Caractères de l’œuvre. — Moyens. — Enthousiasme. — Catholicité de sentiments et d’action. — L’union. — Influence des laïques.— Le ministère secondé et encouragé.
Les divers caractères de cette œuvre ne sont pas moins remarquables que son origine et sa rapide extension. Aussi originale dans ses allures qu’extraordinaire dans sa puissance, elle ne présentait aucun des traits saillants des précédents réveils. Point de prédication spéciale ; point d’efforts particuliers ; point de prédicateurs itinérants occupés à exciter l’attention publique. Autrefois, même dans la Nouvelle-Angleterre, les faiseurs de réveils usaient de beaucoup de moyens calculés pour émouvoir, et passablement exposés à la critique légitime de certaines gens. Ici, rien de pareil.
On n’apercevait aucune surexcitation fébrile, rien qui ressemblât à ce zèle extrême et désordonné, rien de ce qui demande un effort pour se soutenir, et cela, contrairement à l’opinion du vulgaire, qui a toujours regardé la surexcitation comme nécessaire à tout réveil et comme en faisant obligatoirement partie. Ces manifestations exagérées, qui avaient pris si souvent des formes réellement condamnables, ne se montraient nulle part ; aussi, le réveil actuel a-t-il toujours été considéré et respecté, même par ceux qui n’y prenaient aucune part. Par ce seul fait, toute opposition s’est trouvée désarmée ; on n’a pas osé le tourner en ridicule, ou, si on l’a tenté, on a été aussitôt arrêté par la honte et par une réprobation unanime. Il n’a jamais blessé les convenances, ni manqué au tact le plus exquis, et ce n’a pas été le moindre de ses moyens de succès.
Qu’il s’y soit manifesté de l’enthousiasme, un enthousiasme joyeux et bien réglé (nous prenons ce mot d’enthousiasme dans sa meilleure acception), c’est ce que nous sommes heureux de reconnaître. Un esprit honnête ne saurait, en effet, voir sans enthousiasme des événements importants produisant un grand bien. Un pareil mouvement religieux, s’opérant au sein d’une seule communauté chrétienne, eût été déjà quelque chose de moralement sublime ; mais, quand on le voit s’étendre jusqu’à embrasser tous les Etats-Unis, depuis Vermont jusqu’à la Floride, et depuis le Maine jusqu’à la Californie, comment l’enthousiasme ne serait-il pas soulevé ? Quels ne seront pas bientôt, peut-être, les effets de ce réveil sur l’état social, politique et religieux de cette nation ? Personne ne saurait les calculer, et personne ne saurait non plus les contempler, même en perspective, sans être puissamment saisi à la vue de si glorieux prodiges de la miséricorde divine. Notre mondanité, notre ambition, notre vanité et nos vices entraînaient rapidement notre nation dans l’abîme de la démoralisation ; nous perdions déjà de vue le véritable but, le but capital, en vue duquel, selon nous, cette nation a été suscitée ; les fondements allaient être renversés, et nous avions un urgent besoin de ce grand réveil, pour nous faire rentrer en nous-mêmes, pour ressusciter la conscience nationale, pour arrêter la décadence de ce peuple et pour ramener notre niveau moral à sa véritable hauteur. Il ne fallait rien moins que l’influence d’une piété aussi profonde et aussi généralement sentie pour arracher cette grande république au destin qui en a englouti tant d’autres. Il fallait arrêter et faire rebrousser le flot envahissant de la corruption.
On le sentait, on le comprenait partout ; c’est pourquoi le lieu de prière était devenu le lieu du secours désiré. Les hommes s’y précipitaient, déterminés à prendre de grandes résolutions, à demander beaucoup de choses et des choses considérables. Aussi, leur cœur bondissait-il à la vue des merveilles que Dieu opérait. N’y avait-il pas là de quoi justifier l’enthousiasme ? Oui ! et Dieu soit béni de ce que l’enthousiasme a éclaté !
Il est un autre caractère particulier et très intéressant de ce réveil, caractère qu’il a présenté depuis son origine, à savoir : sa catholicitéb. Sous ce rapport, il n’a ressemblé en rien aux précédents. Il a commencé dans l’ancienne église hollandaise, mais sans se renfermer dans cette dénomination, ni parmi les membres de cette communauté.
b – Il faut prendre ce mot dans le sens d’universalité ; l’église catholique romaine restant évidemment étrangère au Réveil, qui signifierait pour elle rien moins que le renoncement à ses doctrines corrompues, et à sa prétention à la primauté. (ThéoTEX).
L’ancienne église hollandaise sera toujours regardée comme un lieu sacré, parce qu’elle a vu naître la première réunion de prière. Mais, dans cette première réunion de midi, dans cette chambre haute de Fulton Street, où six personnes étaient réunies, quatre dénominations se trouvaient déjà représentées. Cette respectable église avait été, qui sait ! épargnée dans le but de devenir, non plus, comme jadis, le quartier-général d’une bande de soldats anglais, mais bien le rendez-vous de chrétiens de toutes dénominations. L’union devint, dès le début, le caractère des assemblées tenues dans ce vénérable édifice, et demeura le caractère distinctif de ces réunions de prière dans tous les Etats américains.
La pensée que Dieu avait eu un but en protégeant cette dénomination-là contre toutes les divisions et les controverses du jour, a souvent traversé notre esprit. L’église hollandaise s’est fait remarquer constamment, parmi les autres églises, par la pureté et la solidité de ses doctrines, qui sont toujours demeurées irréprochables. Un début opéré au sein de toute autre dénomination aurait compromis, ce semble, la catholicité de cette œuvre glorieuse ; il aurait éveillé la défiance, excité la jalousie et soulevé les oppositions ; tandis que tous les partis religieux avaient, au contraire, conservé une vive sympathie pour cette communauté chrétienne.
Les réunions mixtes de prière (réunions de prière où toutes les dénominations se confondent) sont un fait nouveau et un symbole. Ce symbole accuse la présence d’une réalité que rien n’avait aussi bien manifestée jusqu’à nos jours, à savoir : qu’au-dessus de toutes les diversités d’opinions qui séparent les chrétiens en plusieurs groupes, il existe entre eux beaucoup d’éléments communs, une unité profonde et positive qui les lie étroitement. N’était cela, les réunions mixtes seraient une contradiction dans les termes et une impossibilité ; tandis que le sentiment de cette unité profonde et de cette fraternité quand même, est précisément ce qui réjouit et fortifie les âmes, en les unissant toutes en un seul corps, sur un terrain commun. Ce qui démontre l’existence de cette unité et de ces éléments de cohésion, c’est le fait que dans toutes nos cités américaines ceux qui suivent ces réunions mixtes ont toujours été infiniment plus nombreux que ceux qui se rattachent à une église spéciale ou à un lieu de culte particulier. Tel est le cas à New-York, à Philadelphie et dans les autres grandes villes. Des foules se rendent à ces réunions sans se demander qui elles vont y trouver, ni à quelle dénomination elles auront affaire. Eh ! que leur importent, en effet, toutes ces vaines distinctions !
Un dernier caractère de cette œuvre, c’est qu’elle a été conduite par des laïques. Ce sont eux qui l’ont commencée ; ce sont eux qui la continuent. Les pasteurs prennent part à la direction, mais ni plus ni moins que les autres chrétiens. On les voit souvent dans ces assemblées, mais ils n’y exercent aucune surveillance. Ils viennent librement prendre place sur les bancs, ils se mêlent à l’auditoire, et l’on serait en peine de les distinguer du reste, à moins que leur mise, peut-être, ne les trahisse parfois. La plupart du temps, ils restent spectateurs. Ils y viennent uniquement pour chercher la prière, parce qu’ils partagent les besoins de tous, et qu’ils sentent comme tous qu’il leur est bon de s’approcher de Dieu.
Cette direction des laïques dans les réunions mixtes en a favorisé considérablement la catholicité et a produit plusieurs autres résultats excellents. Nous croyons voir une dispensation pleine de sagesse dans le fait que le réveil a commencé par les laïques, et qu’ils y ont pris une si large part d’activité. Les églises y ont trouvé la révélation d’une force nouvelle qu’elles portaient dans leur sein, sans le savoir, qui y était demeurée ensevelie jusqu’ici à l’état latent, et dont encore maintenant elles ne connaissent que très imparfaitement la prodigieuse puissance d’expansion.
Dans les précédents réveils, c’était toujours le petit nombre qui portait tout le faix du jour. Le pasteur était comme écrasé sous le fardeau et combattait courageusement pour remplir sa tâche. Ils étaient bien peu nombreux ceux qui se sentaient appelés à prendre leur part dans ce labeur et dans cette responsabilité. La grande masse des chrétiens demeurait spectatrice du salut de Dieu, non par esprit d’obéissance ou d’humilité, mais par pure inertie et par manque de vie. Les chrétiens ne sentaient et ne voyaient ni plus ni moins que ce qu’on leur faisait voir et sentir. Ils n’avaient pas compris que leur devoir était de secouer leur propre torpeur et de saisir le Seigneur au passage. Dans tous ces réveils, par conséquent, la puissance cachée et collective d’une masse laïque vivante était demeurée inconnue. Mais ici, cette puissance s’est manifestée comme jamais elle ne l’avait fait, et encore croyons-nous qu’elle commence à peine à être bien comprise. La manière dont Dieu a agi a mis plus que jamais en évidence la puissance de l’Eglise (nous disons de l’Eglise, et non pas du ministère), et elle l’a fait sans éveiller aucune jalousie. Aussi, jamais les pasteurs n’avaient trouvé dans leurs ouailles une si abondante collaboration, et jamais ils n’avaient travaillé ni prêché avec autant de courage et d’espérance.