai » et que Dieu m’aiderait, aux côtés d’un mari rigide et bien décidé à « me laisser subir seule les conséquences de mon entêtement égoïste ».

Notre troisième enfant est né ; c’est le plus beau et le plus fort, et il ressemble de plus en plus à son père. Celui-ci goûte plus profondément que jamais la fierté de la paternité ! Nous sommes sur le bon chemin…

Eh ! oui, c’est bien ainsi que cela se passe. Mais pour une épouse qui a du cran, combien qui ne regardent qu’à leurs aises ! Combien, aussi, n’ont pas le courage d’attendre un nouvel enfant… à cause du mari.

Epoux grossiers, boudeurs, qui en veulent à leur femme parce qu’elle est enceinte. Comme si eux n’y étaient pour rien ! Epoux à la fois lâches et tyranniques, qui prennent parfois prétexte de la grossesse de leur femme pour entrer dans un chemin d’infidélité.

Et que dire des parents, des mères ou belles-mères qui se permettent de faire des reproches à leurs enfants, parce que ceux-ci attendent à nouveau de la famille ? Il semblerait pourtant qu’une mère devrait se réjouir de cet événement en même temps qu’entourer de prévenances sa fille ou sa belle-fille. Hélas ! il arrive que mère ou belle-mère n’aient jamais plus méchants propos à la bouche ou ne se comportent jamais aussi païennement qu’en ces circonstances-là. Par jalousie sans doute, ou par refoulement inconscient !

Ces maris ou ces grands-parents indignes oublient-ils qu’il y aura, un jour, des comptes à rendre ?

Il est compréhensible que de jeunes femmes soient ainsi découragées par leur mari ou leur famille. Cependant, l’obéissance librement consentie donne au croyant de pouvoir triompher par la foi, et de cette peur du lendemain, et de cette opposition des méchants. Aucune femme confiante en Dieu ne saurait l’oublier. Car, là encore, elles ne peuvent ignorer leur responsabilité et dire à la manière d’Adam ou Eve : « Ce n’est pas moi, mais mon mari et ma belle-mère ».


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On pourrait s’étonner que, jusqu’ici, les raisons évoquées soient toutes d’ordre matériel ou circonstanciel alors que, dans la réalité, ces raisons-là sont rarement évoquées et font plutôt largement place à la question « santé ».

Il faudrait commencer par demander aux femmes qui refusent l’enfant par raison de santé, si cet état maladif a été inventé de toutes pièces par leur égoïsme ou réellement constaté par le. médecin… Il faudrait aussi demander si cette déficience physique, au nom de laquelle on refuse l’enfant, n’est pas précisément liée à ce refus ; car la désobéissance à Dieu peut avoir pour conséquence, entre autres, un mauvais état de santé. Ainsi, l’obéissance retrouvée — soit : une grossesse — rendrait pleinement la santé à telle épouse débile, qui prenait justement prétexte de sa faiblesse pour refuser l’enfant !


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Mais, laissant de côté les contrefaçons, il faut s’intéresser aux épouses auxquelles le médecin a dit sérieusement :

— Madame, pour un temps X, évitez la conception.

Il faut respecter les médecins, leur faire confiance, leur obéir. A une condition pourtant : qu’ils demeurent des médecins et, dans la vie de leurs patients, ne prennent pas la place de Dieu. Car les médecins ne sont que des hommes. La plupart font, certes, leur travail avec conscience, souvent avec dévouement. Mais ils peuvent aussi se tromper. Les exemples abondent… que les médecins eux-mêmes citeraient. Aussi, à l’heure où le médecin dit : « Madame, plus d’enfants ! » il faudrait que cette épouse et son mari, s’ils se réclament de Jésus-Christ, se posent quelques questions.

Dans la foi en Christ, le couple aurait par exemple à se demander si le verdict du médecin tient compte de la souveraineté de Dieu ou s’il ne tient compte que de la science. Ils auraient donc à chercher la volonté du Seigneur avant d’obéir à ce verdict.

Et cela pour une autre raison encore !

Le médecin pourrait être un instrument dans la main de Dieu pour appeler tel couple à un acte de foi. Car vivre dans la foi en Christ, c’est attendre fermement la réalisation des choses qu’on espère. Le médecin aussi était ferme dans son verdict. Il disait, selon sa sagesse scientifique, qu’il ne fallait plus attendre ni espérer. Or, le Seigneur peut avoir une pensée toute différente et appeler ses disciples à remercier le médecin de son avertissement, à entrer dans un chemin d’obéissance et de foi. Non pas pour braver le médecin ; mais pour faire confiance au Seigneur et Lui laisser l’occasion d’honorer la foi de ses enfants.


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— Et quand il s’agirait d’interrompre une grossesse ?

— La réponse demande une formulation nuancée !

La vie d’un enfant commence au jour où il a été conçu. Il n’est pas besoin de longs commentaires pour faire admettre cette évidence. Les Psaumes 139 et 22 la soulignent à leur manière :

Dès Le sein de ma mère, tu as été mon Dieu.
C’est toi qui as formé mes reins,
Qui m’as tissé dès le sein de ma mère.
Je te loue de ce que tu as fait de mon corps
Une œuvre si étonnante, si merveilleuse.
Oui, tes œuvres sont merveilleuses !
Tu connais à fond mon être.
Elle n’échappait pas à ton regard, la charpente de mon corps,
Lorsque j’étais formé dans le mystère,
Tissé avec art comme dans les entrailles de la terre.
Quand je n’étais qu’un embryon informe, tes yeux me voyaient.
Et sur ton livre étaient inscrits
Tous les jours qui m’étaient destinés
Avant qu’aucun d’eux n’existât.

Cette évidence oblige le chrétien à reconnaître qu’une volontaire interruption de grossesse est en fait la suppression d’une vie ; autrement dit : un crime ! Et la liberté avec laquelle, aujourd’hui, on pratique l’avortement, est le triste signe d’une mentalité inspirée du plus pur matérialisme scientifique et athée. Aucun chrétien digne de ce nom ne saurait y souscrire, ni en théorie, ni en fait.

Qu’on n’aille pas dire, cependant, que les médecins en sont les promoteurs ! Ce serait un mensonge de plus.

La vérité, c’est que trop de médecins voient défiler à leur cabinet de consultations des jeunes filles ou des femmes enceintes qui demandent d’être « délivrées », et cela avec supplication et en évoquant de difficiles, voire de pitoyables situations.

Il est trop facile de trancher d’un trait de plume ces cas parfois dramatiques : célibataires liées à un amant marié ou abandonnées par leur ami d’un soir ; femmes en instance de divorce, mères de famille dont l’adultère serait rendu manifeste par l’enfant conçu, victimes d’un viol, etc.

Que doit faire le médecin ?

Voici la réponse de l’un d’eux : « Quel que soit le désarroi ou la souffrance de la femme, il appartient au médecin de comprendre cette détresse et de la soigner, en faisant accepter l’enfant par celle qui veut s’en débarrasser. » Il précise : « La vocation du médecin est une œuvre de vie et jamais de mort ; elle ne peut donc être que d’empêcher l’avortement, non d’y aider. »

C’est pourquoi, certains médecins refusent de mettre leur science et leur art au service de cette forme parfois légale, mais non moins sacrilège, de l’infanticide. Ils savent que le corps n’est pas simple matière à la disposition des médecins. Tout être, en effet, en même temps que corps, est aussi âme et esprit. Ils savent que toucher à l’un, c’est nécessairement toucher à l’autre. A supposer que l’avortement n’ait eu aucune suite fâcheuse pour le corps — mais, en est-on aussi certain que cela ? — ils savent que sont imprévisibles les conséquences de cette opération dans l’âme et l’esprit de leur patiente.

Deux témoignages le révéleront à ceux qui persisteraient à vouloir le nier.

Lorsque vous dites qu’une semblable intervention ne va pas sans souffrance morale, combien vous êtes dans le vrai. J’ai dû y passer moi-même, J’ai le cœur malade et quatre enfants dont deux sont du premier mariage de mon mari. Je puis vous dire que la souffrance du corps passe, mais la souffrance morale reste pendant des années, Combien j’ai dû lutter pour arriver à accepter l’idée de supprimer ce petit être que je regrette encore aujourd’hui, après huit ans. Lutter sans relâche pour combattre cette affreuse chose ; c’est ce que je fais.


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Le remords et le déséquilibre psychique provoqués par un avortement sont incalculables.

J’ai commis la faute autrefois et, je dois l’avouer, sans me rendre compte de ce que je faisais ; j’étais préoccupée uniquement de ne pas nuire au coupable, mon partenaire qui, lui, n’a de ce fait rien eu a subir comme punition.

Il est vrai qu’étant malade à cette époque, il eut probablement fallu m’enlever cet enfant. Là est ma seule excuse.

Mais, depuis lors, je cherche en vain mon assise sentimentale ; tout ce que j’entreprends en vue de me marier, tourne en échec…


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En fait, le médecin n’est pas le premier à devoir être averti ou repris. Cet avertissement concerne d’abord ceux et celles qui, ayant eu recours au médecin, croient leur conscience déchargée parce que le médecin a accepté de pratiquer l’avortement.

On vient de le souligner : l’avortement est une forme d’infanticide. Le sacrifice expiatoire du Christ couvre aussi cette désobéissance et en libère quiconque Lui en fait l’aveu et Lui en demande pardon.

Va, et ne pèche plus, dit le Christ à tout pécheur repentant. Cette parole concerne aussi bien le médecin que sa patiente. Elle fait aussi comprendre et accepter la vérité suivante : Tout enfant conçu doit être mené à terme.

Mais, si impressive soit-elle, cette vérité s’accompagne nécessairement de ce commentaire explicatif : Tout enfant conçu doit être mené à terme, à moins que, conscient du danger grave que court sa patiente, le médecin n’estime indispensable l’interruption de la grossesse.

Il est en effet des cas, d’ailleurs rares de nos jours (grâce aux progrès considérables de la médecine et de la chirurgie), où le risque mortel pour la mère est si grand qu’il y aurait inconscience à passer outre et à ne pas envisager le sacrifice de l’enfant.

Devant cette douloureuse nécessité, il importe une fois de plus de discerner la volonté divine. Car, si consciencieux et professionnellement compétent que soit le médecin, son verdict ne saurait être accepté sans que le couple chrétien en ait pris, lui aussi, la responsabilité devant Dieu. Comme dit plus haut déjà, il est des circonstances difficiles qui sont autant d’appels à un acte de foi. Ce que la science décrète dangereux et impossible, la foi dûment éclairée d’En-haut peut le voir triomphant du danger et rendu tout à fait possible.

Comment obtenir cette certitude dans la foi ? Un exemple concret le montrera.

Les époux X, lors de la naissance de leur deuxième enfant, avaient reçu avertissement du médecin. Le mauvais état de santé de Madame ne permettait plus d’envisager une nouvelle grossesse. L’avertissement avait été entendu, pris au sérieux, insuffisamment pourtant puisque, quelques mois plus tard, Madame X était enceinte. Le médecin consulté ne put que confirmer son premier verdict. Que faire ?

Quand la foi est vivante, elle éclaire le chemin de la vraie obéissance. Devant la gravité de la décision, ces époux demandèrent un délai de huit jours, Ils savaient que leur prière personnelle jointe à celle de quelques frères en la foi avec lesquels ils partagèrent aussitôt leur difficulté, recevraient réponse claire de la part de Celui qui observe tous les habitants de la terre et exauce ses enfants quand ceux-ci l’invoquent.

Effectivement, huit jours plus tard, Madame X pouvait dire à son médecin qu’elle le déchargeait de toute responsabilité. Avec son mari, elle avait reçu la certitude intérieure que Dieu lui aiderait à mener heureusement à terme cette grossesse, dangereuse pour sa santé. Ce qu’il advint en réalité.

Dans sa manière de rechercher d’abord le secours et la volonté du Seigneur, cet exemple est à imiter. Les réponses ne seront pas toujours celle que reçut le couple X. Pour demeurer dans le concret, il faudrait, en effet, citer tel autre couple qui, face à une situation semblable, a prié en communion avec beaucoup de frères et sœurs dans la foi et, après quelques jours de prière, a compris qu’il devait obéir au médecin. La souffrance d’avoir à passer par cette mutilation n’était pas diminuée pour autant ; cependant, chose précieuse entre toutes, elle était acceptée dans la paix et la consolation que donne l’Esprit à tous ceux qui, confiants en Dieu, passent par l’épreuve.


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Plutôt que d’avoir à interrompre une grossesse, il serait plus simple d’éviter la conception. Et ceci nous ramène au cœur de la question débattue en ce chapitre : Est-il possible de limiter les naissances ?

On a vu plus haut les mauvaises raisons qu’on peut invoquer pour justifier une limitation. Il est temps de souligner qu’on peut avoir aussi de très bonnes raisons de la vouloir.

Et ce ne sont pas seulement des raisons de santé ! Beaucoup de catholiques et l’ensemble des Eglises anglicanes et réformées reconnaissent aujourd’hui que le mariage n’est pas d’abord « instrument de procréation », mais, dans sa plénitude spirituelle et physique, « moyen pour deux êtres de se rencontrer et de s’unir pleinement ».

Avant d’être procréateur, l’acte d’amour est moyen de communion, source de joie donnée entre époux, source aussi de renouvellement. Dans la volonté divine, cet acte comporte naturellement la possibilité de la procréation. Mais avant d’être soumis à cette loi naturelle, le couple est soumis à Dieu qui a voulu entre eux l’unité de l’amour. Ce que Dieu veut par l’amour conjugal, ce n’est pas d’abord procréer, mais manifester un aspect de Sa gloire.

L’amour conjugal, a-t-il été dit, est une forme de témoignage de l’amour du Christ pour son Eglise et de l’amour de l’Eglise pour Jésus-Christ. C’est sous cet angle que le Nouveau Testament revient à plusieurs reprises sur la question du mariage et nullement sous l’angle de la procréation.

Bien plus, aussi vrai qu’Il veut la famille, Dieu veut que les époux ne se refusent pas l’un à l’autre (1 Corinthiens 7.5).

Il veut que l’homme prenne soin de sa femme (Ephésiens 5.29) et ne lui impose pas des enfantements successifs jusqu’à total épuisement.

Ce qu’il veut, c’est qu’ils prennent ensemble la responsabilité des enfants qu’ils mettent au monde. Car il ne suffit pas de leur donner la vie. Il faut les élever, leur assurer des conditions favorables d’existence. L’avertissement biblique demeure, là aussi, riche de sens : Pères, n’irritez point vos enfants (Ephésiens 6.4 ; Colossiens 3.21). Une famille avec un très grand nombre d’enfants peut finir par peser aux enfants eux-mêmes ; les conditions qui leur sont faites, peuvent devenir pour eux une cause incessante d’irritation.


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On peut donc affirmer avec force que Dieu appelle les époux à vivre dans l’unité, sans aboutir toutes les fois à la procréation.

Le pasteur Roland de Pury le dit avec humour et autorité : « Le couple humain n’est pas un couple d’animaux qui fait ses petits dans l’irresponsabilité, mais un couple d’hommes responsables des enfants que Dieu lui donne, qui ne subit pas mais prend une décision et qui, par conséquent, limite le nombre de ses enfants…

» Que l’on discute sur le chiffre de cette limitation et surtout sur les moyens de cette limitation, c’est normal. Mais sur le fait lui-même, c’est une très mauvaise plaisanterie. Autrement dit, j’admets que l’on me reproche de n’avoir pas douze enfants, ou même de ne pas en avoir seize, mais celui qui nous reprocherait de ne pas en avoir vingt-six, vous me permettriez de le regarder comme un plaisantin. Or, à supposer que ma femme ait survécu, c’est vingt-six enfants qu’il nous faudrait avoir, et non pas huit, si nous n’avions pas limité et ne continuions pas à limiter les naissances. Il vaudrait donc mieux, dans ce domaine, ne pas parler pour ne rien dire et admettre une fois pour toutes qu’une juste limitation des naissances faite d’un commun accord dans l’amour et la confiance en Dieu, fait partie intégrante du mariage chrétien, et qu’il n’y a que des alcooliques, des irresponsables pour faire leurs enfants comme les animaux font leurs petits » (Journal Réforme du 3. 3. 56).


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L’Evangile est la bonne nouvelle de l’amour de Dieu pour toutes les créatures. Cet amour révélé et incarné en Jésus-Christ, pardonne, sauve, régénère, apporte en tout homme qui l’accueille, vie nouvelle, vie éternelle.

Ce qui fait d’un homme un chrétien, c’est sa rencontre personnelle avec le Christ vivant. Christ est la réponse à tous les problèmes de l’homme, y compris celui de la limitation des naissances.

C’est inspiré par le Christ qu’un couple sait ce qui lui est demandé : car, hors du Christ, l’homme est un égaré, qui se trompe lui-même et ne cesse d’aggraver sa propre situation et celle des autres.

Ce que Roland de Pury appelle « un accord dans l’amour et la confiance en Dieu » est en fait cette communion avec le Christ ressuscité. Elle se renouvelle de jour en jour par la prière et la mise en pratique de la volonté divine révélée dans les Saintes Ecritures.

Aussi bien la décision dernière concernant cette limitation n’appartient-elle à personne d’autre qu’au couple, dans sa libre soumission à Dieu. L’Eglise n’a pas d’ordre à lui donner. Elle ne peut que demander à Dieu de garder les couples sur le chemin d’une obéissance dans la foi.


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Quant aux moyens de cette limitation, le choix doit en être laissé à la pleine liberté en même temps qu’à la pleine responsabilité des époux. Ils auront tout avantage à se laisser conseiller par le médecin de famille.

Il faut savoir cependant que l’Eglise catholique romaine condamne absolument tout moyen anticonceptionnel. Une encyclique de Pie XI, datant de 1930, fait de la procréation le but principal du mariage. Ce serait déformer la vérité que de l’entendre comme un encouragement au natalisme systématique. Non ! pour l’Eglise romaine, l’im- portant c’est que l’acte conjugal — même quand il est expression d’unité sans aucune intention de procréation — ne soit jamais un refus de l’enfant. Ce serait priver le mariage de sa signification que de mettre volontairement obstacle à la procréation.

La chrétienté non romaine ne porte, elle, aucun jugement sur les moyens employés. Elle considère que le principe d’une liberté de conception étant admis, la question des moyens est très « secondaire par rapport à l’intention que l’on a lorsqu’on les emploie ».

Non pas que tous soient recommandables indifféremment. Il n’est pas question dans un livre comme celui-ci d’entrer dans les détails que tout médecin est disposé à donner aux époux qui l’interrogeraient.

Cependant, il est bon de rappeler ce qui suit :

La continence compte au nombre des chemins d’obéissance que Dieu trace devant les pas de ses enfants. Elle est même recommandée pour une double raison : à cause des calamités qui approchent (1 Corinthiens 7.26), et, pour un temps, afin de vaquer à la prière (1 Corinthiens 7.5). Cependant, l’apôtre dit avec sagesse : Retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par suite de votre incontinence.

Il y a vingt-cinq ans environ que, simultanément, un Autrichien, le Dr Knaus et un Japonais, le Dr Ogino, énonçaient la loi qui porte dès lors leur double nom. Cette loi permet de déterminer de façon assez précise, pour chaque femme, la période mensuelle de fécondité. La méthode Ogino, quand elle est strictement observée, se révèle efficace dans de nombreux cas. Elle est cependant loin d’être infaillible. Elle permet — et c’est déjà beaucoup — sinon de limiter, au moins d’espacer les naissances.

Cependant, il est de nombreux cas où, pour toutes sortes de raisons, la méthode Ogino est inopérante. Que les époux prennent alors conseil du médecin. Il leur indiquera le moyen de demeurer unis en gardant à l’acte d’amour la place d’honneur que Dieu lui a voulu. Car, il est inadmissible que cet acte, appelé à réjouir les époux, à renouveler et à sceller leur unité, devienne par la hantise des conséquences une occasion de rupture, mêlée de regrets ou de reproches.

Au chapitre 28 de la Genèse nous est racontée l’histoire d’Onam. Son nom caractérise aujourd’hui certaine fraude qu’il faut dénoncer parce qu’elle avilit l’acte conjugal, prive l’épouse de la joie naturelle à laquelle elle aspire et finit par déséquilibrer psychiquement et physiquement les conjoints. Le Dr G. Richard écrit : « Interrompre un rapport sexuel avant la fin équivaut à tendre un verre d’eau fraîche à un voyageur altéré et à le lui retirer au moment où il commence à boire. Seulement, ici, il s’agit d’un acte infiniment plus complexe, qui embrasse tout l’être et qui symbolise tout ce que la femme attend de son époux, physiquement et psychiquement. Quelle déception ! Même si l’épouse est d’accord consciemment, son inconscient proteste. Pour l’homme, prendre l’habitude de trouver sa joie sans donner la contre partie à sa compagne, c’est une école d’égoïsme. »

Quant à l’opération que peut proposer le médecin, opération consistant en une ligature des trompes chez la femme ou une ligature du canal déférent chez l’homme, elle peut être envisagée comme un moyen semblable aux autres. A une condition pourtant ! Cette opération enlève à tout jamais la possibilité d’avoir de la famille. On ne peut donc la prévoir qu’après longue et sérieuse méditation éclairée par l’Esprit saint. Placés devant la décision, les époux n’y donneront suite qu’après avoir mûrement prié et avoir eu recours au conseil de frères aînés dans la foi. Sans quoi, on risquerait de prendre pour volonté divine ce qui n’est que faiblesse de la foi, souci de son agrément… ou sagesse à la mode.


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Limitation des naissances… Il est des circonstances où ce problème apparaît, soudain, sous un jour tout nouveau. A la mort d’un enfant, par exemple.

Ce jour-là, beaucoup de parents comprennent ce qu’ils n’avaient jamais compris auparavant.

Ils saisissent que les enfants ne sont pas leur propriété et qu’ils appartiennent d’abord à l’Auteur de toute vie.

Ils saisissent aussi que la peine, le travail, la fatigue, la souffrance que coûte un enfant sont assez peu de chose en somme, comparés à la joie, à la richesse que l’enfant apporte avec lui et laisse derrière lui.

Ils saisissent surtout que tout ce travail, et toute cette peine, et toute cette souffrance, ne sont pas vains. L’autre peine, l’autre souffrance, l’autre travail, celles et celui pour lesquels l’homme se dépense tellement aux seules fins de s’enrichir ou de se faire un nom, ceux-là sont vains. Car de tout ce que l’homme fait, après un certain temps — l’espace de quelques années ou de quelques siècles — il ne reste rien, sinon parfois quelques ruines.

Une seule chose demeure éternellement : les âmes vivantes de tous ceux qui, élevés dans la connaissance du Christ vivant, ont été par Lui arrachés à la mort, régénérés pour la vie éternelle.

Les parents en ont-ils conscience ? Savent-ils que c’est là leur vraie tâche et leur vraie responsabilité : être les témoins du Dieu Saint devant leurs enfants et les amener le plus tôt possible à la connaissance personnelle du Christ ? Il les destine à la vie éternelle. Il appartient aux parents de les y préparer.

Il y a beaucoup d’enfants élevés pour la misérable gloire de ce monde.

Il y a beaucoup d’enfants à qui leurs parents donnent tout, sauf l’essentiel. Au travers de son père, l’enfant devrait apprendre à aimer Dieu, le Père tout-puissant. Au travers de sa mère, il devrait saisir l’amour prévenant, patient et persévérant du Seigneur. Et en voyant ses parents s’aimer, il devrait apprendre à aimer à son tour.

Il y a des époux heureux… De tels couples, Dieu les appelle certainement à accepter beaucoup d enfants dans leur foyer. Les enfants seront élevés pour Sa gloire à Lui, et non plus pour les seules vanités d’un monde d’autant plus insensé qu’il est davantage en révolte contre Dieu.

Si un couple chrétien et sans enfant venait à penser que cette grâce lui a été refusée, il faut lui rappeler l’exemple de l’apôtre Paul. Au jour du Seigneur, en dépit de son célibat volontaire, il se présentera devant Dieu, entouré d’une immense famille : celle qu’il a, de la part de Christ et avec son aide, engendrée à la vie éternelle.

Pour cette naissance surnaturelle, Dieu cherche des pères et des mères. Pour ce glorieux et fécond ministère, Il appelle les pères et mères de famille, mais encore les époux sans enfants et les célibataires.

La continence

C’est intentionnellement que ce sujet est ici placé dans le chapitre des difficultés. Tout être normalement constitué, dès l’âge de la puberté, connaît cette lutte, parfois quotidienne, pour demeurer chaste. Il faut être loyal et reconnaître que celui qui veut mener le combat victorieusement n’a pas la partie facile. Il semble même que la difficulté va chaque jour en augmentant.

Comment demeurer chaste, en effet, dans un monde où la réclame illustrée fixe l’attention sur tout ce qui touche au sex appeal ; où la liberté des mœurs, du langage, du comportement frise sans cesse le libertinage ; où celui-ci trouve des alliés dans la littérature, dans la plupart des films de cinéma, dans la grande majorité des pièces de théâtre, des chansons, des scènes, des jeux que la radio ou la télévision déversent dans les foyers ?

Cette lutte connaît encore un autre ennemi : l’adage populaire qui veut que « jeunesse se passe », qui laisse entendre aux célibataires que la chasteté est nuisible à la santé, et qu’une vraie préparation au mariage ne saurait se passer d’expériences vécues.

Il est des « bobards » qui ont la vie dure. Ceux qui les colportent y trouvent une forme de justification à leurs défaites.

Loin d’être néfaste à la future vie conjugale, la chasteté en est au contraire la vraie préparation. S’abandon- ner à chaque « occasion », ce n’est pas faire preuve de virilité, ni de féminité, mais de lâcheté. La véritable école du mariage vise à la formation de caractères trempés, de volontés décidées à tenir ferme sur le chemin de la fidélité, même quand il est difficile.

Or, la parole biblique est claire : La volonté de Dieu, c’est votre sanctification ; Il veut que vous vous absteniez de l’impureté, et que chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté et dans l’honnêteté, sans jamais vous livrer à des passions déréglées, comme le font les païens qui ne connaissent pas Dieu… Faites donc mourir ce qui, dans vos membres, est terrestre : la débauche, l’impureté… Fuyez l’impudicité (1 Thessaloniciens 4.3-5 ; Colossiens 3.5 ; 1 Corinthiens 6.18).

L’impudicité, en effet, tue les nobles sentiments, développe la sensualité, et amène celui qui s’y adonne à confondre bientôt bonheur et plaisir sexuel.

L’impudicité devient la véritable école de l’adultère. Elle favorise l’égoïsme jouisseur, La connaissance qu’elle donne de l’homme ou de la femme est absolument erronée. Elle ramène le sexe opposé à un instrument de plaisir. Bref, elle ignore la bonté, le respect du prochain, les prévenances. Elle dénature les sentiments, les paroles, les gestes mêmes de l’amour puisque, au lieu d’en faire un don, elle en fait une forme de rapine.


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Il faudrait être singulièrement naïf pour croire que la chasteté puisse être nuisible à la santé.

Par souci sanitaire plus que moral, un chef militaire, connaissant les dangers de l’impudicité, avait fait afficher bien en vue, en caserne, une pancarte qui disait : « La chasteté ne fait rire que les imbéciles ».

Et voici deux réflexions de médecin :

« Les maux de l’incontinence sont connus, incontestés ; ceux que provoquerait la continence sont supposés, imaginaires. Ce qui le prouve, c’est que de nombreux ouvrages savants et volumineux ont été consacrés à exposer les premiers, et que les autres attendent encore leur historien. »

« Je mets qui que ce soit au défi de trouver dans l’histoire de la médecine, chez tous les peuples du monde, une seule maladie qui puisse être causée par l’abstention de rapports sexuels. » (Citées par Dr Carnot dans « Au service de l’amour ».)

Adolescent ou adulte obligé au célibat, comment demeurer chaste ?

Il faut d’abord y croire comme à une vocation que Dieu nous adresse.

Dans le plan divin, la sexualité joue un triple rôle : elle marque notre personnalité en nous déterminant. Dans le seul cadre du mariage, elle est moyen de communion avec un conjoint. Elle est enfin moyen de reproduction.

Dans l’attente du mariage, ou en dehors de celui-ci, la chasteté est donc voulue de Dieu : toute incontinence est une forme d’idolâtrie (égoïste recherche de soi-même, servile soumission à la puissance sexuelle) ou une désobéissance à la loi d’amour (atteinte à l’intégrité du prochain et de soi-même).

Il faut y croire d’une autre manière encore.

En effet, si l’on n’est pas convaincu qu’il est possible de demeurer chaste, la bataille est déjà en partie perdue. Un fardeau est d’autant plus lourd à porter qu’on le croit au-dessus de ses propres forces. Pour convaincre, Dieu requiert de l’homme la foi en la victoire.


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Dans tous les domaines de la vie, la volonté joue un rôle primordial. Le diable le sait bien, qui maintient son autoritarisme actif en l’homme dans la mesure de la passivité de celui-ci. Dieu le révèle aussi lorsqu’Il appelle l’homme, libéré par Jésus-Christ, à vivre dans la liberté et voulant ce que Dieu veut.

La chasteté est possible liée à cette volonté. Car, si le jeune homme ou la jeune fille le veulent, ils peuvent rester maîtres de leurs instincts et refuser toute compromission avec l’impudicité.

Ils le peuvent d’autant plus que Dieu donne ce qu’Il ordonne. Saint Paul disait : Je puis tout par Christ qui me fortifie. Dieu connaît nos luttes. Il sait toutes les difficultés de la bataille que tout être doit livrer pour rester pur. En réponse à la prière, Il donne la force de vaincre à qui le veut, dans le respect de lui-même, des autres, et du Seigneur qui nous a rachetés.

Cependant, cette volonté qui attend de Dieu la victoire et la Lui demande, doit elle-même prendre ses responsabilités. On ne saurait compter sur le secours de Dieu si l’on ne met pas soi-même tout en œuvre pour Lui permettre de l’accorder.

Il est des complaisances que la volonté de chasteté ne saurait tolérer.

Bacchus est un dangereux compagnon.

Il faut rompre avec certaines camaraderies, certaines lectures, certaines distractions.

Pascal définit ainsi l’imagination : « cette folle du logis, cette maîtresse d’erreurs ». La volonté de chasteté exige qu’elle soit tenue en brides.

Il faut aussi fuir l’oisiveté.

Mieux encore, il faut remplir sa vie. La manière la plus simple de le faire est de l’offrir au service des autres, dans une consécration qui recevra du Christ vivant son élan généreux et sa persévérance dans le combat. Dans cette consécration, il est une pitié à bannir absolument de son propre cœur : c’est la pitié de soi-même, car elle est toujours à l’origine des défaillances. La grâce de Dieu est une réalité. Elle invite tout être défaillant à reconnaître sa faute, à croire au pardon dont le Christ crucifié est le garant, à fuir toute condescendance envers le « mal », à s’engager résolument à nouveau sur le chemin de la liberté dans l’obéissance au Dieu Saint.


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Il fut un temps où le célibat, rangé sous le titre : « Absence d’expériences sexuelles », était envisagé par la société en général et par beaucoup de célibataires en particulier, comme une forme de vie dépréciée, quand ce n’était pas de vie ratée.

Le temps est heureusement passé qui a fait crédit à de pareilles absurdités. Elles n’avaient pu se faire jour que dans une société volontairement ignorante de la vérité biblique.

Comparé au mariage, le célibat n’a rien d’une existence au rabais. Tout au contraire, quand il est vécu (ou accepté tardivement) comme une vocation, il offre des possibilités uniques. N’est-il pas libéré de toutes les charges contraignantes de l’état de mariage ? N’a-t-il pas à son actif des loisirs, des libertés, une disponibilité sans pareils ? Bien sûr, il a ses désavantages. Mais il ne faudrait pas oublier que le mariage a aussi les siens.

Il serait vain d’opposer ceux-ci à ceux-là, d’autant plus que seul l’esprit d’envie ou de jalousie y trouverait son compte. Pourtant, il ne faut pas craindre de souligner les privilèges du célibat, même quand ils demeurent liés au combat auquel oblige la volonté de chasteté.

Sur le chemin de la vocation chrétienne, ces privilèges sont soulignés par l’apôtre Paul, lorsqu’il dit : « Celui qui n’est pas marié s’occupe des choses du Seigneur, cherchant à plaire au Seigneur. Mais celui qui est marié s’occupe des choses du monde, cherchant à plaire à sa femme ; aussi a-t-il le cœur partagé » (1 Corinthiens 7.32-33).

Le Christ Lui-même a mis en évidence cette merveilleuse disponibilité du célibat et ses privilèges, lorsqu’Il dit : « Il y a des eunuques qui sont nés ainsi, du sein de leur mère ; il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes ; et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels, en vue du royaume des cieux. Que celui qui peut recevoir celte parole la reçoive ! » (Matthieu 19.12).

Les déviations sexuelles

Parmi les faibles auxquels la continence doit être rappelée, il faut nommer les victimes de la masturbation. Une grande majorité de jeunes gens, mais aussi de jeunes filles, connaissent cette tentation et y succombent.

Il ne faut pas minimiser la gravité de ce désordre. Pourtant, ce serait déformer la vérité que d’en montrer les conséquences sous un jour effrayant. Ceux qui, sous prétexte de mise en garde, exagèrent ainsi la réalité, ne réussissent souvent qu’à créer une psychose bien inutile chez de crédules interlocuteurs et leur font plus de mal que le vice qu’ils voulaient dénoncer.

Certes, ce vice abusivement pratiqué peut avoir des conséquences fâcheuses, allant jusqu’à entraver la vie conjugale. Mais, il s’agit là d’abus, qui touchent déjà à la pathologie.

Il faut tenir aux jeunes gens et jeunes filles un langage plus proche de la vérité.

Dans « L’éducation de l’amour » du Dr René Brot, un père parle à son fils. Loin de l’effrayer, il lui dit avec sagesse : « Tranquillise-toi, car notre organisme est ainsi fait, Dieu l’a ainsi construit, il a une souplesse qui lui permet de supporter bien des erreurs, bien des excès ». Mais il ajoute : « Tu finirais par connaître des troubles si tu persévérais dans ce désordre ».

En fait, il n’est pas un jeune homme ou une jeune fille qui ne discernent combien cet acte les avilit à leurs propres yeux, S’ils ont mauvaise conscience au point d’en être tourmentés, c’est qu’ils reconnaissent, sans toujours le formuler, que cet acte contre nature est un signe de leur asservissement. Ils se voient liés à cette tromperie d’un plaisir prometteur et qui les laisse pourtant, à chaque fois, vides et désireux de ne pas recommencer.

Les reproches qu’on pourrait faire aux jeunes ne leur sont d’aucun secours ; cela risquerait même d’accaparer davantage encore leur attention, leurs pensées, leur volonté, et de les river à cette défaillance. Ce serait le moyen le plus certain de les y faire succomber à nouveau. Quand on veut arracher quelqu’un au vertige, il ne faut pas attirer son attention sur la profondeur du vide ! Il faut lui aider, au contraire, à regarder ailleurs, à y accrocher sa volonté.

Il s’agit donc de rappeler aux jeunes gens et aux jeunes filles le sens et la valeur de l’instinct sexuel. Si la volupté est une des joies que Dieu accorde aux hommes, l’homme ne saurait impunément détourner cette joie de sa fin. La masturbation est donc une escroquerie, car elle détourne de son vrai but la semence que Dieu avait donnée pour l’engendrement, en même temps qu’elle accapare égoïstement un plaisir par lequel Dieu voulait réjouir deux êtres dans une communion unique. Elle est donc une des formes les plus détestables de l’amour de soi.

D’autre part, les jeunes gens et les jeunes filles n’ont pas à avoir honte de leur instinct sexuel, mais à le reconnaître comme « un bienfait, une puissance de vie et d’unité », que Dieu leur demande de réserver aux fins qu’Il lui a assignées.

Au lieu de noirci l’acte de masturbation, il faut éclairer glorieusement le chemin d’une vie ordonnée selon Dieu et sur ce chemin, remettre à sa juste place la sexualité et la chasteté.


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Tout ce qui a été dit dans ce livre quant au caractère de sainteté de la vie sexuelle soumise à la volonté divine, nous dispense de toute réflexion, et, surtout, de toute mise en garde au sujet de la prostitution. Elle est une telle ignominie, une telle dégradation du prochain qu’elle peut être rangée, sans autre, parmi ces choses dont saint Paul disait « qu’il ne convient pas aux chrétiens même de les nommer » (Ephésiens 5.4).

Par contre, il est nécessaire de consacrer quelques lignes à ce douloureux aspect de la réalité qui a nom : l’homosexualité. Cela s’impose d’autant plus qu’elle est prônée aujourd’hui par une littérature offerte à tout venant et tend à être admise dans toutes les classes de la société, en particulier dans la classe dite cultivée. Ce qui faisait dire à un médecin : « Le grand danger de l’homosexualité, c’est le prosélytisme ».

Sans entrer dans les détails qui intéressent la médecine sinon la sexologie, il est important de discerner qu’il y a trois sortes d’homosexuels.


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Parmi les invertis, plusieurs le sont devenus par goût du vice, séduits qu’ils ont été par une recherche désordonnée du plaisir. Parmi eux, on trouve aussi certaines femmes que le mariage a déçues. C’est au sujet de ces invertis-là que Paul a écrit : Suivant les convoitises de leur cœur, ils déshonorent eux-mêmes leur propre corps, eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur. C’est pour cela que Dieu les a livrés à des passions honteuses… Comme ils ne se sont pas souciés de conserver la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à un esprit pervers, de sorte qu’ils commettent des actions indignes (Romains 1.24-28).

Celui qui est esclave de cette perversion en est libéré dès l’instant où il aspire à retrouver sa vraie nature et, dans la repentance et la foi, demande le secours du Christ venu délivrer l’homme de l’esclavage du péché.


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Cependant, il faut se garder de généraliser et d’enfermer dans une même condamnation des êtres qui, d’eux-mêmes, luttent contre leur tendance dénaturée et ne demanderaient qu’à en être délivrés.

Beaucoup d’invertis doivent leur douloureuse situation à l’éducation erronée qu’ils ont reçue. L’obsession qui les pousse vers ceux de leur propre sexe peut être une fuite inconsciente devant le sexe opposé, autrement dit, une forme de révolte contre la place, l’influence démesurée, parfois aussi, l’autoritarisme de leur mère ou de leur père. Plus souvent encore, chez l’homme en particulier, cette obsession est l’expression d’une souffrance : ils n’ont jamais eu de père et continuent à le chercher. Ils ont besoin d’être enfin aimés par un homme.

N’y a-t-il pas une relation à établir entre la démission scandaleuse des hommes en tant que responsables du foyer et l’inversion, avouée ou non, d’innombrables jeunes gens ? Ne faut-il pas dénoncer cette plaie de la démission de l’homme qui, accaparé de mille manières par le sport, les sociétés, les comités, les copains, les plaisirs, na plus le temps d’être un père ? Ne faut-il pas protester avec véhémence contre la lâcheté d’innombrables hommes et d’autant de femmes leurs complices, qui admettent si facilement l’infidélité conjugale, le concubinage, le divorce, et laissent à l’épouse légitime le soin et la terrible responsabilité d’élever des enfants dorénavant privés de père ?

Cette démission est l’expression même de ce que saint Paul dénonçait dans la parole relevée plus haut : Comme ils ne se sont pas souciés de conserver la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à un esprit pervers, de sorte qu’ils commettent des actions indignes.

Cela est le fruit de ceci. Les enfants certes ne sauraient répondre de la culpabilité de leur père, qui, par orgueil, refuse de se soumettre à Dieu ; mais ils n’en subissent pas moins les conséquences.

Pourtant, la culpabilité des uns n’excuse pas totalement les défaillances des autres. Il faut le redire aux invertis qui cherchent une guérison. Celle-ci ne s’opérera pas miraculeusement par le mariage. Plusieurs l’ont cru à leur propre détriment et au détriment de la femme ou de l’homme qu’ils ont ainsi entraîné involontairement sur un chemin de souffrances. Non ! Avant de songer à se marier, il faut accepter de se reconnaître malades, de se laisser soigner par un médecin de l’âme et de l’esprit. Mieux encore, dans le dédale de refoulements où ils se trouvent arrêtés, Christ, qui a emporté toutes nos maladies dans l’expiation de la Croix, peut leur ouvrir un chemin d’apaisement et de renouvellement. La Parole dit : Celui qui est en Christ devient une nouvelle créature. (2 Corinthiens 5.17.)


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Cette vérité concerne aussi les invertis qui ne le sont ni par vice, ni par faute d’éducation, mais par anomalie congénitale. On peut naître inverti comme on peut naître aveugle, ou sourd. Tandis qu’Il était présent en chair, mais également depuis qu’Il est présent en Esprit, Christ a ouvert les yeux de beaucoup d’aveugles et les oreilles de nombreux sourds. Cependant, laissant d’autres dans leur cécité et leur surdité, Il les a appelés à Le servir dans leur infirmité, à L’aimer et à témoigner ainsi de la liberté qu’ils avaient trouvée en Lui.

Christ peut aujourd’hui encore guérir absolument un inverti et faire de lui un homme nouveau. Mais Il peut aussi lui demander de Le glorifier dans son infirmité. Pratiquement, cet homme aidé et éclairé par la grâce, aura d’abord à accepter d’être « infirme ». En outre, comme beaucoup d’autres malades, ou encore à l’égal de nombreux célibataires par obligation, il aura à recevoir la force de demeurer chaste. Ce sera peut-être un sacrifice pour l’acceptation duquel il aura à prier souvent, avec le secours de ses frères en la foi. Il se souviendra que la pitié de soi est mauvaise conseillère, et que la liberté donnée par le Christ est d’une inestimable valeur comparée au plaisir asservissant que sa nature infirme le pousserait : chercher loin de Lui.

Pas plus que l’impudicité ne trouve une justification dans le célibat obligé, les actes contre-nature de l’inverti n’en sauraient trouver une dans l’anormalité congénitale. Le Christ est venu libérer non des bien portants, mais desmalades, et les homosexuels aussi bien que les impudiques — s’ils le veulent — peuvent trouver en Lui la force et la joie d’une vie dans la pureté et la liberté.

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