On croyait aux mauvais esprits avant la captivité de Babylone. — Pourquoi les Juifs n’ont jamais précisé la doctrine du prince des démons. — Quels noms on lui donnait. — L’origine des démons. — Ils séjournent dans les airs et les endroits inhabités. — Toutes les maladies sont l’œuvre des démons. — Comment on les chassait. — La doctrine des anges déchus. — On croyait que les dieux païens étaient des démons. — La doctrine du diable et le Christianisme.
Il en est de la doctrine des démons comme de celle des anges ; elle n’a été définitivement formulée, théologiquement exprimée, que peu de temps avant Jésus-Christ, et cependant il est question de mauvais esprits ça et là dans l’Ancien Testament. Tout le monde connaît le prologue du poème de Job, où Satan (l’Adversaire) paraît devant le trône de Dieu. Au début du chapitre III de la Genèse, il est parlé d’un serpent qui est certainement aussi un esprit malfaisant. Quelle que soit, du reste, l’interprétation de ce passage, Ésaïe parle (Ésaïe 13.21 ; 34.14) de fantômes nocturnes, de boucs velus qui habitent les ruines ; et il désigne probablement des démons.
[Il est bon cependant de remarquer que ces boucs velus ne sont appelés démons que dans la traduction des lxx, et que le mot même de démons ne se trouve pas dans le texte hébreu. Les lxx ont changé les animaux désignés par le prophète en des personnages mythologiques. Les femelles sont devenues des Sirènes et les mâles velus des Satyres. La Vulgate latine introduit aussi le mot démons dans sa traduction.]
L’imagination populaire s’est toujours représenté les lieux inhabités hantés la nuit par de mauvais esprits. Cette opinion que les maladies sont envoyées aux hommes par des êtres invisibles et malfaisants paraît aussi fort ancienne. On en retrouve des traces dans le livre de Samuel (1 Samuel 16.23). Mais il n’est dit nulle part, dans les livres antérieurs à la captivité de Babylone, que le mal vienne de mauvais esprits. Le mal comme le bien, venait, pour l’Hébreu, de Jahveh (Exode 20.5). Dans le prologue de Job, Satan, qu’on le remarque bien, ne frappe Job qu’avec la permission de Dieu. Bref, le génie de l’hébraïsme primitif était essentiellement opposé au dualisme que suppose nécessairement une théorie des démons et surtout d’un prince des démons. Ce n’est qu’après être entrés en contact avec les Perses, que les Juifs ont introduit ce dualisme dans leurs croyances j et encore est-il resté toujours atténué par l’inébranlable monothéisme inhérent à leur race. C’est même là, disons-le en passant, qu’il faut chercher la différence fondamentale du Judaïsme et du Mazdéisme, quels que soient leurs emprunts réciproques. La première de ces religions est rigoureusement monothéiste ; la seconde est dualiste. De là le vague dans lequel est toujours restée, chez les Juifs, la doctrine du prince des démons. Ils sentaient parfaitement que s’ils précisaient, ils créaient une puissance du mal, opposée à Dieu, puissance du bien, et devenaient dualistes.
Interrogeons les écrits deutéro-canoniques de l’Ancien Testament, et les autres livres rédigés pendant les deux derniers siècles avant Jésus-Christ. Chose singulière, il y est souvent question des démons et de leur chef ; mais nulle part ce chef n’est appelé Satan ; et cependant Satan est souvent nommé dans le Nouveau Testament où il est considéré comme la personnification du mala. Dans les Apocryphes, le prince des démons porte d’autres noms. L’auteur de Tobie l’appelle Asmodée (Tobie 3.8 ; 8.3) ; et ce nom, qui se retrouve plus tard dans le Talmud, devait être usité au premier siècleb. Nous trouvons une fois dans les Apocryphes le mot διάβολος.
a – Josèphe, qui parle beaucoup de démons, ne nomme pas non plus Satan une seule fois.
b – Talmud de Babyl. Gittin, 68 a ; Lightfoot, op. cit., p. 805. Ce nom d’Asmodée doit avoir été emprunté aux Perses. Il était, dans leur croyance, le dieu de la concupiscence et ils l’appelaient Æschina-Daeva. Renan, Vie de Jésus, p. 262.
La démonologie des pseudépigraphes est d’une grande richesse et presque aussi complète que leur angélologie. Un des noms qu’ils emploient le plus est Béliar. Les oracles sybillins le désignent expressément comme le prince des démons et l’Antéchrist. Mais c’est surtout le livre d’Énoch qui renferme sur ce sujet les renseignements les plus complets et les plus variés. Il ne nomme pas moins de vingt chefs de démons et, ce qui est surprenant, nous ne trouvons au nombre de ces vingt ni Asmodée ni Samael. Celui-ci fut très célèbre plus tard ; le Targoum de Pseudo-Jonathan sur le Pentateuque nous apprend que c’est lui qui séduisit Eve. On l’appelait aussi Gog et Magog, ou Ermolaüs.
[Béliar : Orac. Sybill., livre III, 61 ; 2 Corinthiens 6.15. Quelques manuscrits orthographient ce mot Belial. Le Testament des douze patriarches emploie aussi le nom de Beliar qui n’est que la corruption de l’hébreu Belijahal, méchanceté. (Rilliet, Trad. des épîtres de saint Paul, note de la page 81). Gog et Magog : Targ. Ps. Jonath. sur Nombres 11.26. Ce nom est emprunté à Ézéchiel, ch. 28 et 29. Voir Apocalypse 20.8. Ermolaüs : Targ. Ps. Jonath. Ésaïe 11.4.]
Quant aux noms usités dans le Nouveau Testament, ils sont connus : c’est Satan qui tenta Jésus ; il est parlé aussi de Beelzéboul qui, pour les Pharisiens, était le prince des démonsc. Ce nom signifie dieu de l’impureté. Quelques manuscrits portent Beelzeboub, c’est-à-dire dieu des mouches. C’était le terme le plus usité dans le peuple. Il n’est probablement que la corruption de Beelzébub, l’ancien dieu des Philistins, transformé en démon par les Juifs. Car c’est un principe invariable, une loi de l’histoire des religions : les dieux de la religion qu’on remplace et avec laquelle on est en hostilité deviennent des démons dans la foi nouvelle.
c – Matthieu 12.24 ; Marc 3.22 ; Luc 11.15 et suiv. M. Rilliet traduit Beelzéboul par : Maître du logis. (Trad. des Évangiles, page 30, note 1).
Il est difficile de découvrir une hiérarchie proprement dite entre les divers démons. Ils ont un chef ; quelquefois plusieurs, mais généralement un seul. Au-dessous se placent les démons ordinaires entre lesquels aucune distinction n’est établie.
La question de leur origine est beaucoup plus importante. Elle est traitée dans le livre d’Énoch. Les géants, dit-il, nés des anges déchus et des filles des hommes sont devenus des démons (Énoch 15.8 et suiv.). Cette explication reposait sur une exégèse particulière du chap. 6 de la Genèse. Les « Fils de Dieu », dont parle le texte sacré, étaient des anges, disaient les Juifs du premier siècle. Leur union avec les filles des hommes a été une chute et les démons en sont nésd. Envoyés par Dieu sur la terre « pour instruire les hommes dans tout ce qu’ils doivent savoir », les anges se sont, en effet, laissé séduire par la beauté des filles des hommese. Nous avons parlé de sept archanges qui entourent le trône de Dieu. Il est probable qu’à l’origine ces archanges étaient beaucoup plus nombreux. Les uns sont tombés par leur désobéissance, les autres par amour pour les filles des hommes. Le livre d’Énoch compte deux cents anges qui sont déchus et parmi eux vingt chefs, c’est-à-dire, sans doute, vingt archanges (Énoch, vi, 5.)
d – Josèphe (D. Bell. Jud. vii, 6, 3) affirme que les démons sont les âmes des méchants. Mais il est seul de son avis et émet là une idée païenne.
e – Énoch., ch. 6 et suiv. Test. Ruben, § 5 ; Test. Nephthali, § 3. Cf. 1Corinth.11.10.
[La chute des anges, telle que l’expose le livre d’Énoch, était admise par les premiers chrétiens. Jude 1.6 ; 2 Pierre 4.11 ; Apocalypse 12.9. Cf. Jean 8.44.]
Il arrive à l’auteur du livre d’Énoch de confondre ce qu’il appelle les étoiles désobéissantes avec des anges déchus ; ce qui se conçoit très bien de la part d’un Juif versé dans l’étude des Écritures ; on sait que les étoiles y sont appelées les armées célestes ; « le Dieu des armées, » c’est le Dieu des étoiles, des puissances qui sont au cielf. Désigner les anges comme les lumières célestes, voilà une de ces idées populaires, enfantines comme on en rencontre dans tous les tempsg.
f – Test. Lévi, § 14. Voir sur le sens de cette expression « Dieu des armées » la Revue de Théol. de Lausanne, no d’avril 1877.
g – Philon distinguait avec soin les astres des anges (De Somn., i, 22).
Les démons habitent les airs ; c’est la demeure que leur assigne la théologie juive du premier siècle. On sait que saint Paul parle du « prince de la puissance de l’air (Éphésiens 2.2). » II est hors de doute qu’il désigne ici le chef des démons. Le livre d’Énoch et le Testament des douze patriarches tiennent le même langageh. L’opinion populaire leur assignait aussi pour séjour les déserts et les lieux inhabités. C’est au « désert » que Jésus-Christ rencontre Satan et plusieurs des démoniaques qu’il guérit. Asmodée (Tobie 8.3) est dans le désert de la haute Egypte. Jésus parle d’un démon qui est « dans les lieux arides (Matthieu 12.43 ; Luc 11.24 ; Apocalypse 18.2). » Énoch enfin dit qu’Azazel est dans le désert.
h – Test. Benjamin, § 3, appelle Beliar αἔριον πνεῦμα.
[S’agit-il de cet Azazel, divinité du désert, à laquelle on envoyait un bouc ; on ne saurait l’affirmer (Lévitique 16.20, 22). Philon trouvait cependant un certain rapport entre le bouc émissaire et les démons (quis rer. div. her., § 37).]
C’est de là qu’ils viennent pour tourmenter les hommes. Ils sont cause de leurs maladies, et non seulement des maladies étranges et inexplicables, comme la folie, mais de n’importe quelle affection morbide. On attribuait volontiers le moindre mal, la moindre douleur à un démon. Une femme courbée par l’âge était retenue dans cette position par un démon. Un sourd avait les oreilles fermées, et un muet la langue liée chacun par un démon.
Il pouvait arriver que la maladie ne fût que la punition d’une fautei ; mais ordinairement, elle était l’œuvre d’un esprit malfaisantj. Les démons pouvaient encore s’emparer entièrement du corps de certaines personnes. Enfin ce pouvoir exercé sur le corps humain n’était pas leur seule prérogative. Ils pouvaient « induire en tentation. »
i – Matthieu 9.2 ; Jean 5.14 ; 9.1-2 ; Jacques 5.15. Mischna Schabbath, ii, 6. Talm. de Babyl. Nedarim, fol 41 a.
j – Matthieu 9.33 ; 12.22 ; Marc 9.16 ; Luc 11.14 ; Actes 19.12. Tertull., Apol. adv. Marc. iv, 8.
[L’oraison dominicale dit (Matthieu 6.13) : « Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du méchant, » le méchant par excellence, c’est-à-dire le chef des démons. Ne nous induis pas est mis pour : ne nous laisse pas induire.]
Leur puissance s’étend jusques sur les pensées des hommes et sur leur destinée, dit Josèphe. Beliar a donné aux hommes sept esprits d’erreur, et c’est un d’eux qui a conseillé aux fils de Jacob de tuer leur jeune frèrek. Le diable fait des méchants sa propriété (Test. Nephthali, § 8, ὡς ἴδιον σκεῦος). Il peut aller jusqu’à tuer les hommes. Asmodée a tué les maris de Sara les uns après les autres, et un ange seul, Raphaël, a pu mettre fin à ces crimes (Tobie 3.8).
k – Test, de Dan., § 1. Id. de Ruben, § 2. Il est question aussi dans le Nouv. Test, de sept Esprits : Matthieu 12.45. Cf. Luc 8.2 ; Marc 16.9.
La folie surtout était considérée comme une possession. On se servait du même mot pour dire être fou et être démoniaque (Δαίμονᾶν signifiait être fou dans l’Antiquité classique).
On avait plusieurs moyens de se délivrer des démons. Il paraît évident que la médecine était avant tout l’art de chasser les démons, puisque toute maladie était une possession. Josèphe nous explique avec beaucoup de détails comment on s’y prenait. On prononçait certaines formules magiques (ἐπώδαι) ou bien on se servait d’une racine appelée Baaras Elle est, dit-il, couleur de feu, et il faut prendre beaucoup de précautions pour s’en emparer ; une fois qu’on s’en est rendu maître, on l’approche du nez du possédé et le démon s’enfuit. Le grave Josèphe affirme avoir été témoin d’une guérison de ce genre.
Cette croyance était commune au moyen âge. Sur les vitraux de nos vieilles cathédrales, on voit représentés des évêques exorcisant des possédés. Le démon sort par le nez.
Chasser les démons était une œuvre de bienfaisance à laquelle se livraient toutes les écoles de la Palestine. Les Pharisiens (Matthieu 12.27), en particulier, et les Esséniens étaient de fort habiles médecins. Ils se servaient de talismans. Chacun, du reste, avait sa méthode et l’état d’exorciste était régulièrement exercé au premier sièclel. Les Pharisiens se montraient d’une grande intolérance pour ceux qui, dans leurs exorcismes, ne suivaient pas les règles indiquées par eux ; croyant que le chef des mauvais esprits avait tout pouvoir sur ses subordonnés, ils disaient de celui qui guérissait sans suivre la méthode orthodoxe : il s’est livré au prince des démons ; il est en son pouvoir ; il est lui-même un démoniaque (Matthieu 12.24).
l – Tobie 8.2-3 ; Jos. op. cit. ; Justin, Dial. avec Tryphon, 85. Cf. Marc 9.38 ; Actes 19.13.
[A part cet unique exemple tiré de l’Évangile, Stapfer ne justifie pas que c’était là la une réflexion usuelle des pharisiens, lorsque quelqu’un guérissait sans leur secours. C’est bien plutôt l’efficacité sans faille, miraculeuse, de l’autorité guérissante de Jésus qui a provoqué leur jalousie, plus qu’une différence de méthode dans les exorcismes.]
Au moyen âge la même idée était très répandue dans le peuple ; les sorciers avaient vendu leur âme au diable ; au premier siècle, on disait de Jean-Baptiste : il a un démon (Luc 7.33). Ce devait être une expression du langage usuel. Quand on était hérétique, quand on s’éloignait des traditions reçues, on avait un démon aux yeux des conservateurs et du monde officiel.
Les démons, dont nous venons de parler, sont, nous l’avons dit, les géants nés du mariage des anges déchus avec les filles des hommes. Ils vivent en liberté dans les airs et, de là, exercent un pouvoir étendu sur l’humanité. Quant aux anges déchus eux-mêmes, leur sort est tout autre. Ils expient leur crime dans les tourments. Azazel est, pieds et mains liés, dans les ténèbres (Enoch, x, 4). Ses partisans sont aussi chargés de lourdes chaînes et de pierres énormes sous les montagnes, et y attendent le jour du jugementm. Les volcans (5) nous révèlent l’existence de la vallée de feu où ils souffrent.
m – Rapprocher cette légende de celle d’Encelade, géant révolté contre les dieux et enchaîné sous l’Etna, dont Virgile parle dans l’Enéide ; s’il remue, la montagne tremble et entre en éruption. Enéide, livre III, vers 578 et suiv.
Le livre d’Énoch a un passage fort curieux sur les sources chaudes qui sortent du sein de la terre. Ces sources d’eau guérissent, dit-il, les maladies du corps et de l’âme, mais châtient l’esprit : « Dienen zur Heilung der Seele und des Leibes, aber zur Bestrafung des Geistes ». Et si un jour les anges sont retirés de la vallée de feu, où ils ne subissent qu’un châtiment provisoire, pour subir les tourments éternels de l’enfer, alors ces sources chaudes se refroidiront (lxvii, 8-11).
Les anges déchus peuvent-ils, dans certains cas, revenir dans ce monde et tourmenter les hommes comme les géants-démons leurs fils ? Cette question n’était pas résolue. Le peuple ne faisait probablement pas de différence entre les démons et les anges déchus. Les Pharisiens et les docteurs devaient être seuls à enseigner cette distinction. Dans les classes populaires, les démons, les anges déchus, le diable formaient « le royaume des ténèbres. » Satan lui-même était-il un ange déchu ou un géant devenu démon ? Cette question-là devait aussi rester en suspens (Énoch, xl, 7).
Nous avons parlé plus haut, à propos de Béelzébub, d’une loi de l’histoire des religions d’après laquelle les dieux de la croyance qui disparaît deviennent des démons pour les sectateurs de la foi nouvelle. Quand saint Paul, ancien Pharisien, nous parle des dieux païens, il en fait, en effet, des démons (1 Corinthiens 8.4 ; 10.20). Tous les Juifs de son temps divisaient l’humanité en deux parties ; les païens et eux-mêmes. Les divinités que les païens adoraient étaient ennemies de leur Dieu ; elles étaient donc des démons. Le mot δαίμων ou δαιμόνιον qui signifie en grec divinité, prenait le sens de faux dieux ou de diable. Dans les Actes des apôtres, le mot δαιμόνια est aussi pris dans le sens de divinité, mais l’auteur fait parler les Athéniens (Actes 17.18).
Baruch, iv, 7. Voir aussi la traduction que donnent les lxx, du Psaumes 95 (Psaumes 96.5 du texte hébreu) : « Tous les dieux des païens sont des démons, » ὅτι πάντες οἱ ϑεοὶ τῶν ἐϑνῶν δαιμόνια. A Alexandrie, on n’était pas de cet avis. Philon (D. Profug., § 38), dit que les anges ont été pris par erreur pour des dieux par les païens. Il considérait donc les divinités de l’Olympe comme étant des anges. Protecteurs des éléments, ils répondaient, dans sa pensée, à ces Génies des Grecs qui peuplent et. vivifient le monde. En Palestine, ces dieux païens n’étaient rien moins que des anges, puisqu’ils passaient pour des démons.
On voit quelle puissance avait, au premier siècle, cette foi aux démons. On découvrait partout des esprits bons ou mauvais ; le monde invisible trahissait sans cesse sa présence. Chaque jour on croyait être témoin de la catastrophe finale qui annonçait l’arrivée du Messie. On vivait dans une attente continuelle ; et, dans un milieu si agité, les cas de folie et d’hallucination étaient nombreux. On sait que les maladies de ce genre sont beaucoup plus fréquentes aux époques de commotion politique ou religieuse ; et il en était ainsi dans ce siècle extraordinaire où le peuple Juif était toujours aux extrêmes de l’exaspération ou de l’enthousiasme. Rien d’étonnant qu’il ait été fertile en visions et en apparitions surnaturellesn ; rien d’étonnant non plus que tout ce qui sortait tant soit peu de l’ordinaire fut attribué à des puissances occultes. Les Saducéens, qui ne croyaient pas au monde invisible, faisaient exception ; c’était par besoin de réaction qu’ils étaient incrédules ; cette exception confirme la règle.
n – Notez l’illogisme flagrant de cette affirmation de Stapfer : s’il faut chercher la cause de ces visions et apparitions dans la maladie mentale, c’est qu’elles n’avaient rien de surnaturel ! On reconnaît là aisément l’influence délétère d’un Renan sur le protestantisme libéral. (ThéoTEX)
Quant aux chrétiens, ils se sont bornés, en général, à croire à un seul démon : Satan, le diable, malgré les nombreux passages bibliques qui affirment l’existence de plusieurs esprits du mal. L’origine de la doctrine du diable remonte aux passages des livres de Job et de Zaccharie (Job 1.6 ; Zacharie 3.1), où il est parlé d’un adversaire des hommes acharné à les accuser et à leur vouloir du mal. Plus tard cette idée de l’Adversaire (Satan) s’est combinée avec la notion d’un principe mauvais, telle que l’enseignait la religion dualiste des Perses, et c’est ainsi que se forma la doctrine juive d’abord, chrétienne ensuite, du diable qui est toujours restée subordonnée au monothéisme de l’une et l’autre religion.