Un grand sujet l’amour

5. Difficultés au foyer (II)

La limitation des naissances reste pour beaucoup une préoccupation à laquelle ne répond pas toujours et nécessairement l’indication du médecin : Je vous prescris des pilules. Dieu est notre Créateur et notre Père ; il n’est pas possible qu’il nous laisse seuls dans la recherche d’une juste solution de cette difficulté. Accepteriez-vous d’éclairer pour nous la pensée de Dieu face à cette question de la limitation des naissances ?

— Je le fais d’autant plus volontiers qu’effectivement tout foyer doit prendre position, un jour ou l’autre, face à cette difficulté, soit parce que les époux n’ont pas d’enfants, soit parce qu’ils n’en veulent pas momentanément, soit enfin parce qu’ils n’en veulent plus.

Pourrait-on prendre séparément chacun de ces cas ?

— Parlons d’abord des foyers sans enfants. Dans sa soumission à Dieu, un tel foyer peut envisager cette privation comme un appel à un ministère particulier. En effet, ces époux pourront d’autant plus facilement servir les autres qu’ils ne seront pas retenus à la maison par leurs enfants. Mais, avant d’admettre que ce soit sa réelle et définitive vocation, ce couple est en droit de prier Dieu pour qu’il lui révèle sa volonté. L’absence d’enfants est une souffrance à laquelle le Christ peut remédier, soit en exauçant l’épouse restée stérile, soit en lui donnant, par le ministère du médecin, la guérison de sa stérilité accidentelle. Dans le cas où celle-ci resterait sans remède, les époux accepteront alors, comme venant de Dieu, le fait d’être privés d’enfants. Ils auront à se demander si l’adoption d’enfants sans parents n’est pas une de leurs vocations. Mais, comme dit tout à l’heure, il y a bien d’autres ministères possibles pour des époux libres de toute charge familiale.

Parlez-nous maintenant d’un premier aspect du problème. D’abord, est-ce licite de limiter les naissances ?

— La réponse à donner est fort simple. Dieu appelle l’homme, donc aussi le couple, à la pleine responsabilité de ses faits et gestes. Autrement dit, le couple est responsable des enfants qui lui sont accordés. Si Dieu, selon sa Parole, veut la famille, il veut aussi que les époux prennent la responsabilité de toute naissance. La procréation illimitée est une désobéissance, car elle est un refus de nos responsabilités. A l’opposé, le malthusianisme est une autre forme de désobéissance, car le refus de l’enfant, que ce soit par peur ou égoïsme, ne saurait plaire à Dieu.

Comment peut-on savoir ce qui plait à Dieu ?

— La volonté de Dieu est révélée à l’homme dans les Saintes Ecritures. En appelant l’homme et la femme au mariage, Dieu leur a dit : “Croissez et multipliez.” Dieu veut la famille. Il importe dès lors de discerner pour quelles raisons le couple refuse l’enfant. Ce refus peut être motivé par des raisons qui déplaisent à Dieu : peur du lendemain, peur de manquer du nécessaire, etc. autrement dit, par incrédulité. Ou alors ce peut être par égoïsme, par goût du confort. On refuse l’enfant parce qu’on ne veut pas être privé de loisirs et de toutes les possibilités que ces loisirs offrent. On préfère les facilités de l’existence et tout l’argent qu’il faut pour se les procurer, à l’enfant et à l’argent qu’il aurait fallu pour l’éduquer. Quand des raisons de calcul et de calcul très intéressé amènent tel couple à refuser l’enfant, ce couple ne vit pas selon la volonté du Seigneur ; il se soustrait lui-même à la bénédiction de Dieu.

Mais ne pourrait-il pas y avoir de justes raisons de limiter les naissances ?

— Ce que je viens de dire me donne d’autant plus de liberté pour répondre à votre question. Oui, il y a de justes raisons de limiter les naissances. Le natanalisme ou procréation illimitée est un refus de prendre au sérieux la tâche de père et de mère. Mettre au monde un enfant, c’est s’engager à de lourdes responsabilités envers Dieu qui nous le confie. Nous aurons à rendre compte, un jour, de la manière dont nous nous sommes acquittés de cette tâche. A l’heure actuelle, ce n’est pas une petite affaire que d’élever une famille. Cela comporte des exigences nombreuses parmi lesquelles il faut citer la question du logement, puis la question matérielle, enfin les questions d’éducation. A cela vient s’ajouter le problème de la santé. Il est des épouses épuisées par des naissances successives et qui ne peuvent faire face normalement à leurs responsabilités de mère. Il appartient donc aux époux de discerner — compte tenu des conditions matérielles, des possibilités de logement, de l’âge et de la santé — quelles responsabilités ils sont à même de prendre s’ils veulent donner à leurs enfants le minimum leur assurant un foyer et une existence heureuse.

Peut-on fixer une norme valable pour tous ?

— Si vous entendez par là le nombre raisonnable d’enfants qu’un foyer peut agréer à l’heure actuelle, il est évident que personne ne peut vous répondre. Autant de couples, autant d’avis différents. Par contre, si vous demandez comment on peut connaître la part qui nous est proposée à chacun dans ce “croissez et multipliez”, je réponds qu’il existe pour tous une même loi, et je la traduis en le moins de mots possibles : Cherchez la volonté de Dieu. Pratiquement : priez le Seigneur de vous éclairer, de vous donner une conviction, de vous aider à discerner si vos raisons de limiter les naissances tiennent à de l’incrédulité, à de l’égoïsme, ou au contraire à une juste sagesse eu égard à votre santé et aux conditions qui sont les vôtres. En ce domaine-là comme en tous les autres, le Seigneur veut nous éclairer, nous conduire, nous tenir dans l’obéissance. Bien entendu, cette recherche de la volonté divine comporte de la part des époux non seulement un sens aigu de leurs responsabilités, mais aussi une communion personnelle avec Dieu, une vie de prière, une connaissance de la Parole de Dieu, une volonté ferme d’y rester fidèles.

Notre Dieu est un Dieu de sagesse et de bonté. Cette difficulté très actuelle d’élever des enfants, de savoir, dans les conditions difficiles où nous vivons, combien chaque foyer doit en accueillir pour être fidèle à Dieu, peut être un appel, — disons le mot — un moyen dont Dieu se sert pour nous maintenir vigilants dans la prière et l’écoute de sa Parole.

Dans cette recherche de la volonté divine, est-il possible de connaître comment Dieu permet que cette limitation soit opérée ?

— Je vous remercie de me poser cette question, même s’il est difficile d’y répondre. Je ne crois pas que Dieu ait jamais permis qu’on tue volontairement et délibérément un enfant. C’est pourquoi l’avortement ne saurait jamais être considéré comme un moyen approuvé par Dieu pour limiter les naissances. Qu’un médecin, en toute conscience professionnelle et par souci de sauver une mère en danger, conseille une telle intervention, cela se conçoit. Encore faudrait-il rappeler au médecin qu’il aura, lui aussi, à rendre compte de ses actes devant Dieu.

Autrement dit, à moins de raisons mettant en cause la vie de la mère, tout enfant conçu est un enfant qui devrait être mené à terme ?

— C’est exactement ma pensée, et je la crois conforme à la volonté de Dieu révélée dans l’Ecriture sainte.

Et quand le médecin conseillerait une interruption de grossesse ?

— Les parents chrétiens ne sauraient se décharger sur le médecin d’une telle responsabilité. D’abord le médecin pourrait se désintéresser complètement de l’aspect moral de son conseil et n’en voir que l’aspect pratique. Et puis, il peut se tromper dans son diagnostic. Mais surtout, il se pourrait qu’au travers de l’épreuve imposée à ce couple, Dieu les appelle à un véritable acte de foi, leur demande d’en rendre témoignage jusque devant le médecin. C’est pourquoi, avant d’acquiescer à sa proposition, le couple devra s’interroger et demander à Dieu de lui donner la certitude qui l’amènera finalement à obéir au médecin. Alors seulement, les époux seront libérés du reproche d’avoir manqué de foi.

Pourriez-vous préciser ici comment, pour rester dans la volonté du Seigneur, deux époux conscients de leurs responsabilités auront à limiter les naissances ?

— Vous comprendrez qu’il ne me soit pas possible d’entrer ici dans les détails qu’il appartiendrait davantage au médecin de donner. Cependant, il est juste de souligner qu’une saine éducation sexuelle peut apprendre aux époux à ne pas se refuser l’un à l’autre, selon l’expression même de la Bible, et, dans la responsabilité évoquée plus haut, à user au besoin de moyens anticonceptionnels. Une littérature sérieuse renseigne sur ce sujet et j’y renvoie les époux intéressés par cette question.

Avez-vous une conclusion à donner à ce sujet difficile ?

— Une conclusion ? Disons d’abord que ce sujet est très vaste et que je ne prétends pas l’avoir épuisé par les quelques remarques apportées ici. J’ai plutôt cherché à le circonscrire. Dans ces limites, j’ai voulu donner à chacun la possibilité de trouver une réponse conforme aux exigences de la foi en Jésus-Christ. Cependant, j’ai une importante remarque à ajouter.

Il y a beaucoup d’enfants qui, non seulement naissent dans des conditions misérables, mais encore grandissent dans de telles conditions. Et quand je les dis misérables, je ne pense pas seulement au plan matériel ; on peut grandir dans de tristes conditions au sein d’un foyer où règne l’abondance. La plus grande misère, en effet, c’est de ne pas savoir pourquoi l’on vit. D’innombrables enfants sont élevés sans que leurs parents leur aient jamais révélé le sens profond de l’existence. Selon l’expression biblique, ils sont élevés “pour le monde” et ne connaissent en fait de gloire, d’amour, et de joies, que celles qu’offre “le monde”.

Or, en nous confiant des enfants, Dieu voudrait que nous les élevions dans la connaissance de sa gloire, de son amour, de sa joie, car il n’en est pas de meilleures. Combien sont-ils à être orientés dès leur enfance vers le service du Christ, ce qui serait leur bonne part ? Si nous élevions nos fils et nos filles avec l’intention d’en faire des citoyens du royaume des cieux, bien des difficultés se résoudraient qui allégeraient considérablement le problème posé par la limitation des naissances. Le privilège d’avoir à les élever dans la perspective du service de Dieu serait perçu non comme une charge, mais comme un honneur. La bénédiction qui en résulterait rendrait la tâche moins redoutable. La moisson est grande et il y a peu d’ouvriers. Nous craindrions moins d’avoir une grande famille puisque Dieu la prendrait en charge en vue de son service.

Il appartient aux chrétiens d’abord de saisir cela et de le vivre concrètement. Y a-t-il, en effet, vocation plus glorieuse que d’avoir à élever des enfants pour le service de Dieu et, conclusion de ce service, pour le royaume des cieux ? N’est-ce pas le seul travail, la seule peine qui porte du fruit pour l’éternité ?

Nous nous rendons compte que nous avons abordé là une question importante au sujet de laquelle les avis “pour” ou “contre” seront certainement partagés. Nous vous remercions très vivement de nous avoir si franchement exposé votre pensée sur un problème qui nous intéresse tous ; vous l’avez fait dans le seul désir d’aider les couples à prendre leurs responsabilités. Puisque Dieu nous appelle à collaborer avec lui dans la transmission de la vie, il faut que nous cherchions à connaître sa sainte volonté dans ce domaine.

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