Peut-être le lecteur sera-t-il déçu — un peu agacé — du fait qu’au cinquième chapitre d’un livre consacré au ministère de la libération, nous ayons dit encore si peu de choses de ce ministère lui- même.
Je le sais par expérience, les gens intéressés désirent avant tout être informés de la manière et des conditions de la pratique du ministère de la libération. Ils ont lu certains livres, vu certains films à sensation, connu quelque expérience personnelle ou communautaire. Ils sont intrigués, peut-être inquiétés ou passionnés. Ils voudraient des exemples concrets, des récits instructifs, des conseils pratiques.
Je comprends bien leur hâte d’arriver au fait. Je n’’ignore pas que cette impatience amènera même certains à parcourir rapidement ces pages — ou à les sauter tout simplement — pour trouver celles qui, à leur idée, seront intéressantes. Mais ce que je n’ignore pas non plus, c’est que cette hâte et cette curiosité doivent davantage à l’inconscience qu’à la sagesse.
Que faudrait-il penser d’un médecin qui dirait : “Moi… faire de la physiologie, de la pathologie, et encore de l’anatomie ? Ça me rase trop ! Ce qui m’intéresse, c’est de soigner les gens.”
Au début de ce siècle, le professeur en médecine César Roux de l’Université de Lausanne disait à de tels amateurs : “Messieurs, la campagne manque de bras 1.”
1 Vexé à l’ouïe de ce propos, un campagnard aurait rétorqué : “En tout cas, l’enseignement ne manque pas de pieds…”
L’homme est un être infiniment complexe. S’il faut de sérieuses études pour être habilité à soigner psychiquement et physiquement les gens, il faut aussi une formation pour les soigner spirituellement. C’est vrai que le Saint-Esprit rend “intelligents” ceux qu’il illumine et appelle au service. Toutefois, c’est dans les contes de fées que le sot devient brusquement un phénix. Réaliste, le Saint-Esprit, lui, dit aux hommes qu’il instruit: “Concentrant tous vos efforts, joignez à votre foi… la connaissance 2.”
Et Paul, en toute loyauté et modestie, dit à son tour : “Nous nous recommandons nous-mêmes en tout comme ministres de Dieu par notre science… par la parole de vérité.” Et il ajoute : “Les armes par lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles ; elles sont puissantes par la vertu de Dieu 3.”
Comme tout service chrétien, le ministère de la libération exige de vraies qualifications. Au nombre de celles-ci, il y a, préalablement à toute pratique, une large connaissance de la Parole et l’instruction particulière que donne l’étude de certains textes. Nous retiendrons les plus importants.
Dieu sait combien souvent les démoniaques sont tenus pour des “possédés”. Il n’est pas inutile de découvrir que cette expression n’est jamais utilisée comme telle dans l’Ecriture.
Par exemple, Matthieu 11.18 ; Luc 7.33 ; Jean 10.20, disent en grec : Echei daimonion, c’est-à-dire : il a un démon. Ce verbe echei mérite examen. Au premier sens, il signifie : porter avec soi, puis contenir ; d’où finalement : avoir, avoir en soi ou avec soi. On peut avoir avec soi un porte-monnaie ou un ami, sans être leur esclave. L’idée de possession n’est cependant pas étrangère à cette cohabitation. De nature, le démon est dominateur. Dans la mesure où l’on cède à ses suggestions, à ses contraintes, il est clair que sa présence peut prendre progressivement l’aspect d’une possession.
Ailleurs, ainsi dans Matthieu 4.24 ; Marc 1.32 ; 5.15, il est question des “démoniaques”, c’est-à-dire en grec tous daimonizomenous, participe passé du verbe daimonizomenai ; traduction possible : des démonisés (au sens profane et religieux : être divinisé, puis être soumis ou dépendre de la volonté d’un dieu). Là encore, quand on sait les caractéristiques d’un démon, il est clair que cette relation de dépendance consentante peut conduire à la contrainte et aboutir à la possession.
Il ne faudrait pas, ici, se laisser séduire par les qualificatifs que le grec profane joint volontiers au mot démon. La littérature religieuse païenne parle de agatos (bon) daemon et de kakos (mauvais) daemon, traduit par bon ou mauvais génie. Cette sorte d’être surnaturel aurait des aptitudes supérieures (le mot génie est passé dans la langue courante pour désigner quelqu’un de particulièrement doué ou informé). Par le biais de la mythologie, cette croyance au bon démon a coloré un certain christianisme plus marqué d’idolâtrie que de foi : on en trouve des traces dans cette valeur trompeuse attribuée à la magie dite blanche (alors qu’elle émane de la même source satanique que la magie dite noire), attribuée également à ces esprits ou patrons familiers auxquels la croyance populaire confère une vertu de protection. Cependant, déjà dans la littérature profane et la croyance populaire du premier siècle, le démon est assimilé à une divinité inférieure, de bas étage si l’on ose dire.
Il est connu que pour communiquer l’Evangile, les écrivains du Nouveau Testament ont utilisé le langage du peuple. En l’occurence, il faut souligner que les termes employés étaient propres à la culture grecque, et contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, n’étaient pas rangés à l’enseigne de la superstition.
Dans le langage du Nouveau Testament — donc des Juifs et des Grecs auxquels il est d’abord adressé — avoir un démon ou être démoniaque n’est pas une expression métaphorique. Cela traduit une réalité. Contrairement aux sadducéens, les pharisiens ne tenaient pas ces croyances pour du folklore 4. Nous ne sommes pas sadducéens. Avec le Christ, les apôtres et l’Eglise primitive, nous croyons à l’existence, à la substantialité, à la réalité des démons.
4 Actes 23.8.
L’Ecriture nous laisse sans explication satisfaisante quant au fait que ces créatures célestes, dès le commencement 5 sont fondamentalement ennemies de Dieu et de l’homme, méchantes, menteuses et meurtrières. Elle nous appelle simplement à prendre conscience que le mal sur la terre a sa source d’inspiration en Satan, chef d’une armée de démons ou de mauvais esprits.
5 Jean 8.44.
Elle ne nous dit pas non plus selon quel processus la présence d’un démon en l’homme a pour conséquence une aliénation progressive de sa liberté, par ailleurs déjà charnellement entravée. Par les exemples donnés, nous constatons que l’action diabolique peut être de l’ordre de :
La suggestion. Exemple : Pierre déniant que Christ dise vrai quand il annonce sa mort et sa résurrection 6.
L’obsession. Exemple : Saül tourmenté par un mauvais esprit 7.
L’habitation. Exemple : Judas obstinément endurci, déjà sous la dépendance du démon 8, et à la fin totalement manipulé par Satan 9.
8 Jean 6.70.
9 Jean 13.27.
On peut constater aussi que l’état de maladie, conséquemment à la présence du démon, connaît trois stades de gravité :
Premier stade : La personne est simplement malade, physiquement et psychiquement ; l’exclusion du démon rend à cette personne son état de santé. Exemples : la guérison de la fille syrophénicienne 10, de la belle-mère de Pierre 11 et de malades dits lunatiques 12.
10 Marc 7.30.
11 Luc 4.39 ; il interpelle la fièvre nommément comme si en ce cas, elle agissait tel un esprit méchant.
12 Matthieu 4.24.
Deuxième stade : Le malade est soudainement attaqué et devient l’objet de manifestations qu’il ne contrôle plus. Il est jeté à terre, en proie à des convulsions, il hurle : il est entraîné à se jeter dans le feu, à se faire lui-même du mal, il perd conscience. Exemples : le démoniaque de Nazareth 13 et l’enfant que les disciples ne purent guérir mais que Jésus libéra 14.
13 Marc 1.26.
14 Luc 9.39.
Troisième stade : Le malade est dans un état permanent de totale privation d’identité et de personnalité. Il est littéralement dément, il est un être dangereux pour ceux qui l’approchent. C’est le cas du ou des démoniaques de Gadara 15 et de celui d’Ephèse 16.
15 Matthieu 8.28-29 ; Marc 5.1-6.
16 Actes 19.15-16.
La réalité, rangée ainsi sous trois ordres et à trois stades de gravité, correspond davantage à une classification simplifiée des agissements démoniaques qu’à la diversité étonnante de leurs actions. C’est dire, en d’autres termes, qu’on pourrait présenter les choses selon une classification différente et surtout sous des aspects beaucoup plus divers et nuancés. Prenons la précaution d’ajouter qu’à chacun de ces stades, ces agissements pourraient être imputables à une maladie mentale, à un désordre psychique, et non nécessairement à des démons.
L’Ecriture ne fait pas de différence, sinon dans le vocabulaire, entre les expressions : les démons, les démonisés, les gens ayant un esprit impur, les anges de Satan. Tout au plus, peut-on inférer de certains textes que la gravité de l’aliénation d’un homme est en rapport direct avec le nombre des démons à l’œuvre et la relative nocivité de ceux-ci. Tel est l’enseignement de Jésus : L’esprit prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, ils entrent et demeurent, et la condition dernière de cet homme devient pire que la première 17.
17 Matthieu 12.45.
Quant au verbe “chasser”, il traduit assez exactement le mot grec ekballein par lequel les évangiles caractérisent la pratique de la libération. On pourrait regretter l’usage courant du terme ‘‘exorcisme” puisque étymologiquement, il signifie ‘‘prononcer un serment ou une formule”. Dans l’expulsion d’un démon, il s’agit moins d’une formule à prononcer que d’un acte d’autorité à faire avec la puissance de l’Esprit. L’allemand dit correctement die Dämonen-austreibung. Expulser les démons serait donc la traduction la meilleure, puisqu’il s’agit littéralement de pousser ou conduire le démon hors de la personne.
Cependant, l’adjuration correspondant au terme exorcisme décrit assez exactement un des aspects de l’acte d’expulsion. Il caractérise la parole prononcée sur la terre en accord avec la volonté de Dieu. Cette parole fait autorité jusque dans le monde des esprits auxquels elle peut ainsi s’opposer ; elle peut également les obliger à obtempérer à ce qu’elle leur ordonne.
D’autres enseignements nous sont donnés par certains détails des scènes de délivrance rapportées par les évangiles, puis par les Actes. Nous les relèverons sans les souligner à nouveau quand nous les retrouverons dans un récit suivant.
1. La guérison du démoniaque de Capernaüm (Marc 1.21-28 ; Luc 4.31-37).
“Il descendit alors à Capernaüm, ville de Galilée. Il les enseignait le jour du sabbat et ils étaient frappés de son enseignement parce que sa parole était pleine d’autorité. Il y avait dans la synagogue un homme qui avait un esprit de démon impur. Il s’écria d’une voix forte : ‘Ah ! de quoi te mêles-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu.” Jésus le menaça : ‘Tais-toi et sors de cet homme’ ; et jetant l’homme à terre au milieu d’eux, le démon sortit de lui sans lui faire aucun mal. Tous furent saisis d’effroi, et ils se disaient les uns aux autres : ‘Qu’est-ce que cette parole ! Il commande avec autorité et puissance aux esprits impurs, et ils sortent.” Et son renom se propageait en tout lieu de la région.”
a) Les deux évangélistes placent ce récit dans un contexte soulignant que l’autorité sur les démons et la capacité de les expulser tiennent à la personne de Jésus revêtue de l’Esprit, mais aussi à sa Parole.
Cela concerne aussi les disciples de tous les temps, et cela explique en partie l’ordre donné par le Christ qu’ils ne s’engagent pas dans le ministère sans avoir été investis de la puissance d’en-haut 18.
18 Actes 1.4-5.
b) L’homme dans la synagogue se savait-il habité par un esprit impur ? On pourrait le déduire du fait qu’il est comme attiré à la synagogue où il entre inopinément. Par ailleurs, on pourrait aussi penser qu’il l’ignorait. C’est la présence de Jésus qui dévoile cette cohabitation de l’homme et de l’esprit mauvais.
Aujourd’hui aussi, d’une part certains malades ont la pensée qu’une force hostile les habite ; d’autre part, la présence du Christ en ses serviteurs et dans une communauté remplie de l’Esprit, dévoile l’Ennemi et provoque ses réactions.
c) C’est l’homme qui s’exprime. Mais son propos est celui de l’esprit impur. Il y a donc à la fois identité entre l’homme et l’esprit, et différenciation, rendue évidente soit par l’ordre de se taire que lui intime Jésus, soit par son expulsion.
Dans la pratique, c’est sur ce point précis que doit intervenir le don de discernement des esprits et une parole différente suivant qu’on s’adresse à l’homme ou à l’esprit qui l’habite.
d) Il y a communauté de destin des esprits. “De quoi te mêles-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre.” Depuis qu’au désert Jésus a résisté victorieusement à toute tentation, l’émoi est semé dans le camp ennemi. Les démons savent maintenant que leur hégémonie sur l’homme est contestée et même qu’elle touche à sa fin. Avec l’énergie de quelqu’un qui se sait vaincu mais ne veut pas le reconnaître, ils s’organisent en vue d’une commune défense, usent d’intimidation.
Un ministère de libération doit en tenir compte, ne pas se laisser impressionner par les assertions des démoniaques, les contrôler.
e) L’esprit est dit “impur”. Il ne s’agit pas d’une simple appellation. On pourrait traduire “qui rend impur”’, cette souillure étant d’ordre spirituel ou moral.
La présence d’un tel esprit peut expliquer d’une part la dépravation de l’imagination et du comportement d’une personne, d’autre part l’opposition de cette personne à tout ce qui est du domaine spirituel.
f) A l’instant de son expulsion, l’esprit hurle et se convulse. Cela est-il l’expression d’une colère rageuse ou d’une peur panique ? L’une et l’autre sans doute. Cependant, à l’heure du combat, nous avons à nous souvenir que les démons tremblent 19 et, dans notre propre crainte de Dieu, ne jamais les redouter. Nous en avons pour preuve le petit mot que Luc met dans la bouche des démons 20, traduit dans nos versions par : “Ah ! de quoi te mêles-tu ?” Cela signifie : ‘‘Malheur à nous ! C’en est fait de nous.”
19 Jacques 2.19.
20 Luc 4.34.
Comme déjà dit plus haut, l’opposition des démons ne peut jamais être que défensive et perdue d’avance. Voilà un encouragement au ministère de la libération !
g) Bien avant les gens de la synagogue, le démon sait exactement qui est Jésus.
Prenons conscience qu’il discerne aussi avec qui il a affaire quand nous nous opposons à lui. Malheur aux fils de Sceva 21 !
21 Actes 19.15.
h) Le démon confesse que Jésus est le Saint de Dieu. Il sait donc aussi que son expulsion s’inscrit dans la perspective du royaume messianique.
En ce sens, nous ne sommes pas que des “exorcistes”. Jésus nous envoie prêcher l’Evangile du Royaume de Dieu et, en corrélation avec ce message, nous appelle à un ministère de libération qui en atteste le contenu. Paul dira : “Ma prédication n’avait rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elle était une démonstration de la puissance de l’Esprit 22.”
2. Le démoniaque de Gadara (Matthieu 8.28-34 ; Marc 5.1-20 ; Luc 8.26-39).
“Ils arrivèrent de l’autre côté de la mer, au pays des Géraséniens. Comme il descendait de la barque, un homme possédé d’un esprit impur vint aussitôt à sa rencontre, sortant des tombeaux. Il habitait dans les tombeaux et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne. Car il avait été souvent lié avec des entraves et des chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les entraves, et personne n’avait la force de le maîtriser. Nuit et jour, il était sans cesse dans les tombeaux et les montagnes, poussant des cris et se déchirant avec des pierres. Voyant Jésus de loin, il courut et se prosterna devant lui. D’une voix forte il cria : ‘De quoi te mêles-tu, Jésus, Fils du Dieu Très Haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas.’ Car Jésus lui disait : ‘Sors de cet homme, esprit impur !’ Il l’interrogeait : ‘Quel est ton nom ?’ Il lui répondit : ‘Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux.’ Et il le suppliait avec insistance de ne pas les envoyer hors du pays. Or, il y avait là, du côté de la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. Les esprits impurs supplièrent Jésus en disant : ‘Envoie-nous dans les porcs pour que nous entrions en eux.’ Il le leur permit. Et ils sortirent, entrèrent dans les porcs, et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer ; il y en avait environ deux mille et ils se noyèrent dans la mer. Ceux qui les gardaient prirent la fuite et rapportèrent la chose dans la ville et dans les hameaux. Et les gens vinrent voir ce qui était arrivé. Ils vinrent auprès de Jésus et virent le démoniaque, assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu le démon Légion. Ils furent saisis de crainte. Ceux qui avaient vu leur racontèrent ce qui était arrivé au démoniaque et à propos des porcs.”
a) Dans les trois synoptiques, cette libération a pour contexte : dans Matthieu, l’enseignement capital du sermon sur la montagne, suivi du récit de très nombreuses guérisons; dans Marc et Luc : les paraboles de la semence, plus immédiatement encore, d’une part le récit de la tempête apaisée, d’autre part le récit de la résurrection de la fille de Jaïrus. Cela est certainement intentionnel.
La mort est notre ennemi le plus implacable. Elle se fait menaçante déjà au niveau des éléments déchaînés et incontrôlables. De la même manière, elle est menaçante au travers de l’homme habité par Satan. Mais l’intervention du Christ nous garde de ses menaces et nous arrache au pouvoir de la mort.
A moins que nos ministères aient quelque regrettable ressemblance avec ceux des scribes et des pharisiens, nous interpellons, en même temps que les hommes, les puissances hostiles et meurtrières qui les subjuguent. Dans le récit, ce qui est mis en lumière d’abord, c’est l’incontestable autorité du Christ sur les puissances démoniaques. Elles le savent mais essaient encore de l’intimider, puis, devant leur échec, tentent de se dérober. Dans le ministère de la libération, cette autorité du Seigneur et de son nom est capitale. Sa Parole demeure éternellement souveraine et libératrice. Dite avec autorité, elle impose silence aux éléments déchaînés, elle jugule la maladie, elle arrache à la mort sa proie, elle libère l’homme enchaîné. Nous sommes donc justifiés de dire que si la foi conduit aux œuvres, elle conduit aussi, selon la volonté de Dieu, à des actes de libération.
b) Ce récit a pour théâtre la Décapole, c’est-à-dire un pays aux confins d’Israël, habité en grande partie par les non-Juifs. En y débarquant, Jésus fait en quelque sorte irruption en territoire étranger et occupé. L’immédiate rencontre avec le démoniaque accouru est significative.
Nous sommes ici en situation d’évangélisation. Le possédé — ici le mot n’est pas incorrect — en même temps accourt comme mû par une aspiration vers la délivrance possible, mais redoute toute intervention et supplie Jésus de ne rien faire. C’est le paradoxe qu’illustre le comportement de l’homme moderne… !
c) “Il avait sa demeure dans les tombeaux.”
Ce goût, cet intérêt, cette attirance vers la mort, ses œuvres et ses lieux de décomposition, se retrouvent chez tous les démoniaques. Le fait que notre culture, sa littérature, sa peinture, en soient pareillement marquées, devrait nous ouvrir les yeux.
d) “Personne n’avait la force de le dompter.” Cet autre trait distinctif du possédé est accentué par l’aveu qu’aucun moyen humain — ni fers aux pieds, ni chaînes — n’avait suffi à le maîtriser.
Ah ! si l’on voulait une fois comprendre que ces forces incontrôlables et justement redoutées sont simplement surnaturelles. Leur action se discerne aujourd’hui en d’innombrables endroits de ce monde. Pour exemple : chaque nation se réclame de la justice, de la paix, de la liberté. A quelques exceptions près, ces mêmes nations ont participé au Congrès où fut signée une solennelle Déclaration des Droits de l’homme. Mais lorsque de telles forces, parfois sous l’étiquette du nationalisme, parfois sous celle d’un parti, s’emparent d’un homme, d’un groupe d’hommes ou même d’une nation, elles en font des assoiffés de sang et de mort, des instruments de torture, des puissances à même de transformer nos cités en de véritables cimetières.
A une dimension plus réduite, la médecine psychiatrique n’aurait-elle pas à découvrir ici l’explication de ses limites et de ses échecs, à comprendre aussi à quel ministère constamment refusé elle aurait à faire appel ? Quant aux passionnés de la libération politico-économique, une seule remarque de Charles Rochedieu pourrait les faire réfléchir : “A quoi bon enchaîner les pieds et les mains ? C’est le cœur qu’il fallait d’abord dompter ou affranchir 23.”
23 Les trésors du Nouveau Testament, éd. Emmaüs, p. 74.
e) “Sans cesse, nuit et jour, dans les tombeaux et sur les montagnes, criant et se meurtrissant.”
Cela peut se traduire dans un langage connu, et concerner la société aussi bien que la personne : agité de corps, d’âme et d’esprit ; qui a perdu son repos, son sommeil, son équilibre ; qui passe par des exaltations (montagnes) et des crises de dépression (sépulcres) ; qui a perdu la paix ; qui crie et fait du bruit pour calmer ses angoisses ; tantôt masochiste, tantôt sadique à l’égard de lui-même et du prochain ; dédoublé, schizophrène, mais qui révèle finalement qu’il n’est pas deux seulement, mais livré à mille forces qui le déchirent, le malmènent et le font souffrir.
Cette simple évocation n’est-elle pas un appel à l’Eglise qui s’est un peu facilement déchargée de son premier ministère et en a laissé l’entière responsabilité aux psychologues et aux médecins aliénistes ?
f) Quand le démon supplie Jésus de “ne pas le faire souffrir”, il montre qu’il a conscience et connaissance du sort éternel qui l’attend 24.
24 Matthieu 25.41.
C’est une supplication souvent entendue dans la bouche de gens que notre ministère devrait amener à la libération. L’Ennemi leur fait croire que l’intervention de Jésus dans leur vie s’accompagnera aussi de tourments. C’est là un mensonge de plus à son actif 25. Il nous appartient à la fois de faire taire l’Ennerni et de révéler aux hommes la vérité des intentions de Dieu envers l’homme déchu 26. Ceux en faveur desquels nous intervenons doivent apprendre de notre bouche, c’est-à-dire aussi et d’abord à la lumière de l’Ecriture, le point de vue de Dieu, son diagnostic, sa volonté de guérison, de salut, de libération. Il est capital, en effet, que d’emblée et avec une conviction fruit de l’Esprit, ils sachent faire la part du mensonge et de la vérité.
25 Jean 8.44.
26 1 Timothée 2.4-6.
g) Seraient-ils six mille, devant Jésus les démons sont sans moyen. Ils se prosternent.
Cela confirme l’autorité qu’au nom de Jésus nous pouvons exercer sur eux.
h) Même en dehors du territoire d’Israël, les démons confessent la Messianité de Jésus. C’est donc qu’ils la connaissent. On en a confirmation par le récit de la guérison de la pythonisse 27.
27 Actes 16.17.
L’Evangile et l’appel au ministère de la libération ne connaissent pas de frontières nationales ou sociales ou raciales… ou ecclésiales.
i) La libération du Gadarénien semble avoir rencontré une opposition prolongée.
Cette résistance opiniâtre est propre aux cas de possession, c’est-à-dire lorsque le ou les démons ont subjugué le patient au point qu’ils s’identifient à lui, ou vice-versa lorsque la personne, volontairement, s’identifie à lui ou à eux.
j) L’ordre d’avoir à dire leur nom est certainement en rapport avec ce fait : il révèle leur nombre, dévoile leur identité et les prive ainsi de toute possibilité d’échapper à la souveraine action dont ils vont être l’objet. A noter qu’en s’exprimant, Légion parle au nom des autres. Cela signifie aussi qu’il exerce une autorité de chef, reconnue par eux. Il y a effectivement un et il importe d’en tenir compte dans une action d’expulsion.
L’intervention libératrice aura à veiller à ne laisser aucun démon se dissimuler et occuper encore la place. Par ailleurs, le nom de Légion est moins significatif par le nombre auquel il fait penser que par la puissance d’occupation qu’il représente.
k) Ne pouvant échapper à l’obligation qui leur est faite de sortir de la personne investie par eux, les démons redoutent deux choses : avoir à quitter le territoire où ils demeurent et être précipités dans l’abîme, c’est-à-dire dans le lieu qui leur est finalement réservé 28.
28 Apocalypse 20.10.
Il y a lieu de retenir, dans la pratique du ministère, l’importance que l’Ennemi attache à un habitacle, tant il est vrai que sa seule liberté d’action possible est liée aux personnes et au territoire — on peut dire aussi à la maison — qu’il a investi et ou il s’est installé. Nous retrouvons ici l’indication d’une volonté qu’il a de circonvenir progressivement les personnes et les lieux, mais aussi la faculté qui nous est laissée de lui résister 29.
29 Jacques 4.7.
l) Expulsés de la personne, ils ont encore la possibilité d’investir un animal de leur choix.
C’est la raison qui doit nous inciter, lors d’une libération, à ne pas leur laisser de liberté d’action. Si, cette fois, Jésus agrée leur souhait d’entrer dans un troupeau de porcs, c’est sans doute — mais il y a d’autres explications possibles et plausibles — que par ces événements il veut instruire ses disciples et les habitants de la puissance et du dessein destructeur des démons.
m) Il est tout de même remarquable que l’homme délivré nous soit dès lors présenté comme un homme apaisé, assis tel un disciple, vêtu à nouveau décemment (la nudité rappelée par Luc signifierait sa déchéance), ayant retrouvé son bon sens.
Dans ce monde, plus exactement dit : dans ce siècle, l’excentricité du comportement, de l’habillement, des idées et des raisonnements, est tenue pour de l’originalité. L’Ecriture, elle, nous ouvre à d’autres explications…
n) Devons-nous nous étonner de la réaction finale des gens de la Décapole ? Ils sont impressionnés non par le miracle opéré — un des leurs, tombé à l’état de bête sauvage, a retrouvé sa totale liberté d’homme créé à l’image de Dieu — mais par les effets secondaires de cette libération.
C’est souvent ces effets-là qui retiennent captifs ceux que le Christ appelle à la liberté.
3. L’enfant épileptique (Matthieu 17.14-21 ; Marc 9.14-29 ; Luc 9.37-43).
“En venant vers les disciples, ils virent autour d’eux une grande foule et des scribes qui discutaient avec eux. Dès qu’elle vit Jésus, toute la foule fut remuée et l’on.accourait pour le saluer. Il leur demanda : ‘De quoi discutez-vous avec eux ?’ Quelqu’un dans la foule lui répondit : ‘Maître, je t’ai amené mon fils : il a un esprit muet. L’esprit s’empare de lui n’importe où, il le jette à terre et l’enfant écume, grince des dents et devient raide. J’ai dit à tes disciples de le chasser et ils n’en ont pas eu la force.’ Prenant la parole, Jésus leur dit : ‘Génération incrédule, jusqu’à quand serai-je auprès de vous ? Jusqu’à quand aurai-je à vous supporter ? Amenez-le-moi.’ Ils le lui amenèrent. Dès qu’il vit Jésus, l’esprit se mit à agiter l’enfant de convulsions ; celui-ci, tombant par terre, se roulait en écumant. Jésus demanda au père : ‘Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ?’ Il dit : ‘Depuis son enfance. Souvent l’esprit l’a jeté dans le feu ou dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux faire quelque chose viens à notre secours, par pitié pour nous.’ Jésus lui dit : ‘Si tu peux !… Tout est possible pour celui qui croit.’ Aussitôt le père de l’enfant s’écria : ‘Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi.’ Jésus, voyant la foule s’attrouper, menaça l’esprit impur : ‘Esprit sourd et muet, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus !’ Avec des cris et de violentes convulsions, l’esprit sortit. L’enfant devint comme mort, si bien que tous disaient : ‘Il est mort.’ Mais Jésus, en lui prenant la main, le fit lever et il se mit debout. Quand Jésus fut rentré à la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier : ‘Et nous, pourquoi n’avons-nous pas pu chasser cet esprit ?’ Il leur dit : ‘Ce genre d’esprit, rien ne peut le faire sortir, que la prière et le jeûne.’”
a) Matthieu dit de cet enfant qu’il est lunatique, selon la croyance de l’époque qui reliait les manifestations épileptiformes à une mauvaise influence lunaire. Jésus révèle que la lune n’est pas en cause, mais qu’un esprit méchant agit à l’abri de cette fausse croyance.
Voilà qui nous instruit de l’action possible des démons derrière certaines manifestations somnambuliques 30, ou encore à l’abri des fausses croyances universellement répandues par l’astrologie.
30 Le somnambulisme peut être aussi une manifestation psychosomatique.
b) A la question de Jésus, le père reconnaît que son fils est sous la domination de l’esprit dès son enfance.
La pratique du ministère confirme ce qui peut être supposé ici : l’esprit est lié à cette famille, soit par l’hérédité, soit par le consentement des parents à son action. La libération de ce fils met en évidence la solidarité entre l’enfant et les parents. Le démon se serait abrité derrière leur incrédulité si le père n’avait pas, lui aussi et sur ce point précis, demandé sa propre libération. L’Ecriture révèle la place de la famille dans l’œuvre du salut. Une libération d’un de ses membres ne saurait avoir lieu sans que l’ensemble de ceux qui forment cette famille en éprouvent les effets. A ne pas oublier, en particulier lors de nos interventions auprès d’enfants.
c) Les disciples qui, en d’autres occasions, ont manifesté leur autorité et leur puissance contre les démons, se découvrent là, soudain, sans possibilité d’action. La constatation de ce sous-équipement met sur les lèvres de Jésus des paroles sévères à l’égard du peuple et des disciples en particulier. Il fustige leur incrédulité, l’insuffisance de leur vie de prière et de jeûne.
Que dirait-il de notre médiocrité ? Nous reparlerons plus loin du jeûne et de la prière. Mais ici, l’accusation d’incrédulité oblige à un bref commentaire éclairé par le “Tout est possible à celui qui croit” et par les deux verbes importants : egeirein (faire lever) et anistémi (se mettre debout). Que l’homme et son enfant soient libérés, c’est bien ce que Dieu veut ; c’est bien aussi ce que notre foi doit vouloir avec lui. Mais cette libération n’est qu’un signe de l’autre libération, définitive celle-là : la résurrection, suggérée par les deux verbes cités. Donc, notre foi doit vouloir inscrire dans les vies, non des libérations insolites et occasionnelles, mais des signes de la résurrection. C’est pourquoi l’absence de ces signes dénonce l’incrédulité de toute l’Eglise, et non seulement le sous-équipement de quelques-uns. Elle dénonce aussi cette inconscience d’un peuple de croyants instruits des choses de la foi et qui pourtant mésestiment aussi bien la réalité de la puissance de l’Ennerni que l’importance du ministère de la libération.
d) Marc et Luc relèvent que l’esprit s’empare de l’enfant n’importe quand et n’importe où, mais le fait surtout dans les lieux où les risques de mort violente (feu et eau) sont les plus probants.
Le sadisme et l’action intentionnellement meurtrière des puissances infernales, envers les enfants particulièrement, nous sont ici rappelés. Cela évoque à nos esprits les enfants battus, martyrs, violés, torturés, malmenés de corps, d’âme et d’esprit. En général, de tels faits indignent une opinion publique qui réclame alors la sévérité des tribunaux. Qui relève que les auteurs de ces sévices, explicables certes par d’autres raisons encore, sont pourtant et d’abord l’œuvre d’adultes et parfois de parents démoniaques ? La sévérité des tribunaux réjouit en même temps l’opinion publique et les démons, mais ne délivre pas les démoniaques.
e) L’ordre donné par Jésus au démon n’est pas fortuit : “Je te le commande, sors de cet enfant et n’y rentre plus.”
C’est le seul récit d’expulsion qui fasse mention d’une telle interdiction. C’est un enseignement à retenir. Quand il s’agit d’un enfant sans défense, il faut prévenir la ruse et la méchanceté de l’esprit chassé, lui interdire un retour possible. Bien évidemment, quand il s’agit d’un adulte, il convient alors de l’instruire et de lui apprendre, en particulier, à colmater les brèches par lesquelles le démon avait accès en lui. Mais pour autant ne peut-on empêcher un adulte libéré de préférer à la liberté retrouvée l’esclavage démoniaque auquel l’autorité du Christ l’avait arraché.
f) L’enfant délivré demeure dans un état d’inconscience et sans doute de pâleur qui fait croire à certains qu’il est mort. Jésus intervient et le fait lever.
Ce coma n’est pas, cette fois, la conséquence habituelle de la crise épileptique. Il accompagne souvent une libération. Il est impressionnant si on en méconnaît la nature. Nous le tenons pour une grâce de Dieu faite à ceux qui pourraient être traumatisés s’ils étaient eux-mêmes conscients de l’opération dont ils sont l’objet.
Fait intéressant à relever : les quatre textes du livre des Actes traitant du ministère dont nous nous occupons ici nous montrent les disciples aux prises avec l’occultisme. Nous y voyons une intention du Seigneur, inspirateur de l’Ecriture.
Il veut nous rendre conscients de l’importance de cette idolâtrie superstitieuse et de ses conséquences. En effet, la communion avec les démons et leur domination est quasi assurée quand l’homme cède à l’occultisme.
Il veut aussi nous instruire quant à la manière de combattre l’Ennemi sur ce terrain-là.
Les remarques d’un pasteur de langue allemande, auteur connu 31, sont une heureuse introduction à ces textes.
31 Walter Luthi : Les Actes des Apôtres, éd. Labor et Fides, p. 96.
“Les apôtres travaillent en territoire occupé. Superstitions et occultisme y sont établis. Toutes sortes de guérisseurs — la Bible les appelle des sorciers — y exercent leur métier. Il s’en trouve aussi chez nous, aujourd’hui, et de plus en plus. La sorcellerie est une réalité et l’on aurait tort de croire que ce stade est dépassé.”
C’est dans le même sens que s’exprimait le pasteur français Jean-Paul Benoit 32. “L’Evangile ne se cultive pas en serre chaude. Il est né pour courir les chemins, y arracher les hommes à leur sorcellerie mortelle et les remplir de sa joie rayonnante.”
32 J.-P. Benoit : Combat d’apôtres, S.C.E., 47, R. de Clichy, Paris 9e, p. 77.
En d’autres termes, l’occultisme est une porte ouverte à l’action des démons. C’est bien ce que nous disent les textes du livre des Actes.
1. L’histoire de Simon le magicien (Actes 8.6-24).
“Les foules unanimes s’attachaient aux paroles de Philippe, car on entendait parler des miracles qu’il faisait et on les voyait. Beaucoup d’esprits impurs en effet sortaient, en poussant de grands cris, de ceux qui en étaient possédés, et beaucoup de paralysés et d’infirmes furent guéris. Il y eut une grande joie dans cette ville. Or, il se trouvait dans la ville un homme du nom de Simon qui faisait profession de magie et tenait dans l’émerveillement la population de la Samarie. Il prétendait être quelqu’un d’important et tous s’attachaient à lui, du plus petit jusqu’au plus grand. ‘Cet homme, disait-on, est la Puissance de Dieu, celle qui s’appelle la Grande.’ S’ils s’attachaient ainsi à lui, c’est qu’il les maintenait depuis longtemps dans l’émerveillement par ses sortilèges. Mais, quand ils eurent cru Philippe qui leur annonçait la bonne nouvelle du Règne de Dieu et du nom de Jésus-Christ, ils reçurent le baptême, hommes et femmes. Simon lui-même devint croyant à son tour, il reçut le baptême et ne lâchait plus Philippe. À regarder les grands signes et miracles qui avaient lieu, c’est lui en effet qui était émerveillé. Apprenant que la Samarie avait accueilli la Parole de Dieu, les apôtres qui étaient à Jérusalem y envoyèrent Pierre et Jean. Une fois arrivés, ces derniers prièrent pour les Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint. En effet, l’Esprit n’était encore tombé sur aucun d’’eux; ils avaient seulement reçu le baptême au nom du Seigneur Jésus. Pierre et Jean se mirent donc à leur imposer les mains et les Samaritains recevaient l’Esprit Saint. Mais Simon, quand il vit que l’Esprit Saint était donné par l’imposition des mains des apôtres, leur proposa de l’argent. ‘Accordez-moi, leur dit-il, à moi aussi ce pouvoir, afin que ceux à qui j’imposerai les mains reçoivent l’Esprit Saint.’ Mais Pierre lui répliqua: ‘Périsse ton argent, et toi avec lui, pour avoir cru que tu pouvais acheter, avec de l’argent, le don gratuit de Dieu. Il n’y a pour toi ni part ni héritage dans ce qui se passe ici, car ton cœur n’est pas droit devant Dieu. Repens-toi donc de ta méchanceté, et prie le Seigneur: la pensée qui t’est venue au cœur te sera peut-être pardonnée. Je vois en effet que tu es dans l’amertume du fiel et les liens de l’iniquité.” Et Simon répondit: ‘Priez vous-mêmes le Seigneur en ma faveur, pour qu’il ne m’arrive rien de ce que vous avez dit.’”
a) La personnalité de Simon offre des traits caractéristiques et éclairants. Il a entendu l’Evangile de la bouche du diacre Philippe et des apôtres Pierre et Jean. Ses pratiques occultes ont-elles contribué à son aveuglement spirituel ? Toujours est-il que sa crédulité n’a d’égale que sa recherche d’une puissance dominatrice (littéralement luciférienne) à même d’éblouir le prochain. Il a fait de la foi un moyen de soigner ses propres intérêts. Il travaille lui-même à sa réputation d’homme investi de pouvoirs surnaturels. Tous, “des plus petits aux plus grands” — donc également les gens cultivés et haut placés — le tiennent pour un grand personnage. Son entrée dans l’Eglise ne suffira pas à le démasquer. Son baptême ne dévoile pas non plus sa nature de loup déguisé. C’est à l’heure où les autres connaissent une effusion de l’Esprit — il y reste étranger — qu’il prend conscience de la superficialité de sa foi et se met à convoiter un ministère de puissance.
Nous sommes ainsi interpellés sur les Simon inscrits au rang des baptisés et des personnages influents, même considérés, de la chrétienté. Nous sommes aussi alertés quant aux motivations possibles de tous ceux qui, aujourd’hui, recherchent un ministère de libération quand ils ne se lancent pas à le pratiquer sans scrupule, dans l’audace de leur crédulité intéressée.
b) L’admonestation de l’apôtre à l’adresse de Simon souligne une vérité utile à rappeler, même à l’Eglise parfois.
Aucun don du Seigneur ne s’acquiert par mérite ou par droit.
c) L’occultisme a lié Simon au monde de l’iniquité. On n’y touche jamais sans qu’il en résulte de graves conséquences (en son cas : une allergie à la véritable foi, œuvre du Saint-Esprit). Simon est à ce point infecté spirituellement qu’il ne discerne même plus la confusion qu’il fait entre ses propres ambitions intéressées et son désir de servir le Seigneur. Un tel aveuglement ne se traite pas du dehors. Il exige une implacable et pourtant charitable mise en lumière de la gravité du mal. Celui-ci étant révélé, il n’y a qu’un seul chemin de libération : la repentance personnelle et l’humble supplication à Dieu.
En ce cas, le ministère du serviteur se limite d’abord à rappeler cette exigence. En effet, la compromission avec l’occultisme ne fait pas du patient nécessairement un “possédé”. Il a gardé la liberté de faire ce qui lui est commandé. Sa volonté est demeurée libre, il lui appartient de rompre avec son passé, puis d’entrer dans le chemin de délivrance qui lui est proposé. Philippe devait connaître la réputation du magicien. On peut se demander, en l’occurence, s’il n’a pas négligé, ou simplement omis, d’appeler Simon à cette rupture, à ce renoncement, à cette confession publique, le jour où il le baptisait et l’accueillait dans la communauté…
d) Le texte le montre clairement : caché sous ses apparences de chrétien baptisé et de paroissien attaché à Philippe, le véritable état spirituel de Simon n’est venu à jour qu’à l’instant où la communauté de Samarie a passé par un baptême dans l’Esprit.
L’onction d’en-haut est un feu purificateur et révélateur, accompagnement indispensable d’un ministère de libération.
e) Devant la sévérité des paroles de l’apôtre, Simon a un comportement et des propos significatifs. “Priez pour moi. afin qu’il ne m’arrive rien de ce que vous avez dit.” Il dévoile ainsi à quelle famille il appartient en vérité. C’est chez le pharaon d’Egypte, confronté à Moïse le libérateur, qu’on trouve semblable attitude et semblable demande 33.
Nous découvrons ici les méfaits de l’occultisme. Tout homme entré en contact avec cette “peste” est généralement marqué par cette passivité spirituelle fondamentale. S’il n’y est pas rendu attentif, s’ü ne s’en repent pas — Pierre l’y exhorte — il demeure sous l’emprise des esprits et de l’iniquité. Cela est encore ignoré par un très grand nombre de “bergers"’ qui, faute de l’entendre, pourraient être alors accusés un jour d’avoir ‘’pansé à la légère la plaie” du peuple qui leur était confié 34.
2. Sergius Paulus et le magicien Elymas (Actes 13.5-12).
“Arrivés à Salamine, ils annoncèrent la Parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. Il y avait aussi avec eux Jean qui était leur assistant. Après avoir traversé toute l’île jusqu’à Paphos, ils rencontrèrent là un magicien soi-disant prophète : c’était un Juif, du nom de Bar-Jésus, qui appartenait à l’entourage du proconsul Sergius Paulus, un homme intelligent. Celui-ci invita Barnabas et Saul et manifesta le désir d’entendre la Parole de Dieu. Mais Elymas le magicien — car c’est ainsi que se traduit son nom — s’opposait à eux et cherchait à détourner de la foi le proconsul. Alors Saul, ou plutôt Paul, rempli d’Esprit Saint, fixa son regard sur lui et lui dit : ‘Toi qui es pétri de ruse et de manigances, fils du diable, ennemi juré de la justice, ne vas-tu pas cesser de déformer la rectitude des voies du Seigneur? Voici, du reste, que la main du Seigneur est sur toi : tu vas être aveugle, et jusqu’à nouvel ordre, tu ne verras même plus le soleil.’ A l’instant même, l’obscurité et les ténèbres l’envahirent, et il tournait en rond à la recherche d’un guide. Voyant ce qui s’était passé, le proconsul devint croyant ; car la doctrine du Seigneur l’avait vivement impressionné.”
Alors que selon la tradition, Simon était samaritain — ce qui aurait expliqué son intérêt pour l’idolâtrie — Elymas est juif. Il n’a donc aucune excuse d’être un suppôt de la sorcellerie, ou pour tout dire, un suppôt de Satan. Cela explique sans doute l’extrême sévérité des propos de Saul à son endroit.
En l’appelant fils du démon, l’apôtre dévoile la source d’inspiration de cet homme plein de fraude et de ruse, et l’œuvre qui en résulte :
Son châtiment est exemplaire de plusieurs manières :
Saul a connu le même châtiment — la cécité — à durée limitée 35. Il sait que cette condamnation lui a été salutaire ; dans sa solitude d’homme soudain plongé dans les ténèbres, il a été contraint de chercher la vraie lumière auprès des serviteurs du Seigneur.
35 Actes 9.8-9.
Le ministère de la libération est vu, ici une fois de plus, comme l’œuvre d’un homme rempli du Saint-Esprit.
a) C’est l’Esprit Saint qui donne à Saul la connaissance de l’esprit pervers et mensonger caché derrière Elymas, ses titres honorifiques, sa culture brillante, son art oratoire impressionnant, sa position sociale élevée…
Toutes choses qui, jusque dans l’Eglise parfois et sans vérification, tiennent lieu de supports évidents de la vérité… !
b) C’est l’Esprit Saint qui donne au serviteur une parole d’autorité et de sagesse aux effets immédiats.
Qu’arriverait-il si un tel ministère s’exerçait, aujourd’hui, dans tous les lieux où le faux prophétisme prétend s’imposer ?
c) Il est intéressant de noter que, dans ce cas, le ministère de la libération est circonscrit à des limites très étroites. Saul se contente de dévoiler ce qu’il discerne et de prononcer une parole de jugement : “La main du Seigneur est sur toi.” La grâce est cachée dans cette condamnation. Ce sera à Elymas de la découvrir et de s’en réclamer dans la repentance qu’elle provoquera.
En de telles situations, la tentation qui guette le serviteur, c’est de se taire, ou d’acquiescer, par fausse pitié, fausse charité, faux respect du prochain et fausse notion de la liberté des autres; c’est finalement d’entraver, chez le patient ensorcelé, l’œuvre de la repentance libératrice ; c’est donc trahir le ministère qui nous est confié.
3. La pythonisse de Philippes (Actes 16.16-18).
“Un jour où nous nous rendions au lieu de la prière, une jeune servante qui avait un esprit de divination est venue à notre rencontre — ses oracles procuraient de gros gains à ses maîtres. Elle nous talonnait, Paul et nous, en criant : ‘Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très- Haut ; ils vous annoncent la voie du salut.” Elle recommença pendant plusieurs jours. Excédé, Paul a fini par se retourner et a dit à l’esprit : ‘Au nom de Jésus-Christ, je te l’ordonne : Sors de cette femme !’ Et, à l’instant même, l’esprit sortit.”
a) Dans sa brièveté, ce récit pose une question embarrassante : quelle raison Paul avait-il de tolérer, jusqu’à ce que fatigue s’en suive, la réclame publique que lui faisait cette démoniaque ?
Quelle que soit la réponse à cette question, le fait de cette fatigue — d’autres traductions disent que Paul était excédé — est significatif. L’adage est connu : le bruit tue. De la même manière on peut dire : Satan est fatigant.
Le dialogue et la confrontation avec les démons comportent, en effet, un élément d’épuisement symptomatique et connu de ceux qui exercent le ministère de la libération.
b) Non seulement les propos de cette femme n’avaient rien de répréhensibles, mais ils pouvaient être tenus pour un témoignage à la gloire de Dieu.
Nous sommes ici avertis que l’Ennemi peut se dissimuler, même derrière la vérité. Il usait déjà de ce stratagème lorsqu’il cherchait à séduire Jésus 36.
36 Matthieu 4.6.
c) Païenne à tous égards — donc sans aucune connaissance de la vérité à même de la protéger de la domination satanique — cette femme s’est livrée à l’esprit de divination. Elle est sous sa coupe ; en termes connus, elle est un médium. Incapable de s’opposer à l’Evangile, le démon qui est en elle cherche à jouer une carte qui lui réussit souvent : laisser croire à une communion possible entre la foi et l’idolâtrie, entre la vie chrétienne et les pratiques occultes. D’où sa propagande !
Les démonstrations en paroles peuvent impressionner sur le moment. Mais le Saint-Esprit, par le don de discernement, nous aide à voir sous l’apparence des mots. Ce don est nécessaire au ministère de la libération.
d) C’est dans le contexte d’une communauté rassemblée pour la prière que l’Esprit manifeste sa présence et son autorité.
Lorsque les communautés de prière sont en vérité animées par l’Esprit, elles s’avèrent des lieux insupportables pour les puissances des ténèbres ; ces dernières s’y sentent provoquées, dérangées, menacées par les paroles qu’elles y entendent. C’est une confirmation de l’enseignement de Jésus 37.
37 Marc 9.29.
e) Rendu conscient de la situation de cette femme, Paul intervient avec autorité et ordonne au démon de sortir. Cette expulsion n’est précédée d’aucune exhortation, d’aucun appel à la repentance. C’est que cette femme est dépersonnalisée. Elle est à la fois livrée à ses maîtres qui l’exploitent et à Satan qui régit toute sa personne. L’Evangile qu’elle a pu entendre de la bouche de Paul et de Silas ne l’a pas atteinte. Elle n’est pas elle-même. Des jours durant, telle une obsédée maniaque, elle répète le même propos. Cette femme n’est plus libre. Il faudra l’exorcisme pour la rendre à sa propre identité, et à la possibilité de se repentir et de croire.
Dans ce cas, la libération doit précéder l’évangélisation. L’action doit atteindre l’Ennemi avant la personne qu’il a subjuguée.
f) On pourrait interpréter la situation tout aussi valablement à partir d’un autre éclairage. Depuis trois jours, cette femme a suivi Paul et a entendu sa prédication de l’Evangile. Cela n’est pas resté sans effet. Même liée ou subjuguée par l’esprit de divination, elle n’est pas restée insensible à la Parole, à la prière qui accompagnait sa proclamation. Un véritable travail s’est fait en profondeur, au point qu’après trois jours, il suffira à Paul de donner un ordre d’expulsion pour que l’Ennemi doive aussitôt obtempérer.
Cela souligne la sagesse de l’Esprit. Quand la Parole est annoncée, on n’en voit pas toujours et immédiatement le fruit. Mais nous aurions à l’attendre et, quand il est là, à le cueillir. Paul n’a pas oublié de le faire.
g) C’est au nom de Jésus-Christ que Paul intervient avec autorité et efficacité. Ce n’est pas là une simple formule. C’est dans la communion de la personne présente sous ce nom (donc aussi de l’Eglise qui est son corps sur la terre), c’est mandaté, autorisé, équipé par Jésus-Christ qu’il ordonne à l’Ennemi de sortir. Cependant, il prend la responsabilité de son action au nom du Seigneur : “Je te l’ordonne.”
Le ministère de la libération est de la responsabilité de la communauté entière. Mais il appartient à l’un des membres de la communauté de l’exercer parce que préparé et équipé pour le faire.
h) On pourrait épiloguer longuement sur la double conséquence de sa libération :
Ces interventions au nom du Christ sont de l’intolérance, diront sans doute, après les gens de Philippes, les tenants du syncrétisme et de la liberté de croyance, ceux pour qui toutes les religions sont bonnes, toutes les pratiques sont recommandables, tout surnaturel a quelque chose de divin. Ne nous laissons ni impressionner, ni arrêter dans la volonté d’exercer ce ministère ! Car y renoncer, ce serait laisser croire aux hommes de notre temps et aux esprits qui les asservissent qu’il n’est pas vrai que Jésus est le Seigneur. Ce serait leur cacher qu’il a détrôné les puissances d’illusion, de mensonge, d’argent, d’’injustice, auxquelles les hommes restent stupidement et volontairement soumis.
4. Les fils de Scéva (Actes 19.13-20).
“Des exorcistes juifs itinérants entreprirent à leur tour de prononcer, sur ceux qui avaient des esprits mauvais, le nom du Seigneur Jésus ; ils disaient : ‘Je vous conjure par ce Jésus que Paul proclame !’ Sept fils d’un grand prêtre juif, un certain Scéva, s’essayaient à cette pratique. L’esprit mauvais leur répliqua : ‘Jésus, je le connais et je sais qui est Paul. Mais vous, qui êtes-vous donc ?’ Et, leur sautant dessus, l’homme qu’habitait l’esprit mauvais prit l’avantage sur eux tous avec une telle violence qu’ils s’échappèrent de la maison à moitié nus et couverts de plaies. Toute la population d’Ephèse, Juifs et Grecs, fut au courant de cette aventure ; la crainte les envahit tous et l’on célébra la grandeur du nom du Seigneur Jésus. Une foule de fidèles venaient faire à haute voix l’aveu de leurs pratiques. Un bon nombre de ceux qui s’étaient adonnés à la magie firent un tas de leurs livres et les brûlèrent en public. Quand on calcula leur valeur, on constata qu’il y en avait pour cinquante mille pièces d’argent. Ainsi, par la force du Seigneur, la Parole croissait et gagnait en puissance.”
Si ce récit tragi-comique ne nous apprend rien de très nouveau quant aux démons, il nous avertit pourtant qu’on ne saurait les affronter avec insouciance et légèreté.
a) Dans le judaïsme, l’exorcisme s’accompagnait d’adjuration au nom de Dieu ; mais ce ministère tomba souvent au rang de pratiques qui tenaient plus de la magie et de ses formules que d’un service à l’honneur de Dieu. C’est certainement à ce type ‘‘d’adjureurs” que le démoniaque eut affaire. Comme on le constate, ces antagonistes n’ont pour autorité et puissance que celles de leur bon vouloir mêlé de curiosité (“ils s’essayaient à cette pratique…”). Aussi, le démon reste-t-il maître du terrain ; il se montre également capable d’infliger à ceux qui prétendaient le maîtriser une défaite cuisante, votre meurtrière. Même à un contre sept, il les domine.
Avis aux amateurs qui, par curiosité, pour voir, pour essayer, tâteraient de ce ministère dont on leur aurait dit les effets ! Par goût personnel, ou par fantaisie, ou sous prétexte d’expériences à faire, on ne s’improvise pas ‘exorciste” !
Cependant, avis d’encouragement à ceux qui, avec ou sans titre ecclésiastique, n’auraient ni ambition personnelle, ni curiosité malsaine. L’Eglise manque de serviteurs équipés et décidés à combattre. Qu’ils soient confiants dans les armes de l’Esprit et obéissent au Seigneur qui les a choisis et les envoie battre l’Adversaire là où il se trouve.
b) “Au nom de Jésus-Christ que Paul prêche…”
Evidemment, la mémoire aidant, on peut connaître l’Ecriture. Un ministère qui soit une démonstration de puissance, c’est autre chose ! Les sept fils de Scéva le sacrificateur s’en sont rendu compte à leurs dépens.
Est-ce pour cette raison qu’après eux, l’Eglise est devenue prudente et ne s’aventure que rarement sur le terrain de l’acte libérateur ?
c) Bibliquement, nous ne savons rien de la repentance de Simon, ni de celle d’Elymas. Nous ignorons ce qu’il advint des fils de Scéva. Par contre, l’Ecriture ne manque pas de souligner que confessions, repentance et réparations prirent, à Ephèse, la forme d’un gigantesque autodafé. Juifs et Grecs, touchés par cet incident révélateur, passent aux actes. Comme le dit J.P. Benoit : “Près de cinq millions de francs français de livres d’occultisme montèrent ce jour-là en fumée vers le ciel, hommage au vrai Seigneur de toutes les puissances maléfiques, tueuses d’hommes. Point ne seraient nécessaires en nos cités de bien longues recherches pour trouver deux fois autant d’exemplaires de cette diabolique littérature 38.”
38 Opus cité, p. 169 ; il s’agit de francs anciens.
Il faut apprendre ici ce qui est souvent négligé dans le ministère de la libération : une confession de la faute commise ne suffit pas. Il faut qu’elle soit suivie d’une repentance active, c’est-à-dire d’une rupture, d’une séparation effective entre la personne libérée et la ou les personnes ou objets qui étaient média ou supports de l’action de l’Ennemi.
Cela peut coûter cher, mais comme le dit Charles Rochedieu : “Quand Christ est le trésor du cœur, le choix n’est pas difficile 39.” Il ne faut pas oublier non plus qu’au rang de créature déchue, le diable lui aussi ne se le tient pour dit que devant les faits attestant qu’il n’a plus ni voix, ni influence, ni possibilité d’action au chapitre nouveau de notre vie en Christ.
39 Opus cité, p. 214.
En rapport avec cette scène des fils de Scéva, un vigoureux commentaire du pasteur Luthi déjà cité 40 nous paraît l’heureuse conclusion de ce chapitre.
40 Opus cité, p. 219.
“Les démons savent exactement à qui ils ont affaire. Devant Jésus le Vainqueur, ils tremblent, mais ils se jettent sur ceux qui abusent de son saint nom.
”Cette scène jette une lumière révélatrice sur la situation de l’Europe contemporaine. Un trait caractéristique du christianisme occidental de ces dernières générations fut précisément de disposer de Dieu, de se servir de lui pour des objectifs personnels ou nationaux. Le nom de Jésus-Christ n’a-t-il pas été de plus en plus prononcé à la manière d’une forme, par exemple à l’occasion du baptême d’un enfant ou de l’ensevelissement d’une grand-mère ?
”Nos hommes d'Etat n’ont-ils pas considéré que la religion était bonne et utile pour le maintien de l’ordre public ? Nous avons joué au christianisme. Mais les diables ont vu clair dans notre jeu, les esprits malins se sont dressés contre nos “Seigneur, Seigneur !” Depuis environ deux générations, nous avons assisté à la rébellion des démons. Ils ont déchiré les habits de notre pseudo-christianisme et nos pieux oripeaux, offrant aux regards de tous l’Eglise de Jésus-Christ nue et marquée de bleus. Une chose est certaine depuis le début du siècle : c’en est fait de toute espèce de simili-christianisme. Il ne peut plus servir à tromper les démons. Ceux-ci ne craignent que leurs pareils, ils ne craignent pas le néant. Le seul qu'ils craignent réellement, c’est Jésus-Christ, le Vainqueur. De là l’urgence de la question posée à notre génération, à commencer par l'Eglise : ‘Avez-vous reçu le don du Saint-Esprit, lorsque vous devîntes croyants ?’”