A ceux qui font profession d'être chrétiens

IV° DISCOURS - LA REPREHENSION EST UN DEVOIR

« Tu reprendras soigneusement ton prochain, et tu ne souffriras point de péché en lui. » Lev. XIX.17.

Voici le verset entier, traduit exactement : « Tu ne haïras point ton frère dans ton coeur. Tu reprendras soigneusement ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause de lui. »

La pensée est donc : si tu ne reprends pas soigneusement le pécheur, tu deviens son complice; mais si tu le reprends soigneusement, comme je te le recommande, tu n'es point son complice, tu ne participes pas à son péché, « et tu ne porteras pas de péché à cause de lui. »

En vous parlant de ce commandement de Dieu, je me propose :

I. De vous en montrer les motifs;

II. De vous montrer à qui il s'adresse;

III. De mentionner quelques exceptions que Dieu a faites à son accomplissement ;

IV. De vous montrer la manière de l'accomplir ;

V. De vous présenter quelques cas particuliers où il doit être accompli;

VI. D'examiner quelques difficultés qu'on élève parfois contre son accomplissement.

I.

Les raisons du commandement que Dieu nous donne ici.

1. L'amour pour Dieu en exige évidemment l'exécution.

Si vous aimez réellement Dieu, vous vous sentirez tenus de reprendre ceux qui le haïssent, qui l'outragent et qui violent ses commandements. Si j'aime le gouvernement de ce pays, ne reprendrai-je pas celui qui insultera et outragera ce gouvernement ? Si un enfant aime ses  parents, n'en résultera-t-il pas tout naturellement qu'il reprendra celui qui parlera mal d'eux en sa présence ?

2. L'amour pour cet univers que Dieu a créé en demande autant.

Si un homme, aime la création de Dieu, s'il est animé d'une bienveillance universelle, il comprend parfaitement que le péché est incompatible avec le plus grand bien de l'univers, qu'il tend directement à en renverser l'ordre et à en détruire le bonheur ; qu'il est fait pour le gâter, le ruiner, et qu'il ne manquerait pas de le faire, s'il n'était rendu impuissant. Lors donc qu'un tel homme voit le péché à l'oeuvre, sa bienveillance le conduit à le reprendre et à le combattre.

3. L'amour pour la société dans laquelle vous vivez est une autre raison.

Ce n'est pas seulement l'amour pour l'univers en général, c'est l'amour pour la société particulière, quelle qu'elle soit, dont vous êtes membre, qui doit vous pousser à reprendre le péché. Le péché est l'opprobre d'un peuple; et celui qui pèche, quel qu'il soit, produit un état de la société qui est nuisible à tout ce qui est bon ; son exemple tend à corrompre la société, à détruire sa paix, à introduire le désordre et la ruine, et c'est le devoir de quiconque aime son peuple de résister au péché et de le réprimander.

4. L'amour pour le prochain doit vous conduire ça la même conclusion

Le prochain est ici quiconque pèche dans le milieu où s'étend votre influence ; non seulement en votre présence, mais encore dans votre voisinage, ou dans votre nation, ou dans le reste du monde, partout où votre influence peut s'exercer. Si votre prochain pèche, il se fait du tort à lui-même, si donc vous l'aimez vous devez reprendre son péché. L'amour pour celui qui tombe dans l'intempérance doit nous conduire à l'avertir des conséquences de sa conduite. Supposez que nous voyions notre prochain exposé à quelque grand péril extérieur, par exemple que le feu soit à sa maison. Un véritable amour nous poussera à l'avertir et à ne pas le laisser périr dans les flammes. S'il arrivait qu'il demeurât, volontairement au milieu du péril, nous n'épargnerions aucun effort pour le sauver de sa propre folié et nous ne souffririons pas qu'il se détruisit lui-même, pour peu qu'il nous fût possible de l'en empêcher. Beaucoup plus encore devons-nous l'avertir des conséquences du péché, le reprendre et nous efforcer de l'amener à la repentance avant qu'il soit trop tard.

5. Il serait cruel d'agir autrement.

Si vous voyez votre voisin pécher et que vous passiez outre, négligeant de le reprendre, c'est tout aussi cruel que si vous voyiez sa maison en feu et que vous passiez votre chemin sans l'en avertir, Pourquoi ne l'avertiriez-vous pas ? S'il est dans la maison et que la maison brille, il perdra la vie ; s'il pèche et qu'il reste dans son péché, il ira en enfer ; ne serait-ce pas cruel que de le laisser, aller en enfer sans l'avertir ? Il y a des gens qui semblent penser que ce n'est pas cruel de laisser son prochain marcher dans le péché jusqu'à ce que la colère de Dieu éclate sur lui ; leurs sentiments sont si tendres qu'ils craignent de le blesser en lui parlant de son péché et du danger qu'il court. Certainement, « les tendres compassions du méchant sont cruelles. » Au lieu d'avertir son prochain des conséquences du péché, il l'encourage à persévérer dans sa mauvaise voie.

6. Refuser de reprendre son prochain quand il pèche, c'est se révolter contre Dieu.

Voir la rébellion et ne point la blâmer, ni s'y opposer, c'est être soi-même rebelle ; les lois humaines elles-mêmes le considèrent ainsi. Si quelqu'un a connaissance d'un complot de trahison et qu'il ne le dévoile point, ou n'entreprenne point de le mettre à néant, il sera tenu pour complice et condamné comme tel par la loi. De même si quelqu'un voit la révolte contre Dieu s'organiser et qu'il ne s'y oppose point et ne fasse aucun effort pour la supprimer, il est lui-même un révolté.

7. Si vous ne reprenez pas votre prochain quand il pèche, vous êtes responsable de sa mort.

Dieu nous tient responsables de la mort de ceux que nous laissons marcher dans le péché sans les reprendre ; et cela est juste, Dieu doit agir ainsi. Si nous les voyons pécher et que nous ne fassions pas d'opposition, ne leur adressant aucune réprimande, nous consentons à leur péché et nous les encourageons à le commettre. Si vous voyez un homme se préparer à tuer son prochain et que vous restiez tranquille, ne faisant rien pour l'en empêcher, vous consentez au crime et vous en êtes responsable comme complice ; aux yeux de Dieu et d'après les lois humaines vous êtes coupable exactement comme le meurtrier. Le sang du meurtrier sera sur sa propre tête, mais de quelle main Dieu le redemandera-t-il ? Que dit Dieu à celui qu'il a établi comme sentinelle ? « Fils de l'homme, je t'établis comme sentinelle sur la maison d'Israël. Tu écouteras la parole qui sortira de ma bouche, et tu les avertiras de ma part. Quand je dirai au méchant : Tu mourras, si tu ne l'avertis pas, si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa mauvaise voie et pour lui sauver la vie, ce méchant mourra dans son iniquité, et je redemanderai son sang de ta Main (Eze III.17,18.) »: Ceci s'applique à tous les hommes, et non pas .seulement ceux qui sont réputés avoir charge d'âmes. Si vous souffrez que votre prochain, quand il peut être atteint par votre influence, marche dans le péché sans être averti, il mourra .dans son iniquité, mais son sang sera redemandé de votre main.

8. Votre silence l'encourage à pécher.

Votre silence l'autorise à penser que vous approuvez son péché, ou tout au moins, que vous ne vous en mettez point en peine. Il pensera cela d'autant plus, s'il sait que vous faites profession de christianisme. Comme le dit une maxime bien connue : « qui ne dit rien, consent. » Les pécheurs regardent votre silence comme une sanction implicite de leur conduite.

9. En reprenant votre prochain lorsqu'il pèche, vous pouvez le sauver.

Combien de gens ont été réformés par une répréhension venant à propos! La plupart de ceux qui sont sauvés l'ont été par quelqu'un qui les a repris à cause de leur péché et qui les a pressés de se repentir. Vous pouvez être. l'instrument par lequel un homme sera sauvé éternellement, si vous lui parlez, si vous le reprenez et si vous priez pour lui comme vous le devez. Dans combien de circonstances une simple répréhension n'a-t-elle pas été pour le transgresseur comme la flèche empoisonnée qui demeure dans la plaie et qui brûle jusqu'à ce que le feu ait envahi tout le corps, de sorte qu'enfin le pécheur n'a pu que se soumettre à Dieu! J'ai connu des cas où un regard de réprobation a suffi pour accomplir l'oeuvre.

10. Si vous ne sauvez pas celui que vous reprenez, votre répréhension peut sauver quelque autre personne qui en aurait connaissance.

Il est arrivé souvent que le transgressent n'a pas été corrigé, mais que d'autres ont été détournés de suivre son exemple par la répréhension qui lui avait été adressée. Sans contredit, si tous les chrétiens de profession étaient fidèles au devoir d'exercer la  répréhension, les pécheurs craindraient souvent d'encourir leur blâme et cette crainte les arrêterait dans leur mauvaise conduite. Des multitudes de gens qui poursuivent leur mauvaise voie sans honte et sans crainte s'arrêteraient alors, réfléchiraient, s'amenderaient, et seraient sauvés. Cette raison d'être fidèle étant mise sous vos yeux, pourriez-vous encore laisser les pécheurs sans avertissement, et les voir ainsi se précipiter vers l'enfer?

11. Dieu requiert expressément que vous repreniez votre prochain.

L'expression de notre texte, dans l'original, est extrêmement, forte. Le mot qui signifie tu reprendras est répété, répétition qui, en hébreu, redouble la force du terme et par conséquent celle de la pensée; cette répétition est destinée à ne pas laisser dans l'esprit la moindre incertitude relativement au devoir imposé à chacun de reprendre son prochain quand il pèche ; de façon à ce que celui qui manquerait à ce devoir ne pût trouver aucune excuse à sa conduite. Il n'y a pas, dans toute la Bible, de commandement plus formel que celui-là; Dieu lui a donné l'expression la plus, forte qu'il pût prendre. « Tu reprendras, tu reprendras ton prochain, » tu n'auras aucune excuse si tu ne le fais pas; « et tu ne porteras pas son péché, » tu ne seras pas complice dans sa ruine. C'est une maxime de jurisprudence que si un homme a connaissance d'un meurtre qui va se commettre et qu'il n'emploie pas les moyens à sa portée pour le prévenir, il doit être tenu pour « complice avant le fait ; » et que s'il a connaissance d'un meurtre déjà commis et qu'il ne fasse rien pour amener le criminel en justice, il doit être tenu pour « complice après le fait. » De même, selon la loi de Dieu, si, quand cela vous est possible, vous ne vous efforcez pas d'amener un transgresseur à la repentance, vous êtes impliqué dans le crime et vous en êtes responsable devant le trône de Dieu.

12. Si vous observez le commandement de Dieu, vous garderez une conscience sans reproche à l'égard de votre prochain, quelle que soit sa fin.

Vous ne pouvez pas avoir cette conscience sans reproche si vous n'êtes pas fidèle quant au devoir de reprendre le péché. En effet, ce n'est point vivre consciencieusement envers Dieu et envers les hommes, que de négliger de 'reprendre les transgresseurs qui sont sous votre influence. Nous rencontrons ici une des principales raisons pour lesquelles il y a si peu de conscience dans l'église. En effet, s'il est un point où les chrétiens de profession aient l'habitude de résister à leur conscience, c'est bien le devoir de reprendre le péché. Nous avons ici un des commandements les plus positifs de la Bible, et cependant la plupart n'y font absolument aucune attention. Peuvent-ils avoir une conscience pure? Ils pourraient tout aussi bien prétendre avoir une conscience pure en s'enivrant tous les jours. Aucun homme n'observe la loi de Dieu, ni ne garde une conscience pure, s'il peut voir le péché sans le reprendre. C'est là pécher à un double égard. Premièrement, devenir complice de la transgression de son prochain; ensuite, désobéir au commandement formel renfermé dans notre texte.

13. A moins que vous ne repreniez les hommes au sujet de leur péché, vous n'êtes pas prêts à les rencontrer au Jugement dernier.

Etes-vous préparés à rencontrer vos enfants au jour du Jugement, si vous ne les avez pas repris, ni châtiés, ne veillant point sur leur caractère moral? — « Certainement non, » me répondez-vous. — Et pourquoi? « Parce que, dites-vous, c'est là la tâche que Dieu nous a assignée, c'est notre devoir, nous en sommes responsables devant lui. » Très bien! Et cette personne qui pèche, là, sous vos yeux, ou dans le cercle où s'étend votre influence, qui est en route pour l'enfer et que vous n'avez jamais reprise, vous n'auriez aucune responsabilité à son égard! Oh! combien de gens qui gémissent maintenant dans l'enfer et que vous avez vus pécher sans les avertir! Leurs malédictions sont maintenant sur votre tête.

14. A moins que vous n'exerciez la répréhension vous n'êtes point préparés à la rencontre de votre Dieu.

Combien de gens qui font profession d'aimer Dieu et qui cependant, de leur propre aveu, ne l'aiment pas assez pour pouvoir dire qu'ils obéissent à son commandement! De telles gens sont-ils préparés à la rencontre de Dieu? Quand il dit : « Tu reprendras soigneusement ton prochain, » il n'admet aucune excuse.

II.

A qui le commandement s'adresse.

Il s'adresse manifestement à tout homme qui a un prochain. Il était adressé à tout le peuple d'Israël, et à travers Israël, il est adressé à tous ceux qui sont sous le gouvernement de Dieu, — à ceux qui sont haut placés et à ceux qui sont plus. bas, aux riches et aux pauvres, aux vieux et aux jeunes, aux hommes et aux femmes, à tout individu, quel qu'il soit, qui est sous le gouvernement de Dieu ou qui est tenu d'obéir à ses commandements.

III.

Quelques exceptions à observer dans l'exécution de ce commandement universel.

Celui qui fait la loi a le droit d'établir des exceptions. Or, il y a quelques exceptions faites par la Bible à la règle qu'établit notre texte.

1. Dieu dit : «ne reprends point le moqueur, de peur qu'il ne te haïsse. »

Il y a des gens qui sont connus pour être des moqueurs, des gens qui méprisent toute religion, qui haïssent Dieu, qui n’ont aucun respect pour sa loi et qui ne sont influencés ni par crainte, ni par souci d'un Dieu quelconque. Pourquoi reprendriez-vous ces gens-là? Cela ne ferait que provoquer une querelle, sans aucun profit pour qui que ce soit. C'est pour cela que Dieu a fait une exception à la règle à l'égard de cette classe de personnes.

2. Jésus-Christ dit : « Ne jetez pas vos perles aux pourceaux de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et que se retournant ils ne vous déchirent. »

Quoi que ce passage puisse signifier d'autre, il me paraît signifier ceci: les gens sont parfois dans un tel état d'esprit que leur parler de religion serait à la fois irrationnel et dangereux, comme de jeter ses perles aux pourceaux. Ils ont un tel mépris pour la religion, un coeur si stupide, si sensuel, si profane, si brutal, qu'ils fouleraient aux pieds toutes vos réprimandes et qu'ils se retourneraient contre vous avec colère. Il est conforme à la loi de Dieu de laisser de telles. gens poursuivre leur chemin; et ne vous point mêler avec eux sera plus sage que de chercher à les attirer. Mais ici il faut user d'une grande charité pour ne point regarder comme pourceaux ceux de vos semblables qui ne méritent pas d'être regardés comme tels, et qui pourraient tirer profit d'une répréhension convenable.

3. Ceux qui sont pétrifiés dans leur propre justice, — vaut mieux les laisser de côté.

Jésus disait des scribes et des pharisiens : « Laissez-les, ce sont des aveugles. » C'est à dire: ils sont si remplis d'orgueil et de suffisance, si satisfaits de leur haute sagesse et de leur bonté, qu'ils ne peuvent être atteints par aucune répréhension ; il semble mieux de les laisser, car si vous vous mettez à les reprendre, autant vaudrait prétendre émouvoir la pierre et le bois que de songer à faire la moindre impression sur eux; ils vous feront baisser les yeux; ils sont tellement remplis d'arguments, de disputes, de menaces et de forfanterie, que vous ne gagnerez absolument rien.

IV.

La manière d'exercer la répréhension.

1. Elle doit toujours être faite au nom du Seigneur.

Il est important, quand vous reprenez votre prochain, qu'il sente qu'il n'y a là aucune controverse personnelle, aucune pensée égoïste de votre part, aucune idée de prétendre à quelque supériorité, aucune tentative de prendre autorité sur lui; mais que vous venez au nom du Seigneur, et pour l'honneur de Dieu, parce que sa loi a été violée. Si, par votre manière de faire, vous produisez l'impression qu'il y a là une controverse personnelle, ou que vous agissez par quelque motif d'amour-propre, votre prochain s'élèvera invariablement contre vous; il vous résistera, et peut-être retournera contre vous tout ce que vous lui aurez dit. Mais si vous faites sur lui l'impression que vous venez au nom de Dieu et que vous le transportiez d'emblée en la présence du Seigneur, comme un violateur de sa loi, il trouvera extrêmement difficile de vous échapper sans confesser au moins qu'il a tort.

2. La répréhension doit toujours être faite avec une grande solennité.

Par dessus toutes choses, n'allez pas lui faire penser qu'il s'agit là de quelque bagatelle; vous devez lui faire sentir que vous le reprenez pour un péché contre Dieu, et que c'est là pour vous une chose terrible.

3. Vous devez user d'une sévérité plus ou moins grande selon la nature du cas et selon les circonstances dans lesquelles le péché a été commis.

a) Il faut considérer la relation qu'il y a entre vous et celui que vous devez reprendre.

Si un enfant doit reprendre son père ou sa mère, qu'il le fasse d'une manière qui convienne à sa position d'enfant. Si quelqu'un doit reprendre un magistrat ou un vieillard, qu'il le fasse en « l'exhortant comme un père, » ainsi que le dit l'apôtre Paul ; sa manière d'exercer la répréhension devra être tout entière inspirée par cet esprit filial. Il faut tenir compte de même des différentes relations qu'il y a entre parents et enfants, entre maris et femmes, entre frères et soeurs; il faut tenir compte aussi des différences d'âge et des diverses circonstances de la vie de chacun. Il serait inconvenant que des serviteurs reprissent leurs maîtres de la même manière qu'ils reprendraient leurs égaux. Ce point ne doit jamais être oublié, car s'il l'est, tout le bon effet de la répréhension sera perdu. Mais rappelez-vous ceci: NI RAPPORTS DE POSITION, NI CIRCONSTANCES QUELCONQUES DE VOTRE VIE OU DE CELLE DU TRANSGRESSEUR, NE PEUVENT VOUS SOUSTRAIRE A L'OBLIGATION DE LE REPRENDRE. Quels que soient les rapports dans lesquels vous êtes avec le pécheur, vous êtes tenu de reprendre le péché et de le faire au nom du Seigneur. Faites-le, non comme vous plaignant, ou comme trouvant à redire pour quelque tort fait à votre personne, mais comme reprenant un péché commis contre Dieu. Ainsi quand un enfant doit reprendre l'un de ses parents, il ne doit pas agir comme s'il faisait quelque remontrance pour une injure qu'il aurait reçue lui-même; mais avec l'oeil fixé sur le fait que son père ou sa mère a péché contre Dieu; il doit le faire par conséquent avec toute la simplicité; la fidélité et la fermeté nécessaires.

b) La répréhension doit tenir compte de la connaissance plus ou moins grande que le transgresseur a de son devoir.

S'il est un ignorant, la répréhension doit s'exercer plutôt sous forme d'instruction que sous forme de sévère réprimande. Comment faites-vous avec votre jeune enfant ? Vous l'instruisez et vous vous efforcez de l'éclairer sur sou devoir. Naturellement vous agissez tout autrement qu'avec un pécheur endurci.

c) Il faut aussi tenir compte de la fréquence du péché.

Vous ne reprendrez pas un premier péché de la même manière qu'une transgression habituelle. Si votre prochain a l'habitude de pécher, bien qu'il sache qu'il fait mal, vous devez user d'une plus grande sévérité; mais s'il pèche pour la première fois, il se peut qu'une simple allusion suffise pour prévenir la répétition du fait.

d) Vous devez considérer aussi la fréquence de la répréhension qui a pu être déjà exercée.

S'il s'agit non seulement d'un péché fréquent, mais encore, d'un péché fréquemment repris et que le pécheur ait raidi son cou, il est extrêmement nécessaire d'user de sévérité. Il a résisté aux répréhensions précédentes et s'est ainsi endurci, aussi ne sera-ce pas une répréhension ordinaire qui pourra le tirer de là. Il a besoin que les terreurs du jugement fondent sur lui comme une tempête de grêle.

4. Faites en sorte qu'à la façon dont vous reprenez, on reconnaisse toujours qu'il n'y a point chez vous de susceptibilité personnelle.

Ne manifestez jamais à l'égard du transgresseur un déplaisir qu'il pourrait prendre pour de la mauvaise humeur.

Néanmoins il est souvent, nécessaire de manifester le plus, grand déplaisir au sujet de ses actions, autrement il penserait que vous n'êtes point sérieux. Supposez que vous repreniez un homme pour un meurtre et que vous le fassiez d'une façon qui ne dénoterait aucune horreur pour le crime; il est clair qu'alors vous n'auriez à attendre aucun bon résultat de votre répréhension. Celle-ci doit être en rapport avec la nature du crime, sans jamais produire l'impression qu'elle procède de quelque sentiment personnel. Nous touchons ici à l'un des grands défauts de la répréhension telle qu'elle est pratiquée actuellement soit dans la chaire, soit ailleurs. De peur de blesser, l'on n'exprime pas d'horreur pour le péché, aussi les transgresseurs ne sont-ils que rarement corrigés.

5. Reprenez toujours avec l'Esprit de Dieu.

Vous devez être toujours tellement rempli du Saint-Esprit que lorsque vous reprenez quelqu'un à cause de son péché, il sente que cela vient de Dieu. J'ai connu des cas où la répréhension faite par un chrétien dans cet état a transpercé le coeur du transgresseur comme une flèche du Tout-Puissant, de sorte qu'il n'a pu s'en débarrasser jusqu'à ce qu'il se fût repenti.

6. Il y  a différentes manières de faire parvenir la répréhension.

Parfois le mieux est d'envoyer une lettre, soit que la personne habite à distance, soit même qu'elle habite dans votre voisinage. Je connais un homme qui traversant l'Atlantique employa ce moyen pour réprimander le capitaine de vaisseau qui se rendait coupable d'intempérance. Ce capitaine buvait énormément, surtout quand le temps était mauvais et que l'on avait le plus besoin de ses services. Celui qui le reprit fut quelque temps dans une grande angoisse, car le capitaine n'était pas seulement intempérant, il était encore fort méchant quand il avait bu, de sorte qu'à bord la vie de tous était en danger. Mais le serviteur de Dieu en fit un sujet de prières. Le cas était difficile ; il ne savait en effet comment aborder le capitaine de manière à ce qu'il nit probable que du bien et non du mal en résulterait ; car il y .avait à craindre de le blesser ; vous savez en effet qu'un capitaine de vaisseau est un parfait despote, et qu'il a, en mer, le pouvoir le plus absolu qu'il y ait au monde. Après quelque temps, le chrétien dont je parle s'assit et écrivit une lettre, puis il la donna de sa propre main au capitaine. Il lui montrait, dans cette lettre, sa conduite et le péché qu'il commettait envers Dieu et envers les hommes ; il le faisait simplement et affectueusement, mais fidèlement et de la manière la plus positive. Il fit tout cela avec beaucoup de prières. Le capitaine lut la lettre et se corrigea complètement. Il fit des excuses au serviteur de Dieu et ne toucha plus à aucune boisson autre que le thé et le café pendant toute la traversée.

7. Il est parfois nécessaire d'exercer la répréhension en formant des sociétés, en fondant des journaux, en formant le sentiment public et en le dirigeant contre tel péché particulier, de manière à produire une action continue qui finisse par l'écraser. Les sociétés de tempérance, les sociétés pour la réforme des moeurs, les sociétés contre l'esclavage, etc., ont été fondées dans ce but.

V.

Quelques cas dans lesquels il faut appliquer ces principes.

Ils doivent être appliqués tout particulièrement à ces crimes qui sont de nature à miner toutes les institutions de la société et à exercer leur influence au loin dans le monde. De tels péchés ne peuvent être tenus en échec et vaincus que par la fidélité dans l'exercice de la répréhension.

1. Violation du jour du repos.

Si partout et toujours tous les chrétiens étaient d'accord pour noter tout violateur du dimanche et pour le reprendre, ils feraient plus ainsi pour mettre fin à la violation de ce,jour que par tous les autres moyens. S'ils étaient bien unis dans ce but, combien de temps pensez-vous qu'il faudrait pour vaincre ce péché? Si seulement, un petit nombre d'entre eux étaient fidèles, fermes et persévérants, ils pourraient faire beaucoup. Mais s'il n'y en a que peu qui agissent et qu'ils ne le fassent que de temps en temps, l'effet ne sera pas grand.

Selon ma conviction, si tous ceux qui professent la religion étaient fidèles à exercer la répréhension, toute boutique d'épicerie, tout café, tout dépôt d'huîtres, et tout magasin de fruits seraient fermés le dimanche. Quoi qu'il en soit, ceux qui se disent chrétiens sont tenus de reprendre ceux qui violent le jour du Seigneur, quels qu'en puissent être les résultats ; et aussi longtemps qu'ils négligent ici leur devoir, ils sont responsables devant Dieu de toute la profanation du dimanche qui existe dans le lieu qu'ils habitent. Si toutes les églises du pays étaient unies pour adresser des remontrances au gouvernement, continuant à le faire avec fermeté, au nom du Seigneur, pensez-vous que le gouvernement continuerait à violer le jour du repos avec ses malles-postes? Non! je vous le dis, il ne le ferait pas. L'Eglise peut obtenir ce résultat en une année, je le crois, si toutes les congrégations sont unies d'un bout à l'autre du pays et qu'elles parlent haut, avec pleine liberté, dans la crainte de Dieu et sans aucune crainte des hommes. Si l'Eglise agissait ainsi, tout homme qui voudrait être élu à quelque poste se garderait bien de conseiller la violation du jour du Seigneur. Mais maintenant que l'Eglise est divisée et que l'on trouve en elle si peu de sérieux, elle élève si peu la voix, que le gouvernement la méprise et ne lui accorde aucune attention. L'Eglise est donc complice de la violation du jour du. Seigneur, et elle reste sans excuse, jusqu'à ce qu'elle élève hautement la voix et reprenne an nom de l'Eternel les gouvernants qui violent sa loi sainte.

2. Intempérance et débits de liqueurs.

Supposez que tout homme qui vend des liqueurs dans cette ville soit continuellement, l'objet des répréhensions que Dieu ordonne, supposez que chaque chrétien en relation avec lui le reprenne pour son péché; combien de temps encore continuera-t-il son funeste commerce? Si seulement l'Eglise faisait son devoir, si ce diacre, si cet ancien le faisait, et si chaque chrétien suivait son exemple, reprenant au nom du Seigneur ceux qui donnent la mort à leurs semblables en les empoisonnant avec leur absinthe, ce péché ne pourrait durer longtemps. Un tel témoignage, résolu et énergique, aurait bientôt arraché tous ces vendeurs de liqueurs à leur commerce de mort. Ils n'auraient plus d'autres moyens de se défendre que de céder à la pression d'une répréhension aussi solennelle.

3. Prostitution sous toutes ses formes.

C'est ici un mal immensément étendu et qui doit être repris universellement.

Il doit être repris impitoyablement, non seulement en chaire, mais dans la presse, dans les rues, jusqu'à ce qu'il soit arraché de ses places fortes et obligé de se cacher dans les chambres de l'enfer.

4. Esclavage.

Quoi ! faudra-t-il souffrir que les hommes commettent un péché d'une audace inouïe, un des péchés qui déshonorent le plus Dieu, et qu'ils ne soient pas repris ? C'est un péché. contre lequel tous les hommes doivent apporter leur témoignage, contre lequel tous doivent élever leur voix comme une trompette, jusqu'à ce que ce géant d'iniquité soit banni de notre pays. et du monde entier.

VI.

Je dois examiner quelques difficultés qu'on élève parfois contre l'accomplissement du devoir de la répréhension.

1. On demande souvent si c'est un devoir de reprendre son prochain quand on n'a pas l'espoir que cela puisse produire quelque bien.

Je réponds : il peut être très nécessaire de reprendre le péché dans beaucoup de cas où il n'y a pas à attendre que, le transgresseur en retire du profit. Ainsi dans le cas où votre silence serait pris pour de la connivence. Dans le cas encore où le fait que vous auriez repris le pécheur au sujet de son péché empêcherait d'autres personnes de tomber dans le même péché en suivant son exemple. Lorsque le transgresseur présente tous les caractères du moqueur ou du pourceau, Dieu fait une exception et vous n'êtes point tenu de reprendre ; mais dans tous les autres cas, le devoir est votre affaire et les conséquences appartiennent à Dieu.

2. On fait encore cette question : « Dois-je reprendre un étranger? » — Pourquoi pas? L'étranger n'est-il pas votre prochain ? Vous n'avez pas à reprendre un étranger de la même manière qu'une personne avec laquelle vous seriez familier; mais le fait que quelqu'un vous serait étranger n'est pas une raison pour qu'il ne soit pas repris s'il viole le commandement de Dieu. Si un homme jure d'une manière profane, ou viole le jour du Seigneur en votre présence, le fait qu'il est un étranger pour vous ne vous décharge pas de votre responsabilité à son égard, et ne vous dispense pas du devoir d'exercer la répréhension envers lui, ou de vous efforcer de l'amener à la repentance et de sauver son âme.

3. On demande encore si l'on doit reprendre quelqu'un qui est ivre. Généralement non, car quand une personne est ivre elle n'est pas dans son bon sens ; il peut y avoir des cas cependant où il serait bon de le faire, ainsi quand ce serait un avertissement pour d'autres personnes; mais règle générale, pour autant qu'il s'agit de l'ivrogne, il n'est pas utile d'exercer la répréhension. Cependant il y a beaucoup d'exemples où la répréhension adressée à un homme ivre a pris un tel empire sur son esprit qu'il en est devenu sobre et qu'il s'est dès lors détourné de son ignoble péché.

4. Dois-je reprendre quelqu'un de considérable ? quelqu'un qui est beaucoup plus haut placé que moi dans la société et qui pourrait jeter un regard de mépris sur moi et sur ma répréhension? — Cela ne change pas votre devoir. « Tu reprendras soigneusement ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause de lui. » Vous devez prendre en considération la position où il se trouve par rapport à vous et le traiter en conséquence. Mais encore une fois, s'il pèche contre Dieu, c'est votre devoir de le reprendre d'une manière convenable.

REMARQUES.

1. Ne parlez pas des péchés des autres, mais allez à eux et reprenez-les.

Parler des péchés des autres derrière leur dos est très ordinaire, mais c'est là une grande méchanceté. Si vous avez besoin de parler des péchés de quelqu'un, allez en parler à lui-même et efforcez-vous de l'amener à s'en repentir et à les abandonner. N'allez pas parler aux autres contre lui, à son insu, tandis que vous le laissez, lui, sans avertissement dans son péché, poursuivant sa route vers l'enfer.

2. Qu'il y a peu de gens parmi les chrétiens de profession qui soient pleinement consciencieux dans la pratique de ce devoir !

Il y a probablement des milliers de gens dans cette ville qui n'ont jamais pensé à l'accomplir. Oui, il y a des gens qui font profession de piété et qui vivent dans une désobéissance habituelle à ce commandement de Dieu si clair et si fortement exprimé. Et ils s'étonnent ensuite de ce qu'ils n'ont pas l'esprit de prière et de ce qu'il n'y pas plus de réveils!

3. Vous voyez pourquoi si peu de gens trouvent la joie dans la religion.

Ils vivent dans une négligence habituelle du commandement qui nous occupe, donnant toutes sortes d'excuses, là où Dieu n'en a admis aucune. Comment pourraient-ils être heureux dans leur religion? Qu'est-ce que l'univers penserait de Dieu s'il accordait la joie de la religion à des chrétiens aussi infidèles ?

4. Nous voyons que la grande majorité de ceux qui font profession de piété prennent plus de soin de leur propre réputation que des commandements de Dieu.

En voici la preuve : plutôt que de courir le risque d'être appelés censeurs ou de se faire des ennemis en reprenant le péché, ils laissent les hommes poursuivre leur voie dans le péché, sans avertissement, bien que Dieu ait dit : « Tu reprendras soigneusement ton prochain. »

— « Mais ! je l'offenserai si je reprends son péché. »

« Tu le reprendras soigneusement, » dit l'Eternel.

Ils montrent que leur crainte des hommes est plus grande que leur crainte de Dieu. De peur d'offenser les hommes, ils courent le risque d'offenser Dieu. Oui, vraiment, ils désobéissent complètement à Dieu dans un de ses commandements les plus clairs et les plus pressants, plutôt, que d'encourir le déplaisir des hommes en reprenant leur péché.

5. Aucun homme n'a le droit de nous dire, quand nous reprenons son péché, que ce n'est point notre affaire, que cela ne nous regarde pas.

Qu'elle est fréquente cette réponse ! Ceux qui reprennent fidèlement leur prochain sont appelés des importuns, des brouillons qui se mêlent des affaires d'autrui. Les gens du sud sont entrés dans une grande rage parce que nous nous efforçons de les convaincre que l'institution de l'esclavage est inique. Ils disent que ce n'est pas notre affaire, que la question de l'esclavage est leur affaire propre et ils ne souffrent pas que personne d'autre qu'eux s'en occupe ; ils exigent que nous les laissions tranquilles et ne veulent pas même nous permettre de parler sur ce sujet. Ils demandent que les législatures de nos Etats du nord fassent des lois nous défendant de reprendre le péché de notre prochain du sud qui tient des hommes en esclavage. Dieu nous défend de nous taire: L'Eternel lui-même nous a commandé de reprendre notre prochain soigneusement; peu nous importent les conséquences ! Nous les reprendrons quand bien même tout l'enfer devrait se soulever contre nous.

Nous efforcerons-nous de conserver la paix en participant au péché de l'esclavage ; en demeurant complices de ce péché? Dieu le défend. Nous parlerons de ce péché, nous apporterons notre témoignage contre lui, nous prierons à son sujet, et nous nous plaindrons de lui à Dieu et aux hommes. Le ciel doit savoir, et le monde doit savoir, et l'enfer doit savoir que nous protestons contre ce péché et que nous voulons continuer à le reprendre jusqu'à ce qu'il ait disparu. Le Dieu tout-puissant dit : « Tu reprendras soigneusement ton prochain ; » et nous ne pouvons autrement que de le faire.

De même le marchand de liqueurs ne cesse de dire : « Ce que je fais ne vous regarde pas, mêlez-vous de vos affaires et laissez-moi tranquille. » Mais c'est notre affaire de le reprendre quand il répand son poison ; et c'est l'affaire de chacun; tout homme est tenu, quand l'occasion lui en est donnée, de reprendre son crime jusqu'à ce qu'il l'ait abandonné et qu'il cesse de détruire le corps et l'âme de son prochain.

6. Nous voyons combien la fermeté est importante dans la religion.

Si un homme prétend aimer Dieu, il doit avoir assez de consistance, assez de fermeté, pour reprendre ceux qui s'opposent à Dieu. Si tous les chrétiens étaient fermes et persévérants dans ce devoir, beaucoup seraient convertis par ce moyen, un sentiment public juste et droit se formerait et le péché serait forcé de reculer devant la majesté de la répréhension chrétienne. Si ceux qui font profession d'être chrétiens n'étaient pas de tels poltrons, absolument désobéissants à un commandement de Dieu clair et net, une de ces deux choses arriverait certainement, ou ils mourraient martyrs, tués dans les rues, parce que les hommes ne pourraient supporter d'entendre la vérité, ou ceux-ci seraient promptement convertis à Dieu.

Que dire donc de pareils chrétiens ? Effrayés à la pensée de reprendre les pécheurs ! Quand Dieu commande, pas préparés à obéir! Que répondront-ils à Dieu?

Maintenant, bien-aimés, voulez-vous pratiquer ce devoir?

Voulez-vous reprendre le péché fidèlement et ne point porter de péché à cause de votre prochain ? Voulez-vous faire de toute votre vie un témoignage contre le péché ? Voulez-vous purifier vos âmes; ou voulez-vous conserver votre tranquillité, pour être bientôt écrasés sous le poids des crimes de tous les transgresseurs que vous auriez pu reprendre et que vous n'aurez pas repris ? Dieu dit: « tu reprendras fidèlement ton prochain et tu ne porteras aucun péché à cause de lui. »

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