Ceux à qui ce repos est destiné sont un « peuple saint » ; profondément convaincu du mal et de la misère d’un état de péché, de la vanité des créatures, et de la perfection de Christ ; leur volonté est renouvelée, ils s’engagent à Jésus-Christ par l’alliance de grâce, et persévèrent jusqu’à la fin.
1°. Ils sont un peuple saint et sont appelés le peuple de Dieu. Ils ne forment qu’une partie de la race humaine ; l’Écriture sainte et l’expérience ne nous l’apprennent que trop visiblement. Ils sont moins nombreux que le monde n’imagine, mais plus nombreux cependant que ne le pensent quelques esprits découragés qui soupçonnent que Dieu ne veut pas être leur Dieu, lorsqu’ils voudraient eux-mêmes être son peuple.
2°. La vie nouvelle dans le peuple de Dieu se manifeste par la conviction ou par un sentiment profond des choses divines ; par exemple il sent toute l’horreur du péché. Le pécheur est amené à savoir et à sentir que le péché qui faisait ses délices est abominable, et que c’est un plus grand mal que la peste ou la famine : parce que c’est une violation des justes lois du Très-Haut, un outrage à son honneur, et une cause de ruine pour le pécheur. Dans cet état, il n’entend plus les censures contre le péché comme des manières de parler, comme des discours d’usage ; mais les reproches qu’on lui adresse vont à son cœur, et cependant il aime qu’on lui fasse sentir ainsi toute l’horreur du péché. Il était étonné de voir que l’on s’indignât si fort contre le péché ; il ne voyait pas quel si grand mal il y avait à goûter un peu de plaisir défendu ; il ne comprenait pas que le péché fût une chose si odieuse que Jésus-Christ dût mourir pour l’expier, et qu’un monde sans Christ dût être condamné à des tourments éternels. Maintenant il en est autrement ; Dieu lui a ouvert les yeux et lui a fait voir la bassesse inexprimable du péché. Ceux qui font partie du peuple de Dieu sont convaincus de leur propre misère à cause du péché. Eux qui auparavant lisaient les menaces de la loi de Dieu comme on lirait une histoire des guerres étrangères, s’aperçoivent maintenant qu’ils lisent leur propre histoire et leur propre condamnation, comme s’ils voyaient leurs noms écrits dans ces malédictions, ou comme s’ils entendaient la loi leur dire ce que Nathan disait à David : « Tu es cet homme-là. » Le pécheur reconnaît maintenant qu’il est condamné, et qu’il ne manquait que l’exécution de la sentence pour le rendre entièrement et éternellement misérable. Cette conviction est l’œuvre du Saint-Esprit, opérée jusqu’à un certain point dans tous les régénérés. Comment viendrait-il à Christ pour en obtenir son pardon, celui qui ne se sent pas coupable et condamné ? Comment lui demanderait-il la vie, celui qui ne se sent pas frappé d’une mort spirituelle ? Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin d’un médecin, mais ceux qui sont malades.
3°. Ils sont aussi convaincus de la vanité et de l’insuffisance des créatures. — Tout homme est naturellement idolâtre. A la chute de nos premiers parents, nos cœurs se sont éloignés de Dieu, et depuis lors la créature a toujours été notre idole. C’est là le grand péché de notre nature. L’homme non régénéré attribue à la créature les prérogatives divines et lui donne la première place dans son âme. Il peut appeler Jésus-Christ son seigneur et son sauveur, mais toute son espérance lui vient de la créature. Ce fut notre premier péché de vouloir être comme des dieux, et c’est aussi le plus grand péché qui se propage dans la nature humaine de génération en génération. Tandis que Dieu devrait nous guider, nous nous guidons nous-mêmes ; tandis qu’il devrait être notre souverain, nous nous gouvernons nous-mêmes ; la loi qu’il nous a donnée, nous y trouvons à reprendre et nous voudrions la corriger ; tandis qu’il devrait nous garder (sans quoi nous péririons), nous voulons nous garder nous-mêmes : au lieu de nous soumettre à sa providence, nous murmurons contre elle et nous nous imaginons que nous pourrions faire de meilleures dispositions que les siennes. Au lieu d’avoir du zèle pour Dieu, de l’aimer, de l’honorer, de nous confier à lui, nous n’avons de zèle, d’amour, de respect et de confiance que pour nous. Nous voudrions voir tous les hommes fixer sur nous leurs regards, dépendre de nous au lieu de dépendre de Dieu, et nous rendre leurs actions de grâces : nous voudrions être loués et admirés de tous. C’est ainsi que nous sommes naturellement nos propres idoles.
Mais que Dieu change notre cœur et ce Dragon est renversé. C’est là le but principal de notre régénération, de ramener notre cœur à Dieu. Dieu convainc le pécheur que la créature ne peut ni le rendre heureux ni le racheter de sa misère. Il opère ce changement non seulement par sa parole, mais aussi par les dispensations de sa providence. C’est pour cela que les afflictions concourent fréquemment à l’œuvre de notre conversion. Des arguments qui nous frappent au vif se font écouter, lorsque les paroles les plus puissantes sont dédaignées. — Si un pécheur a fait son Dieu de sa réputation, et que Dieu le plonge dans le déshonneur ; si un homme idolâtre ses richesses, et que Dieu le place dans une situation où elles ne peuvent rien pour lui, ou s’il leur donne des ailes pour qu’elles s’envolent, combien ces dispensations ne concourent-elles pas à cette œuvre de conviction ! Si un homme ayant fait son dieu du plaisir s’abandonne à tout ce qui séduit ses regards, à tout ce qui charme ses oreilles, à tous les mouvements de ses passions, à toutes les convoitises de son cœur, et que Dieu lui enlève toutes ces jouissances ou les change en fiel et en amertume, quel puissant moyen de conviction ! Quand Dieu étendra un homme sur un lit de douleur, quand il soulèvera sa conscience contre lui et qu’il lui dira : « Eprouve maintenant si ta réputation, tes richesses, tes plaisirs, peuvent quelque chose pour toi. Vois s’ils peuvent guérir ta conscience blessée, soutenir ta tente en ruine, ou te sauver de ma colère éternelle ? Vois maintenant s’ils peuvent te tenir lieu de Dieu et de Christ ? Oh ! que cette épreuve a de puissance sur le pécheur ! Notre séducteur lui-même est détrompé.
4°. Le peuple de Dieu est également convaincu de la nécessité absolue, de l’efficacité complète, et de l’excellence parfaite de Jésus-Christ : comme un homme affamé sent le besoin de la nourriture, ou comme un malheureux qui vient d’entendre sa sentence de condamnation est convaincu de l’absolue nécessité du pardon. Maintenant le pécheur est accablé d’un poids insupportable, et reconnaît que Christ peut seul l’en délivrer : il est comme un homme poursuivi par un lion, qui doit périr s’il ne trouve point une retraite assurée. Il est placé dans cette alternative : ou Christ doit le justifier, ou il doit être condamné éternellement ; Christ doit le sauver, ou il doit souffrir éternellement ; Christ doit le ramener à Dieu, ou il doit être à jamais exclu de sa présence ; et alors il n’est point étonnant qu’il s’écrie avec le martyr : « Nul autre que Christ, nul autre que Christ. » Il regarde toutes choses comme de la boue, pourvu qu’il puisse gagner Christ. Comme le pécheur voit sa misère, et l’impuissance où il est de se secourir, soit par lui-même, soit à l’aide des créatures, il reconnaît que hors de Christ il n’y a aucune miséricorde qui puisse le sauver. Il voit que, quoique ni lui ni les créatures ne puissent le faire, Christ le peut ; et que, bien que les feuilles de figuier de notre imparfaite justice soient trop courtes pour cacher notre nudité, la justice de Christ est assez ample. La nôtre est hors de toute proportion avec la justice de la loi, mais celle de Christ en embrasse tous les articles. S’il intercède pour nous, il n’y a point de refus possible. Telle est la dignité de sa personne, tel est le prix de ses mérites, que son père lui accorde tout ce qu’il demande. Auparavant le pécheur ne connaissait l’excellence de Christ que comme un aveugle connaît la lumière du soleil ; il la connaît maintenant comme celui qui contemple sa gloire.
5°. A la suite de cette conviction profonde, la volonté éprouve aussi son changement. La raison prononce que le péché est un mal, et la volonté s’en détourne avec horreur. Ce n’est pas que nos appétits sensuels soient changés ou qu’ils viennent à détester ce qu’ils aimaient ; mais quand ils l’emporteraient sur la raison, et qu’ils nous entraîneraient à pécher contre Dieu, notre volonté aurait horreur d’un pareil désordre. — L’homme régénéré apprend non seulement à reconnaître, mais aussi à déplorer la misère qui est la suite du péché. Le pécheur ne peut voir ses transgressions contre Dieu, et le malheur qu’il s’est lui-même attiré, sans éprouver quelque contrition : s’il ne peut pleurer, il peut au moins gémir, et son cœur sent ce que sa raison voit. Il renonce à la créature comme à une vanité et la bannit de son cœur ; non pas qu’il l’estime au-dessous de ce qu’elle vaut ou qu’il renonce à en faire usage ; il renonce seulement à son abus qui est une idolâtrie, ou à son injuste usurpation. Christ peut-il être notre voie, quand la créature est notre fin ? Pouvons-nous chercher Christ pour nous réconcilier avec Dieu, quand nous lui préférons la créature ? Si nous abandonnons la créature pour aller à Dieu et que ce ne soit pas par Christ, notre conversion n’est pas véritable. Si nous croyons à Christ et que la créature possède encore notre cœur, notre foi n’est pas véritable. Notre haine du péché, notre renoncement aux idoles, notre acceptation de Christ, tout cela n’est qu’une seule et même œuvre. Convaincu que rien d’autre chose ne peut faire son bonheur, le pécheur le trouve maintenant en Dieu. Convaincu aussi que Christ seul a la volonté et le pouvoir de faire la paix pour lui, il accepte avec joie Christ pour son Sauveur et pour son Seigneur. Paul prêchait la repentance envers Dieu, la foi en notre Seigneur Jésus-Christ. La vie éternelle consiste à connaître le seul vrai Dieu et Jésus-Christ qu’il a envoyé. Prendre Jehovah pour le seul vrai Dieu, c’est là l’effet naturel de l’alliance ; l’effet surnaturel est de prendre Christ pour notre Rédempteur. La première condition est d’abord nécessaire ; elle est de plus implicitement renfermée dans la seconde. Accepter Jésus-Christ sans affection, ce n’est pas là la foi qui justifie. Car la foi consiste à recevoir Jésus-Christ de toute son âme. Celui qui aime son père ou sa mère plus que Christ n’est pas digne de lui, et n’est pas justifié par lui. La foi accepte Jésus-Christ pour Sauveur et pour Seigneur ; car on doit le recevoir en ces deux qualités ou ne pas le recevoir du tout. La foi, non seulement reconnaît ses souffrances et accepte son pardon et sa gloire, mais elle reconnaît aussi sa souveraineté, se soumet à son gouvernement et à ses voies de salut.
6°. Un autre trait essentiel du caractère du peuple de Dieu, c’est qu’il contracte avec Christ une alliance sincère dans laquelle il persévère. Par cette alliance Christ s’offre au pécheur sous les rapports les plus consolants, et le pécheur s’abandonne à Christ comme à son Sauveur et à son maître. Alors, l’âme adopte cette résolution définitive : « Jusqu’à présent j’ai été conduite en aveugle par la chair, par la convoitise, par le monde et par le Démon à une ruine presque complète ; je serai maintenant à la disposition de mon Seigneur qui m’a rachetée par son sang et qui m’introduira dans sa gloire. »
Tels sont les caractères essentiels de ceux qui font partie du peuple de Dieu, mais non un tableau complet de toutes leurs qualités morales. Je vous en supplie, lecteur, si vous avez l’espérance d’un chrétien ou la raison d’un homme, jugez-vous vous-même comme vous serez bientôt jugé par un Dieu juste, et répondez aux questions suivantes. Je ne vous demanderai point si vous vous rappelez le temps ou l’ordre de ces opérations du Saint-Esprit ; cela est sujet à beaucoup d’erreurs et d’incertitudes. Si vous êtes assuré que ces opérations ont eu lieu en vous, il importe peu que vous sachiez quand et comment elles ont eu lieu. — Avez-vous été profondément convaincu de la dépravation complète de votre âme et de toute l’horreur du péché ? Reconnaissez-vous que la loi est véritable et juste et qu’elle vous condamne à périr ? Avez-vous vu combien toutes les créatures sont impuissantes pour faire votre bonheur par elles-mêmes ou pour remédier à votre misère ? Avez-vous été convaincu que votre bonheur n’est qu’en Dieu comme la fin, et en Jésus-Christ comme le moyen d’aller à lui, et qu’il faut que vous soyez amené à Dieu par Jésus-Christ ou que vous périssiez éternellement ? Vos convictions sont-elles vives et profondes, ou bien ne sont-elles qu’un simple changement d’opinion, résultat de la lecture ou de l’éducation ? Votre péché et votre misère ont-ils été pour votre âme un horrible fardeau ? Avez-vous renoncé à toute idée de justice personnelle ? Avez-vous banni vos idoles de votre cœur ? Acceptez-vous Jésus-Christ comme votre unique Sauveur, et n’attendez-vous que de lui seul votre justification, votre rétablissement et votre gloire ? Ses lois sont-elles les ordres les plus impérieux auxquels vous soumettiez votre âme ? Sont-elles ordinairement plus puissantes que les désirs de la chair, que votre réputation, que votre intérêt, que vos plaisirs, que votre vie ? Christ a-t-il la première place dans vos affections, en sorte que, quoique vous ne l’aimiez pas encore comme vous voudriez l’aimer, vous n’aimiez cependant rien autant que lui ? — Si ce sont là vos véritables dispositions, vous faites sûrement partie du peuple de Dieu, et aussi vrai que les promesses de Dieu sont certaines, ce bienheureux repos vous est destiné. Seulement, demeurez en Christ et persévérez jusqu’à la fin ; car si quelqu’un se retire, Christ ne prendra point plaisir en lui. — Mais si ces changements n’ont point été opérés en vous, quelles que soient les pensées de votre cœur séduit, quelle que soit la force de vos fausses espérances, vous reconnaîtrez à vos dépens, qu’à moins d’une conversion complète, le repos des saints ne vous appartient pas. Puissiez-vous être sage ; puissiez-vous comprendre ceci ; puissiez-vous songer à votre fin dernière ! Pendant que votre âme est encore unie à votre corps, pendant que l’occasion et l’espérance sont encore devant vous, ouvrez vos oreilles et votre cœur aux sollicitations de Jésus, afin que vous puissiez vous reposer parmi son peuple et posséder « l’héritage des saints dans la lumière. »
Que le peuple de Dieu doive jouir de ce repos, c’est une vérité que l’Écriture établit clairement de différentes manières. Comme le firmament est parsemé d’étoiles, de même les pages sacrées sont remplies de ces divins engagements. Christ dit : « Ne craignez point, petit troupeau, car il a plu à votre père de vous donner le royaume (Luc 12.32) ; je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé pour moi, afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume (Luc 22.29-30). Tous les moyens de grâce, toutes les opérations du Saint-Esprit sur l’âme, toutes les invitations à se repentir et à croire, à jeûner et à prier, à frapper et à chercher, à s’efforcer et à travailler, à courir et à combattre, prouvent qu’il y a un repos assuré pour le peuple de Dieu.
L’Écriture prouve non seulement que ce repos est destiné au peuple de Dieu, mais aussi qu’il n’est destiné qu’à lui seul, en sorte que le reste du monde n’y aura point de part. « Sans la sanctification personne ne verra le Seigneur. Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Celui qui ne croit point au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui (Jean 3.36). Aucun fornicateur ni aucun avare qui est un idolâtre, n’a part à l’héritage du royaume de Christ et de Dieu (Éphésiens 5.5). Le Seigneur Jésus venant du ciel paraîtra avec les anges de sa puissance, exerçant la vengeance avec des flammes de feu, contre ceux qui ne connaissent point Dieu et qui n’obéissent pas à l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ ; lesquels seront punis d’une perdition éternelle, par la présence du Seigneur, et par sa puissance glorieuse (2 Thessaloniciens 1.7-9) Afin que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui se sont plus dans l’injustice, soient condamnés (2 Thessaloniciens 2.12). Si les impies étaient retournés à Dieu avant leur mort, s’ils avaient accepté Christ pour leur Sauveur et pour leur roi, pour être sauvés par lui aux conditions les plus douces, ils auraient pu obtenir le salut. Dieu leur a offert la vie, et ils n’en ont point voulu : Dieu les a pressés sérieusement et les a importunés de ses sollicitations, mais ils ne l’ont point écouté. Ils ont préféré les plaisirs de la chair à la gloire des saints. Satan leur a offert les uns, Dieu leur a offert l’autre ; ils étaient libres de choisir, et ils ont choisi le plaisir du péché pour un temps au lieu du repos éternel avec Christ.